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FIPECO le 15.11.2024

Les fiches de l’encyclopédie                                           VI) La masse salariale publique

                                                        

1) Les salaires publics

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Cette fiche explique d’abord comment sont établies les rémunérations des agents des trois « versants » de la fonction publique : Etat, collectivités territoriales et hôpitaux. Elle précise ensuite leur montant et son évolution au cours de ces dernières années ainsi que l’ampleur des écarts de rémunération entre les agents publics et entre ceux-ci et les salariés du secteur privé. Les modalités de prise en compte des résultats des agents sont enfin examinées. Les données utilisées proviennent pour la plupart du rapport annuel sur l’état de la fonction publique.

A) Les composantes de la rémunération des fonctionnaires

La rémunération, ou le salaire, d’un fonctionnaire se compose d’un « traitement brut de base » et de « primes et indemnités ».

1) Le traitement brut de base

Chaque fonctionnaire appartient à un « corps »[1]. Il y en avait 280 dans la fonction publique d’Etat en 2022 (trois fois moins qu’en 2003) et une cinquantaine dans chacune des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Ces corps sont regroupés en trois « catégories » désignées par les lettres A (l’équivalent des cadres dans le secteur privé), B (professions intermédiaires) et C (ouvriers et employés). A chacune de ces catégories correspond un niveau de recrutement (diplômes nécessaires).

Chaque corps est divisé en « grades », avec souvent une « deuxième classe », une « première classe » et une « hors classe ». Chaque grade est lui-même divisé en plusieurs « échelons ».

L’avancement d’un échelon à l’autre se fait assez largement à l’ancienneté. Le passage au grade supérieur peut résulter de l’ancienneté, d’un choix de l’administration qui emploie l’agent ou de la réussite à un concours. Les agents promouvables une année, par exemple en raison de leur ancienneté, ne sont pas toujours promus immédiatement, des ratios (promus / promouvables) étant fixés par arrêté des ministres concernés. Le changement de corps résulte d’un choix de l’administration ou de la réussite à un concours.

Le statut de chaque corps fixe les règles d’avancement d’échelon, de changement de grade et d’intégration dans le corps. Les recrutements, les avancements de grade et les changements de corps étaient soumis pour avis à des « commissions administratives paritaires » qui, pour chaque corps, rassemblent des représentants de l’administration et des agents. En application d’une loi de 2019, ces commissions ne sont plus saisies sur ces mouvements qui doivent être conformes à des « lignes directrices de gestion » établies par l’employeur, sauf en cas de contestation de l’agent concerné.

A chaque échelon de chaque grade de chaque corps correspond un « indice brut ». Ces indices bruts vont de 100 à 1027. Aux échelons (parfois appelés « chevrons ») des grades supérieurs de certains corps de catégorie A correspondent des « lettres hors échelle ». A chaque indice brut et à chaque lettre hors échelle correspond à un instant donné un « indice majoré ». Ces indices majorés vont d’un peu plus de 360 à presque 1 600.

Le traitement brut mensuel de base d’un agent est égal au produit de la valeur du point de la fonction publique par son indice majoré. La valeur du point est de 4,92 € depuis juillet 2023. Le traitement mensuel de base d’un agent dont l’indice est 500 s’élève donc à 2 461 € en 2024.

Le traitement brut d’un agent ne peut pas être inférieur à un minimum égal au SMIC brut, soit 1 802 € en octobre 2024. Si le calcul précédent conduit à un montant inférieur, l’indice majoré des agents concernés est relevé de telle sorte que leur traitement brut soit égal au SMIC brut.

2) Les primes et indemnités

Les primes et indemnités représentent en moyenne 24 % du salaire brut des fonctionnaires de l’Etat en 2022[2] (contre 22 % en 2012). Certaines sont communes à l’ensemble des agents des trois fonctions publiques ; d’autres sont spécifiques à des corps, à des ministères, aux hôpitaux, à des établissements publics ou à des collectivités territoriales. Presque toutes sont indexées sur la valeur du point. Elles ne sont pas soumises à cotisations de retraite et ne sont pas prises en compte pour calculer les pensions.

a) Les primes et indemnités communes

Le « supplément familial de traitement » est une prestation familiale spécifique à la fonction publique, qui s’ajoute aux prestations de droit commun. Il comprend une composante fixe et une composante proportionnelle au traitement brut, mais plafonnée, qui varient en fonction du nombre d’enfants à charge.

