FIPECO le 15.07.2024
Les fiches de l’encyclopédie IX) Les autres politiques publiques
2) Les dépenses publiques en faveur de l’agriculture
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Les dépenses publiques en faveur de l’agriculture (hors industries agro-alimentaires) prennent la forme de :
- « concours publics à l’agriculture », au sens de la commission des comptes de l’agriculture, qui sont attribués par l’Union européenne ou par l’Etat et les régions sous forme d’aides et subventions ou d’allégements de charges fiscales et sociales ;
- dépenses de fonctionnement des services publics affectés à l’agriculture, y compris les services d’enseignement et de recherche ;
- contributions de l’Etat et des autres régimes de sécurité sociale[1] au financement des régimes de protection sociale des exploitants et salariés agricoles.
Le total de ces dépenses, qui correspond au coût pour les contribuables nationaux ou communautaires, s’élève à 19,5 Md€ en 2023, soit 49 % de la valeur ajoutée brute de la branche agriculture (39,4 Md€). Il est de 25,6 Md€, soit 65 % de cette valeur ajoutée agricole, si on ajoute le coût du financement de la protection sociale des agriculteurs, dont l’estimation est toutefois difficile et donnée ici à titre indicatif.
Les dépenses publiques en faveur de l’agriculture en 2023 (Md€)
Concours publics
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Coût des services publics
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Financement de la protection sociale
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Aides et subventions
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Allègements de charges
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10,6
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5,0
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3,9
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6,1
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Sources : commission des comptes de l’agriculture de juin 2024 ; projet de loi d’approbation des comptes de l’Etat de 2023 ; commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2024 ; FIPECO.
A) Les concours publics à l’agriculture
La commission des comptes de l’agriculture publie régulièrement un panorama des « concours publics à l’agriculture » qui recense les aides européennes et nationales ainsi que les allégements de charges sous formes de « dépenses fiscales » ou d’exemptions de cotisations sociales.
1) Les aides et subventions
Les réformes de la PAC mises en œuvre depuis les accords de Luxembourg de 2003 ont entraîné une forte réduction des « aides de marché » destinées à réguler le fonctionnement des marchés agricoles ou à adapter l’offre (restructuration des exploitations, promotion de la qualité…). Elles sont passées de 2,1 Md€ en 2004 à 0,9 Md€ en 2023.
Ces réformes ont entraîné, à partir de 2006, une diminution encore plus forte des « aides liées aux produits », c’est-à-dire à la quantité ou à la valeur de la production des exploitations, qui sont passées de 7,4 Md€ en 2004 à 1,2 Md€ en 2023.
Ces aides ont été remplacées par un « paiement de base » indépendant de la production, du moins pour les cultures où il dépend seulement de la surface cultivée (pour l’élevage bovin, il dépend pour partie du nombre d’animaux). Il est majoré si certaines conditions environnementales sont respectées. Il est monté en charge à partir de 2006 et représente 5,4 Md€ en 2023.
Les aides à la gestion des aléas de production, notamment les calamités, ont fortement augmenté en 2020-2021 puis diminué et s’élèvent à 0,6 Md€ en 2023.
Les « aides au développement rural » comprennent notamment les aides à l’installation des jeunes agriculteurs et les aides à la cessation d’activité ainsi que les mesures en faveur de la protection de l’environnement. Après avoir fortement augmenté dans les années 1990 et au début des années 2000, elles ont diminué en 2007, se sont stabilisées autour de 1,6 Md€ sur 2008-2017, puis sont passées à 2,5 Md€ en 2019 pour revenir à 2,2 Md€ en 2023.
Le total de ces aides et subventions est de 10,6 Md€ en 2023 après avoir baissé à partir de 2007 puis remonté à partir de 2018. En 2022, il était de 11,6 Md€, répartis entre le budget de l’Union européenne (9,6 Md€) et ceux de l’Etat et des collectivités territoriales (2,0 Md€). La baisse constatée de 2022 à 2023 s’explique en partie par des décalages des paiements européens de 2023 sur 2024.
