16/01/2019
Contribution au débat national sur la fiscalité
François ECALLE
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Ce billet a pour objet d’apporter une contribution au débat national qui vient d’être engagé sur la fiscalité, entendue ici au sens large des prélèvements obligatoires (PO).
Si les PO doivent être diminués en France (cf. note d’analyse), la réduction de la dette publique est nécessaire pour que cette diminution ait un impact favorable significatif et durable sur l’activité économique. En effet, les entreprises et ménages doivent être convaincus que cette baisse est pérenne et ne sera pas remise en cause à plus ou moins brève échéance pour rétablir la soutenabilité des finances publiques. Or toute baisse des PO entraîne une aggravation du déficit, même en tenant compte de ses effets favorables sur l’activité économique et les recettes publiques. La réduction des dépenses publiques doit donc accompagner celle des PO, ou plutôt la précéder car elle est bien plus difficile.
Les prélèvements obligatoires peuvent toutefois être réformés sans les réduire globalement, en remplaçant des impôts et cotisations sociales par d’autres dont les assiettes sont différentes ou en modifiant les caractéristiques de certains d’entre eux à rendement inchangé. Les effets macroéconomiques de ces réformes ne sont pas négligeables mais ils sont souvent limités et incertains et, en tous cas, inférieurs à ceux d’une réduction globale des PO financée par la suppression de dépenses publiques inutiles. Il n’existe en effet pas de prélèvement magique sans coût économique.
Ce billet présente d’abord les réformes qui étaient nécessaires au début du présent quinquennat en raisonnant à rendement global constant, malgré les limites de cette approche notées dans le précédent paragraphe, pour mettre en évidence les PO qu’il est plus important de réduire et ceux qui pourraient être augmentés en contrepartie. Ces mesures contribueraient à réduire les particularités fiscales de la France par rapport aux autres pays de l’Union européenne. Ce billet fait ensuite le point sur les réformes qui ont été engagées depuis lors, qui ont été abandonnées fin 2018 et qui restent à faire.
Il était souhaitable de suivre les orientations suivantes en 2017 : réduire les prélèvements sur le travail, notamment les cotisations patronales, et sur le capital, notamment l’impôt sur les sociétés, en augmentant en contrepartie les impôts sur les revenus, comme la CSG, et sur la consommation, notamment de produits nuisibles à l’environnement, tout en veillant à corriger les effets anti-redistributifs de ces mesures ; réformer la fiscalité du capital en uniformisant la fiscalité des revenus de placements financiers, en supprimant l’ISF et en le remplaçant en partie par des droits de succession plus élevés, en modernisant les impôts fonciers locaux ; réduire les niches fiscales pour baisser les taux faciaux des impôts.
Les réformes engagées fin 2017 sont conformes à ces orientations, sauf notamment pour ce qui concerne les impôts fonciers locaux, les droits de mutation et les niches fiscales. Les décisions prises fin 2018 suspendent toutefois la mise en œuvre de certaines de ces orientations, notamment la hausse de la fiscalité environnementale. Il faudrait désormais reprendre celle-ci dès que possible. Il faudrait également aller jusqu’au bout de la réforme de l’ISF, en supprimant l’IFI, et en compensant partiellement son coût par une augmentation des droits sur les grosses successions. Enfin, si la taxe d’habitation des 20 % de ménages les plus aisés est supprimée, il faudrait en compenser le coût pour les finances publiques par une hausse de l’impôt sur le revenu des mêmes ménages.
A)Réduire les prélèvements sur les facteurs de production et les augmenter sur la consommation, les revenus et les nuisances environnementales
Comme le montrent les fiches relatives aux prélèvements sur le travail et le capital, ces facteurs de production étaient sensiblement plus taxés en 2017 en France que dans les autres pays, particulièrement le capital. En outre, la répartition des prélèvements sur le travail est caractérisée en France par le poids très important des cotisations sociales dues par les employeurs. En revanche, l’imposition des revenus, la TVA et les taxes sur les produits générateurs de nuisances environnementales (carburants par exemple), en pourcentage du PIB ou des recettes publiques, y sont plus faibles ou du même ordre.
