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25/04/2018

Comment remplacer la taxe d'habitation

François ECALLE

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Le Président de la République a confirmé que la taxe d’habitation (TH), dont les principales caractéristiques sont présentées dans une fiche de l’encyclopédie, sera totalement supprimée. Les avantages et les inconvénients de cette suppression sont analysées dans une autre note de ce site. Elle montre qu’il serait préférable de réformer la TH en révisant les bases cadastrales. Le présent billet n’examine que les solutions envisageables pour la remplacer.

La taxe d’habitation sera probablement maintenue sur les résidences secondaires, notamment pour ne pas faire bénéficier de sa suppression les étrangers qui en ont une en France. La suppression totale de la taxe d’habitation sur les résidences principales en 2020 coûtera environ 8 Md€ de plus que le montant prévu pour sa réforme dans le programme de stabilité.

Il serait imprudent, et contraire aux règles européennes, de laisser le déficit public et le déficit structurel se dégrader ainsi de 0,3 point de PIB en 2020 par rapport au programme de stabilité. Il ne serait pas crédible de vouloir compenser ce coût par des économies supplémentaires ou par les recettes publiques induites par une croissance plus forte que prévu jusque-là. La seule solution prudente et crédible consiste à augmenter d’autres impôts à hauteur de 8 Md€. Pour autant, la pression fiscale sera inchangée par rapport au programme de stabilité.

Il faudrait que cette hausse d’impôt touche plus particulièrement les 20 % de ménages les plus aisés, dont il n’était pas prévu initialement de supprimer la TH. Il suffit pour cela de majorer le taux marginal de 30 % du barème de l’impôt sur le revenu (IR), appliqué aux revenus par part supérieurs à 27 000 €, de sorte d’augmenter de 8 Md€ le produit de l’IR. La part des impôts sur le revenu dans les prélèvements obligatoires resterait néanmoins inférieure à la moyenne européenne. Le produit de cette hausse de l’IR pourrait être affecté aux communes où ces ménages ont leur résidence principale.

Ce sera toutefois insuffisant pour compenser le manque à gagner induit par la suppression de la TH sur les résidences principales pour l’ensemble des collectivités locales, qui s’élèvera à 23,5 Md€ en 2020 quels que soient les transferts de ressources opérés entre communes, départements et régions. Le mécanisme de dégrèvement mis en place dans la loi de finances de 2018 ne pourra pas être maintenu car il conduirait à faire payer en 2020 quelques euros de taxe d’habitation à des ménages faisant partie des 80 % exonérés, ce qui serait incompréhensible. La compensation du manque à gagner du secteur communal devra prendre la forme de recettes fiscales à hauteur d’au moins 15 Md€ pour respecter son autonomie financière.

Au-delà des 8 Md€ d’impôt sur les hauts revenus évoqués ci-dessus, l’Etat pourrait répartir entre les collectivités locales le produit d’un impôt comme la TVA, mais elles ne pourraient pas en moduler le taux alors que c’est souhaitable. Il existe peu d’impôts nationaux dont les taux pourraient être modulés localement. Une piste intéressante serait d’autoriser les communes à prélever un complément à l’impôt sur le revenu égal à un pourcentage du revenu fiscal des ménages habitant sur leur territoire, pourcentage qu’elles pourraient fixer elles-mêmes dans des limites déterminées par le Parlement. En contrepartie, la CRDS pourrait être supprimée, ce qui devrait être possible en 2024. 

A)Si la taxe d’habitation est maintenue sur les résidences secondaires, le coût supplémentaire de la réforme sera d’environ 8 Md€

La loi de finances pour 2018 prévoit que les ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 27 000 € pour un célibataire et 43 000 € pour un couple seront exonérés de taxe d’habitation (TH) sur leur résidence principale en 2020. En 2018 et en 2019, ils paieront 70 % puis 35 % de la TH due en application des règles actuelles.

Selon la direction générale des collectivités locales, la TH a rapporté 22 Md€ aux communes et à leurs groupements en 2016 auxquels s’ajoutent une dotation forfaitaire de l’Etat (1,5 Md€ en 2015) correspondant en principe au coût de l’exonération accordée aux contribuables les plus modestes. Sur ces 22 Md€ hors dotation forfaitaire, 4 Md€ ne sont pas payés par les ménages mais par l’Etat à travers les dégrèvements qu’il leur accorde, notamment au titre du plafonnement de la TH en fonction de leur revenu. La TH payée par les ménages s’élève donc à environ 18 Md€ en 2016.

