FIPECO, le 03.12.2020
Les fiches de l’encyclopédie IV) Les prélèvements obligatoires
Les prélèvements obligatoires ne sont définis ni dans le système de comptabilité nationale de l’Organisation des Nations Unies ni dans le système européen de comptes nationaux et il n’en existe pas de définition totalement harmonisée au niveau international. Ce concept est pourtant fortement lié à celui d’administrations publiques (APU) de la comptabilité nationale. Les prélèvements obligatoires sont en effet toujours des « recettes publiques », c’est-à-dire des recettes des administrations publiques[1]. Toutefois, toutes les recettes publiques ne sont pas des prélèvements obligatoires. Il revient à chaque organisation internationale et à chaque institut statistique national de déterminer celles qui entrent dans cette catégorie.
Cette fiche précise la définition habituellement retenue, notamment en France, des prélèvements obligatoires. Elle présente ensuite leur niveau et leur répartition, en France et dans les autres pays européens. Elle montre enfin leur place dans les recettes publiques.
Bien que chaque organisme statistique puisse retenir en principe sa propre définition des prélèvements obligatoires (PO), celle de l’OCDE, qui a été la première, fait autorité. Elle repose sur les critères suivants :
Les PO affectés aux institutions européennes dans les comptes nationaux se limitent aux « ressources propres traditionnelles » de l’Union européenne (droits de douane perçus en France pour l’essentiel) et à la taxe perçue au profit du fonds de garantie des dépôts bancaires et de résolution, soit un montant total de 5 Md€ en 2019. Les autres ressources de l’Union européenne sont comptabilisées comme des dépenses de l’Etat en sa faveur, elles-mêmes financées par l’ensemble de ses recettes.
Le périmètre des prélèvements obligatoires est donc, pour l’essentiel, le même que celui des administrations publiques et il pose les mêmes problèmes de frontières.
Le caractère obligatoire ou librement consenti des versements effectués au profit des APU ainsi que l’absence de contrepartie directe ne sont pas toujours manifestes et les conventions retenues par les statisticiens sont parfois discutables. C’est par exemple le cas des amendes non fiscales ou des droits de timbre sur les documents d’identité (permis de conduire, passeport…), qui ne sont pas considérés comme des prélèvements obligatoires mais comme la contrepartie de services rendus.
Deux points de méthode méritent d’être signalés, concernant la consolidation des comptes des administrations publiques et la date d’enregistrement des prélèvements obligatoires.
Les « dépenses publiques », c’est-à-dire les dépenses de l’ensemble des APU, sont consolidées, ce qui signifie que les transferts entre APU (Etat, « organismes divers d’administration centrale », « administrations publiques locales » et « administrations de sécurité sociale ») sont déduits de la somme de leurs dépenses, qui forme les dépenses publiques. En conséquence, par exemple, la dotation globale de fonctionnement des collectivités locales, qui est une dépense pour l’Etat et une recette pour les collectivités locales, n’est pas incluse dans les dépenses publiques.
En revanche, les impôts et cotisations sociales versés par une administration à une autre (par exemple les cotisations sociales employeurs versées par les collectivités locales à la caisse de retraite de leurs agents) sont inclus à la fois dans les dépenses publiques (au titre des collectivités locales dans cet exemple) et dans les prélèvements obligatoires (au titre des administrations de sécurité sociales dans ce même exemple).
En principe, la comptabilité nationale est tenue en « droits constatés » et les prélèvements obligatoires devraient donc être enregistrés lorsqu’ils donnent lieu à une créance certaine des administrations sur leurs débiteurs, et non au moment de leur encaissement comme c’est le cas dans une « comptabilité de caisse ». En pratique et s’agissant de l’Etat, les comptables nationaux s’appuient, pour estimer les prélèvements obligatoires, sur la comptabilité budgétaire qui est une comptabilité de caisse et ne corrigent que très rarement les recettes qu’elle enregistre. La correction la plus significative est apportée aux recettes budgétaires de TVA : les recettes de janvier de l’année N+1 sont imputées en comptabilité nationale à l’année N, le fait générateur de la créance ayant eu lieu en N.