« L’indemnité de résidence », supposée compenser le coût de la vie dans certaines zones, est calculée en appliquant un taux variable selon la zone de la résidence au traitement brut.

La « garantie individuelle de pouvoir d’achat » compense la perte éventuelle de pouvoir d’achat résultant d’une évolution du traitement brut inférieure à l’inflation sur une période de quatre ans.

 « L’indemnité de fonction, de sujétion et d’expertise » et son « complément indemnitaire individuel », qui remplacent la « prime de fonction et de résultat » depuis 2015, visent à tenir compte des responsabilités, de l’expertise, des sujétions spécifiques à certaines fonctions ainsi que de « l’engagement professionnel ». Elle a vocation à remplacer les très nombreuses primes et indemnités qui ont les mêmes objets et donc à harmoniser progressivement les primes et indemnités entre les corps ou entre les administrations.

Il existe aussi des primes et indemnités communes relatives aux heures supplémentaires, aux déplacements professionnels, à la mobilité professionnelle et aux départs volontaires.

b) Les primes et indemnités particulières

Un rapport de la Cour des comptes de 2017 sur les services déconcentrés de l’Etat note que celui-ci rémunère ses agents sur la base d’environ 1 700 textes et 5 400 « règles de paye indemnitaires ». Les éléments communs à tous les agents présentés ci-dessus n’en constituent qu’une infime minorité en nombre. Les autres sont spécifiques à des corps, des ministères ou des employeurs.

Les primes et indemnités sont en principe créées par un texte législatif ou réglementaire. Dans les collectivités territoriales, une délibération de l’assemblée locale est nécessaire.

Elles sont de nature extrêmement variée : indemnités pour travaux « supplémentaires » ou « exceptionnels » ; primes de « technicité » ou de « rendement » ; indemnités dues en raison de sujétions particulières (travail nocturne, en horaires alternants…) ; primes liées à une expertise particulière (informatique, langues étrangères…) etc.

Certaines sont associées à une zone géographique comme les compléments de rémunération outre-mer. Les observations de la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2015 sur ce dispositif pourraient être généralisées à une grande partie des régimes indemnitaires : « bâti sur une architecture juridique d’une grande complexité et comportant des failles, reposant sur des justifications devenues confuses, pesant lourdement sur le budget de l’État et des collectivités territoriales, sa pertinence et son efficacité sont désormais en question.

B) Le montant des rémunérations des fonctionnaires

1) Les évolutions au cours des dernières années

Le salaire moyen net en équivalent temps plein (primes comprises) a progressé en moyenne de 0,1 % par an en termes réels (corrigés de l’inflation) dans la fonction publique d’Etat (FPE) de 2007 à 2022. L’évolution a été quasiment identique en moyenne dans la fonction publique territoriale (0,2 %) et un peu plus forte dans la fonction publique hospitalière (0,4 %) après un rattrapage en 2020-2021. Dans le secteur privé, la croissance du salaire moyen par tête a été en moyenne de 0,5 % de 2007 à 2022.

Cette faible croissance du salaire net moyen tient pour partie à un « effet de noria » (le remplacement d’un agent en fin de carrière par un débutant dont le salaire est moins élevé fait baisser le salaire moyen) qui est important du fait du nombre élevé des départs en retraite. La mesure de l’évolution de la « rémunération moyenne des présents-présents » (RMPP), c’est-à-dire des personnes en place deux années successives, permet de s’affranchir de cet effet de noria.