De 2006 à 2016, le produit de la TH a augmenté en moyenne de 4,5 % par an. En extrapolant cette progression, les collectivités locales pourraient espérer recevoir 26 Md€ en 2020, dont 21 Md€ payés par les ménages et 5 Md€ payés par l’Etat.

Source : Insee ; FIPECO.

Le coût de la réforme votée avec la loi de finances pour 2018 est estimé par le ministère des finances à 10 Md€ par an à partir de 2020. C’est le coût qui est intégré dans la loi de programmation des finances publiques et dans le programme de stabilité. La suppression totale de la TH en 2020 aurait un coût de 21 Md€ (montant potentiellement payé par les ménages), donc supérieur de 11 Md€ à ce qui est actuellement prévu.

La suppression totale de la TH serait toutefois une aubaine pour les étrangers qui ont une résidence secondaire en France et les impôts envisageables pour la remplacer (cf. plus loin) ne les toucheraient pas particulièrement. Comme la valeur cadastrale de leur résidence secondaire sera toujours établie pour asseoir la taxe foncière, il pourrait être envisagé de leur faire payer une taxe spécifique assise sur cette valeur cadastrale. Une imposition différente des logements occupés par les Français et les autres européens serait toutefois contestable devant la Cour de justice de l’Union européenne. Pour éviter de faire profiter les non-résidents de cette baisse d’impôt, sans pour autant les discriminer, il faudra probablement maintenir la TH ou, ce qui est largement équivalent, créer une « surtaxe foncière » d’un même montant, sur les résidences secondaires, qu’elles soient occupées par des français ou des étrangers. Les occupants de résidences secondaires ne participant pas aux élections locales, ils peuvent craindre une hausse des taux de la TH ou de cette surtaxe foncière.

Les résidences secondaires représentent un peu moins de 10 % du parc de logements. En supposant qu’elles donnent lieu en moyenne à une TH identique à celle des résidences principales, le produit de la TH sur les seules résidences principales serait de 23,5 Md€ en 2020 pour les collectivités locales, dont 5 Md€ payés par l’Etat et 18,5 Md€ payés par les ménages. Le coût supplémentaire de la suppression de la TH sur les résidences principales de tous les ménages serait donc de l’ordre de 8 Md€.

B)Les autres impôts devront être augmentés de 8 Md€

Si aucune mesure de financement n’est prise, la suppression de la TH sur les résidences principales aggravera le déficit public et le déficit structurel de 8 Md€, soit 0,3 % du PIB, par rapport à la trajectoire prévue par la loi de programmation ou le programme de stabilité à partir de 2020.

Or le déficit structurel sera encore de 0,6 % du PIB en 2022 après avoir décru de 0,3 point par an selon le programme de stabilité, alors que les règles budgétaires européennes imposent l’équilibre structurel des comptes publics et, pour les pays qui ne l’ont pas atteint, une réduction de leur déficit structurel d’au moins 0,5 point de PIB par an. Les éléments de flexibilité associés à ces règles permettront peut-être à la France de ne pas être sanctionnée mais sa crédibilité budgétaire n’en sera pas améliorée. Indépendamment de ces règles, il est dans l’intérêt de la France d’atteindre plus rapidement l’équilibre structurel de ses comptes pour réduire durablement son endettement. Ce point est développé dans un commentaire du projet de loi de programmation publié en octobre 2017 sur ce site.

Une deuxième solution consiste à faire 8 Md€ d’économies de plus que prévu dans la loi de programmation ou le programme de stabilité à l’horizon de 2022. Il n’est cependant pas certain que les objectifs de maîtrise des dépenses publiques inscrits dans ces textes financiers puissent être réalisés. L’affichage d’économies supplémentaires, surtout en fin de quinquennat, ne serait donc pas crédible.

Ce coût de 8 Md€ pourrait être financé grâce à une progression des recettes publiques plus forte que prévu dans le programme de stabilité, mais il serait trop risqué de l’escompter. En effet, si le Haut Conseil des finances publiques juge les prévisions de croissance du Gouvernement réaliste pour 2018 et atteignable pour 2019 et si les recettes fiscales pourraient augmenter en 2018 un peu plus que prévu dans le programme de stabilité, le Haut Conseil considère également que ces prévisions sont optimistes pour les années 2020 et suivantes.

La seule solution réaliste et prudente consiste à augmenter d’autres prélèvements obligatoires que la taxe d’habitation.

C)Il faudrait augmenter de 8 Md€ l’impôt sur le revenu des 20 % de ménages les plus aisés

La suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % de ménages les plus aisés n’était pas inscrite dans le programme de la campagne électorale du Président et contribuerait à réduire la redistribution opérée par les prélèvements obligatoires. Il serait donc souhaitable de la financer en majorant un impôt prélevé sur ces mêmes 20 % de ménages.