S’agissant des autres APU, les comptables nationaux reprennent les recettes inscrites dans leurs comptes, qui sont, pour la plupart, déjà enregistrées en droits constatés. Les recettes non recouvrables sont globalement déduites du total des prélèvements obligatoires.
Le montant des prélèvements obligatoires (PO) en France est de 1 070 Md€, soit 44,1 % du PIB, en 2019, après 1 057 Md€ (44,8 % du PIB) en 2018 selon l’Insee.
Il représentait 45,4 % du PIB en 2019 selon l’OCDE, dont la définition diffère légèrement (cf. plus loin le traitement des crédits d’impôt). Le « taux des prélèvements obligatoires » (rapport entre leur montant et le PIB) se situait ainsi au deuxième rang des pays de l’organisation derrière le Danemark (46,3 %).
Si la Belgique, l’Italie et la Suède ont des taux proches de celui de la France, les autres grands pays européens ont des taux nettement plus bas, notamment l’Allemagne (38,8 %). Les taux des prélèvements obligatoires sont beaucoup plus faibles dans les pays non européens de l’OCDE. La moyenne des pays de l’organisation se situe à 33,8 % en 2019.
Les écarts entre les taux des PO tiennent pour partie à des périmètres différents des administrations publiques d’un pays à l’autre, qui résultent de choix de systèmes économiques et sociaux faisant plus de place au marché ou à l’intervention publique pour satisfaire les besoins des ménages et entreprises (cf. fiche sur les administrations publiques). C’est notamment le cas des assurances maladie et retraite qui expliquent une partie de ces écarts. Ils résultent également pour partie de l’efficience des services publics et de la redistribution dans chaque pays.
Source : OCDE ; FIPECO.
Le graphique suivant présente la répartition des PO par catégories d’administrations publiques : Etat, organismes divers d’administration centrale (ODAC), administrations publiques locales (APUL) et administrations de sécurité sociale (ASSO). Les institutions européennes en reçoivent 0,5 %.
Source graphique : Insee ; FIPECO
Le tableau suivant montre les principales catégories de prélèvements obligatoires en pourcentage du total. Il y a deux grandes catégories, les cotisations sociales et les impôts, mais ce tableau décompose seulement les impôts en se limitant au montant total pour les cotisations sociales.
Les principales catégories de prélèvements obligatoires en 2019 en % du total
Cotisations sociales |
34,0 |
TVA |
16,3 |
Impôts sur les salaires (1) |
4,1 |
Impôts sur les produits hors TVA |
10,7 |
Impôts sur le revenu (2) (Dont impôt sur les sociétés) |
24,6 (3,0) |
Droits d’importation hors TVA |
0,3 |
Autres impôts courants (3) |
1,8 |
Impôts divers sur la production (4) |
7,0 |
Admissions en non-valeur (5) |
- 0,4 |
Impôts en capital (6) |
1,4 |
Source : Insee
Source : Insee ; FIPECO
Les recettes publiques, à savoir le total des recettes des administrations publiques, se sont élevées à 1 275 Md€ en 2019, soit 52,6 % du PIB. Le « déficit public » (3,0 % du PIB) est la différence entre les dépenses publiques (55,6 % du PIB) et ces recettes.
Les recettes publiques autres que les PO affectés aux administrations publiques françaises (210 Md€) sont de deux natures : des recettes effectivement perçues par les APU mais qui ne sont ni des impôts, ni des cotisations sociales ; des recettes « pour ordre », qui ne sont pas réellement encaissées et qui correspondent au traitement comptable d’opérations particulières.
