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FIPECO le 23.06.2023                                          

Les fiches de l’encyclopédie                                            IX) Les autres politiques publiques

1) Les dépenses publiques en faveur de la recherche

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L’activité d’un agent économique a des « effets externes positifs », ou créée des « externalités positives », quand elle améliore la situation d’autres agents sans qu’il puisse en tirer lui-même un quelconque avantage. Les analyses économiques montrent que l’Etat doit aider financièrement cet agent à exercer cette activité à hauteur du bénéfice marginal qui en est tiré par les autres.

La recherche est un exemple classique d’une activité qui génère des externalités positives. La publication des travaux scientifiques est en effet une source majeure de progrès techniques, qui eux-mêmes soutiennent la croissance économique ou contribuent à répondre aux grands défis sociaux et environnementaux. Il est donc dans l’intérêt général qu’elle soit gratuite ou subventionnée et, dans ces conditions, l’Etat doit rémunérer les chercheurs ou aider les entreprises qui en emploient.

Cette fiche présente les dépenses publiques en faveur de la recherche, les compare à celles des autres pays et donne quelques indications sur leur impact. Les données utilisées sont tirées de « l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche » publié en juin 2023 par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et des bases de l’OCDE.

A) Les montants et leur évolution

1) La dépense intérieure de recherche et développement

a) Son montant

Les travaux de recherche et développement (R&D) effectués sur le territoire national ont représenté une « dépense intérieure de recherche et développement » (DIRD) de 55,3 Md€ en 2021, soit 2,2 % du PIB, après 53,2 Md€ en 2020, soit 2,3 % du PIB.

Ces montants sont inférieurs à l’objectif qui avait été fixé par l’Union européenne dans le cadre de la « stratégie Europe 2020 » (3,0 % du PIB). Pour 2021, ce montant (2,2 % du PIB) est au-dessous de la moyenne de l’OCDE (2,7 %) et proche de celle de l’Union européenne à 27 (2,15 %). Il place la France derrière la Corée du sud (4,9 %), les Etats-Unis (3,5 %), la Suède (3,4 %), le Japon (3,3 %), l’Allemagne (3,1 %) et le Royaume-Uni (2,9 % en 2020) mais devant l’Italie (1,5 %) et l’Espagne (1,4 %).

La DIRD a été réalisée en 2021 par les entreprises à hauteur de 66 % et par les administrations et universités à hauteur de 34 %. La part des administrations et universités est plus forte en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE (27 %) si bien que la DIRD qu’elles réalisent est finalement du même ordre de grandeur en France et dans la moyenne des pays de l’OCDE (0,7 % du PIB).

La DIRD exécutée par les administrations hors universités en 2021 (% du PIB)

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Etats-Unis

Japon

Canada

Union européenne

OCDE

0,26

0,47

0,15

0,34

0,36

0,28

0,12

0,25

0,24

La DIRD exécutée par les administrations et les universités en 2021 (% du PIB)

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Etats-Unis

Japon

Canada

Union européenne

OCDE

0,72

1,05

0,80

0,55

0,65

0,67

0,75

0,72

0,66

Source : OCDE ; FIPECO

Le CNRS réalise 18 % de la DIRD des administrations publiques. Les chercheurs sont 124 000 dans l’ensemble des administrations.

b) L’évolution de la dépense des administrations

Sur le long terme, la DIRD exécutée par les administrations publiques, rapportée au PIB, a diminué à la fin des années 1990 puis elle s’est stabilisée entre 0,75 et 0,80 % du PIB dans les années 2000 avant une légère baisse dans les années 2010. Sa hausse en 2020 résulte surtout de la diminution de la valeur du PIB.

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; FIPECO

2) Le financement des dépenses de recherche et développement

Les entreprises réalisent 66 % de la DIRD mais leurs dépenses sont financées à hauteur de 28 % par des aides publiques à la recherche et des commandes publiques, y compris les incitations fiscales comme le crédit d’impôt recherche, selon l’OCDE. Ce pourcentage est bien plus faible dans les autres pays.

