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FIPECO, le 18.09.2020 

Les fiches de l’encyclopédie                                        IV) Les prélèvements obligatoires

                                                  

15) Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

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Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été créé par une loi de finances rectificative de décembre 2012, qui lui donne « pour objet le financement de l'amélioration de la compétitivité des entreprises à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ». Aux termes de la loi, l’amélioration de la compétitivité est donc le principal objectif du CICE, devant l’emploi qui apparaît seulement à travers « le recrutement ». C’est néanmoins son impact sur l’emploi qui a été le plus évalué et discuté.

La loi a institué un « comité de suivi » du CICE chargé de suivre sa mise en œuvre et de veiller à son évaluation. Son dernier rapport, en date de septembre 2018 et il a été complété par des travaux d’approfondissement dont la synthèse a été publiée par France Stratégie en septembre 2020. Ce sont les principales sources de la présente fiche qui décrit les principales caractéristiques de ce crédit d’impôt, les effets qui peuvent en être théoriquement attendus et les premiers résultats obtenus. Le CICE a été supprimé en 2019 et a été remplacé par une nouvelle baisse des cotisations sociales patronales.

A) Les principales caractéristiques

1) Les caractéristiques juridiques

Les bénéficiaires du CICE sont, pour l’essentiel, les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu (IR) au titre de leurs bénéfices industriels et commerciaux réels.

Le montant du CICE est égal à 6 % de la masse des rémunérations brutes inférieures à 2,5 fois le SMIC (ce taux a été limité à 4 %, dans un premier temps, sur les salaires de 2013). La loi de finances pour 2017 a porté ce taux à 7 % sur les salaires de 2017 et des années suivantes, mais celle de 2018 l’a ramené à 6 %.

Les salaires bruts supérieurs au seuil de 2,5 SMIC ne donnent pas droit à crédit d’impôt, ce qui signifie que son franchissement, à l’occasion d’une hausse de salaires, entraîne une augmentation du coût salarial pour l’entreprise égal à 6 % de 2,5 SMIC, soit 220 € par mois.

Le CICE est un « crédit d’impôt », ce qui signifie que : son montant est d’abord « imputé » sur l’impôt dû par l’entreprise (déduit de ce montant) ; puis, si son montant est supérieur à l’impôt dû avant crédit d’impôt, la différence est remboursée par l’Etat à l’entreprise.

Les crédits d’impôts relatifs à un exercice N sont en principe imputés et/ou remboursés lorsque l’impôt est soldé, en mai de l’année N+1 pour l’IS et en septembre pour l’IR[1]. Le CICE présente toutefois, comme le crédit d’impôt en faveur de la recherche, des spécificités par rapport à cette règle : si le CICE est supérieur à l’impôt dû, la différence donne lieu à une créance sur l’Etat de son montant qui soit est imputée sur l’impôt dû au titre des exercices N à N+3, si cet impôt dû est suffisant, soit est remboursée en N+4. Cette créance au titre de l’exercice N est toutefois remboursable dès l’année N+1 aux petites et moyennes entreprises, aux entreprises nouvelles et aux entreprises innovantes.

Les premiers remboursements et imputations sur l’IS ont eu lieu en 2014 au titre des rémunérations versées en 2013.

Alors que les exonérations et allègements de cotisations sociales ont un effet quasi immédiat sur la trésorerie des entreprises, celles-ci doivent donc attendre de 1 à 4 ans pour que le CICE soit imputé sur l’impôt dû ou remboursé par l’Etat. La créance des entreprises sur l’Etat peut cependant être cédée à des banques, notamment BPI France, qui préfinancent ainsi le CICE à la place de l’Etat.

La loi de 2012 précise que l’utilisation du CICE est retracée dans les comptes des entreprises et qu’il ne peut pas financer une hausse de la part distribuée des bénéfices, ni une augmentation des rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction. Des dispositions législatives ultérieures ont précisé les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel sur l’utilisation du CICE. L’application de ces dispositions pose des problèmes pratiques dans la mesure où il n’y a pas d’affectation de recettes à des dépenses dans les comptes d’une entreprise.