Ces constats suggèrent deux grandes orientations pour un redéploiement des prélèvements obligatoires : des cotisations sociales patronales vers des impôts indirects (TVA et taxes environnementales) et les impôts sur le revenu ; des prélèvements sur le capital vers les mêmes impôts indirects et sur le revenu.
Les impôts sur le revenu, à savoir l’impôt sur le revenu au sens strict (IR) et la CSG, sont eux-mêmes des impôts sur les revenus du travail[1] et du capital. Dans une perspective de très long terme où tous les prélèvements sur le travail et le capital ont la même incidence, les redéploiements envisagés vers les impôts sur le revenu pourraient donc paraître d’un intérêt limité. Cependant, à plus court terme, les cotisations sociales patronales sont probablement plus défavorables à l’activité et à l’emploi que les impôts sur les revenus des salariés et retraités ; l’imposition des bénéfices des sociétés est également plus défavorable que l’imposition des revenus du capital à travers l’IR ou la CSG.
1)Transférer des cotisations patronales vers des impôts
Le transfert de cotisations sociales patronales vers des impôts devrait s’inscrire dans la perspective d’une révision des frontières entre les lois de finances et de financement de la sécurité sociale visant à distinguer : le financement des prestations d’assurance (vieillesse, chômage) par des cotisations sociales dans le cadre des lois de financement ; le financement des prestations de solidarité (maladie et famille) par des impôts dans le cadre des lois de finances. Les modalités et les conséquences à attendre de cette rectification des frontières entre les lois financières sont développées dans une autre note d’analyse.
Les modèles macro-économiques montrent généralement que remplacer des cotisations patronales par des cotisations salariales ou des impôts sur le revenu a un impact positif et significatif sur le PIB et l’emploi à un horizon de court et moyen terme.
Les effets d’une substitution de la TVA à des cotisations patronales, qui donnerait lieu à une « TVA sociale » dans la mesure où elle serait affectée au financement de prestations sociales, sont plus incertains. Pour les économistes c’est l’équivalent d’une dévaluation, car cette opération entraîne une baisse des prix des exportations et une hausse des prix des importations. Or toutes les dévaluations ne permettent pas de soutenir l’activité économique parce que, du fait de la hausse des prix des importations, elles ont des effets inflationnistes qui peuvent annuler les gains initiaux de compétitivité prix. Il est toutefois probable que les mécanismes d’indexation des prix et salaires soient aujourd’hui plus faibles, ce qui laisse augurer un effet favorable d’une telle opération.
La substitution de taxes environnementales à des cotisations patronales a également des effets incertains sur l’activité et l’emploi, mais elle a un avantage certain dans la mesure où la hausse de ces taxes change les comportements dans un sens favorable à l’environnement.
Au sein des cotisations sociales patronales, celles qui sont prélevés sur les bas salaires ont les effets les plus défavorables à l’emploi, ce qui justifie de les alléger plus particulièrement.
2)Réduire l’imposition du bénéfice des sociétés en la remplaçant par une imposition des revenus et des taxes indirectes
Il faut d’abord noter que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ne réduit en rien l’imposition du bénéfice des sociétés. Quel que soit le montant du CICE, une entreprise qui réalise un bénéfice supplémentaire de 100 € est imposée à hauteur de 33,3 € sur ce bénéfice supplémentaire. Ce taux est le plus fort de l’Union européenne et le taux effectif moyen, qui tient compte des taux réduits et des différences d’assiette, est également le plus élevé en France.