2) L’efficacité des aides et subventions
La politique agricole commune a été profondément réformée depuis le début des années 1990, notamment depuis les accords de Luxembourg de 2003, dans le sens d’une plus grande efficacité socio-économique. La PAC historique faisait soutenir les revenus des agriculteurs par les consommateurs à travers le maintien de prix élevés, qui était obtenu grâce à des interventions des « offices agricoles » sur les marchés, à des quotas de production (notamment de lait) et à des protections contre l’importation aux frontières de l’Union européenne. Les exportations devaient être fortement subventionnées pour être compétitives. Outre des prix élevés pour les consommateurs, cette politique avait pour inconvénient de conduire les agriculteurs à retenir des spécialisations et des modes de production qui ne correspondaient pas aux besoins des consommateurs.
Les interventions sur les marchés et les quotas ont été remplacés par des subventions, et celles-ci ont été elles-mêmes profondément transformées en remplaçant les aides liées aux produits, qui contribuaient également à des choix de spécialisation et de techniques de production inefficaces, par des aides forfaitaires[2] qui laissent les agriculteurs déterminer leur offre en fonction de la demande. Les concours publics européens à l’agriculture ont ainsi pu diminuer alors que le remplacement des quotas de production et des interventions de marché par des « aides directes » aurait pu les faire augmenter. Il reste que la nouvelle PAC est également caractérisée par une plus forte volatilité des prix et donc des revenus des agriculteurs et que les mécanismes de couverture de ces risques sont insatisfaisants.
Les réformes de la PAC ont également conduit à lui ajouter un « deuxième pilier » sous la forme d’aides au développement rural qui ont, pour partie, des objectifs environnementaux.
Comme le souligne une note de décembre 2015 du conseil d’analyse économique (CAE), la PAC laisse depuis la réforme de 2013 une assez grande marge d’adaptation à l’échelle nationale aux Etats membres. Or les choix faits par la France paraissent souvent guidés par des objectifs multiples et contradictoires. Les rapports de la Cour des comptes montrent également que les aides nationales restent foisonnantes, sans objectifs clairs, souvent décidées dans l’urgence et rarement évaluées.
Les auteurs de la note du CAE plaident notamment en faveur d’une réorientation des aides vers la rémunération des services rendus par les agriculteurs en faveur de la préservation de leur environnement, qui est tant un enjeu environnemental qu’une condition de la réussite future de l’agriculture elle-même.
Une nouvelle réforme de la PAC est entrée en vigueur en 2023, qui donne un peu plus de liberté aux Etats pour adapter les aides européennes à leurs spécificités. Chaque pays doit ainsi établir un plan stratégiques national, approuvé par la Commission européenne, fixant ses objectifs et les moyens affectés en précisant les conditions retenues pour attribuer les subventions européennes et nationales à l’agriculture. Ces aides sont toutefois très encadrées par la réglementation européenne et s’inscrivent dans la ligne des réformes précédentes de la PAC, avec un renforcement des contraintes environnementales.
3) Les allègements de charges
Les dépenses fiscales en faveur de l’agriculture sont au nombre de 34 et leur coût total s’élève à 2,5 Md€ en 2023. La plupart d’entre elles ont un coût inférieur à 1 M€ ou non chiffré. La plus importante est le taux réduit et le remboursement d’une partie de la taxe de consommation intérieure sur les produits énergétiques appliquée au gazole utilisé par les agriculteurs (1,6 Md€).
Les allègements de charges sociales ont un coût de 2,5 Md€ et comprennent aussi bien les allégements généraux de cotisations sociales sur les bas salaires que des exemptions spécifiques à l’agriculture.
Source : ministère de l’Agriculture ; les allégements de charges sont comptés dans les concours publics de ce graphique depuis 2014, les dépenses relatives aux aléas de production et à la sécurité sanitaire depuis 2018 ; FIPECO.
B) Les services publics affectés à l’agriculture
Les dépenses de fonctionnement de la « mission agriculture » du budget de l’Etat se sont élevées à 1,9 Md€ en 2023, dont 0,9 Md€ de masse salariale (principalement les salaires des agents du ministère de l’agriculture et de ses services déconcentrés) et 1,0 Md€ d’autres dépenses de fonctionnement y compris les « subventions pour charges de service public » aux « opérateurs » tels que FranceAgriMer ou l’Agence de Services et de Paiements.
