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FIPECO le 20.09.2023                                

Les fiches de l’encyclopédie                                VIII) Assurances sociales et redistribution

5) L’assurance maladie

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L’assurance maladie constitue l’un des principaux enjeux de finances publiques. Les dépenses entrant dans le champ de « l’objectif national de dépenses d’assurance maladie » (ONDAM) se sont en effet élevées à 248 Md€, soit 9,4 % du PIB, en 2022. Une fiche spécifique est consacrée à l’ONDAM.

Ces dépenses soulèvent aussi la question de leur efficience, c’est-à-dire du rapport entre leur impact sur la santé et leur coût, qui fait l’objet d’une autre fiche. Celle-ci décrit l’organisation institutionnelle de l’assurance maladie, les prestations qu’elle assure et les modalités de leur financement. Quelques comparaisons internationales sont ajoutées.

Cette fiche concerne surtout « l’assurance maladie obligatoire de base » publique, dont les remboursements peuvent être complétés par des « organismes privés d’assurance maladie complémentaire »[1] ou par le dispositif public de « complémentaire santé solidaire ».

A) L’organisation de l’assurance maladie

Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 ont créé le « régime général » de sécurité sociale des salariés du secteur privé, géré paritairement par les représentants des salariés et des employeurs, qui a été séparé en 1967 en trois « branches » autonomes : maladie, vieillesse et famille. La gestion de la branche maladie a été confiée à la « caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés » (CNAMTS).

En 1996, une réforme constitutionnelle a donné au Parlement le pouvoir de voter des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), qui comprennent un objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Il a été décidé en 1999 d’instaurer une « couverture maladie universelle » (CMU), remplacée en 2016 par une « protection universelle maladie » (PUMA) ouvrant le droit à l’assurance maladie à toute personne travaillant ou résidant régulièrement sur le territoire français. Malgré l’existence de la PUMA et alors que leurs prestations sont désormais quasiment les mêmes, plusieurs « régimes » d’assurance maladie subsistent.

Un régime de sécurité sociale est défini par une population particulière, les prestations auxquelles elle a droit et les modalités de leur financement. Il existe deux grands régimes d’assurance maladie : le régime général, géré par la CNAMTS, qui couvre les salariés du secteur privé non agricole et des populations rattachées (fonctionnaires…) et le « régime agricole » géré par la mutualité sociale agricole (MSA). Le « régime social des indépendants » (RSI) a été rattaché au régime général. De petits « régimes spéciaux » existent toujours (SNCF, Banque de France…).

1) Le rôle de l’Etat

Le Parlement détermine, conformément à la Constitution, les « principes fondamentaux » de l’assurance maladie, par exemple les conditions générales de remboursement des dépenses de santé des assurés sociaux, et vote l’ONDAM avec la LFSS. Il fixe également les règles relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des « impositions de toutes natures » affectées au financement de l’assurance maladie, en particulier la contribution sociale généralisée (CSG). Les taux des cotisations sociales sont fixés par le gouvernement.

Celui-ci exerce la tutelle des caisses nationales d’assurance maladie, qui sont des établissements publics de l’Etat. En particulier, il nomme leur directeur général et passe avec elles des « conventions d’objectifs et de gestion » (COG) précisant leurs objectifs et leurs moyens pour 5 ans. En outre, il approuve, par arrêté du ministre en charge de la santé, les conventions passées par ces caisses avec les représentants des professions de santé (cf. ci-dessous).

Le gouvernement définit la politique de santé publique et la politique d’adaptation de l’offre de soins. Il exerce la tutelle des hôpitaux publics, qui sont des « établissements publics de santé », notamment par l’intermédiaire des « agences régionales de santé » (ARS), qui sont elles-mêmes des établissements publics administratifs auxquels il délègue des pouvoirs importants. Les ARS ont plus généralement des missions d’organisation de l’offre de soins, notamment à travers des « schémas régionaux de l’offre sanitaire » (SROS), et de mise en œuvre de la politique de santé publique, dans le cadre d’un « projet régional de santé » (PRS).