2) Le coût pour les finances publiques

La comptabilité budgétaire étant une comptabilité en encaissements et décaissements, le CICE vient en déduction des recettes fiscales d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu lorsqu’il est imputé ou lorsqu’il est remboursé.

La comptabilité nationale étant une comptabilité en « droits constatés », le CICE est enregistré, en dépenses publiques, comme désormais tous les crédits d’impôt, au moment où la créance de l’entreprise sur l’Etat est constatée et pour le montant de cette créance. Dans la phase de montée en charge du dispositif, le coût du CICE est donc nettement plus élevé en comptabilité nationale qu’en comptabilité budgétaire, les créances constatées étant supérieures aux montants imputés ou remboursés. Cet écart devrait devenir relativement faible en régime permanent.

Dans les deux systèmes comptables, le CICE n’a eu d’impact sur les comptes publics qu’à partir de 2014, quand le montant dû par l’Etat au titre des salaires de 2013 a été constaté (en comptabilité nationale) ou commencé à être décaissé (en comptabilité budgétaire). Si des allégements de charges avaient été mis en œuvre, au lieu de ce crédit d’impôt, ils auraient majoré le déficit public dès 2013 alors que l’objectif était à cette époque de le ramener au-dessous de 3,0 % du PIB en 2013 et qu’il était manifestement très difficile à atteindre.

Il a été décidé en juin 2016 de majorer le taux du CICE sur les salaires de 2017 en remplacement des baisses d’impôt jusque-là prévus pour 2017 pour le même motif : l’impact de cette majoration du taux du CICE augmentera le déficit public de 2018 et des années suivantes et non celui de 2017.

Le graphique suivant présente l’évolution du coût du CICE en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale. La forte augmentation du coût du CICE en 2015, dans les deux systèmes comptables, résulte principalement de la hausse du taux, de 4 à 6 %. Celle de 2018 résulte du passage de ce taux de 6 à 7 % en 2017. Sa baisse en 2019 tient au fait que le taux revient à 6 % sur les salaires de 2018. Sa forte diminution en 2020 résulte de son remplacement en 2019 par une réduction de cotisations sociales (cf. plus loin). Bien que le CICE ne soit plus applicable aux salaires de 2019, des remboursements de CICE sur les salaires des années antérieures seront enregistrées en 2020 en comptabilité budgétaire, de même que des créances résiduelles en comptabilité nationale.

Source : rapport du comité de suivi de septembre 2018 ; FIPECO.

B) Les effets théoriques

1) Les déterminants de la compétitivité

La « compétitivité prix » de la France à l’exportation est mesurée par le rapport entre la moyenne des prix des exportations des autres pays, pondérés par le poids de chacun dans les exportations françaises et convertis en euros, et la moyenne des prix à l’exportation des entreprises françaises. Les exportations françaises en volume augmentent d’environ 0,5 % au bout de deux ans lorsque la compétitivité à l’exportation s’accroît de 1 %.

La compétitivité prix à l’importation est le rapport entre la moyenne des prix à l’importation des produits étrangers en France et la moyenne des prix de production des entreprises françaises. Les importations françaises en volume diminuent d’environ 0,2 % lorsque la compétitivité prix à l’importation augmente de 1 %.

La compétitivité prix, à l’exportation ou à l’importation, dépend de la « compétitivité coût » des entreprises françaises, mesurée par le rapport entre la moyenne des coûts de production unitaire des entreprises des autres pays, pondérés par leur part dans nos échanges extérieurs et convertis en euros, et la moyenne des coûts de production unitaires des entreprises françaises.

Si le taux de marge des entreprises est constant, une amélioration (dégradation) de la compétitivité coût entraîne une amélioration (dégradation) identique de la compétitivité prix.