Or l’impôt sur les sociétés (IS) est le principal objet de la « concurrence fiscale » entre les Etats. En effet, les grandes entreprises peuvent délocaliser tout ou partie de leurs activités dans les pays où l’imposition de leurs bénéfices est la plus faible. En outre, les groupes multinationaux ont la possibilité, en se situant aux marges voire parfois en-dehors de la légalité, de transférer leurs bénéfices dans les pays à bas taux d’imposition sans pour autant délocaliser réellement leurs activités en jouant sur les « prix de transfert », c’est-à-dire les prix auxquels les sociétés d’un groupe facturent les services qu’elles se rendent entre elles.
De nombreuses initiatives ont certes été prises ces dernières années au niveau de l’OCDE et de l’Union européenne pour limiter les pratiques les plus contestables, mais les mesures annoncées seront difficiles à mettre en œuvre et l’IS fera toujours l’objet d’une intense concurrence fiscale que la France est mal armée pour affronter.
L’IS vise en fait les actionnaires et, pour les ménages résidents, joue le rôle d’un acompte sur l’imposition des dividendes et plus-values dans le cadre de l’IR ou de la CSG[2]. Or il est préférable d’imposer les actionnaires au niveau de l’IR ou de la CSG, parce que cette imposition est indépendante du pays d’implantation des sociétés qui distribuent les dividendes, plutôt qu’au niveau de l’IS, parce que les sociétés peuvent facilement délocaliser leurs activités dans des pays où la fiscalité est plus faible.
Imposer les bénéfices au niveau des sociétés a certes deux avantages : imposer les actionnaires non-résidents ; imposer les bénéfices réinvestis alors que les plus-values réalisées par les actionnaires ne sont taxées que plus tard au niveau de l’IR, voire jamais si les actions ne sont pas cédées. Cependant, les actionnaires non-résidents présentent un fort risque de se détourner des entreprises françaises si leurs bénéfices sont trop taxés et il est préférable de taxer les plus-values, même si certaines y échappent, plutôt que les bénéfices réinvestis.
Il convient donc de réduire le taux de l’IS, ce qui peut être compensé par une augmentation de la fiscalité indirecte ou de l’imposition des revenus (IR ou CSG).
3)Corriger les effets anti-redistributifs de ces mesures en augmentant l’impôt sur le revenu et les prestations sociales sous conditions de ressources
La part du revenu des ménages affectée au paiement des impôts indirects (TVA et accises) est d’autant plus faible que leur revenu est important, notamment parce que leur taux d’épargne augmente avec leur revenu. Cet effet négatif sur la distribution du revenu disponible doit être corrigé en actionnant les deux instruments les plus efficaces pour réduire les inégalités : les prestations sociales sous condition de ressources, notamment la prime d’activité, et l’impôt sur le revenu (cf. la note sur les outils de redistribution des revenus). S’agissant de l’IR, il faudrait réduire les niches qui l’affectent plutôt que d’augmenter des taux déjà très élevés.
B)Revoir la fiscalité du capital, notamment pour moins taxer les placements en actions
1)Uniformiser la fiscalité des revenus financiers
Les entreprises ont besoin de fonds propres pour amortir les chocs négatifs sur leurs résultats auxquelles elles doivent faire face. Une entreprise sans fonds propres et qui enregistre une perte est insolvable et doit rapidement déposer son bilan. Or les entreprises françaises sont plutôt financées par l’endettement car les placements en actions sont risqués pour les ménages, leur rémunération étant par nature très volatile.
Jusqu’à 2018, la fiscalité française soumettait les revenus tirés des actions aux taux les plus élevés alors que les placements moins risqués bénéficiaient de taux inférieurs, voire d’exonérations. En effet, d’un côté, si on met à part les PEA, les dividendes et plus-values étaient imposés en appliquant le barème de l’IR, l’abattement de 40 % sur les dividendes ne faisant que compenser l’imposition des bénéfices distribués au niveau des sociétés. D’un autre côté, l’épargne dite « réglementée » (livrets A, plans d’épargne logement…), qui ne présente aucun risque, était exonérée d’impôt sur ses revenus ; l’assurance-vie, qui est très majoritairement constituée de placements obligataires, bénéficiait d’un régime fiscal très favorable s’agissant de l’IR et des droits de successions ; contrairement aux dividendes, les intérêts sont enfin, pour la plus grande part, déductibles de l’impôt sur les sociétés.