La solution la plus simple consiste à majorer le taux marginal de l’impôt sur le revenu (IR) appliqué aux revenus supérieurs à 27 000 € (célibataire) ou 43 000 € (couple sans enfant). Comme le taux marginal de 30 % du barème de l’IR s’applique à partir d’un revenu par part de quotient familial de 27 000 €, il ne devrait même pas être nécessaire de créer une nouvelle tranche, mais seulement de relever ce taux de 30 % de sorte d’augmenter de 8 Md€ le rendement de l’IR.

Selon Eurostat, le produit des impôts sur le revenu (y compris CSG, CRDS et prélèvements sociaux sur les revenus du capital) représentait 19 % du total des prélèvements obligatoires en France en 2016, contre une moyenne de 23 % dans la zone euro et de 24 % dans l’Union européenne. Une augmentation de 8 Md€ des impôts sur le revenu porterait leur part des prélèvements obligatoires à 20 %, ce qui resterait inférieur à la moyenne européenne.

Il semble que la mission sur la réforme de la fiscalité locale coprésidée par MM. Bur et Richard examine l’affectation du produit de l’imposition des revenus fonciers aux collectivités locales. Les revenus fonciers imposables étant de l’ordre de 35 Md€, il faudrait augmenter leur taux d’imposition de plus de 20 points pour recouvrer 8 Md€, ce qui aurait des effets très négatifs sur l’investissement locatif. En outre, les propriétaires bailleurs ne sont pas les mêmes ménages que les redevables de la taxe d’habitation : les ménages aisés mais non bailleurs resteraient avantagés tandis que des ménages moins aisés mais propriétaires pourraient voir leur impôt foncier augmenter plus que le montant de la TH dont ils auront été exonérés. Si le produit de l’imposition des revenus fonciers peut sans doute être transféré aux collectivités locales à rendement constant (cf. plus loin), il ne peut pas être augmenté pour financer les 8 Md€ qui devront être trouvés pour ne pas creuser le déficit public.

La meilleure solution semble donc de relever le taux marginal d’imposition à l’IR des revenus fiscaux par part supérieurs à 27 000 €. Il ne s’agit pas de créer un nouvel impôt puisque l’IR existe déjà. La pression fiscale n’augmentera globalement pas puisque cette hausse de l’IR compensera la suppression de la TH. Cette solution est donc compatible avec les propos tenus par le Président.

D)L’Etat devra transférer 23,5 Md€ de ressources nouvelles au secteur communal, dont au moins 15 Md€ de recettes fiscales

Les dégrèvements d’impôts locaux permettent de réduire ou d’annuler l’impôt dû par les ménages tout en garantissant aux collectivités locales de recevoir le produit qu’elles ont voté, l’Etat prenant à sa charge l’impôt non payé par les ménages.

Ils ont pour défaut majeur de déresponsabiliser les collectivités locales car, si l’Etat prend en charge les impôts locaux à la place des ménages, elles sont incitées à en augmenter le taux, n’ayant pas à craindre de réactions des électeurs, au détriment de l’Etat.

Pour éviter cet effet pervers, la loi prévoit que la part de la TH due par les contribuables et résultant d’une hausse des taux intervenant à partir de 2018 ne sera pas dégrevée, tout au moins jusqu’à 2020. Au-delà de 2020, il est prévu qu’un mécanisme de limitation des hausses de taux décidées par les collectivités et de prise en charge de leurs conséquences sera discuté dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.

Si le mécanisme transitoire est maintenu, les services du ministère des finances seront obligés de prélever des montants très faibles sur les contribuables. Sur une TH de 500 €, une hausse de 3 % résultant du relèvement du taux communal de 2018 à 2020 conduirait à prélever 15 €. Or le seuil au-dessous duquel l’administration s’abstient de prélever un impôt comme la TH est de 12 € parce que le coût de gestion de petits prélèvements est trop élevé. Surtout, il sera très difficile d’expliquer à ces ménages qu’ils font partie des 80 % exonérés de taxe d’habitation et qu’ils doivent néanmoins payer 15 € au titre de cette taxe.

En pratique, l’Etat ne prélèvera probablement pas la part de TH correspondant à la hausse des taux parce que le coût de gestion serait élevé et que serait inexplicable, mais il en versera sans doute le montant aux collectivités locales puisque le Président de la République s’est engagé à compenser leurs pertes « sans leur faire perdre la liberté de taux ». Il est donc très probable que l’Etat prendra entièrement à sa charge les exonérations de TH, ce qui incitera les communes à en relever le taux à son détriment et à celui des ménages non exonérés. La disparition de la TH devrait donc s’accompagner de la suppression des dégrèvements.

