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12/04/2017

L'effort budgétaire en faveur de l'Outre-mer

François ECALLE

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Les derniers mouvements sociaux en Guyane attirent l’attention sur les dépenses publiques en faveur de l’Outre-mer. Le présent commentaire porte sur les dépenses de l’Etat recensées dans le « document de politique transversale » relatif à l’Outre-mer annexé au projet de loi de finances pour 2017.

Ce billet compare les dépenses budgétaires de l’Etat en faveur de la Métropole et de l’Outre-mer sur un même périmètre, en les rapportant à la population de moins de 65 ans pour les raisons suivantes : d’une part, cette population représente une part beaucoup plus importante de la population dans l’Outre-mer (90 %) qu’en Métropole (82 %) ; d’autre part, les dépenses de l’Etat concernent beaucoup plus cette tranche de la population, à cause notamment du poids de l’enseignement, contrairement aux dépenses des administrations sociales, à cause notamment des retraites et de l’assurance maladie.

Les dépenses budgétaires de l’Etat en faveur de l’Outre-mer se sont élevées à 14,4 Md€ en 2015, soit 5 990 € par personne de moins de 65 ans contre 5 560 € pour les dépenses en faveur de la Métropole. A ces dépenses budgétaires, il faut ajouter 1 620 € de dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer (taux de TVA inférieurs à ceux de la Métropole…), ce qui fait un écart total d’environ 2 000 € (soit 36 %) par rapport aux dépenses publiques en faveur de la Métropole.

Les dépenses budgétaires plus importantes Outre-mer concernent notamment l’enseignement scolaire, les dotations aux collectivités locales, la sécurité et la justice. Celles qui sont plus faibles Outre-mer concernent notamment la Défense, la recherche et l’enseignement supérieur.

La loi de finances pour 2017 prévoit une augmentation des crédits de paiement en faveur de l’Outre-mer de 13,9 %, contre 4,1 % pour les crédits de paiement en faveur de la Métropole.

C’est en Guyane que les dépenses budgétaires de l’Etat sont les plus élevées (7 200 € par personne de moins de 65 ans) et à Mayotte qu’elles sont les plus fables (4 100 €) parmi les départements et les collectivités de plus de 100 000 habitants.

Ce billet n’a pas pour objet de déterminer si ces écarts sont justifiés ou non. Bien d’autres facteurs que le nombre d’habitants de moins de 65 ans peuvent expliquer le niveau des dépenses publiques.

A)   Les dépenses de l’Etat en faveur de l’Outre-mer sont plus élevées que celles en faveur de la Métropole

1)    Des dépenses budgétaires par personne de moins de 65 ans en faveur de l’Outre-mer supérieures de 400 € en 2015

Les « documents de politique transversale » (DPT) annexés au projet de loi de finances comportent une présentation détaillée, par « mission budgétaire », des dépenses consacrées à certaines politiques dites « transversales » parce qu’elles mobilisent des crédits de plusieurs missions. Cette présentation est réalisée en isolant, dans chaque mission, les crédits de paiement qui peuvent être rattachés à cette politique transversale.

S’agissant du DPT relatif à l’Outre-mer, il regroupe ainsi les crédits de la mission Outre-mer et ceux de toutes les autres missions (enseignement scolaire, sécurité, justice…) dans la mesure où ils ont une utilité pour les populations ou les entreprises d’Outre-mer (par exemple, pour y payer des enseignants ou des juges). En pratique, il existe des crédits rattachables à l’Outre-mer dans quasiment toutes les missions budgétaires, à l’exception notable de la mission « engagements financiers de l’Etat » (la charge d’intérêt de la dette)[1].

Ce DPT indique également le montant des « prélèvements sur recettes » au profit des collectivités territoriales ultramarines.

Les dépenses budgétaires exécutées en 2015 (crédits de paiement) en Outre-mer et en Métropole[2] sont ici comparées sur un périmètre identique correspondant aux missions retenues dans le DPT relatif à l’Outre-mer[3] et aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales.

Les dépenses budgétaires ainsi rattachées à l’Outre-mer se sont élevées à 14,4 Md€ en 2015, contre 290,5 Md€ pour celles qui sont rattachées à la Métropole.

Elles pourraient être rapportées aux populations ultramarines et métropolitaines mais les ratios obtenus seraient peu pertinents dans la mesure où la population ultramarine est plus jeune et pèse ainsi naturellement plus sur le budget de l’Etat (celui-ci consacre, par exemple, le quart de ses dépenses hors intérêts à l’enseignement scolaire). La population métropolitaine pèse en revanche plus sur les dépenses des administrations de sécurité sociale, à travers les retraites et l’assurance maladie.

Les dépenses sont donc rapportées à la population de moins de 65 ans telle qu’elle apparaît dans le DPT relatif à l’Outre-mer (population légale résultant du recensement de 2013).

Les dépenses budgétaires par personne de moins de 65 ans sont de 5 990 € en faveur de l’Outre-mer et de 5 560 € en faveur de la Métropole, soit un écart de 430 €.

2)    Des dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer de 1 600 € par personne de moins de 65 ans en 2015

Le DPT recense également les dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer et leur coût, dont le total s’est élevé à 3,9 Md€ en 2015, soit 1 620 € par personne de moins de 65 ans. Les plus importantes sont les suivantes :

- taux de TVA inférieurs à ceux de la Métropole (1,3 Md€) ;

- exonérations de taxe intérieure de consommation de carburants (0,9 Md€) ;

- réduction du montant de l’impôt sur le revenu pour les résidents Outre-mer (0,4 Md€) ;

- réduction d’impôt en raison des investissements dans le logement Outre-mer (0,4 Md€) ;

- réduction d’impôt en raison des investissements productifs Outre-mer (0,3 Md€).