La croissance de la RMPP nette en termes réels a été de 1,3 % en moyenne par an pour l’Etat de 2008 à 2022, de 1,0 % dans la FPT et de 1,5 % dans la FPH (2,0 % dans le secteur privé de 2008 à 2022). Elle a nettement ralenti sur la période 2011-2014, du fait du gel du point, mais elle est restée largement positive, témoignant des gains individuels de pouvoir d’achat résultant des augmentations individuelles (avancement, promotions) et catégorielles (création ou revalorisation de primes spécifiques), du relèvement du minimum de traitement et de la garantie individuelle de pouvoir d’achat.

2) Le niveau des rémunérations en 2022

Les salariés du secteur privé sont en moyenne mieux payés que les agents des collectivités locales, moins bien que ceux de l’Etat et un peu moins que ceux des établissements de santé. Cette comparaison n’a toutefois pas beaucoup de signification car la répartition des emplois par catégories socioprofessionnelles dans ces quatre secteurs est très différente.

Les salaires nets mensuels moyens en 2022 (euros)

 

Etat (civils)

Collectivités locales

Hôpitaux

Secteur privé

Ensemble

2 743

2 145

2 734

2 630

Cadres

 

 3 343

(3 584 hors enseignants en 2019)

3 566

5 564

(y compris médecins)

 

4 489

Professions intermédiaires

2 436

2 438

2 769

2 572

Ouvriers et employés

2 312

1 901

2 129

1 913

Source : rapport de 2024 sur l’état de la fonction publique ; Insee ; salaires moyens nets par équivalent temps plein ; FIPECO.

Une ventilation selon les trois grandes catégories socio-professionnelles permet des comparaisons un peu plus rigoureuses : les cadres de la fonction publique de l’Etat (y compris hors enseignants) et des collectivités locales sont moins bien rémunérés que ceux du secteur privé, ce que confirme une étude de l’Insee sur les 1 % de fonctionnaires les mieux payés (ils gagnent 30 % de moins que dans le secteur privé) ; les professions intermédiaires de l’Etat et des collectivités locales sont également moins bien payées que celles du secteur privé ; à l’inverse, les ouvriers et employés de la fonction publique d’Etat et des hôpitaux ainsi que les cadres des hôpitaux (médecins inclus) sont mieux rémunérés que ceux du secteur privé. Les autres écarts sont peu significatifs.

Les comparaisons internationales sont difficiles d’un point de vue méthodologique et donc rares. Le panorama des administrations publiques de l’OCDE de 2017 comparait néanmoins les rémunérations des fonctionnaires à divers niveaux hiérarchiques (cadres supérieurs, cadres moyens…) en les rapportant au PIB par habitant. Il en ressortait que les rémunérations étaient en France proches de celles des autres pays pour les cadres, particulièrement élevées pour les secrétaires administratifs et les inspecteurs de police, moins favorables pour les enseignants.

3) Les écarts de rémunérations

a) Le traitement brut

Le positionnement des échelons de chaque corps sur la grille commune des indices de la fonction publiques et la vitesse d’avancement des agents sur l’échelle spécifique à chaque corps reflètent largement une stratification de réformes statutaires ponctuelles concernant des corps ou des ministères particuliers.

Il en résulte d’importantes disparités entre corps et ministères en termes de traitement indiciaire et d’évolutions de carrières au regard des compétences et des responsabilités des agents. La fusion des corps, la création de corps interministériels et l’élaboration de carrières types pour les agents des catégories B et C ont permis de les limiter, mais ces écarts restent très importants.

Si les disparités entre corps et ministères restent fortes, les écarts de traitement entre niveaux hiérarchiques ont diminué. En effet, les relèvements du minimum de traitement brut de la fonction publique, pour l’aligner sur le SMIC, et la revalorisation des bas salaires se sont traduits par l’attribution de points d’indice majorés aux agents concernés, ce qui a entraîné un tassement de l’échelle des rémunérations dans le bas des grilles. Comme le haut des grilles a été peu modifié, l’amplitude de l’échelle indiciaire des traitements de base a été réduite de 7,0 en 1987 à 4,4 en 2023[3]. Autrement dit, l’écart hiérarchique maximal entre les rémunérations de base sont passés de 7 à moins de 5.