Il s’agit pour 64 Md€ des recettes tirées des activités marchandes que les administrations publiques exercent à titre secondaire (redevances pour services rendus, location de terrains et immeubles et parfois vente de biens comme des livres). Les paiements partiels des ménages pour des services non marchands (droits d’inscription dans l’enseignement supérieur par exemple) représentent 10 Md€. Les revenus de la propriété (dividendes versés par les entreprises dans lesquelles l’Etat détient une participation, intérêts des prêts, revenus des valeurs mobilières de placement…) s’élèvent à 16 Md€. Les transferts (subventions) reçus, notamment de l’Union européenne, sont de 24 Md€. Le total s’établit à 114 Md€.
Le traitement des « crédits d’impôts » en comptabilité nationale a été modifié lors du passage, en 2014, du système européen de comptes de 1995 à celui de 2010. Ils sont déduits par les contribuables des impôts dus (impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés) et leur sont restitués[4] si leur montant est supérieur à l’impôt dû avant leur déduction. L’avantage obtenu par le contribuable est indépendant des impôts qu’il doit payer et les crédits d’impôts sont en fait économiquement équivalents à des subventions. En conséquence, ils sont désormais considérés comme des dépenses publiques en comptabilité nationale (38 Md€ en 2019).
Toutefois, l’Insee continue à mesurer les PO en déduisant le montant des crédits d’impôts du produit brut des impôts, contrairement à l’OCDE et Eurostat pour lesquels les PO sont en conséquence plus élevés. Pour éviter de les compter à la fois en dépenses et en moindres recettes, l’Insee les ajoute aux recettes publiques autres que les PO.
Une complication supplémentaire réside dans le fait que le montant inscrit en dépenses publiques (38 Md€) diffère de celui inscrit à la fois en déduction des PO et en recettes hors PO (36 Md€), car les dates d’enregistrement en comptabilité ne sont pas les mêmes.
Il y a deux autres recettes pour ordre : les « cotisations imputées » que l’Etat se verse à lui-même à titre de contribution au financement des pensions de ses agents (44 Md€) et la « production pour emploi final propre » (16 Md€), qui correspond aux biens et services produits par les administrations pour leur usage propre, comme des logiciels. Dans les deux cas, le même montant est inscrit en dépenses et en recettes pour ordre.
Par exemple, si la production en interne d’un logiciel coûte 1 M€ en frais de personnel, un montant de 1 M€ est enregistré en rémunérations et un autre montant de 1 M€ est comptabilisé en investissement des administrations publiques (production pour emploi propre), qui a pour contrepartie une recette d’ordre de 1 M€[5].
L’équilibre du compte des administrations publiques en 2019 (Md€)
Dépenses |
|
Recettes |
|
Crédits d’impôts |
38 |
Crédits d’impôts |
36 |
Cotisations sociales imputées |
44 |
Cotisations sociales imputées |
44 |
Production pour emploi propre |
16 |
Production pour emploi propre |
16 |
Sous-total |
98 |
Sous-total recettes pour ordre |
96 |
|
|
|
|
Autres dépenses publiques |
1 250 |
Recettes effectives hors PO |
114 |
Prélèvements obligatoires Soit : produit brut - crédits d’impôts |
1 065 (*)
1 101 - 36 |
||
|
|
|
|
Total des dépenses publiques |
1 348 |
Total des recettes publiques |
1 275 |
|
|
Déficit public |
73 |
Source : Insee
Source : Insee ; FIPECO
(*) Les PO représentent au total 1 070 Md€ mais 5 Md€ sont affectés aux institutions européennes.
[1] Ou de l’Union européenne.
[2] C’est la seule exception au principe selon lequel les prélèvements obligatoires sont des recettes des administrations publiques.
[3] Il s’agit surtout en France des contributions de l’Etat au financement des pensions de ses fonctionnaires, que l’Etat se verse en fait à lui-même (cf. fiche sur les retraites des fonctionnaires).
[4] En France, ce caractère restituable distingue les « crédits d’impôts » des « réductions d’impôts ».
[5] En fait, il n’y a pas de ligne « production pour emploi propre » dans les dépenses, mais la même somme est comptée deux fois (dans cet exemple en rémunérations et en investissement).
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