FIPECO le 09.11.2022
Les fiches de l’encyclopédie VI) La masse salariale publique
7) Salaires, temps de travail et retraites
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Les comparaisons entre les salaires, la durée du travail et les pensions de retraite des fonctionnaires et des salariés du secteur privé sont fréquentes mais elles ne portent généralement que sur un seul de ces thèmes. Ce billet présente les éléments de comparaison relatifs à l’ensemble de ces trois thèmes qui sont disponibles, notamment dans les derniers rapports annuels sur l’état de la fonction publique.
Ces comparaisons présentent d’inévitables limites car seules des moyennes peuvent être comparées alors que les caractéristiques des fonctionnaires et des salariés du secteur privé (qualification, âge…) sont différentes, mais les statistiques plus fines tenant compte de ces caractéristiques sont rares. En outre, il n’est pas possible d’en tirer une comparaison des revenus des agents du public et du privé depuis leur entrée dans la vie active jusqu’à leur décès, au moins pour la raison suivante : il s’agit de photographies de la situation des actifs et des retraités aujourd’hui ; or les actifs d’aujourd’hui n’auront pas les mêmes pensions que les retraités d’aujourd’hui et ces derniers n’ont pas eu les mêmes salaires que les actifs d’aujourd’hui. Les conclusions suivantes peuvent néanmoins en être tirées.
A) Les salaires
Une fiche de l’encyclopédie sur ce site présente les principales caractéristiques juridiques de la rémunération des fonctionnaires.
Les salariés du secteur privé sont en moyenne mieux payés que les agents des collectivités locales, moins bien que ceux de l’Etat et à peu près comme ceux des établissements de santé. Cette comparaison n’a toutefois pas beaucoup de signification car la répartition des emplois par catégories socioprofessionnelles dans ces quatre secteurs est très différente.
Les salaires nets mensuels moyens en 2020 (euros)
|
Etat (civils)
|
Collectivités locales
|
Hôpitaux
|
Secteur privé
|
Ensemble
|
2 639
|
2 019
|
2 464
|
2 518
|
Cadres
|
3 238
(3 584 hors enseignants en 2019)
|
3 440
|
5 126
(y compris médecins)
|
4 339
|
Professions intermédiaires
|
2 351
|
2 331
|
2 492
|
2 458
|
Ouvriers et employés
|
2 206
|
1 780
|
1 902
|
1 822
|
Source : rapport de 2022 sur l’état de la fonction publique ; Insee ; salaires moyens par équivalent temps plein ; FIPECO.
Une ventilation selon les trois grandes catégories socio-professionnelles permet des comparaisons plus rigoureuses et conduit à des conclusions que des analyses plus fines ne remettent pas en cause : les cadres de la fonction publique de l’Etat (y compris hors enseignants) et des collectivités locales sont moins bien rémunérés que ceux du secteur privé, ce que confirme une étude de l’Insee sur les 1 % de fonctionnaires les mieux payés (ils gagnent 30 % de moins que dans le secteur privé) ; à l’inverse, les ouvriers et employés de la fonction publique d’Etat et les cadres des hôpitaux (médecins inclus) sont mieux rémunérés que ceux du secteur privé. Les autres écarts sont peu significatifs.
La dispersion des salaires à l’intérieur du secteur public est plus faible que dans le privé, au détriment des cadres et à l’avantage des ouvriers et employés de la fonction publique. En 2020, la rémunération, primes et indemnités incluses, que dépassent les 10 % d’agents les mieux payés en équivalents temps plein (seuil du dernier décile) est 2,4 fois supérieure à celle au-dessous de laquelle se trouvent les 10 % les moins bien payés (seuil du deuxième décile) dans la fonction publique d’Etat (2,1 dans la fonction publique hospitalière et 2,0 dans la fonction publique territoriale). Cet écart n’a pas varié depuis 2002 et il est plus faible que dans le secteur privé où il est de 3,0.
L’âge moyen des fonctionnaires (44 ans) est un peu plus élevé que celui des salariés du secteur privé (41 ans), ce qui entraîne des salaires un peu plus importants dans le public, mais, en sens inverse, la population des salariés du secteur public est plus féminisée que celle du secteur privé (63 % de femmes contre 46 %), ce qui, en raison de la persistance d’écarts de salaires entre sexes, se traduit par des salaires plus élevés dans le privé. Au total, il n’est pas sûr que les différences de composition de ces populations par âge et sexe influent beaucoup ces comparaisons.
Les analyses approfondies des disparités salariales entre les secteurs publics et privés tenant compte de ces caractéristiques spécifiques de leurs agents (âge, diplôme, sexe…) sont rares et anciennes, mais celles qui existent confirment les observations précédentes (cadres moins bien payés et ouvriers et employés de l’Etat mieux payés que dans le privé).