En conséquence, d’une part, les rémunérations indiciaires des agents recrutés sur la base du traitement minimal augmentent très peu au début de leur carrière ; d’autre part, l’attractivité des postes de la catégorie A supérieure de la fonction publique risque de diminuer.

b) Les primes et indemnités

Les primes et indemnités représentent 22 % du salaire brut des agents de catégories A, 29 % de celui des agents de catégorie B et 27 % de celui des agents de catégorie C en 2022. Cette part des primes varie beaucoup d’un corps à l’autre.

Les primes et indemnités représentent ainsi 11 % du salaire brut des professeurs des écoles, 17 % de celui des professeurs de lycées professionnels, 35 % de celui des lieutenants et capitaines de police, 26 % de celui des greffiers, 25 % de celui des adjoints administratifs et 37 % de celui des corps d’encadrement de l’administration pénitentiaire.

c) La rémunération totale

En 2022, la rémunération, primes et indemnités incluses, que dépassent les 10 % d’agents les mieux payés en équivalents temps plein (seuil du dernier décile) est 2,6 fois supérieure à celle au-dessous de laquelle se trouvent les 10 % les moins bien payés (seuil du deuxième décile) dans la fonction publique d’Etat (2,2 dans la fonction publique hospitalière et 2,0 dans la fonction publique territoriale). Cet écart est plus faible que dans le secteur privé où il est de 2,9.

La rémunération nette des femmes est en moyenne inférieure de 10 % à celle des hommes en équivalent temps plein.

La rémunération mensuelle nette du 1 % de fonctionnaires les mieux payés est de 9 217 € en moyenne.

4) La prise en compte des résultats

Les primes et indemnités permettent en théorie de compenser des sujétions particulières et de récompenser l’acceptation de responsabilités, l’acquisition de compétences ou l’amélioration des résultats individuels ou collectifs. Toutefois, pour qu’elles incitent les agents à améliorer leurs performances et celles de leur service, encore faut-il que leur montant ait un rapport avec l’importance des sujétions, des responsabilités, des compétences acquises ou des résultats obtenus. Or leur montant dépend beaucoup plus de l’appartenance à un corps ou à un ministère que de ces facteurs d’amélioration des performances. La cotation des fonctions, qui permettrait de récompenser objectivement leur acceptation, a progressé mais repose sur des méthodes qui restent hétérogènes.

Faute de statistiques, il est très difficile d’apprécier l’ampleur de la modulation des primes en fonction des résultats à l’intérieur de chaque corps. Les enquêtes de la Cour des comptes montrent toutefois, sur des exemples particuliers, qu’elle est assez limitée.

La « prime de fonction et de résultat » (PFR) créée en 2010 pour les fonctionnaires de l’Etat de la filière administrative innovait en distinguant une part fixe (F) tenant compte de la fonction, du niveau d’expertise et des sujétions particulières et une part modulable (R) selon les performances et la manière de servir. Cependant, le remplacement de primes préexistantes par la PFR a souvent conduit à utiliser la part R pour compenser la différence entre les anciennes primes et la part F. La part R a ainsi souvent été décomposée elle-même en une part garantie et un bonus réellement modulé mais très faible.

La PFR a été remplacé en 2015 par un régime indemnitaire, ayant vocation à s’appliquer à tous les fonctionnaires et à remplacer la plupart des primes actuelles, qui a deux composantes. La première est une « indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise » (IFSE). Les fonctions occupées par les membres d’un même corps sont réparties en groupes et l’IFSE dépend de celui auquel appartient l’agent. La deuxième composante est un « complément indemnitaire individuel » qui tient compte en principe de l’engagement professionnel et de la manière de servir. Ce complément ne peut pas dépasser 15 % du total des primes pour les agents de catégorie A (12 % pour ceux de catégorie B et 10 % pour ceux de catégorie C).

 

[1] Dans la fonction publique territoriale, il s’agit de « cadres d’emplois », mais ils jouent quasiment le même rôle.

[2] 25 % pour la fonction publique territoriale et 24 % pour la fonction publique hospitalière.

[3] Rapport entre les indices majorés maximal (qui correspond à la plus haute échelle lettre) et minimal.

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