FIPECO le 21.09.2023
Les fiches de l’encyclopédie I) Les comptes publics
10) Les informations comptables infra-annuelles
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La directive européenne du 8 novembre 2011 sur les « exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres » prévoit :
- la publication par Eurostat de la dette et du déficit trimestriels des « administrations publiques » des Etats membres tous les trois mois ;
- la publication par les Etats membres de données budgétaires mensuelles, avant la fin du mois suivant, pour les « administrations publiques centrales et de sécurité sociale », et de données budgétaires trimestrielles, avant la fin du trimestre suivant, pour les « administrations publiques locales ».
Ces informations comptables infra-annuelles sont en principe utilisées par les services de la Commission européenne dans le cadre des procédures de suivi des politiques budgétaires des Etats membres en situation de « déficit excessif », qui doivent régulièrement rendre compte des mesures prises et de leurs effets.
Il existe des données comptables infra-annuelles depuis longtemps en France qui ont été complétées ces dernières années pour satisfaire ces nouvelles exigences, mais elles sont encore souvent incomplètes et difficilement exploitables.
A) L’Etat
Une « situation mensuelle du budget de l’Etat » est publiée environ un mois après la fin du mois considéré. La situation à la fin du mois M de l’année N donne les principales recettes et dépenses en cumul sur les M premier mois de N et N-1 ainsi que les soldes du budget général et des comptes spéciaux à la fin du mois M de N et N-1.
1) Les recettes
Les recettes non fiscales, par exemple les amendes imposées par l’Autorité de la concurrence, qui sont recouvrées un mois donné sont très variables d’une année à l’autre. En conséquence, la comparaison des recettes non fiscales comptabilisées sur les M premier mois de N et N-1 est peu pertinente.
La comparaison des recettes fiscales nettes recouvrées sur les M premiers mois des années N et N-1 a plus de sens mais reste difficile à interpréter, notamment pour les deux raisons suivantes :
- le rythme de recouvrement des impôts par les services de la direction générale des finances publiques (DGFIP) n’est pas toujours le même d’une année à l’autre et seuls ces services sont en mesure d’en déterminer l’impact sur les recettes enregistrées ;
- il faut tenir compte des mesures fiscales nouvelles et, pour cela, connaître leur date de mise en œuvre, ce qui est théoriquement possible puisqu’elle est généralement fixée par la loi mais concrètement compliqué car ces mesures sont nombreuses et leur mise en œuvre effective peut être en pratique retardée.
Sous réserve du calendrier des mesures nouvelles, les recouvrements d’impôts indirects (TVA et taxe intérieure de consommation des produits énergétiques) sont relativement réguliers. La comparaison des premiers mois de N et N-1 ne commence toutefois à présenter une certaine fiabilité qu’à partir du deuxième semestre.
Le rythme de recouvrement des impôts sur le revenu et les sociétés varie parfois sensiblement d’une année à l’autre. En outre, les recettes pour l’ensemble de l’année N dépendent fortement : s’agissant de l’impôt sur le revenu, du recouvrement du solde qui a lieu en septembre pour l’essentiel et sur le reste de l’année pour une part non négligeable ; s’agissant de l’impôt sur les sociétés, du dernier acompte, qui doit être versé le 15 décembre et qui, pour les grandes sociétés, est liquidé sur la base de leurs prévisions de résultats de l’année en cours.
En conséquence, c’est seulement début décembre que la situation mensuelle du budget de l’Etat à fin octobre permet d’apprécier précisément les recettes d’impôt sur le revenu et au début de l’année N+1, c’est-à-dire quand les premiers résultats sur l’ensemble de l’année N sont eux-mêmes connus, que les encaissements mensuels d’impôt sur les sociétés ont une signification précise.
Les droits d’enregistrement (successions et donations notamment) des M premiers mois peuvent varier fortement d’une année à l’autre sous l’effet de la déclaration et du recouvrement de successions très importantes.