La part de la DIRD des entreprises qui est financée par l’Etat (en %) en 2020

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Etats-Unis

Japon

Canada

28

3

18

15

8

4

20

Source : OCDE ; FIPECO.

En additionnant les dépenses des entreprises qu’elles financent (crédits d’impôts inclus) et les dépenses qu’elles exécutent et financent elles-mêmes, les dépenses des administrations publiques en faveur de recherche et développement ont représenté 1,0 % du PIB en 2020 en France, ce qui est plus élevé que dans les autres pays du G7.

Les dépenses des administrations publiques en faveur de la recherche et développement en % du PIB en 2020

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Etats-Unis

Japon

Canada

1,0

0,9

0,9

0,6

0,9

0,6

0,7

Source : OCDE ; FIPECO. Crédits d’impôts inclus.

B) Les résultats

Pour que les dépenses publiques consacrées à la recherche accroissent les gains de productivité et la croissance potentielle, encore faut-il qu’elle débouche sur la diffusion de connaissances nouvelles et que celles-ci permettent le développement de produits ou de procédés innovants.

1) La diffusion de connaissances nouvelles

Les résultats de la recherche en matière de diffusion de connaissances nouvelles sont le plus souvent mesurés par l’importance des publications et distinctions scientifiques et le nombre de brevets déposés.

a) Les publications scientifiques

La mesure de l’importance des publications scientifiques n’est pas triviale car il faudrait notamment pouvoir tenir compte de la qualité et de la notoriété de ces publications, ce qui pose de délicats problèmes méthodologiques. Les deux indicateurs suivants sont retenus dans « l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche » pour illustrer le positionnement des publications scientifiques de la France dans le monde.

La part des publications françaises dans les publications mondiales[1], recensées dans la base de données retenue par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, est de 2,3 % en 2021, ce qui place la France, en Europe, derrière la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Ni la qualité, ni la notoriété de ces publications ne sont prises en compte.

La part des publications mondiales en 2021 (en %)

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Espagne

Pays-Bas

Pologne

Suède

2,3

4,0

4,1

3,0

2,4

1,3

1,3

0,9

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; FIPECO.

La part des publications scientifiques mondiales détenue par la France, comme par l’ensemble des pays européens, diminue tendanciellement au profit des pays émergents.

« L’indice d’impact immédiat » d’un pays rapporte la part des citations reçues par ses chercheurs dans l’ensemble mondial des citations sur deux ans et la part de ses publications dans les publications mondiales. Il complète l’indicateur précédent par une mesure de la notoriété des publications, probablement aussi de leur qualité.

L’indice de la France en 2020 (0,94) est très légèrement inférieur à 1,0 alors que ceux des Etats-Unis (1,17) et des autres grands pays européens (1,22 pour le Royaume-Uni et 1,03 pour l’Allemagne) sont supérieurs à 1,0. Celui de la Chine a fortement augmenté depuis 2009 (0,67) pour atteindre 1,08. Celui du Japon est de 0,70.

b) Les brevets

Il existe deux grandes catégories de brevets dans le monde : les brevets américains et européens. La France est au cinquième rang en 2021 pour sa part mondiale des demandes de brevets européens, tous domaines technologiques confondus.

Part mondiale des demandes de brevets européens en 2021 (%)

Etats-Unis

Allemagne

Japon

Chine

France

Corée du sud

Royaume-Uni

Italie

26

14

12

9,5

5,5

5

4

3

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; FIPECO

 

2) L’innovation

Le « système national d’innovation » de la France a fait l’objet d’une évaluation de l’OCDE en 2014. Il en ressort que, malgré des succès certains obtenus dans le cadre de grands programmes technologiques, ce système doit poursuivre la mutation engagée depuis le début des années 2000 vers plus d’ouverture, de flexibilité et d’adaptabilité.

