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FIPECO le 20.04.2024                                                                       

Les fiches de l’encyclopédie                                                          I) Les comptes publics

3) La comptabilité générale de l’Etat

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Selon l’article 27 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, l’Etat doit « tenir une comptabilité générale de l’ensemble de ses opérations ». Son article 30 précise qu’elle est fondée sur le principe de la « constatation des droits et obligations » et que les opérations sont prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent par leur fait générateur indépendamment de leur date de paiement ou d’encaissement.

Les premiers comptes de l’Etat répondant à ces obligations ont été ceux de l’exercice 2006, la mise en place des systèmes d’information et des procédures comptables ainsi que la formation des agents ayant pris plusieurs années.

Cette fiche précise quelles sont les normes comptables appliquées, comment sont produits, adoptés et présentés les comptes puis comment ils sont certifiés.

A) Les normes comptables

L’article 30 de la LOLF précise que les règles applicables à la comptabilité générale de l’Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu’en raison des spécificités de son action. Ces règles comptables sont arrêtées par le ministre chargé des comptes publics après avis d’un comité consultatif de personnalités qualifiées publiques et privées, le « conseil de normalisation des comptes publics » (CNOCP).

Ces normes comptables sont rassemblées dans un « recueil » régulièrement mis à jour qui comprend 19 normes (en 2022), par exemple sur les immobilisations non financières, les produits régaliens ou les événements postérieurs à la clôture des comptes.

Un cadre conceptuel précise en outre en quoi les spécificités de l’action de l’Etat conduisent à adopter des normes de présentation des comptes ou de traitement des opérations qui diffèrent de celles applicables aux entreprises.

En particulier, le principal actif de l’Etat, sa capacité à lever l’impôt pendant un temps illimité, n’est pas comptabilisé car il est inestimable. En conséquence, ses actifs peuvent être inférieurs à ses passifs sans que cela remette en cause sa pérennité. La « situation nette » de l’Etat (écart entre le total des actifs et le total des passifs) est d’ailleurs négative (- 1 875 Md€ à fin 2023), ce qui correspond à l’accumulation des déficits réalisés depuis ses origines (il n’a pas de capital initial car on ne sait pas vraiment quand et comment il a été créé).

La capacité à lever l’impôt de l’Etat résulte de son pouvoir souverain, qui a des conséquences sur la comptabilisation de certaines opérations. Les engagements qu’il prend envers ses agents au titre de leur retraite, par exemple, ne sont pas inscrits au passif de son bilan mais seulement annexés « hors bilan » car il peut toujours lui-même modifier les règles de liquidation et de revalorisation de leurs pensions.

Une norme est consacrée aux biens historiques et culturels, qui sont généralement comptabilisés à l’actif du bilan pour un euro symbolique.

La comptabilité générale de l’Etat couvre tous les services ou institutions de l’Etat non dotés d’une personnalité juridique, même si ces institutions sont qualifiées d’indépendantes.

L’Etat exerce également un contrôle sur de nombreuses entités disposant d’une personnalité juridique, par exemple parce qu’il les possède, les finance ou détient une part majoritaire de leur capital. Les normes comptables qui lui sont applicables précisent, selon la nature du contrôle exercé, les modalités de prise en compte de ces entités, principalement à l’actif de son bilan. Les normes précisent également le mode de comptabilisation des participations dans des entités non contrôlées. En revanche, il n’existe pas de comptes consolidés de l’Etat en comptabilité générale[1].

En dépit de ces particularités, les normes comptables de l’Etat sont souvent proches de celles qui sont appliquées dans les entreprises.

Il existe un système international de normes, dites IPSAS[2], applicables aux organismes publics, dont les normes comptables de l’Etat en France s’inspirent mais se démarquent assez souvent. En effet, ces normes sont élaborées par un organisme privé qui associe peu les pouvoirs publics, sont trop calquées sur les normes comptables internationales des entreprises privées et ne sont en réalité pas adaptées aux spécificités du secteur public.