La « compétitivité hors prix » désigne l’ensemble des facteurs autres que la demande et la compétitivité prix qui expliquent les évolutions des exportations et des importations. Ces facteurs sont hétérogènes et leur impact est difficile à mesurer précisément : la qualité des produits français, par comparaison avec celle des produits étrangers ; le degré d’innovation ou de différenciation des produits français ; leur adaptation à la demande ; la capacité des entreprises françaises à investir et se développer à l’international. Cette compétitivité hors prix dépend pour une part significative de la profitabilité des entreprises et de leur capacité à investir, donc de leur taux de marge.

Selon l’annexe statistique du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2015, la compétitivité coût de la France s’est dégradée de 15 points entre 2000 et 2013. La dégradation de la compétitivité prix n’a été limitée à 3 points que grâce à une réduction de 11 points des marges des entreprises, probablement au détriment de la compétitivité hors prix.

2) L’impact du CICE

Le CICE a pour effet de réduire le coût du travail pour les entreprises, donc leur coût de production. Soit cette baisse est répercutée dans les prix de vente et améliore la compétitivité prix. En conséquence, les entreprises françaises peuvent gagner des parts du marché national ou des marchés étrangers, ce qui favorise l’emploi. Soit les entreprises accroissent leurs marges, leur profitabilité augmente et elles ont plus de moyens et plus d’intérêt à investir, notamment pour satisfaire la demande étrangère. La compétitivité hors prix s’améliore et la hausse des investissements permet d’accroître les capacités de production, de produire plus et a finalement aussi un impact positif sur l’emploi.

Ces effets favorables sur la compétitivité sont toutefois limités dans la mesure où, comme le note le premier rapport de suivi, « le CICE profite moins aux entreprises les plus tournées vers l’exportation ». Celles dont les exportations représentent plus de 5 % de leur chiffre d’affaires reçoivent 22 % du montant total du CICE, soit une proportion nettement inférieure à leur poids dans l’économie (plus de 30 % de la valeur ajoutée ou de la masse salariale).

Les entreprises fortement exportatrices se caractérisent en effet en moyenne par des salaires plus élevés que celles n’exportant pas ou peu. Or elles ne bénéficient pas du CICE pour les salariés dont la rémunération est supérieure à 2,5 SMIC.

Le rapport de suivi de septembre 2017 observe que le CICE profite surtout aux petites entreprises et PME et plutôt aux secteurs intensifs en main d’œuvre.

Bien que la compétitivité constitue l’objet principal du CICE, le seuil de 2,5 SMIC a été fixé pour accroître son impact sur l’emploi. En effet, comme le montre la fiche relative aux allègements de charges sociales sur les bas salaires, le nombre d’emplois créés est d’autant plus important que la baisse des charges sociales touche des salaires au voisinage du SMIC.

En pratique, le CICE vise deux objectifs simultanément, la compétitivité et l’emploi, qui ne requièrent pas les mêmes instruments. En conséquence, il est critiqué par ceux qui mettent l’emploi en premier et considèrent que 2,5 SMIC est un seuil trop élevé, d’une part, et par ceux qui privilégient la compétitivité de l’industrie et souhaitent une extension du dispositif à tous les niveaux de salaires, d’autre part.

Ces positions peuvent être rapprochées, mais seulement en partie, en relevant que la baisse des coûts des services peu qualifiés, comme le nettoyage ou le gardiennage, profite également aux industries exportatrices qui les achètent.

C) Les premiers résultats empiriques

Aux termes de travaux approfondis en partie délégués à plusieurs organismes de recherche et fondés sur des données de 2013 à 2015, le comité d’évaluation du CICE a conclu en septembre 2018 que :

- il n’a pas eu d’impact significatif sur l’investissement des années 2013 à 2015, ce qui est conforme à ce que laissent attendre les délais usuels d’action des mesures de politique économique visant à stimuler l’offre ; des effets peuvent être escomptés à plus long terme ;

- son impact sur l’emploi est difficile à mesurer précisément mais il est probablement à l’origine de la création ou de la sauvegarde d’environ 100 000 emplois sur 2013-2015 ; de nouveau, des effets plus importants pourraient être observées sur une période plus longue ;

- la prise en compte des effets de bouclage macroéconomique, en tenant compte des mesures de financement (TVA, taxes environnementales…), permet d’ajouter environ 20 000 emplois ;

 - le CICE a eu un impact positif sur les salaires moyens et la masse salariale ; il ne semble pas y avoir de concentration des salaires juste au-dessous du seuil de 2,5 SMIC mais la période d’observation reste trop courte pour que des conclusions définitives soient tirées.