Pour remédier à ces biais fiscaux en défaveur des actions, des niches ont été créées, comme la réduction d’ISF accordée en contrepartie d’investissements dans des PME, mais leur efficacité était discutable. Il est plus simple et plus efficace d’appliquer la même fiscalité à l’ensemble des revenus financiers.
2)Supprimer l’ISF et compenser en partie par des droits de succession
Les impôts sur le patrimoine des ménages étaient beaucoup plus lourds en France que dans les autres pays en 2017. L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) était lui-même très singulier dans le paysage européen.
Son barème était une survivance obsolète d’une époque où le rendement du capital dépassait 10 %. Si un patrimoine rapporte 3 % par an, l’Etat pouvait en prélever en 2017 une première moitié au titre des impôts sur le revenu (IR, CSG et prélèvements sociaux divers) et la deuxième moitié au titre de l’ISF, son taux marginal supérieur étant de 1,5 %. Certes, le taux d’imposition de 100 % qui en résultait était un taux marginal qui, s’agissant de l’ISF, s’appliquait seulement à une augmentation du patrimoine au-delà de 10 M€, d’une part, et le total des impôts sur le revenu et de l’ISF était plafonné à 75 % du revenu du ménage, d’autre part. Il n’en reste pas moins que le patrimoine en actions pouvait ainsi être imposé jusqu’à 75 %, ce qui n’incite pas à investir en fonds propres. Une réforme du barème de l’ISF était donc en tout état de cause nécessaire.
La question de sa suppression se posait également. Si la redistribution des patrimoines est en effet nécessaire, elle peut prendre deux formes, l’ISF et la taxation des successions et donations. La deuxième est préférable car il vaut mieux taxer le patrimoine hérité que le patrimoine accumulé grâce à l’épargne, au travail et à la prise de risques. Certes, pour le testateur, le legs correspond aussi à une épargne accumulée grâce au travail et à la prise de risque, et c’est pourquoi la taxation des successions et donations doit rester mesurée. Mais, pour le légataire, il constitue généralement une « aubaine » au sens économique, c’est-à-dire un gain sans contrepartie.
Il était donc souhaitable de compenser pour partie la suppression de l’ISF par une hausse des droits sur les grosses successions et donations. L’architecture des droits de mutations à titre gratuit pouvait être revue en s’inspirant des analyses et propositions présentées par France Stratégie dans une note de janvier 2017.
Les impôts sur le patrimoine sont certes bien plus élevés que dans les autres pays européens mais ils peuvent être réduits en baissant les droits de mutation à titre onéreux (cf. ci-dessous).
3)Moderniser les impôts fonciers locaux
Les valeurs cadastrales utilisées par l’administration pour établir la taxe d’habitation et les taxes foncières sont totalement obsolètes, si bien que ces prélèvements n’ont plus qu’un très lointain rapport avec des impôts fonciers assis sur une valeur vénale alors que les études économiques montrent que ces derniers sont en théorie de bons impôts locaux.
La révision des valeurs cadastrales n’a que trop tardé et, plus elle est repoussée dans le temps plus elle est difficile à réaliser. En effet, les valeurs de marché s’éloignent de plus en plus des valeurs cadastrales et, lorsque celles-ci sont supérieures, leur application pourrait avoir un coût très élevé pour les contribuables concernés (cf. note d’analyse de cette question).
Par ailleurs, les droits de mutation à titre onéreux ralentissent la mobilité géographique et, en conséquence, l’ajustement de l’offre et de la demande de travail au détriment de l’emploi. Il faudrait les réduire au lieu d’autoriser régulièrement les collectivités locales à les augmenter.
