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FIPECO le 14.04.2023                                                                       

Les fiches de l’encyclopédie                                                          I) Les comptes publics

3) La comptabilité générale de l’Etat

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Selon l’article 27 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, l’Etat doit « tenir une comptabilité générale de l’ensemble de ses opérations ». Son article 30 précise qu’elle est fondée sur le principe de la « constatation des droits et obligations » et que les opérations sont prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent par leur fait générateur indépendamment de leur date de paiement ou d’encaissement.

Les premiers comptes de l’Etat répondant à ces obligations ont été ceux de l’exercice 2006, la mise en place des systèmes d’information et des procédures comptables ainsi que la formation des agents ayant pris plusieurs années.

Cette fiche précise quelles sont les normes comptables appliquées, comment sont produits, adoptés et présentés les comptes puis comment ils sont certifiés.

A) Les normes comptables

L’article 30 de la LOLF précise que les règles applicables à la comptabilité générale de l’Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu’en raison des spécificités de son action. Ces règles comptables sont arrêtées par le ministre chargé des comptes publics après avis d’un comité consultatif de personnalités qualifiées publiques et privées, le « conseil de normalisation des comptes publics » (CNOCP).

Ces normes comptables sont rassemblées dans un « recueil » régulièrement mis à jour qui comprend 19 normes (en 2022), par exemple sur les immobilisations non financières, les produits régaliens ou les événements postérieurs à la clôture des comptes.

Un cadre conceptuel précise en outre en quoi les spécificités de l’action de l’Etat conduisent à adopter des normes de présentation des comptes ou de traitement des opérations qui diffèrent de celles applicables aux entreprises.

En particulier, le principal actif de l’Etat, sa capacité à lever l’impôt pendant un temps illimité, n’est pas comptabilisé car il est inestimable. En conséquence, ses actifs peuvent être inférieurs à ses passifs sans que cela remette en cause sa pérennité. La « situation nette » de l’Etat (écart entre le total des actifs et le total des passifs) est d’ailleurs négative (- 1 758 Md€ à fin 2022), ce qui correspond à l’accumulation des déficits réalisés depuis ses origines (il n’a pas de capital initial car on ne sait pas exactement quand et comment il a été créé).

La capacité à lever l’impôt de l’Etat résulte de son pouvoir souverain, qui a des conséquences sur la comptabilisation de certaines opérations. Les engagements qu’il prend envers ses agents au titre de leur retraite, par exemple, ne sont pas inscrits au passif de son bilan mais seulement annexés « hors bilan » car il peut toujours lui-même modifier les règles de liquidation et de revalorisation de leurs pensions.

Une norme est consacrée aux biens historiques et culturels, qui sont généralement comptabilisés à l’actif du bilan pour un euro symbolique.

La comptabilité générale de l’Etat couvre tous les services ou institutions de l’Etat non dotés d’une personnalité juridique, même si ces institutions sont qualifiées d’indépendantes.

L’Etat exerce également un contrôle sur de nombreuses entités disposant d’une personnalité juridique, par exemple parce qu’il les possède, les finance ou détient une part majoritaire de leur capital. Les normes comptables qui lui sont applicables précisent, selon la nature du contrôle exercé, les modalités de prise en compte de ces entités, principalement à l’actif de son bilan. Les normes précisent également le mode de comptabilisation des participations dans des entités non contrôlées. En revanche, il n’existe pas de comptes consolidés de l’Etat en comptabilité générale[1].

En dépit de ces particularités, les normes comptables de l’Etat sont souvent proches de celles qui sont appliquées dans les entreprises.

Il existe un système international de normes, dites IPSAS[2], applicables aux organismes publics, dont les normes comptables de l’Etat en France s’inspirent mais se démarquent assez souvent. En effet, selon la Cour des comptes, ces normes sont élaborées par un organisme privé qui associe peu les pouvoirs publics, sont trop calquées sur les normes comptables internationales des entreprises privées et ne sont en réalité pas adaptées aux spécificités du secteur public.