Dans ces conditions, il faudra trouver une autre solution pour transférer aux communes et intercommunalités 23,5 Md€, soit le montant des ressources qu’elles perdront en 2020.

Or, en prévoyant que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources », l’article 72-2 de la Constitution a posé un « principe d’autonomie financière des collectivités territoriales ».

Une loi organique du 29 juillet 2004 précise comment calculer le taux d’autonomie financière, notamment en définissant les ressources propres non fiscales (redevances pour services rendus…) et en stipulant que ce taux ne doit pas être inférieur à celui atteint en 2003 pour chaque catégorie de collectivité, soit 61 % pour les communes et établissement publics de coopération intercommunale. Ce ratio était de 68,6 % en 2015 selon l’observatoire des finances locales. Pour qu’il ne passe pas au-dessous de 61 %, il faut que la compensation de la perte de la TH prenne la forme de nouvelles ressources fiscales pour plus de 15 Md€.

Ces ressources pourraient provenir d’autres catégories de collectivités locales. Il semble ainsi envisagé de transférer au secteur communal la part départementale de la taxe foncière, qui représentait 14 Md€ en 2016. Le cas échéant, l’Etat devra transférer 14 Md€ de ressources nouvelles aux départements.

Quels que soient les redéploiements des impôts locaux entre les différents niveaux de collectivités locales, l’Etat devra toujours transférer 23,5 Md€ de ressources nouvelles aux administrations publiques locales dans leur ensemble.

Ce billet n’examine pas les avantages et inconvénients des redéploiements envisageables des impôts locaux entre le secteur communal, les départements et les régions pour se concentrer sur les caractéristiques des impôts nationaux qui pourraient être transférés par l’Etat aux collectivités locales.

E)Les élus locaux devraient pouvoir moduler le taux de certains impôts transférés, ce qui limite le champ des impôts envisageables

1)Les élus locaux doivent pouvoir moduler le taux d’une partie des impôts transférés

L’Etat peut transférer aux collectivités locales une fraction d’un impôt national, comme la TVA, dont il fixe le taux et dont il répartit lui-même le montant entre les collectivités, par exemple en fonction de leur population. C’est ainsi qu’il affecte une partie de la TVA aux régions à partir de 2018.

Le produit de la TVA est tel (154 M€ en 2016 dans les comptes nationaux) qu’il serait facile d’en affecter une partie aux collectivités locales pour compenser la perte de 23,5 Md€ qu’elles enregistreront du fait de la suppression de la TH.

La mission coprésidée par MM. Bur et Richard semble envisager le transfert du produit de l’imposition des revenus fonciers à l’IR. Les revenus fonciers imposables à l’IR étant de l’ordre de 35 Md€ et le taux moyen d’imposition des foyers imposés, avant réductions et crédits d’impôts, étant sans doute inférieur à 20 %, ce transfert ne peut compenser qu’une partie de la perte de la TH. L’avantage serait de pouvoir en attribuer le montant aux collectivités sur le territoire desquelles se trouvent les locaux mis en location.

Les élus locaux voudront toutefois très probablement que la TH soit remplacée par un impôt dont ils maîtrisent le taux, ce qui est justifié pour les raisons suivantes.

Les collectivités locales doivent pouvoir fixer le taux d’une partie des impôts qu’elles reçoivent pour adapter leurs recettes et leurs dépenses aux besoins et aux préférences de leurs habitants. En théorie, elles risquent de perdre des résidents, ménages ou entreprises, si les services publics offerts ne sont pas à la hauteur des impôts prélevés ce qui constitue une contrainte salutaire. En pratique, cette « concurrence fiscale » joue assez mal et l’autonomie fiscale des élus locaux doit être limitée, mais une certaine marge de modulation des taux des impôts locaux est souhaitable.

Pour contenir la demande de services publics ou de prestations sociales supplémentaires émanant de leurs électeurs, les maires doivent en effet pouvoir mettre en avant la hausse des impôts locaux qui en résulterait. Pour que cet argument ait une réelle portée, encore faut-il que le plus grand nombre de ménages paye un impôt local et en soit conscient.

2)Le champ des impôts nationaux dont les élus locaux pourraient moduler le taux est limité

En pratique, pour que les maires puissent moduler le taux d’un impôt, il faut que l’assiette ou le redevable de cet impôt soient localisables sur le territoire de la commune ou de son groupement. Il faut aussi que cette assiette ou ces redevables soient répartis sur l’ensemble du territoire.