Le gouvernement fixe par arrêté les « tarifs à l’activité » (T2A) sur la base desquels les établissements de santé sont remboursés d’une grande partie de leurs dépenses par l’assurance maladie (chaque séjour d’un malade est remboursé sur la base d’un tarif correspondant au coût moyen du « groupe homogène de séjours » auquel il se rattache).

L’Etat exerce également un rôle important en matière de politique du médicament, et plus généralement de produits de santé (vaccins, prothèses…), d’abord à travers un établissement public administratif, « l’agence nationale de sécurité du médicament » (ANSM) qui est chargée, en particulier, des « autorisations de mise sur le marché » (AMM) des médicaments, de leur retrait ou de leur suspension, sur la base de critères médicaux (avec « l’agence européenne des médicaments » au niveau européen). Le « comité économique des produits de santé » (CEPS), composé majoritairement des directeurs des services concernés de l’Etat, fixe le prix des médicaments remboursables par l’assurance maladie sur la base d’un avis de la « commission de la transparence de la Haute autorité de santé » qui en évalue la valeur ajoutée thérapeutique.

2) Le rôle des caisses d’assurance maladie

Les représentants des caisses des principaux régimes sont rassemblés dans « l’union nationale des caisses d’assurance maladie » (UNCAM), qui est dirigée par le directeur de la CNAMTS.

L’UNCAM a pour mission de définir le champ des prestations remboursables et de passer des conventions avec les professionnels de santé concernés (hors établissements de santé et laboratoires pharmaceutiques) ayant notamment pour objet, dans le respect de l’ONDAM, de fixer les tarifs sur la base desquels sont remboursés les assurés sociaux. Elle a également pour mission de fixer le taux de prise en charge des dépenses de santé, sur la base de ces tarifs, et les éventuels forfaits et franchises laissés à la charge des ménages.

Les caisses d’assurance maladie, dont les conseils d’administration sont composés à parité de représentants des assurés et de leurs employeurs, remboursent les dépenses de santé aux ménages ou directement aux prestataires de services de santé sur la base des tarifs et taux de prise en charge fixés par l’UNCAM et approuvés par le ministre de la santé.

Elles définissent et mettent en œuvre une « politique de gestion du risque » consistant, par exemple, à promouvoir les bonnes pratiques médicales ou à contrôler le respect des règles par les assurés sociaux et les professionnels de santé.

Les caisses nationales pilotent un réseau de caisses locales, les « caisses primaires d’assurance maladie » (CPAM) pour le régime général.

Les cotisations et les impôts et taxes affectées à la CNAMTS sont collectés par « l’agence centrale des organismes de sécurité sociale » (ACOSS)[2], qui pilote le réseau des « unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales » (URSSAF).

3) La coordination

Le rapport de la Cour des comptes de septembre 2015 sur la sécurité sociale, a montré que le pilotage de l’organisation de l’offre de soins est éclaté et mal coordonné. Le gouvernement est notamment représenté par les ministres du budget et de la santé et ce dernier s’appuie sur de multiples services qu’aucune structure, notamment son secrétariat général, ne coordonne : la direction de la sécurité sociale, la direction générale de l’offre de soins, la direction générale de la cohésion sociale (secteur médico-social), la direction générale de la santé, le comité national de pilotage des ARS… sans compter les multiples établissements publics ayant des fonction de coordination, comme le centre national de gestion des personnels médicaux ou Santé Publique France, et d’encadrement des hôpitaux.

Il résulte de cette fragmentation des services de l’Etat que l’UNCAM conserve un rôle déterminant en matière d’organisation des soins de ville et que la coordination entre les offres de soins hospitaliers, de ville et médico-sociaux reste limitée.

La crise sanitaire de 2020 a mis en lumière cette balkanisation du système de soins.