La France est un des rares pays européens où l’Etat a des comptes tenus en droits constatés et certifiés par une institution indépendante. La Commission européenne, à travers Eurostat, a lancé un projet d’élaboration de normes européennes de comptabilité générale applicables aux administrations publiques, mais c’est un chantier de très long terme[3]. Certains pays, notamment l’Allemagne, préfèrent se limiter à une comptabilité budgétaire de caisse et ceux qui ont adoptés une comptabilité générale, ou l’envisagent, sont encore loin de s’accorder sur les normes applicables.

B) La production, l’adoption et la présentation des comptes

1) La production et l’adoption des comptes

Les « comptables publics », agents de la direction générale des finances publiques, sont seuls chargés de tenir la comptabilité générale. Ils produisent les comptes de l’Etat en s’appuyant depuis 2012 sur un système d’information financière dénommé CHORUS qui est partagé entre les « ordonnateurs », les comptables et la Cour des comptes.

Les états financiers de l’exercice clos sont préparés par un comptable centralisateur des comptes de l’Etat puis arrêtés par le ministre en charge des comptes publics.

Ils sont présentés dans un document intitulé « compte général de l’Etat » qui comprend : un bilan, un compte de résultat, un tableau des flux de trésorerie, un tableau des engagements hors bilan et une annexe qui fournit les informations nécessaires à la compréhension et à l’interprétation de ce document.

Le compte général de l’Etat est accompagné d’un rapport de présentation qui expose les faits marquants de l’exercice et présente une analyse des comptes, d’un rapport sur le contrôle interne comptable de l’Etat qui décrit les actions menées pour limiter les risques financiers ainsi que d’une plaquette de communication financière. Ces documents sont joints au projet de loi de règlement du budget de l’exercice clos qui est présenté, en principe avant le 1er juin, par le Gouvernement au Parlement puis adopté par celui-ci.

2) La présentation des comptes

Les comptes de l’exercice clos sont systématiquement rapprochés des comptes de l’exercice précédent, ou des deux exercices précédents, ceux-ci étant retraités pour neutraliser l’impact des changements de méthodes.

a) Le compte de résultat

Le compte de résultat comprend trois tableaux :

  • un tableau des « charges nettes » distinguant les charges de fonctionnement (personnel, achats…) nettes des produits de fonctionnement (prestations de services…), les charges d’intervention (subventions aux entreprises, transferts aux ménages…) nettes des produits d’intervention (contributions reçues de tiers…) et les charges financières (intérêts sur la dette…) nettes des produits financiers (produits des immobilisations financières…) ;
  • un tableau des « produits régaliens nets », qui regroupent les produits des impôts, nets des remboursements et dégrèvements, et les « autres produits régaliens » (amendes…), nets des contributions de la France à l’Union européenne ;

 

  • un « tableau de détermination du solde des opérations de l’exercice » qui présente le solde des produits régaliens nets et des charges nettes avec leurs principales composantes.

Le tableau de détermination du solde des opérations de l’exercice (Md€)

 

2021

2022

Charges de fonctionnement nettes

206,7

225,6

Charges d’intervention nettes

198,7

200,1

Charges financières nettes

25,9

51,2

Charges nettes (I)

431,3

476,9

Produits fiscaux nets

306,2

330,7

Autres produits régaliens nets

10,6

10,4

Ressources propres de l’Union européenne

- 26,4

- 24,2

Produits régaliens nets (II)

290,5

316,9

Solde des opérations de l’exercice (II – I)

- 140,8

- 160,0

Source : compte général de l’Etat ; FIPECO.

L’articulation entre ce résultat en comptabilité générale et les résultats de l’Etat en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale font l’objet d’une fiche spécifique.

b) Le bilan

Le bilan comprend à l’actif : l’actif immobilisé, l’actif circulant, la trésorerie, et les comptes de régularisation. Il distingue au passif : les dettes financières, les dettes non financières, les provisions pour risques et charges, les autres passifs hors trésorerie, la trésorerie et les comptes de régularisation. Les actifs sont présentés à la fois bruts et nets des amortissements et dépréciations.

Le bilan au 31 décembre 2022 est caractérisé par un total des actifs nets de presque 1 300 Md€, un total des passifs de plus de 3 000 Md€ et une situation nette négative à hauteur d’environ – 1 750 Md€. L’importance des dettes financières (2 300 Md€) est aussi notable.