2) Les dépenses
Le rythme de décaissement des dépenses de l’Etat est encore plus variable d’une année à l’autre que celui des recettes. C’est notamment le cas pour les dépenses d’intervention et d’investissement. Les premières comportent notamment les subventions. Celles-ci sont payées selon des calendriers qui peuvent changer et sont souvent laissés à la discrétion du ministère en charge du budget. Elles sont parfois finalement reportées sur l’exercice suivant si les crédits disponibles sont insuffisants en fin d’année.
Le paiement des dépenses de rémunérations se fait à un rythme plus régulier mais qui peut également être affecté par d’importantes mesures à des dates variables. C’est notamment le cas des nouvelles mesures catégorielles. Le rythme d’évolution de la masse salariale de l’Etat dépend aussi des flux mensuels de départ et de recrutement. Sans connaître ces flux mensuels, qui ne sont pas publiés, il est très difficile d’interpréter la comparaison de la masse salariale sur les M premiers mois des exercices N et N-1.
Enfin, l’évolution infra-annuelle de la charge d’intérêt dépend notamment du calendrier de paiement des coupons dus sur les obligations du trésor à plus d’un an et du calendrier d’émission des bons à moins d’un an qui ne sont jamais les mêmes deux années de suite.
3) Le solde budgétaire
Au total, c’est seulement en fin d’année que la comparaison des soldes budgétaires à la fin des mêmes mois des années N et N-1 commence à avoir un minimum de signification tout en restant fragile.
B) Les autres administrations publiques
1) Les administrations de sécurité sociale
L’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) centralise les encaissements mensuels de cotisations sociales et d’impôts et taxes affectés à la sécurité sociale mais ne met en ligne que des données annuelles.
La caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés publie depuis très longtemps des statistiques mensuelles sur ses dépenses de remboursement en date de remboursement, au début du mois M+2, et en date de soins, un peu plus tard.
Les autres caisses de sécurité sociale disposent généralement de données comptables mensuelles ou trimestrielles mais ne les publient que sur une base annuelle.
Une synthèse de ces données comptables mensuelles est néanmoins publiée chaque trimestre par la commission des comptes de la sécurité sociale (2 à 3 mois après la fin du trimestre concerné). Les principales recettes et dépenses de chaque « branche » (maladie et accidents du travail, vieillesse, famille) du régime général, du fonds de solidarité vieillesse (FSV), du régime social des indépendants (RSI) et de la mutualité sociale agricole (MSA) sont publiées en cumul sur les T premiers trimestres des années N et N-1, ainsi que leurs soldes à la fin du trimestre T en N et N-1.
Ces informations infra-annuelles présentent des difficultés d’interprétation semblables à celles de l’Etat pour les mêmes raisons tenant à l’impact des mesures nouvelles en cours d’année et à la variabilité des rythmes de recouvrement (le calendrier des appels de cotisations pour les professions non salariées change par exemple assez souvent).
Les rythmes d’encaissement des recettes et de décaissements des dépenses des organismes de sécurité sociale sont toutefois plus réguliers que ceux de l’Etat, ce qui rend les évolutions infra-annuelles plus faciles à exploiter et permet ainsi à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin et au comité d’alerte de l’assurance maladie de formuler des diagnostics relativement fiables sur les risques d’écart par rapport aux prévisions pour l’année.
2) Les administrations publiques locales
La direction générale des finances publiques centralise et agrège chaque mois les « balances mensuelles » de la quasi-totalité des collectivités territoriales, des groupements de communes à fiscalité propre, des syndicats et des établissements publics administratifs locaux. Les données du mois M sont disponibles pour les services du ministère des finances à la fin du mois M+1.