La France est un des rares pays européens où l’Etat a des comptes tenus en droits constatés et certifiés par une institution indépendante. La Commission européenne a lancé un projet de normes européennes de comptabilité générale applicables aux administrations publiques, mais c’est un chantier de très long terme[3]. Certains pays, notamment l’Allemagne, préfèrent se limiter à une comptabilité budgétaire de caisse et ceux qui ont adoptés une comptabilité générale, ou l’envisagent, sont encore loin de s’accorder sur les normes applicables.

B) La production, l’adoption et la présentation des comptes

1) La production et l’adoption des comptes

Les « comptables publics », agents de la direction générale des finances publiques, sont seuls chargés de tenir la comptabilité générale. Ils produisent les comptes de l’Etat en s’appuyant depuis 2012 sur un système d’information financière dénommé CHORUS qui est partagé entre les « ordonnateurs », les comptables et la Cour des comptes.

Les états financiers de l’exercice clos sont préparés par un comptable centralisateur des comptes de l’Etat puis arrêtés par le ministre en charge des comptes publics.

Ils sont présentés dans un document intitulé « compte général de l’Etat » qui comprend : un bilan, un compte de résultat, un tableau des flux de trésorerie, un tableau des engagements hors bilan et une annexe qui fournit les informations nécessaires à la compréhension et à l’interprétation de ce document.

Le compte général de l’Etat est accompagné d’un rapport de présentation qui expose les faits marquants de l’exercice et présente une analyse des comptes, d’un rapport sur le contrôle interne comptable de l’Etat qui décrit les actions menées pour limiter les risques financiers ainsi que d’une plaquette de communication financière. Ces documents sont joints au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’exercice clos qui est présenté, en principe avant le 1er juin, par le Gouvernement au Parlement puis adopté par celui-ci. Les projets de lois relatifs aux exercices 2021 et 2022 ont été rejetés par le Parlement, ce qui n'était jamais arrivé depuis le vote de la LOLF.

2) La présentation des comptes

Les comptes de l’exercice clos sont systématiquement rapprochés des comptes de l’exercice précédent, ou des deux exercices précédents, ceux-ci étant retraités pour neutraliser l’impact des changements de méthodes.

a) Le compte de résultat

Le compte de résultat comprend trois tableaux :

  • un tableau des « charges nettes » distinguant les charges de fonctionnement (personnel, achats…) nettes des produits de fonctionnement (prestations de services…), les charges d’intervention (subventions aux entreprises, transferts aux ménages…) nettes des produits d’intervention (contributions reçues de tiers…) et les charges financières (intérêts sur la dette…) nettes des produits financiers (produits des immobilisations financières…) ;
  • un tableau des « produits régaliens nets », qui regroupent les produits des impôts, nets des remboursements et dégrèvements, et les « autres produits régaliens » (amendes…), nets des contributions de la France à l’Union européenne ;

 

  • un « tableau de détermination du solde des opérations de l’exercice » qui présente le solde des produits régaliens nets et des charges nettes avec leurs principales composantes.

Le tableau de détermination du solde des opérations de l’exercice (Md€)

 

2022

2023

Charges de fonctionnement nettes

225,9

217,7

Charges d’intervention nettes

197,7

193,5

Charges financières nettes

51,2

29,6

Charges nettes (I)

474,9

440,8

Produits fiscaux nets

330,7

328,8

Autres produits régaliens nets

10,4

11,0

Ressources propres de l’Union européenne

- 24,2

-23,9

Produits régaliens nets (II)

316,6

315,9

Solde des opérations de l’exercice (II – I)

- 158,0

- 124,9

Source : compte général de l’Etat ; FIPECO.

L’articulation entre ce résultat en comptabilité générale et les résultats de l’Etat en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale font l’objet d’une fiche spécifique.

b) Le bilan

Le bilan comprend à l’actif : l’actif immobilisé, l’actif circulant, la trésorerie, et les comptes de régularisation. Il distingue au passif : les dettes financières, les dettes non financières, les provisions pour risques et charges, les autres passifs hors trésorerie, la trésorerie et les comptes de régularisation. Les actifs sont présentés à la fois bruts et nets des amortissements et dépréciations.

Le bilan au 31 décembre 2022 est caractérisé par un total des actifs nets de presque 1 300 Md€, un total des passifs de plus de 3 000 Md€ et une situation nette négative à hauteur d’environ – 1 750 Md€. L’importance des dettes financières (2 300 Md€) est aussi notable.

