15/04/2020
L’écart entre les dépenses publiques de la France et de la zone euro en 2018
François ECALLE
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En introduction au volet « fiscalité et dépenses publiques » du grand débat national, le Gouvernement a publié un document où figure un tableau présentant « ce que financent 1 000 euros de dépenses publiques ». Il s’agit de la répartition des dépenses publiques entre « politiques publiques » ou « fonctions » qui résulte d’une classification de ces dépenses commune à l’ensemble des pays de l’Union européenne.
La publication par Eurostat de la ventilation des dépenses publiques de 2018 pour l’ensemble des pays de l’Union européenne permet de faire la même présentation de ce que comprennent 1 000 € de dépenses publiques en France et dans la zone euro. Elle permet également de comparer le poids des dépenses affectées à ces politiques publiques en pourcentage du PIB.
La répartition des dépenses publiques est presque la même en France et dans la zone euro en 2018. En particulier, 1 000 € de dépenses publiques comprennent quasiment le même montant consacré à la protection sociale (570 €), avec un peu moins de dépenses pour la santé en France et un peu plus pour la politique familiale et, surtout, les aides personnelles au logement.
Une part un peu plus élevée des dépenses publiques est affectée en France aux aides à la pierre et aux équipements collectifs, au soutien de l’activité économique (du fait du CICE) et à la défense nationale. Une part un peu plus faible y est affectée à la sécurité intérieure et à la justice, à l’enseignement, aux frais généraux des administrations et aux intérêts de la dette publique. Les écarts ne sont pas significatifs pour les autres fonctions.
Il faut cependant rappeler que les dépenses publiques représentent 56,0 % du PIB en France contre 47,0 % dans la zone euro en 2018. Autrement dit, pour un même niveau du PIB, les dépenses publiques s’élèvent à 1 190 € en France quand elles sont de 1 000 € dans la zone euro.
Cet écart de 9,0 points de PIB entre les dépenses de la France et de la zone euro est concentré sur la protection sociale (5,3 points, dont 2,4 points pour les retraites et 1,2 point pour la santé), le soutien de l’activité économique (1,5 point, dont 0,9 pour le CICE), l’enseignement (0,6 point) et la défense nationale (0,6 point). En pourcentage du PIB, seules les dépenses consacrées à la sécurité intérieure et à la justice et aux intérêts de la dette sont en France inférieures ou égales à celles de la zone euro.
Au total, nous avons les mêmes priorités que les autres pays de la zone euro, ce qui se traduit par une répartition très semblable des dépenses publiques, mais aussi un tropisme général en faveur de la dépense qui se traduit par des montants plus élevés pour presque toutes les politiques publiques.
A) La répartition de 1 000 euros de dépenses publiques
Le tableau suivant reprend la même classification que le tableau inséré dans le document du Gouvernement préparatoire au grand débat national, avec toutefois de légères différences de traitement qui expliquent que les montants en euros ne sont pas toujours exactement les mêmes pour la France. En particulier, les dépenses affectées à la recherche sont réparties ici entre plusieurs fonctions (soutien de l’activité économique, défense, santé…), comme dans les statistiques publiées par l’Insee et Eurostat, alors qu’elles sont regroupées dans une fonction « recherche » dans le tableau du Gouvernement.
La répartition de 1 000 euros de dépenses publiques en 2018
Euros
|
France
|
Zone euro
|
Protection sociale
Dont : retraites et dépendance
Santé et invalidité
Famille
Chômage
Exclusion sociale
Aides personnelles au logement
|
568
263
197
39
33
20
15
|
570
263
210
34
31
18
8
|
Aides à la pierre et équipements collectifs
|
20
|
12
|
Enseignement
|
91
|
96
|
Loisirs, culture et culte
|
25
|
23
|
Protection de l’environnement
|
18
|
17
|
Affaires économiques
Dont transports
|
102
37
|
91
40
|
Sécurité intérieure et justice
|
30
|
35
|
Défense
|
31
|
25
|
Services généraux
|
77
|
88
|
Intérêts de la dette publique
|
33
|
42
|
Total des dépenses publiques
|
1 000
|
1 000
|
Source : Eurostat, FIPECO.
Cette répartition des dépenses publiques est presque la même en France et dans la zone euro. En particulier, 1 000 € de dépenses publiques comprennent quasiment le même montant consacré à la protection sociale (environ 570 €), avec un peu moins de dépenses pour la santé en France et un peu plus pour la politique familiale et, surtout, pour les aides personnelles au logement.
Une part plus élevée des dépenses publiques est aussi affectée en France aux aides à la pierre (subventions aux logements sociaux…) et aux équipements collectifs liés au logement (éclairage public…), à la défense nationale et aux « affaires économiques ». Ce dernier poste est très hétérogène et recouvre notamment les dépenses liées aux transports (construction et entretien des routes…) ainsi que les aides aux ménages et subventions aux entreprises relevant de politiques publiques très diverses (aides à l’agriculture, aides à l’innovation, crédit d’impôt pour l’emploi de salariés à domicile…). L’écart de 11 € entre la France et la zone euro tient pour 14 € au CICE et devrait donc s’inverser après 2019.