Il est parfois possible de comparer des salaires moyens au sein de la même branche dans le public et le privé. Il apparaît ainsi que le salaire net moyen des hôpitaux à but lucratif en 2012 (1 908 €) était inférieur à celui des hôpitaux publics (2 225 €). Cet écart se retrouvait pour la plupart des catégories socio-professionnelles hospitalières, sauf pour les cadres non-médecins et les ouvriers (cf. étude de la DREES).
Dans l’enseignement (cf. analyse de la DEPP), le salaire net mensuel en 2014 était de 2 415 € dans le public et de 2 074 € dans le privé alors que les grilles salariales y étaient les mêmes. L’écart provenait pour la moitié d’effets de structure tels que la composition par corps (agrégés, certifiés…), pour 20 % des cotisations salariales, plus élevées dans le privé, et pour le reste de facteurs non identifiés.
B) La durée du travail
1) La durée annuelle à temps complet
Selon le rapport annuel sur la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2022, sur la base de l’enquête emploi de l’Insee[1], la durée annuelle du travail à temps complet dans la fonction publique hors enseignants est de 1 612 heures en 2021. Elle est donc supérieure à la durée légale mais inférieure de 3 % à celle des salariés du secteur privée (1 662 heures).
Le rapport sur l’état de la fonction publique exclut les enseignants car il considère que ceux-ci répondent mal au questionnaire de l’enquête emploi de l’Insee et y sous-estiment la durée réelle de leur travail. D’autres professions du secteur privé répondent sans doute aussi mal à ce questionnaire et cette difficulté méthodologique n’a pas empêché la direction des statistiques du ministère du travail (DARES) de publier une durée annuelle du travail à temps complet dans la fonction publique en y incluant les enseignants jusqu’en 2020. Elle était de 1 577 heures en 2019 contre 1 711 heures pour les salariés du secteur privé, soit un écart de 8 %. Elle est passée à 1 553 heures en 2020 (1 607 heures hors enseignants) contre 1 587 heures dans le privé mais l’année 2020 est très particulière en raison des mesures de restriction de l’activité.
Le rapport annuel sur l’état de la fonction publique présente notamment la durée annuelle, la durée hebdomadaire habituelle et le nombre de journées de congés ou de RTT pour chacune des trois fonctions publiques.
La durée du travail en 2021
|
Salariés secteur privé
|
Secteur public
(2019)
|
Secteur public hors enseignants
|
Etat hors enseignants
|
Collectivités locales
|
Hôpitaux
|
Heures annuelles
|
1 662
|
1 577
|
1 612
|
1 661
|
1 579
|
1 605
|
Heures hebdomadaires habituelles
|
38,9
|
ND
|
39,0
|
40,3
|
38,2
|
38,7
|
Jours de congé et RTT
|
27
|
ND
|
35
|
41
|
32
|
31
|
Source : rapport sur l’état de la fonction publique de 2022, Insee, DARES, FIPECO
NB les jours de congés sont décomptés en jours ouvrés (soit 5 par semaine) alors qu’ils sont parfois décomptés en jours ouvrables (soit 6 par semaine). La durée hebdomadaire est une durée habituelle sans événements tels que jours fériés, congés, arrêts pour maladie… ni heures supplémentaires exceptionnelles. La durée annuelle est réduite du fait des congés (y compris pour maladie), jours de RTT et jours fériés et augmentée des heures supplémentaires exceptionnelles. Les heures annuelles et hebdomadaires sont celles des salariés à temps complet ; les jours de congés et RTT sont ceux de tous les salariés et n’incluent pas les congés pour maladie.
La durée annuelle du travail est supérieure à la durée légale de 1 607 heures dans la fonction publique d’Etat, hors enseignants, et inférieure à celle-ci dans la fonction publique territoriale. Dans les services de l’Etat, hors éducation, elle est identique à celle du secteur privé.
La durée hebdomadaire habituelle du travail est en moyenne assez proche dans les secteurs public (hors enseignants) et privé. Celle des fonctionnaires de l’Etat hors enseignants est un peu plus élevée, ce qui explique une durée annuelle plus importante. Celle des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers est un peu plus faible que dans le secteur privé.
L’écart avec la durée annuelle du secteur privé résulte pour beaucoup des jours de congés et de RTT (jours de congés compensant une durée hebdomadaire supérieure à 35 heures).
Les agents de la fonction publique d’Etat, hors enseignants, ont pris en moyenne 41 jours de congé et de RTT en 2021, les fonctionnaires territoriaux 32 jours et les fonctionnaires hospitaliers 31 jours, contre 27 jours pour les salariés du secteur privé. Les jours de congés et de RTT sont donc nettement plus nombreux dans les fonctions publiques, notamment de RTT pour celle d’Etat et de congé pour la territoriale, que dans le secteur privé.