Le bilan de l’Etat au 31 décembre (Md€)

Actif net

2022

2023

Passif

2022

2023

Actif immobilisé

1 030

1 055

Dettes financières

2 328

2 445

Actif circulant

171

204

Dettes non financières

297

283

 

 

 

Provisions

176

185

 

 

 

Autres passifs hors trésorerie

38

38

Trésorerie

82

35

Trésorerie

176

165

Comptes de régularisation

1

1

Comptes de régularisation

26

22

 

 

 

 

 

 

Total actif

1 283

1294

Total passif

3 041

3 170

 

 

 

Situation nette

- 1 758

- 1 875

Source : compte général de l’Etat ; FIPECO.

c) Les engagements hors bilan

Les engagements hors bilan, de l’Etat et des autres administrations publiques, font l’objet d’une fiche particulière.

C) La certification des comptes

L’article 47-2 de la Constitution dispose que les comptes des administrations publiques, dont l’Etat fait partie, « sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

En application de l’article 58-5 de la LOLF, la Cour des comptes est chargée de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’Etat.

En conséquence, elle publie chaque année un acte de certification des comptes de l’Etat qui est annexé au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’exercice clos et qui est accompagné du compte-rendu des vérifications réalisées. Celles-ci s’appuient sur des normes internationales d’audit comptable. Cet acte de certification présente la position de la Cour et ses motivations détaillées.

Depuis 2006, premier exercice pour lequel les normes de comptabilité générale ont été appliquées, les comptes de l’Etat ont toujours été certifiés, mais avec des « réserves » dont certaines sont qualifiées de « substantielles ».

La Cour avait formulé 13 réserves, toutes substantielles, sur les comptes de l’exercice 2006. Des progrès significatifs dans la tenue des comptes de l’Etat ont ensuite été progressivement réalisés, la Cour se plaçant dans une démarche d’accompagnement de la direction générale des finances publiques, et les comptes de 2020 ont été certifiés avec seulement 4 réserves, toutes substantielles.

Ces réserves portaient sur : les limites générales dans l’étendue des vérifications qui tenaient notamment aux défauts du système d’information financière, qui restait insuffisamment adapté à la tenue de la comptabilité générale et aux vérifications d’audit ; la comptabilisation des produits régaliens et des créances et dettes s’y rattachant, qui restait affectée par des incertitudes et limitations significatives ; les immobilisations et stocks gérés par le ministère de la défense, qui étaient sources d’importantes incertitudes ; l’évaluation des immobilisations financières dont la fiabilité n’était pas assurée.

L’acte de certification des comptes de 2021 est présenté différemment. Ils sont certifiés « sous réserve des incidences des problèmes décrits dans la section « fondement de l’opinion avec réserves » » à savoir : cinq « anomalies significatives » et dix cas pour lesquels la Cour ne dispose pas de suffisamment d’éléments probants. Les actes de certification des comptes de 2022 et 2023 sont présentés de la même façon.

Les comptes de 2023 sont certifiés sous réserve des incidences de cinq anomalies significatives qui concernent : les provisions et les immobilisations relatives aux matériels militaires ; la participation de l’Etat dans EDF (surévaluée de 12 Md€) ; la participation de l’Etat dans la Caisse des dépôts et consignations (sous-évaluée de 28 Md€) et le traitement comptable des fonds d’épargne ; l’absence de mention des engagements pris pour garantir la dette de BPI France ; l’absence de mention des engagements pris pour garantir le remboursement des emprunts émis par l’Union européenne dans le cadre du plan de relance européen (75 Md€ pour la part de la France).

Les insuffisances d’éléments probants portent sur 11 postes et notamment sur la valorisation du patrimoine immobilier, du réseau routier, des matériels et stocks militaires, de certaines participations financières ou encore sur le montant des produits fiscaux et des créances fiscales.

 

[1] Le compte des administrations publiques en comptabilité nationale constitue une forme de consolidation des comptes publics.

[2] International Public Sector Accounting Standards.

[3] Ce projet s’appelle EPSAS, European Public Sector Accounting Standards.

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