B) Les comptes de l’assurance maladie

1) Les dépenses de l’assurance maladie

a) Le montant et le financement des dépenses de santé

L’ONDAM comprend des dépenses, comme les indemnités journalières d’assurance maladie, qui ne correspondent pas à une « consommation de soins et biens médicaux » (CSBM). En revanche, cette dernière, mesurée dans le cadre des « comptes de la santé », comprend les dépenses financées par les assurances complémentaires et les ménages eux-mêmes qui sont hors de l’ONDAM. En 2022, la CSBM (236 Md€, soit 8,9 % du PIB) a été un peu inférieure à l’ONDAM (248 Md€) du fait notamment de l’importance des indemnités journalières (21 Md€). La CSBM a été remboursée à hauteur de 80 % par l’assurance maladie en 2022 (contre 77 % en 2019 et 76 % en 2011).

Source : Comptes de la santé ; FIPECO.

La « dépense courante de santé » (DCS), qui est notamment utilisée pour les comparaisons internationales, a un champ plus large que la CSBM car elle inclut par exemple les coûts de la recherche médicale et de la formation des médecins. Elle s’est élevée à 314 Md€ en 2022 (11,9 % du PIB) après 271 Md€ en 2019 (11,1 % du PIB).

b) La répartition des dépenses dans le champ de l’ONDAM

L’ONDAM (248 Md€ en 2022) est ventilé en : « soins de ville » (109 Md€) ; établissements de santé (101 Md€, dont 83 % pour les hôpitaux publics et 17 % pour les cliniques privées) ; établissements médico-sociaux (14 Md€ pour les personnes âgées et également 14 Md€ pour les personnes handicapées) ; autres dépenses (10 Md€). La répartition des remboursements de soins de ville, pour le seul régime général, figure dans le graphique ci-joint.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2020 ; FIPECO.

2) Les recettes de la branche maladie du régime général

Le régime général représente désormais 98 % des produits et charges de l’ensemble des régimes obligatoires de base d’assurance maladie. Les cotisations sociales, en l’espèce à la charge des employeurs, ne représentent plus que 39 % des recettes de sa branche maladie (la CNAMTS). La CSG et la TVA en représentent chacune 21 %.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale ; FIPECO

3) L’équilibre de la branche maladie du régime général

Le graphique suivant présente le solde des comptes de la branche maladie du régime général, qui est quasiment égal au solde des comptes des branches maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base. Il a toujours été déficitaire depuis 1990. Ce déficit s’est accru fortement les années de récession ou de fort ralentissement de la croissance, ainsi que l’année suivante, puis a diminué au cours des années ultérieures mais sans jamais revenir à l’équilibre.

Source : rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale ; FIPECO.

C) Les comparaisons internationales

Les statistiques publiées par l’OCDE permettent de comparer les dépenses de santé sur un champ proche de la dépense courante de santé évoqué plus haut. Elles représentent 11,9 % du PIB en France en 2022, soit un niveau qui n’est dépassé que par les Etats-Unis (18,2 %), l’Allemagne (12,6 %), le Royaume-Uni (11,3 %) et le Canada (11,2 %) dans les pays de l’OCDE.

Le graphique suivant montre le pourcentage du PIB que représentent les dépenses de santé financées par des régimes publics ou privés et obligatoires (sécurité sociale et régimes obligatoires, Etat, collectivités locales). La France se situe derrière l’Allemagne, de peu, et les Etats-Unis. S’agissant de ces derniers, la part des régimes obligatoires (souvent privés) est passé de 7,9 % du PIB en 2013 à 13,8 % en 2014 du fait de la réforme Obama.

Source : OCDE ; FIPECO

 

[1] Facultativement pour tous les ménages jusqu’à 2016 et obligatoirement pour les salariés à partir de 2016.

[2] Les impôts sont en général prélevés par la direction générale des finances publiques et transférés à l’ACOSS.

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