Pour se conformer à la directive du 8 novembre 2011, le ministère a d’abord publié des données trimestrielles mais d’une portée très limitée : d’une part, elles se limitaient à trois chiffres (recettes et dépenses totales du début de l’année à la fin du trimestre concerné ; solde à la fin de ce trimestre) ; d’autre part, le délai de publication était beaucoup trop long pour que ces informations soient utilisables (en septembre 2016, n’étaient publiées que les données relatives au deuxième trimestre 2015 !).
Désormais, ces données mensuelles sont publiées environ un mois après la fin du mois considéré. Elle portent sur les dépenses et recettes de fonctionnement ainsi que la trésorerie des collectivités locales par niveau (communes, départements et régions).
Ces données infra-annuelles sur les comptes des administrations publiques locales restent difficiles à interpréter pour les raisons suivantes :
- les dépenses d’investissement des collectivités locales sont concentrées sur la fin de l’année, voire le début de l’année suivante (au cours d’une « période complémentaire »), pour une fraction variable de leur montant annuel selon les années ;
- les recettes sont enregistrées au moment de l’émission des titres de recettes dont le calendrier varie d’une collectivité à l’autre et, pour chacune, peut varier d’une année à l’autre.
En conséquence, il reste difficile, même à la fin de l’année, de prévoir précisément le compte des administrations publiques locales, surtout leurs investissements, sur la base de ces informations infra-annuelles.
3) Les autres administrations publiques
Si les autres administrations publiques (établissements publics administratifs, Unédic, régimes complémentaires de retraite…) disposent pour certains de données comptables infra-annuelles, ils ne les publient pas et, pour la plupart, elles ne sont pas centralisées.
C) Le déficit public et la dette publique
Les comptes nationaux trimestriels établis par l’Insee comprennent, depuis qu’ils existent, un compte simplifié des administrations publiques, donc un déficit public trimestriel, mais il n’était pas publié, jusqu’en 2014, car l’Insee considérait qu’il était trop fragile. La France, comme l’Allemagne, transmettait cependant ce déficit public trimestriel à Eurostat qui ne le publiait pas non plus mais l’utilisait pour estimer et publier un déficit public trimestriel de la zone euro ou de l’union européenne.
L’Insee a engagé d’important travaux statistiques pour fiabiliser ce chiffre qu’elle publie, depuis 2014, à la fin du trimestre suivant celui qui est concerné.
Il est établi sur la base des données comptables infra-annuelles présentées ci-dessus. L’Insee corrige, autant que possible, les variations saisonnières des recettes et dépenses et recoupe ces données avec des informations tirées d’enquêtes dans d’autres secteurs. En dernière extrémité, les recettes ou dépenses annuelles de l’exercice précédent sont divisées par quatre puis multipliés par un indice le plus représentatif possible de leurs évolutions.
La dette publique trimestrielle au sens du traité de Maastricht est publiée depuis plus longtemps par l’Insee en s’appuyant sur les données comptables des principaux émetteurs d’emprunts publics (l’Etat et la CADES notamment).
Les variations trimestrielles du déficit et de la dette publics ont une certaine saisonnalité. L’Insee publie un déficit désaisonnalisé mais ne désaisonnalise pas la dette. Or, en général, la dette augmente fortement au cours du premier semestre puis diminue un peu au second, ce qui tient à la chronique du recouvrement des impôts d’Etat et locaux. Leurs rentrées sont en effet plus importantes sur les quatre derniers mois de l’année.
Enfin, les évolutions trimestrielles des rapports du déficit et, surtout, de la dette au PIB ne peuvent donner une idée de leur évolution annuelle que si les variations du PIB sont elles-mêmes correctement estimées.
Or la croissance du PIB en valeur qui apparaît dans les comptes nationaux annuels publiés en mai de l’année N+1 est souvent différente de celle qui résulte des comptes trimestriels. En effet, elle tient compte de beaucoup plus d’informations. En outre les variations trimestrielles du PIB sont corrigées du nombre de jours ouvrables, ce qui n’est pas le cas dans les comptes annuels.