L’assiette des impôts fonciers est localisable sur le territoire d’une commune et les maires peuvent donc en moduler le taux, mais ils sont déjà affectés aux collectivités locales. Si la taxe d’habitation est supprimée, il restera d’ailleurs seulement les taxes foncières, qui reposent sur les mêmes valeurs cadastrales obsolètes et injustes que la TH.

Les droits de mutation à titre onéreux sont assis sur les valeurs de marché mais ce sont des impôts « en cascade » qui freinent la mobilité et dégradent donc le fonctionnement du marché du travail. En outre, ils sont déjà affectés aux collectivités locales.

L’imposition des plus-values immobilières repose également sur les prix des mutations et ne perturbe pas le marché du travail mais son rendement est faible et très volatile : pendant des périodes de baisse forte et prolongée des prix de l’immobilier, les plus-values peuvent être quasiment inexistantes. Son transfert ne serait pas souhaitable pour les collectivités locales.

Certains impôts sur la consommation sont affectés à des collectivités locales avec un pouvoir de modulation des taux. C’est notamment le cas de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques dont une part est affectée aux régions. Ils peuvent difficilement être affectée à des collectivités de rang inférieur car des taux différents d’une zone à l’autre entraînent des déplacements de la consommation qui deviendraient alors trop importants. La création de taux de TVA régionaux pourrait poser les mêmes problèmes de gestion et de contrôle de la fraude que les taux de TVA nationaux dans le marché unique européen.

La consommation d’eau et d’électricité est localisable et peut donner lieu à un impôt local dont l’assiette est liée à l’importance du logement. Ce pourrait être un bon substitut à la TH, mais il existe déjà beaucoup de taxes sur ces produits, dont certaines sont locales comme les redevances des agences de l’eau.

La taxe sur les salaires a un rendement important (14 Md€) et elle pourrait être répartie entre les communes en fonction de l’adresse de l’établissement de rattachement du salarié. Il pourrait être envisagé de donner aux collectivités locales attributaires le pouvoir d’en fixer le taux. Cependant, elle est déjà affectée à des administrations de sécurité sociale auxquelles il faudrait apporter une compensation. Surtout, il est peu satisfaisant d’asseoir un impôt local sur les salaires car il n’y a aucune raison pour que seuls les salariés contribuent au financement des dépenses locales.

3)Il faudrait autoriser les communes à prélever un complément à l’impôt sur le revenu

Il faudrait compenser la suppression de la TH en transférant aux collectivités locales un prélèvement sur l’ensemble des revenus.

La mission de réflexion sur la fiscalité locale a ainsi évoqué l’IR et la CSG. Il est en effet possible de répartir le produit d’un impôt sur le revenu entre les collectivités locales en affectant à chacune d’elles le montant payé par les redevables dont la résidence principale est sur leur territoire. Une taxe départementale sur le revenu a d’ailleurs été votée en 1990 pour remplacer la part départementale de la taxe d’habitation mais elle n’a pas été appliquée et a été abandonnée par la majorité suivante.

Il serait au moins nécessaire d’affecter ainsi aux communes le supplément d’impôt sur le revenu qu’il faudrait prélever sur les 20 % de ménages les plus aisés pour compenser le coût de 8 Md€ associé à la suppression totale de la TH sur les résidences principales.

Il serait également possible de donner aux communes le pouvoir de prélever un complément à l’impôt sur le revenu égal à un pourcentage du revenu fiscal de référence des ménages habitant sur leur territoire, pourcentage qu’elles pourraient fixer elles-mêmes dans des limites déterminées par le Parlement. La borne haute devrait empêcher les collectivités de voter un taux conduisant à prélever beaucoup plus que ce que la TH aurait rapporté. Ce serait une sorte de CSG locale, comme la taxe départementale sur le revenu voté en 1990.

Un impôt local sur le revenu rapporterait moins aux communes pauvres, qui seraient donc obligées d’en relever le taux alors que les communes riches pourraient le baisser. Ce problème est toutefois inhérent à tout impôt local dont les collectivités peuvent fixer le taux. Il y aura toujours des collectivités favorisées et d’autres qui seront défavorisées. La seule solution est d’organiser une péréquation de leurs ressources et celle-ci sera toujours nécessaire.

Les impôts sur le revenu affectés actuellement à l’Etat (IR) ou aux administrations de sécurité sociale (CSG et CRDS) devraient être réduits d’un même montant. Une occasion pourrait se présenter bientôt avec la suppression de la CRDS, dont le rendement est de 7 Md€, qui devrait avoir lieu en 2024, les dettes de la CADES étant alors remboursées.

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