Une part un peu plus faible des dépenses publiques est affectée en France à la sécurité intérieure (police et gendarmerie) et à la justice, aux intérêts de la dette publique, à l’enseignement et aux « services généraux ». Ces derniers recouvrent les « fonctions supports » telles que la fonction « d’état-major » (Présidence, assemblées et services du Premier ministre), la fonction financière (ministère des finances), la fonction ressources humaines (ministère de la fonction publique), la fonction de représentation (ministère des affaires étrangères) etc.
Les écarts ne sont pas significatifs pour les autres fonctions (loisirs et culture, protection de l’environnement).
B) Le niveau des dépenses publiques en pourcentage du PIB
Les dépenses publiques représentent 56,0 % du PIB en France en 2018 contre 47,0 % dans la zone euro. Autrement dit, pour un même niveau du PIB, les dépenses publiques s’élèvent à 1 190 € en France quand elles sont de 1 000 € dans la zone euro. Le tableau suivant présente leur montant par fonction en pourcentage du PIB en utilisant la même nomenclature que précédemment.
Les dépenses publiques par fonction en % du PIB en 2018
% du PIB
|
France
|
Zone euro
|
Protection sociale
Dont : retraites et dépendance
Santé et invalidité
Famille
Chômage
Exclusion sociale
Aides personnelles au logement
|
32,0
14,8
11,0
2,2
1,9
1,1
0,9
|
26,7
12,4
9,8
1,6
1,4
0,8
0,4
|
Aides à la pierre et équipements collectifs
|
1,1
|
0,6
|
Enseignement
|
5,1
|
4,5
|
Loisirs, culture et culte
|
1,4
|
1,1
|
Protection de l’environnement
|
1,0
|
0,8
|
Affaires économiques
Dont transports
|
5,8
2,1
|
4,3
1,9
|
Sécurité intérieure et justice
|
1,7
|
1,7
|
Défense
|
1,8
|
1,2
|
Services généraux
|
4,3
|
4,1
|
Intérêts de la dette publique
|
1,9
|
2,0
|
Total des dépenses publiques
|
56,0
|
47,0
|
Source : Eurostat, FIPECO.
Les dépenses publiques consacrées à la protection sociale s’élèvent à 32,0 points de PIB en France en 2018, contre 26,7 points dans la zone euro [1] .
Les dépenses liées à la retraite et à la dépendance sont celles pour lesquelles l’écart entre la France et la zone euro est le plus important (2,4 points de PIB). Il résulte pour partie du caractère obligatoire et monopolistique des régimes complémentaires en répartition, AGIRC-ARRCO pour les salariés du secteur privé, qui sont classés parmi les administrations publiques en raison de ces caractéristiques. Dans les autres pays, ces régimes complémentaires sont souvent des fonds de pension et font souvent l’objet d’un choix, au niveau de la branche ou de l’entreprise, et ils sont donc classés en dehors du champ des administrations publiques. Cet écart résulte cependant surtout du niveau relativement élevé des retraites au regard des revenus des actifs et du nombre relativement important de retraités en raison d’un âge précoce de départ en retraite et d’une espérance de vie élevée à cet âge en France.
Les dépenses publiques de santé en France sont supérieures de 1,2 point de PIB à celles de la zone euro. Les dépenses affectées aux familles, aux chômeurs et à la lutte contre l’exclusion sociale sont également plus élevées en France.
En additionnant les aides personnelles au logement, les aides à la pierre et les équipements collectifs associés, le coût de la politique du logement est deux fois plus élevé en France (2,0 % du PIB) que dans la zone euro (1,0 % du PIB).
Les dépenses publiques de la France ne sont inférieures ou égales à celles de la zone euro que pour deux fonctions : l’ordre et la sécurité publics (du fait des services judiciaires) et le service de la dette publique (grâce à des taux d’intérêt plus faibles que la moyenne de la zone euro).
Le coût des services généraux est relativement proche en France et dans la zone euro (un peu plus de 4,0 % du PIB), ce qui suggère que les « frais généraux de la maison France » sont plutôt bien tenus.
L’écart entre les dépenses publiques en France et dans la zone euro est particulièrement important pour ce qui concerne les « affaires économiques » (1,5 point de PIB). Il tient pour 1,4 point aux aides et subventions (dont 0,9 pour le CICE). Les transports y contribuent pour 0,2 point (subventions aux entreprises de transport mais aussi dépenses propres des administrations).
Les dépenses militaires (pensions comprises) de la France sont supérieures de 0,6 point de PIB à celle de la zone euro, ce qui s’explique par ses responsabilités particulières en ce domaine (présence permanente au Conseil de sécurité de l’ONU, dissuasion nucléaire, opérations extérieures).
Enfin, la France dépense plus que les autres pays de la zone euro pour l’enseignement (écart de 0,6 point de PIB, concentré sur l’enseignement secondaire), ce qui peut s’expliquer en partie par l’importance du nombre d’élèves et étudiants. Elle dépense un peu plus pour les loisirs, la culture et les cultes (0,3 point) ainsi que pour la protection de l’environnement (0,2 point).
[1] Ces dépenses affectées à la fonction « protection sociale » sont différentes, sans en être très éloignées, des dépenses correspondant aux « prestations sociales » et des dépenses des « administrations de sécurité sociale ».