Il est parfois noté que les agents publics ont plus de jours de RTT parce que la contrepartie de durées hebdomadaires supérieures à 35 heures prend plus souvent la forme de jours de RTT que de compensation salariale dans le secteur public. Cette observation n’est cependant pas documentée et les statistiques relatives aux salaires des fonctionnaires ne suggèrent pas qu’ils ont moins d’avantages salariaux que les salariés du secteur privé.
S’agissant des enseignants, une enquête publiée en octobre 2022 par la direction de l’évaluation du ministère de l’éducation nationale montrent que leur durée hebdomadaire habituelle de travail à temps complet (y compris chez eux pour préparer les cours, corriger les copies…) est de 43 heures (médiane) et qu’il travaillent 35 jours sur les 80 jours de congés scolaires (16 semaines de 5 jours). En supposant que ces durées médianes correspondent aux durées moyennes et que les journées de travail pendant les vacances ont la même amplitude que pendant l’année scolaire, on peut en déduire une durée annuelle du travail d’environ 1 550 heures (43 x 36).
2) Les absences pour raison de santé
Les données disponibles sur l’absentéisme dans la fonction publique sont lacunaires, hétérogènes et parfois incohérentes. Quelques indications à prendre avec précaution peuvent néanmoins en être tirées.
Selon le rapport de 2022 sur l’état de la fonction publique, 5 % des fonctionnaires (toutes fonctions publiques, dont 4 % pour l’Etat et 7 % pour les collectivités territoriales et les hôpitaux), ont été absents pour raison de santé au moins un jour au cours d’une semaine donnée en 2021 (5 % dans le secteur privé). Le nombre moyen de jours d’absence pour raison de santé dans l’année est de 12,5 dans la fonction publique (10,2 pour l’Etat, 14,9 pour les collectivités locales et 15,5 pour les hôpitaux) et de 11,5 dans le secteur privé.
Ces statistiques, tirées des réponses des ménages à l’enquête de l’Insee sur l’emploi, sont les plus fiables pour comparer chaque année les absentéismes public et privé. Une enquête moins fréquente sur les conditions de travail apporte des informations complémentaires. Elle montre que 36 % des fonctionnaires ont eu au moins un arrêt de travail pour maladie en 2016, avec peu d’écarts entre les trois fonctions publiques, contre 30 % dans le secteur privé.
Une analyse des facteurs explicatifs des arrêts maladie, présentée dans le rapport sur l’état de la fonction publique de 2015, montre que, toutes choses égales par ailleurs c’est-à-dire en tenant compte par exemple de l’état de santé effectif des agents et des conditions de travail, la probabilité d’avoir un arrêt maladie dans l’année est plus élevée dans les fonctions publiques territoriale et d’Etat que dans le secteur privé et la fonction publique hospitalière.
3) La durée de la carrière
Les fonctionnaires qui ont liquidé leur retraite en 2021 ont validé une durée de carrière, tous régimes confondus, de 42 ans et 10 mois pour les agents civils de l’Etat et de 43 ans et 1 mois pour les agents des collectivités locales et des hôpitaux, contre 40 ans pour les salariés du secteur privé (rapport annuel sur les pensions de la fonction publique et statistiques de la CNAVTS).
Les nouveaux retraités de la fonction publique ont donc validé une carrière plus longue bien qu’ils aient liquidé leur retraite plus tôt que les salariés du secteur privé (cf. plus loin). Ils pourraient avoir eu un premier emploi plus jeune mais c’est peu probable car ils sont en moyenne plus diplômés et les statistiques disponibles ne permettent pas de le vérifier. Il est plus vraisemblable qu’ils ont des carrières moins coupées par des périodes d’inactivité.
Ces écarts tiennent sans doute aussi pour partie aux règles de validation de certaines périodes non travaillées (chômage, maternité…) ou de « bonification » de certaines périodes travaillées (particulièrement diverses et nombreuses dans la fonction publique[2]), qui diffèrent dans les secteurs public et privé.
C) Les retraites
Une fiche de l’encyclopédie sur ce site présente les principales caractéristiques des pensions de retraite des fonctionnaires, notamment de leurs modalités de calcul.
1) L’âge de liquidation de la retraite
Selon le rapport sur les pensions des fonctionnaires annexé au projet de loi de finances pour 2022, l’âge moyen des personnes qui ont liquidé leur retraite en 2021 était de 62 ans et 1 mois dans la fonction publique civile d’Etat (61 ans et 6 mois dans les deux autres fonctions publiques) et de 62 ans et 9 mois dans le régime général des salariés du secteur privé (2019).