C)Réduire les niches fiscales
Les « dépenses fiscales », ou « niches fiscales », sont des dispositions législatives dérogatoires par rapport à une « norme fiscale » et qui entraînent des pertes de recettes budgétaires pour l’Etat. Cette définition pose d’importantes difficultés d’application et le chiffrage du coût des niches fiscales est très incertain (Cf. fiche de l’encyclopédie).
Les niches fiscales peuvent prendre des formes diverses : exonérations, taux réduits, abattements, réductions et crédits d’impôt[3]… Le ministère des finances en recense 474 sans que son inventaire soit exhaustif.
Elles ont surtout l’avantage, politique et social, de laisser penser à leurs bénéficiaires que les impôts baissent. Cependant, elles partagent avec les dépenses budgétaires l’inconvénient de devoir être financées par un relèvement des impôts qui pèsent sur l’ensemble des contribuables et vont souvent à l’encontre des objectifs de redistribution de la fiscalité. En outre, si leur coût de gestion est parfois inférieur à celui des dépenses budgétaires, c’est au prix d’un contrôle beaucoup moins strict. Enfin, elles contribuent à la complexification du système fiscal. Elles peuvent certes parfois être justifiées mais elles sont rarement évaluées et, lorsqu’elles le sont, leur justification parait souvent faible (Cf. note d’analyse).
Les économistes et les fiscalistes considèrent qu’il est préférable de prélever des impôts à taux bas sur des assiettes larges plutôt que des impôts à taux élevés sur des assiettes étroites. Les dépenses fiscales vont à l’encontre de ce principe et devraient être réduites, ce qui pourrait permettre, à rendement budgétaire constant, de baisser les taux faciaux des impôts concernés.
D)Les réformes qui ont été engagées, abandonnées et restent à faire
1)Les réformes engagées fin 2017 sont conformes aux orientations précédentes, sauf pour ce qui concerne les impôts fonciers, les droits de mutation et les niches
a)Le transfert de prélèvements sur les facteurs de production vers des impôts sur le revenu, la consommation et les nuisances environnementales
Les cotisations sociales salariales à l’assurance maladie et à l’assurance chômage ont été supprimées fin 2018, ce qui représente une baisse de 3,15 points de leur taux global.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit, à compter du 1er janvier 2019, un allègement supplémentaire des cotisations patronales de 10 points au niveau du SMIC, de 10 à 6 points entre le SMIC et 1,6 SMIC et de 6 points entre 1,6 et 2,5 SMIC (salaire maximal ouvrant droit au CICE) en contrepartie de la suppression du CICE. Les allègements de charges seront donc plus ciblés sur les bas salaires et simplifiés.
La loi de finances pour 2018 prévoit une baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés (IS), de 33,3 % sur les bénéfices de l’exercice 2016 à 25 % sur ceux de 2022.
Le taux de la CSG a été relevé de 1,7 point le 1er janvier 2018 sur l’ensemble des revenus, à l’exception des indemnités de chômage et des petites pensions.
La composante carbone de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques devait être relevée pour atteindre 86,2 € / tonne de CO² en 2022. La taxation du gazole devait être majorée chaque année de 0,026 € par litre jusqu’à l’alignement sur celle de l’essence. Les accises sur les paquets de cigarette sont accrues pour porter leur prix à 10 € en 2020.
Les effets anti-redistributifs de ces réformes ont été, au moins en partie, corrigés par des mesures telles que le maintien des taux de CSG antérieurs sur les retraites modestes ou la revalorisation de certains minima sociaux et de la prime d’activité.
b)La réforme de la fiscalité du capital
Les revenus du capital perçus à partir de 2018 font l’objet d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % qui correspond à l’application des prélèvements sociaux au nouveau taux de 17,2 %, après remplacement de cotisations sociales par la CSG, et à une imposition forfaitaire au taux de 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu.
