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FIPECO le 15.04.2023                                                        

Les fiches de l’encyclopédie                                           VI) La masse salariale publique

5) Les dépenses de personnel de l’Etat

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Les dépenses de personnel de l’Etat, le « titre II » de la nomenclature de ses dépenses par nature en comptabilité budgétaire, se sont élevées à 138,8 Md€ en 2022, soit 31 % des dépenses nettes du « budget général ». Elles ont servi à rémunérer 1,9 million d’agents en équivalents temps plein travaillés[1].

Elles comprennent 44,4 Md€ de contributions de l’Etat employeur au financement des pensions de ses agents. Bien qu’elles ressemblent à des cotisations sociales patronales, car elles sont proportionnelles aux salaires bruts, ces contributions constituent économiquement une subvention d’équilibre versée par le budget général au « compte d’affectation spéciale » (CAS) sur lequel sont imputées comptablement les pensions. En effet, le taux de ces contributions, elles-mêmes financées par les recettes de l’Etat, est ajusté chaque année pour à peu près équilibrer le CAS (en lui laissant un fonds de roulement).

L’évolution de ces contributions au CAS des pensions est donc déterminée par celle des pensions et les gestionnaires de « programmes » budgétaires n’ont aucun moyen de l’infléchir. Le pilotage des dépenses de l’Etat par la direction du budget distingue ainsi celui du « titre II hors CAS pensions », qui fait l’objet de cette fiche, et celui des pensions, qui fait l’objet d’une autre fiche.

La répartition des dépenses de personnel de l’Etat entendue en ce sens, soit 94,5 Md€ en 2022, après 91,1 Md€ en 2021, est d’abord présentée avant d’examiner leur dynamique et les modalités de leur pilotage.

A) La répartition des dépenses de personnel

1) La décomposition par nature de rémunération

La rémunération d’un fonctionnaire se compose d’un « traitement brut de base » et de « primes et indemnités » dont les modalités de calcul sont précisées dans la fiche sur les salaires publics. En 2021, les traitements bruts représentent une dépense de 58,8 Md€ et les primes et indemnités 19,0 Md€. Il s’y ajoute 12,5 Md€ de cotisations sociales à la charge de l’Etat employeur autres que ses contributions au régime de retraite de ses fonctionnaires[2] ainsi que 0,8 Md€ d’allocations et prestations sociales. 

Certaines primes et indemnités sont communes à tous les fonctionnaires, notamment « l’indemnité de résidence » (1,3 Md€), le « supplément familial de traitement » (0,9 Md€), les majorations pour heures supplémentaires (1,7 Md€) et « l’indemnité de fonction de sujétion et d’expertise » (2,1 Md€).

Les autres primes et indemnités diffèrent selon les corps et les ministères, sont réparties entre 1500 éléments de paye.

Source : rapport de 2022 sur l’état de la fonction publique ; FIPECO.

2) La répartition par missions et ministères

Le graphique suivant présente la décomposition des emplois constatés en exécution en équivalents temps plein par ministère en pourcentage du total en 2022. L’éducation nationale en représente plus de la moitié, la mission « intérieur » 15 % et la mission « défense » 14 %.

La répartition des dépenses de personnel est très proche mais pas identique parce que les rémunérations par agent ne sont pas les mêmes d’un ministère à l’autre.

Source : Projet de loi de règlement pour 2022 ; FIPECO.

B) La croissance des dépenses de personnel et leur pilotage

1) La croissance de la masse salariale de l’Etat

a) L’évolution depuis 2006

Les facteurs qui expliquent l’évolution des dépenses de personnel de l’Etat (variation des effectifs, mesures générales, catégorielles et diverses, GVT positif et négatif) sont présentés dans la fiche relative à la masse salariale de l’ensemble des administrations publiques.

Les transferts de compétences entre l’Etat et d’autres organismes publics (collectivités locales, opérateurs…) sont fréquents et peuvent donner lieu à des transferts de personnels. Ces mouvements, qui n’ont aucun effet sur la masse salariale globale des administrations publiques, doivent être neutralisés et l’évolution des dépenses de personnel de l’Etat doit être mesurée « à périmètre constant ».

Les rapports de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de l’Etat la présentent en exécution et à périmètre constant, hors contributions au CAS des pensions (graphique ci-dessous).

Sources : Rapports de la Cour des comptes sur le budget de l’Etat, exécution, budget général ; FIPECO. Périmètre de l’année précédente.

Les dépenses de personnel de l’Etat ont nettement ralenti dans les années 2009 à 2013 pour être quasiment stabilisées en valeur en 2012 et 2013 sous l’effet du gel du point, de la baisse des effectifs (non-remplacement d’un départ en retraite sur deux) et de la réduction des mesures catégorielles et diverses. Leur croissance a repris en 2014 et 2015 (0,5 % par an) puis a accéléré en 2016 (1,6 %) et 2017 (3,4 %) du fait de la stabilisation puis de l’augmentation des effectifs, de la hausse des mesures catégorielles et d’un dégel temporaire du point. Elles ont ralenti dans les années 2018-2020 du fait d’une moindre progression des effectifs, d’un nouveau gel du point et d’une diminution des mesures catégorielles.