En septembre 2020, France Stratégie a publié les résultats obtenus par des centres de recherche en appliquant deux méthodes différentes : une analyse économétrique de données individuelles d’entreprises couvrant la période 2013-2016 ; une analyse économétrique de données sectorielles de comptabilité nationale sur la période 2013-2017 dont les résultats ont été intégrés dans un modèle d’équilibre général de l’économie française. La première méthode est plus précise mais n’intègre pas les interactions macroéconomiques (par exemple, entre salaires, consommation, prix…) contrairement à la deuxième.

La première méthode conduit à la création ou la sauvegarde d’environ 100 000 emplois, ce qui est faible au regard du coût du CICE (18 Md€ en 2016). Il n’y a pas d’impact significatif sur l’investissement.

La deuxième méthode montre que le CICE a eu un impact significatif sur l’emploi et les salaires dans les services. Après prise en compte des interactions macroéconomiques, le CICE aurait permis de créer ou de sauver 400 000 emplois. Si on tient compte des emplois détruits par les mesures permettant de le financer (hausses d’impôts ou réduction des dépenses publiques), l’impact net sur l’emploi est de 160 000.

On peut aussi noter une autre évaluation du CICE publiée en juillet 2017 dans la revue française d’économie et fondée sur un modèle de fonctionnement du marché du travail calibré pour en représenter correctement les principales caractéristiques[2]. La simulation du CICE et d’un renforcement des allègements de cotisations employeurs sur les bas salaires montre que le CICE a nettement moins d’effet sur l’emploi.

D) Les perspectives de transformation en allégements de charges

La transformation du CICE en allégements de charges a été annoncée par le Président de la République et inscrite dans la loi de finances initiale pour 2018. Le CICE n’est plus applicable aux salaires de 2019 et des années ultérieures, après avoir vu son taux revenir de 7 à 6 % sur les salaires de 2018.

Il a été mis en place en contrepartie, à compter du 1er janvier 2019, un allègement supplémentaire des cotisations sociales patronales de 10 points au niveau du SMIC, de 10 à 6 points entre le SMIC et 1,6 SMIC et de 6 points entre 1,6 et 2,5 SMIC.

En 2019, le coût du CICE, sur les salaires des années antérieures, est de 20,6 Md€ en comptabilité nationale compte-tenu de la baisse de son taux sur les salaires de 2018. Cette même année 2019, les nouveaux allègements de cotisations sociales réduisent de 24 Md€ les recettes des administrations de sécurité sociale. Le déficit public est donc ponctuellement aggravé d’environ 22 Md€, compte-tenu de la hausse du dernier acompte d’impôt sur les sociétés induite par cette baisse des charges sociales, soit d’environ 0,9 point de PIB.

Au-delà de 2019, les crédits d’impôts étant considérés comme des dépenses publiques en comptabilité nationale, la suppression du CICE réduira leur rapport au PIB d’environ un point et la baisse des cotisations sociales réduira de presque autant le taux des prélèvements obligatoires.

Les enjeux du remplacement du CICE par un nouvel allègement des cotisations sociales patronales sont plus précisément analysés dans une autre note sur ce site.

 

[1] Les acomptes peuvent néanmoins être ajustés pour tenir compte de l’impôt dû après CICE.

[2] « Un modèle calibré de l’effet du CICE sur l’emploi » ; Th. Breda, L. Haywood et H. Wang ; revue française d’économie, juillet 2017.

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