Le bilan de l’Etat au 31 décembre (Md€)

Actif net

2021

2022

Passif

2021

2022

Actif immobilisé

958

1 030

Dettes financières

2 189

2 328

Actif circulant

146

171

Dettes non financières

300

298

 

 

 

Provisions

159

176

 

 

 

Autres passifs hors trésorerie

34

38

Trésorerie

118

82

Trésorerie

175

176

Comptes de régularisation

1

1

Comptes de régularisation

26

26

 

 

 

 

 

 

Total actif

1 222

1 284

Total passif

2 884

3 042

 

 

 

Situation nette

- 1 661

- 1 758

Source : compte général de l’Etat ; FIPECO.

c) Les engagements hors bilan

Les engagements hors bilan, de l’Etat et des autres administrations publiques, font l’objet d’une fiche particulière.

C) La certification des comptes

L’article 47-2 de la Constitution dispose que les comptes des administrations publiques, dont l’Etat fait partie, « sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

En application de l’article 58-5 de la LOLF, la Cour des comptes est chargée de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’Etat.

En conséquence, elle publie chaque année un acte de certification des comptes de l’Etat qui est annexé au projet de loi de règlement du budget de l’exercice écoulé et accompagné du compte-rendu des vérifications réalisées. Celles-ci s’appuient sur des normes internationales d’audit comptable. Cet acte de certification présente la position de la Cour et ses motivations détaillées.

Depuis 2006, premier exercice pour lequel les normes de comptabilité générale ont été appliquées, les comptes de l’Etat ont toujours été certifiés, mais avec des « réserves » dont certaines sont qualifiées de « substantielles ».

La Cour avait formulé 13 réserves, toutes substantielles, sur les comptes de l’exercice 2006. Des progrès significatifs dans la tenue des comptes de l’Etat ont ensuite été progressivement réalisés, la Cour se plaçant dans une démarche d’accompagnement de la direction générale des finances publiques, et les comptes de 2020 ont été certifiés avec seulement 4 réserves, toutes substantielles.

Ces réserves portaient sur : les limites générales dans l’étendue des vérifications qui tiennent notamment aux défauts du système d’information financière, qui reste insuffisamment adapté à la tenue de la comptabilité générale et aux vérifications d’audit ; la comptabilisation des produits régaliens et des créances et dettes s’y rattachant, qui reste affectée par des incertitudes et limitations significatives ; les immobilisations et stocks gérés par le ministère de la défense, qui sont sources d’importantes incertitudes ; l’évaluation des immobilisations financières dont la fiabilité n’est pas assurée.

L’acte de certification des comptes de 2021 est présenté différemment. Ils sont certifiés « sous réserve des incidences des problèmes décrits dans la section « fondement de l’opinion avec réserves » » à savoir : cinq « anomalies significatives » et dix cas pour lesquels la Cour ne dispose pas de suffisamment d’éléments probants.

Les anomalies significatives concernent : les provisions et dépréciations liées aux matériels militaires ; la participation de l’Etat dans EDF ; le traitement de la Caisse des dépôts et consignations et des fonds d’épargne ; la comptabilisation des charges entrainées par plusieurs dispositifs d’intervention ; l’absence de mention des engagements pris pour garantir la dette de BPI France. Les insuffisances d’éléments probants portent notamment sur la valorisation du patrimoine immobilier, du réseau routier, des matériels et stocks militaires, de certaines entités contrôlées par l’Etat ou encore sur le montant des produits fiscaux et la dépréciation des créances fiscales.

L’acte de certification des comptes de 2022 est présenté de la même façon. Ces comptes sont certifiés sous réserve des incidences de quatre anomalies significatives (les mêmes que pour l’exercice précédent à l’exception des charges de certains dispositifs d’intervention) et de l’insuffisance d’éléments probants pour 13 postes (par exemple sur le montant des charges relatives aux boucliers tarifaires ou le montant des engagements de l’Etat au titre des prêts garantis accordés dans le cadre de la crise sanitaire).

 

[1] Le compte des administrations publiques en comptabilité nationale constitue une forme de consolidation des comptes publics.

[2] International Public Sector Accounting Standards.

[3] Ce projet s’appelle EPSAS, European Public Sector Accounting Standards.

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