Il convient d’y ajouter les dépenses du « programme enseignement technique agricole », soit 1,6 Md€ en 2023, et celles du « programme enseignement supérieur et recherche agricoles », soit 0,4 Md€, qui relèvent d’autres missions budgétaires.
Le coût total des services publics affectés à l’agriculture peut donc être ainsi estimé à au moins 3,9 Md€ en 2023 (une partie du coût de ces services est financée par des taxes fiscales affectées aux organismes concernés et n’est pas compté dans ce total).
C) Le financement de la protection sociale des agriculteurs
Il existe deux régimes de sécurité sociale dans le domaine agricole, tous deux gérés par la « mutualité sociale agricole » (MSA). Le premier concerne les exploitants et le second les salariés agricoles. Les branches maladie de ces régimes sont désormais intégrées dans les comptes des branches maladie de l’ensemble des régimes de base dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Seules les branches vieillesse sont désormais distinguées dans ce rapport.
Les dépenses de retraite du régime des exploitants agricoles s’élèvent à 6,7 Md€ en 2023. Elles sont financées à hauteur de 21 % par des cotisations sociales et pour le reste par des impôts et taxes affectés ou par des transferts des autres régimes (2,9 Md€), notamment au titre de la compensation des déséquilibres démographiques.
Les charges nettes de retraite du régime des salariés agricoles s’élèvent à 6,8 Md€. Elles sont financées à hauteur de 48 % par des cotisations sociales et pour le reste par des impôts et taxes affectés ou par des transferts des autres régimes (3,2 Md€), notamment au titre de la compensation des déséquilibres démographiques.
Le coût de la protection sociale agricole pour l’ensemble des contribuables peut être estimé en retenant le montant des transferts des autres régimes soit 6,1 Md€. Ce montant est sous-estimé dans la mesure où le déficit de la branche maladie du régime des exploitants est fondu dans celui de la branche maladie du régime général.
Il faut toutefois noter que si les régimes de sécurité sociale agricoles n’existaient pas, l’agriculture bénéficierait, comme toute branche d’activité avec une démographie défavorable, de transferts démographiques implicites en provenance des branches les plus favorisées par la démographie.
D) Comparaisons internationales
L’OCDE procède régulièrement à des estimations de l’ampleur des politiques de soutien de l’agriculture, qu’elles profitent aux producteurs ou aux consommateurs et qu’elles prennent la forme de concours publics, de dépenses fiscales ou de mécanismes de régulation des marchés tels que les quotas de production ou d’importation.
L’ampleur de ces soutiens est comparée dans le tableau suivant en faisant le rapport entre le soutien total à l’agriculture, quelle qu’en soit la forme, et la valeur de la production agricole, les deux grandeurs étant exprimées en une même monnaie.
Les soutiens à l’agriculture en 2022 en % de la valeur de la production agricole
Union européenne
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Etats-Unis
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Japon
|
Canada
|
Corée du sud
|
Australie
|
Suisse
|
Royaume-Uni
|
Brésil
|
20
|
25
|
47
|
10
|
52
|
6
|
72
|
20
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4
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Source : OCDE ; FIPECO.
L’OCDE ne distingue pas les pays de l’Union européenne mais, s’agissant de la France, le taux européen de soutien de 20 % n’est pas très éloigné de ce qu’on obtient en rapportant les concours publics et le coût des services publics, soit environ 20 Md€, à la production agricole, soit 96 Md€, en 2022.
Les taux de soutien dans l’Union européenne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ont des niveaux intermédiaires entre ceux, très forts, d’autres pays développés (Suisse, Japon, Corée du sud) et ceux, très faibles, de pays disposant de très importantes ressources agricoles (Australie, Canada, Brésil).
[1] Un régime de sécurité sociale est défini par une population particulière, les prestations auxquelles elle a droit et les modalités de leur financement.
[2] Ces nouvelles aides ont d’abord été égales à celles liées aux produits qui étaient perçues antérieurement mais avec des montants figés et donc indépendants de la production. Elles ont évolué vers des aides attribuées en fonction du nombre d’hectares.