L’OCDE observe d’abord que les conditions générales sont en France peu propices à l’innovation : le marché du travail et les marchés des produits manquent d’ouverture et de flexibilité ; la fiscalité sur les entreprises et les investissements est lourde et complexe.

Comme il a été montré ci-dessus, les performances scientifiques et technologiques de la France au niveau mondial sont moyennes, comme ses dépenses publiques et privées en faveur de la recherche.

L’organisation de la recherche a nettement évolué dans la direction souhaitable, selon l’OCDE, depuis le début des années 2000, avec notamment l’autonomie et le regroupement des universités ou encore le développement du financement de la recherche par projets[2].

Malgré les efforts déployés par les gouvernements successifs, les transferts de connaissances de la recherche publique vers les entreprises restent cependant très insuffisants. Les principaux freins à leur développement sont internes à la recherche publique, qui ne fournit pas aux chercheurs les incitations nécessaires pour s’engager dans ces transferts et choisir des recherches susceptibles d’avoir des retombées sociales ou économiques. Les politiques menées ont manqué de cohérence d’ensemble, les dispositifs s’ajoutant les uns aux autres sans que leurs champs d’application respectifs soient toujours clarifiés.

L’État dispose d’un grand nombre de dispositifs pour soutenir la recherche et l’innovation dans les entreprises. Le crédit d’impôt recherche français est parmi les plus généreux au monde. Toutefois, l’intervention publique est très dispersée, n’est pas toujours cohérente et manque d’orientation stratégique.

Selon l’OCDE, l’entrepreneuriat innovant en France est développé à un niveau comparable avec les autres pays. Le taux de survie des entreprises est élevé, mais peu d’entre elles croissent. L’intervention publique est forte à tous les niveaux de la chaîne (création d’entreprise, fiscalité, financement, etc.), et semble avoir un réel impact. Elle est toutefois plus forte que dans d’autres pays sans que la performance de la France ne semble refléter cette différence, ce qui soulève la question de son efficience. Il semble que les aides publiques soient insuffisamment sélectives et attribuées sur des durées trop longues aux mêmes entreprises.

S’agissant plus particulièrement des politiques d’innovation, la commission nationale chargée de les évaluer a souligné en janvier 2016 « la multiplicité des objectifs, la profusion des instruments et l’instabilité des dispositifs ».

Une étude de la direction du trésor d’avril 2018 ajoute que la France se caractérise également par l’importance des organismes de recherche publique non universitaires (le CNRS notamment) et la faiblesse des ressources attribuées contractuellement sur la base de projets (les crédits budgétaires récurrents étant plus fréquents). Une analyse du positionnement des pays de l’OCDE sur la « frontière d’efficience » montre que la France en est assez éloignée, comme l’Allemagne ou les Etats-Unis alors que les pays nordiques en sont plus proches.

La Cour des comptes a publié en avril 2021 un rapport sur les aides publiques à l’innovation dans les entreprises. Ces aides ont fortement augmenté en passant de 3 Md€ en 2010 à près de 10 Md€ en 2020 dont les deux tiers liés au crédit d’impôt recherche. Leur pilotage a été renforcé et l’accès des entreprises a été facilité, notamment avec la création de BPI. La place de la France dans les classements internationaux en matière d’innovation s’est améliorée. Ces aides ont un impact significatif sur les dépenses des entreprises mais leur effet sur l’innovation elle-même est plus difficile à démontrer. Les dispositifs sont nombreux, parfois mal connus et pourraient être mieux articulés avec ceux de l’Union européenne. Les synergies entre les entreprises et la recherche académique sont très faibles.

 

[1] Si la publication est signée par des chercheurs de N pays différents, chacun est considéré comme étant à l’origine de 1/N publication.

[2] Le financement par projet s’oppose aux procédures classiques de financement global des dépenses des organismes de recherche indépendamment des projets mis en œuvre.

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