Source : Document de politique transversale Outre-mer annexé au projet de loi de finances pour 2017 ; loi de règlement pour 2015 ; FIPECO.

Le coût total des dépenses fiscales en 2015 s’est élevé à 85 Md€. Celles qui ne sont pas spécifiques à l’Outre-mer sont également accessibles aux contribuables ultramarins et métropolitains[4]. Il est donc possible de considérer, comme le fait le DPT, que les dépenses fiscales ciblées sur l’Outre-mer représentent un effort budgétaire particulier en faveur des départements et collectivités ultramarins.

Ceux-ci bénéficient également de « niches sociales » (l’équivalent des niches fiscales s’agissant des recettes de la sécurité sociale), sous formes d’exonérations spécifiques, mais le coût de ces dispositifs est généralement compensé par l’Etat et est donc déjà compté dans les dépenses budgétaires en faveur de l’outre-mer.

3)    Des dépenses plus élevées Outre-mer pour l’enseignement scolaire, plus faibles pour la Défense

La décomposition par mission des dépenses en faveur de l’Outre-mer en 2015 qui figure dans le DPT permet d’identifier celles qui sont les plus importantes pour les départements et collectivités ultramarins.

La mission Outre-mer est par définition spécifique à ces territoires et représente une dépense de plus de 800 € par personne de moins de 65 ans. En contrepartie, les crédits de la mission « relations avec les collectivités locales » et les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités locales qui peuvent être rattachés à l’Outre-mer sont inférieurs de plus de 500 € à ceux qui sont en faveur des collectivités métropolitaines. Au total, les dépenses en faveur des collectivités d’Outre-mer sont supérieures d’environ 300 € à celles qui sont en faveur des collectivités métropolitaines.

Les crédits de l’enseignement scolaire représentent 2 000 € par personne de moins de 65 ans vivant outre-mer contre 1 200 € en Métropole. Les crédits des missions sécurité et justice représentent 650 € par personne de moins de 65 ans vivant outre-mer contre moins de 500 € en Métropole.

Inversement, les crédits de la mission Défense représentent 340 € par personne de moins de 65 ans vivant outre-mer contre 770 € en Métropole. Les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche représentent 230 € par personne de moins de 65 ans vivant outre-mer contre 490 € en Métropole.

4)    Un écart entre Métropole et Outre-mer qui se creuse en 2017

Le projet de loi de finances initiale pour 2017 prévoit, à travers le DPT, des crédits de paiement de 16,4 Md€ en faveur de l’Outre-mer, soit une augmentation de presque 14 % par rapport aux crédits consommés en 2015 (17 % pour la Guyane). Sur le même périmètre, les dépenses budgétaires en faveur de la Métropole augmentent d’un peu plus de 4 %. Même si la population augmente un peu plus vite Outre-mer, l’écart en euros par personne de moins de 65 ans devrait se creuser avec la Métropole en 2017.

B)   C’est en Guyane que les dépenses budgétaires de l’Etat sont les plus importantes

Le DPT ventile par département ou collectivité les dépenses budgétaires en faveur de l’Outre-mer, qui peuvent donc être rapprochées de la population de moins de 65 ans.

C’est en Guyane que les dépenses budgétaires de l’Etat par personne de moins de 65 ans sont les plus importantes (7 200 €) et c’est à Mayotte qu’elles sont les plus faibles (4 100 €) parmi les départements et les collectivités de plus de 100 000 habitants. Elles sont très proches (6 700 €) et supérieures à la moyenne de l’Outre-mer en Martinique et Guadeloupe. Elles sont presque égales à la moyenne à La Réunion (5 950 €). Elles sont par contre plus faibles que la moyenne en Nouvelle Calédonie et en Polynésie.

Les dépenses budgétaires de l’Etat en faveur de l’Outre-mer                                           

 

 

Mayotte

Guyane

Nouvelle Calédonie

Polynésie

Dépenses budgétaires (M€)

847

1 677

1 238

1 316

Population de moins de 65 ans (1 000)

207

233

246

250

Dépenses en euros par personne de moins de 65 ans

4 092

7 197

5 033

5 264

 

 

 

 

 

 

Martinique

Guadeloupe

La Réunion

Outre-mer (1)

Dépenses budgétaires (M€)

2 143

2 296

4 496

14 434

Population de moins de 65 ans (1 000)

320

341

756

2 409

Dépenses en euros par personne de moins de 65 ans

6 697

6 733

5 947

5 992

 

Source : DPT Outre-mer annexé au PLF 2017 ; Insee ; FIPECO

  1. Y compris les collectivités de moins de 100 000 habitants, qui n’apparaissent pas dans ce tableau : Saint-Martin ; Wallis-et-Futuna ; Saint-Pierre-et-Miquelon ; Saint-Barthélemy.

Source : Document de politique transversale Outre-mer annexé au projet de loi de finances pour 2017 ; loi de règlement pour 2015 ; FIPECO

 

[1] Même sur cette mission, on trouve une dépense marginale rattachée à l’Outre-mer dans le DPT, qui correspond aux primes des plans d’épargne logement.

[2] Calculées par différence entre les dépenses totales de l’Etat et les dépenses rattachées à l’Outre-mer.

[3] Ce qui revient pour l’essentiel à prendre toutes les missions du budget général hors engagements financiers.

[4] A l’exception de quelques dépenses fiscales ciblées sur des zones géographiques particulières de la Métropole, notamment la Corse.

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