La hausse de 2021 (1,9 %, soit 1,7 Md€, à périmètre constant) résulte pour 0,7 Md€ des mesures catégorielles et pour 0,4 Md€ du GVT solde. Les mesures générales (0,1 Md€ en faveur des bas salaires) sont quasi-nulles et l’impact du schéma d’emplois est très faible (0,1 Md€).

L’augmentation de 2022 (3,7 %, soit 3,3 Md€, à périmètre constant) résulte pour 1,5 Md€ des mesures générales, notamment la revalorisation du point, pour 1,1 Md€ des mesures catégorielles, qui ont surtout concerné l’éducation nationale, et pour 0,4 Md€ du GVT solde. L’impact du schéma d’emploi est légèrement négatif car, contrairement aux prévisions de la LFI, les effectifs ont diminué en 2022 (environ – 10 000 emplois).

Sources : rapport sur l’état de la fonction publique de 2015 ; projets de lois de règlement pour 2015 à 2022 ; FIPECO.

2) Le pilotage et la budgétisation de la masse salariale

a) Les procédures

Les outils généraux de budgétisation et de pilotage des dépenses de l’Etat font l’objet d’une fiche spécifique.

La loi de finances fixe les crédits de personnel par mission et programme, et ceux-ci ne sont pas fongibles avec les autres crédits des missions et programmes[3]. Elle fixe aussi des plafonds d’emplois par ministère, en équivalents temps plein. Les schémas d’emplois sont établis par les ministères en concertation avec la direction du budget de sorte de respecter ces crédits de personnel et les plafonds d’emplois. En pratique, les crédits sont plus contraignants que les plafonds d’emplois.

A la suite d’un fort dépassement des crédits de personnel en 2009, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a demandé un rapport sur la masse salariale à la Cour des comptes qui a recommandé de renforcer les outils de pilotage de ces crédits en cours d’exercice, ce qui a été suivi d’effet, d’abord par une circulaire du Premier ministre en 2010 puis par le décret de 2012 sur la gestion budgétaire et comptable publique.

Les « contrôleurs budgétaires et comptables ministériels » (CBCM) doivent viser en début d’année un « document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel » établi par les ministères qui indique notamment leurs prévisions mensuelles d’entrées et de sorties d’agents ainsi que leurs prévisions d’évolution des dépenses, en tenant compte en particulier de l’impact des mesures catégorielles. Les CBCM doivent notamment vérifier la compatibilité des recrutements envisagés avec les plafonds d’emplois autorisés et les crédits de personnel.

Ensuite, au-delà de certains seuils spécifiques à chaque ministère et dépendant notamment de la qualité de leur contrôle interne, les CBCM visent les autorisations et actes de recrutement (par exemple l’ouverture de postes aux concours) ainsi que les principaux actes de gestion du personnel. Ils doivent notamment s’assurer de la disponibilité des crédits nécessaires. Ce contrôle a priori a été nettement relâché ces dernières années dans la plupart des ministères.

Par ailleurs, les mesures catégorielles nouvelles sont soumises pour validation à la direction du budget et à la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Elles vérifient en particulier la légalité de ces mesures, au regard notamment du statut général des fonctionnaires, et leur compatibilité avec les budgets alloués aux responsables de programme.

b) Les résultats

Les dépenses constatées ont souvent été supérieures aux crédits votés en loi de finances initiale de 2009 à 2017, ce qui a nécessité l’ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative. A partir de 2011, ces dépassements ont surtout été imputables aux ministères de la défense, notamment du fait des opérations extérieures, et de l’éducation nationale, notamment du fait d’une sous-estimation de son GVT, ce qui témoigne d’une certaine efficacité des outils de pilotage mis en place s’agissant des autres ministères.

Certains facteurs de progression de la masse salariale ont souvent été sous-estimés en loi de finances initiale. C’est notamment le cas du GVT positif et du coût des heures supplémentaires, notamment au ministère de l’éducation nationale. En revanche, le coût des mesures catégorielles a souvent été inférieur aux montants budgétés, témoignant de l’efficacité du guichet unique.

Depuis 2018, les dépenses constatées, hors contributions au CAS des pensions, sont quasiment égales aux crédits votés en loi de finances initiale. Des dépassements de seulement 1,6 % en 2021 et de 0,8 % en 2022 ont été constatés. En 2022, le coût non anticipé de la revalorisation du point a été largement compensé par la faiblesse des recrutements par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale.

 

[1] La fonction publique d’Etat compte 2,5 millions d’agents mais une partie d’entre eux est employée et rémunérée par des établissements publics.

[2] Les fonctionnaires s’acquittent de cotisations sociales salariales qui sont prélevées sur leur traitement brut.

[3] En principe, il existe une possibilité de « fongibilité asymétrique » : les crédits du titre II peuvent être utilisés pour financer des dépenses relevant des autres titres, mais pas l’inverse. En pratique, les crédits du titre II sont presque tous utilisés pour financer des dépenses de personnel.

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