Ce PFU s’applique aux intérêts, dividendes et revenus assimilés (y compris ceux des nouveaux comptes et plans d’épargne logement) ainsi qu’aux gains de cession de valeurs mobilières. Les exonérations spécifiques aux PEA et à l’épargne réglementée hors logement (livret A…) sont maintenues. Les primes d’assurance-vie supérieures à 150 000 € et versées à partir de septembre 2017 sont soumises au PFU.
L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est remplacé par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) dont les principales caractéristiques sont les mêmes (barème, exonération des biens professionnels…) sauf sur un point essentiel : l’assiette est limitée aux biens immobiliers. Les placements financiers sont donc favorisés. Les droits de mutation à titre gratuit n’ont en revanche pas été augmentés.
c)Les impôts fonciers locaux
Les impôts fonciers locaux n’ont pas été réformés mais la taxe d’habitation sera supprimée pour les résidences principales de 80 % des ménages en 2020. Le problème posé par les valeurs cadastrales, même si le Gouvernement a affiché sa volonté de les réviser, restera entier pour les taxes foncières et ce qui subsistera de la taxe d’habitation (au moins celle sur les résidences secondaires). Les droits de mutation à titre onéreux n’ont pas été réduits.
d)Les niches fiscales
Selon le projet de loi de finances pour 2019, le coût des niches fiscales augmenterait fortement en 2018 pour atteindre 100 Md€. Le CICE en est largement responsable mais le coût des dépenses fiscales hors CICE augmenterait de 2,4 Md€ en 2018 (après 3,0 Md€ en 2017) pour atteindre 80 Md€.
Le coût des niches diminuerait en 2019 pour revenir à 98 Md€, sous l’effet du début de la suppression du CICE (qui donnera lieu encore à des paiements jusqu’à 2022) et les dépenses fiscales hors CICE reviendraient à 78,6 Md€, mais les prévisions du coût des niches inscrites dans les projets de loi de finances sont fragiles et ont souvent sous-estimé leur dynamisme.
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 fixe un plafond au coût des niches fiscales qui est exprimé non plus en euros mais en pourcentage du montant des recettes fiscales nettes. Ce plafond est trop élevé compte-tenu de la disparition du CICE et ouvre la possibilité d’une forte augmentation des dépenses fiscales hors CICE.
2)Les mesures décidées fin 2018 suspendent la mise en œuvre de certaines des orientations précédentes
La défiscalisation des heures supplémentaires contribuera certes à réduire les prélèvements obligatoires sur les revenus du travail mais les évaluations qui ont été faites de sa mise en œuvre dans les années 2008-2012 sont mitigées. En outre, si la conjoncture économique se dégrade nettement en 2019, ce qui devient probable, il sera préférable d’inciter les entreprises à mettre leurs salariés en chômage partiel plutôt que de les inciter à augmenter leur temps de travail.
Pour le reste, les mesures décidées à la fin de 2018 suspendent la mise en œuvre de certaines des orientations précédentes. Les taux de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques sont gelés à leur niveau de 2018. Les hausses prévues chaque année de 2019 à 2022 ont été annulées et il faudrait un nouveau vote pour augmenter les taux sur la période 2020-2022.
L’augmentation de la CSG est moindre que prévue, le taux de 8,3 % appliqué en 2018 à une partie des pensions de retraite étant ramené en 2019 au niveau de 2017 (6,6 %).
La baisse de 33 à 31 % du taux de l’impôt sur les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 M€ est reportée de 2019 à 2020. Il ne s’agit en principe que d’un décalage calendaire qui ne remet pas en cause l’application d’un taux de 25 % en 2022.