Il existe toutefois une importante différence dans la fonction publique entre les catégories dites « actives » (aides-soignants…) ou « super actives » (policiers, gardiens de prison…), dont les âges moyens de liquidation sont 60 ans 6 mois et 57 ans 7 mois, et les catégories « sédentaires » (les autres), dont l’âge moyen de liquidation est 63 ans 7 mois. Les âges moyens de liquidation des actifs et sédentaires sont proches de ceux de l’Etat dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Comme les catégories actives sont surtout composées d’employés et ouvriers, ceux-ci liquident leurs droits plus tôt que leurs homologues du secteur privé (57,5 ans contre 61,1 ans pour les hommes nés en 1942) alors que l’écart est faible pour les professions intermédiaires (59,1 ans contre 60,5 ans) et les cadres et professions intellectuelles (60,7 ans contre 61,4 ans) selon un rapport de la Cour des comptes de 2016 sur les retraites des fonctionnaires.
2) La durée de la retraite
Le tableau suivant, extrait du même rapport de la Cour des comptes, montre que la durée de retraite des fonctionnaires est plus longue que celle des salariés du secteur privé, plus particulièrement pour les employés hommes et pour les femmes, ce qui résulte d’un âge de liquidation des droits plus précoce et d’une espérance de vie un peu plus longue.
La durée passée à la retraite
|
Hommes
|
Femmes
|
|
Public
|
Privé
|
Public
|
Privé
|
Employés et ouvriers
|
23,1
|
19,3
|
29,1
|
25,8
|
Professions intermédiaires
|
22,5
|
21,2
|
30,5
|
26,9
|
Cadres et professions intellectuelles
|
22,9
|
22,2
|
30,2
|
27,5
|
Source : rapport de 2016 de la Cour des comptes sur les pensions de retraite des fonctionnaires ; FIPECO.
3) Les pensions
Les pensions de retraite brutes de droit direct pour une carrière complète en 2021 sont plus élevées dans la fonction publique civile d’Etat (2 440 € par mois) que dans le secteur privé (1 810 € en additionnant les retraites de base et complémentaires) et inférieures à celles du secteur privé dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière (1 680 €). Cela reflète largement les écarts de salaires moyens qui résultent eux-mêmes beaucoup de la structure socio-professionnelle des secteurs public et privé (cf. plus haut).
Les données disponibles ne permettent pas de décomposer suffisamment ces pensions moyennes par catégorie socio-professionnelle. Il apparaît toutefois que à la fois les cadres et les non-cadres ont une pension plus élevée dans la fonction publique d’Etat que dans le secteur privé après une carrière complète dans le même régime. Ces écarts peuvent résulter des revenus que les retraités ont perçus lorsqu’ils étaient en activité ou des règles de calcul des pensions (dans le secteur public, par exemple, la pension est liquidée sur la base du salaire des six derniers mois sans compter les primes).
Les pensions mensuelles brutes moyennes en euros (2012)
|
Hommes
|
Femmes
|
|
Public
|
Privé
|
Public
|
Privé
|
Catégories A / Cadres
|
3 096
|
2 786
|
2 677
|
2 150
|
Catégories B / Non-cadres
|
1 969
|
1 509
|
1 944
|
1 167
|
Catégories C / Non-cadres
|
1 490
|
1 485
|
Ensemble
|
2 659
|
2 085
|
2 330
|
1 360
|
Source : documents de la réunion du COR du 31 mai 2017 ; agents ayant validé une carrière complète dans le même régime (fonction publique d’Etat / régimes général et complémentaires du privé). FIPECO.
Le taux de remplacement du salaire net moyen de l’avant-dernière année précédant la retraite par la pension nette, après une carrière complète, est d’environ 75 % pour la génération née en 1955, dans la fonction publique comme dans le secteur privé. Cette égalité des taux moyens masque toutefois d’importantes disparités, notamment entre catégories socio-professionnelles. Pour les mettre en évidence, le conseil d’orientation des retraites (COR) a comparé, pour des cas-types de fonctionnaires, le taux de remplacement obtenu avec les règles de la fonction publique et celui qu’ils obtiendraient avec la même carrière en appliquant les règles du secteur privé. Il apparait que l’application des règles du privé à un échantillon représentatif des fonctionnaires serait plus favorable pour environ la moitié d’entre eux et plus défavorable pour l’autre moitié, notamment pour les agents ayant relativement peu de primes.
[1] Elle repose sur les déclarations des salariés mais, selon la DARES, les durées annuelles qui en sont tirées sont la meilleure référence, les durées déclarées par les employeurs étant souvent collectives et théoriques.
[2] Par exemple, les trimestres travaillés par les agents des catégories dites « actives » sont multipliés par 1,2.