3)Il convient désormais d’augmenter de nouveau la fiscalité énergétique, de poursuivre la réforme de la fiscalité du capital et de revoir la fiscalité locale
a)La fiscalité énergétique
La réduction des émissions de gaz à effet de serre est une nécessité absolue pour limiter le réchauffement de la planète. Or les instruments les plus efficaces pour réduire les émissions de dioxyde de carbone sont les quotas échangeables, mais ils ne peuvent en pratique concerner que les grandes entreprises, et les taxes sur les produits énergétiques (cf. fiche sur ces instruments).
Il faudra donc reprendre la trajectoire de hausse de la composante carbone de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques et limiter les exonérations et remboursements dont bénéficient certains secteurs. Les mesures de compensation déjà votées fin 2018 en faveur des ménages modestes (augmentation du chèque énergie…) pourraient être renforcées bien que leur efficacité soit discutable, mais la hausse de la prime d’activité est le meilleur moyen de corriger les effets de la fiscalité énergétique sur le pouvoir d’achat.
Le gel de ces taxes à leur niveau de 2018 présente également un lourd enjeu de finances publiques. En effet, si la perte de recettes fiscales par rapport à la loi de programmation des finances publiques est de 3,3 Md€ en 2019, elle serait de plus de 10 Md€ en 2022 compte-tenu des hausses qui étaient programmées pour chacune des années 2020 à 2022.
b)La fiscalité du capital
Le taux de l’impôt sur les sociétés doit être abaissé comme prévu jusqu’à 25 % en 2022.
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) a les mêmes caractéristiques que l’ISF, à l’exception de son assiette qui est limitée aux biens immobiliers lesquels sont par ailleurs soumis aux taxes foncières. Il conviendrait d’aller jusqu’au bout de cette réforme en supprimant l’IFI et en compensant partiellement son coût par une augmentation des droits sur les grosses successions.
c)La fiscalité locale
Comme le montre la note de ce site sur le remplacement de la taxe d’habitation, il semble techniquement difficile de la maintenir pour les seuls 20 % des ménages les plus aisés mais sa suppression pour tous les ménages aurait un surcoût de l’ordre de 0,3 point de PIB pour les finances publiques qui doit être compensé. Si leur taxe d’habitation est effectivement supprimée, il ne serait pas anormal d’augmenter d’autres impôts qui touchent les mêmes 20 % de ménages les plus aisés.
Il est possible d’y parvenir en majorant les taux marginaux du barème de l’impôt sur le revenu (IR) appliqués aux revenus par part supérieurs à 27 000 €, de sorte d’augmenter le produit de l’IR d’environ 8 Md€.
Le produit de cette hausse de l’IR pourrait être affecté aux communes où ces ménages ont leur résidence principale. Ce sera toutefois insuffisant pour compenser le manque à gagner induit par la suppression de la TH sur les résidences principales pour l’ensemble des collectivités locales (de l’ordre de 23 Md€ en 2020). Au-delà d’une éventuelle redistribution du produit des impôts locaux entre les différentes catégories de collectivités locales, il faudra que l’Etat leur transfère de nouvelles ressources.
Enfin, la révision des valeurs cadastrales reste nécessaire car elles serviront encore à asseoir les taxes foncières et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Les modalités de cette révision sont analysées dans une note de ce site. La baisse des droits de mutation à titre onéreux reste à faire.
d)Les niches fiscales
La réduction des dépenses fiscales, autres que le CICE, est un chantier qui reste à engager. Elle doit permettre de réduire les taux des impôts concernés.
[1] Les pensions de retraite ou les indemnités de chômage peuvent être considérées comme un salaire différé.
[2] Voir notamment « L’incidence de l’impôt sur les sociétés » L. Simula et A. Trannoy, revue française d’économie, 2010.
[3] Une réduction d’impôt ne peut pas être supérieure au montant de l’impôt dû avant imputation de cette réduction alors qu’un crédit d’impôt peut être supérieur. Le cas échéant, il donne lieu à un remboursement par le fisc.