Fipeco

Partager Partage sur Twitter Partage sur Facebook Partage sur Linkedin


07/07/2017

La croissance de la masse salariale de l'Etat en 2018

FIPECO le 07.07.2017 mis à jour le 28.09.2017

Les commentaires d’actualité

La croissance de la masse salariale de l’Etat en 2018

             François ECALLE

PDF à lire et imprimer

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a déclaré que les dépenses publiques seraient stabilisées en volume, notamment en « stoppant l’inflation de la masse salariale ». Les dernières annonces des ministres des finances et des comptes publics laissent penser que la masse salariale de l’Etat continuera à augmenter sensiblement et que les dépenses publiques ne seront pas stabilisées en 2018 (elles devraient augmenter de 0,5 % en volume).

Hors contributions au financement des pensions, les dépenses de personnel représentaient 82 Md€ et 26 % des dépenses du « budget général » de l’Etat en 2016 et elles augmenteront d’environ 1,5 % en valeur (1,3 Md€) en 2018, soit environ 0,5 % en volume, sans intégrer d’éventuelles mesures salariales de compensation de la hausse de la CSG pour les fonctionnaires. Selon le Haut Conseil des finances publiques, elle augmentera de 1,7 %, soit 1,5 Md€, peut-être en tenant compte de cette compensation.

Cette progression de la masse salariale de l’Etat, la plus forte en valeur depuis 2008 à l’exception de 2017, repose sur l’hypothèse du gel du point, du rétablissement du jour de carence et d’une suppression nette de 1 600 postes en 2018. Elle tient pour un peu moins de la moitié à la mise en œuvre du protocole de septembre 2015 relatif aux « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). Elle résulte aussi pour partie de l’effet en année pleine des recrutements de 2017.

D’autres mesures d’économies que le gel du point et cette faible réduction des effectifs seraient nécessaires et justifiées par le niveau des salaires publics. Si la réforme des grilles salariales est souhaitable, sa mise en œuvre pourrait ainsi être décalée, ce qui toutefois reporterait son coût en 2019 et ne serait pas une économie structurelle.

Les promotions pourraient être limitées aux agents les plus méritants et certaines primes et indemnités (supplément familial de traitement, indemnité de résidence, sur-rémunération des agents en poste outre-mer ou travaillant à temps partiel etc.) pourraient être supprimées ou mieux ciblées. Les économies potentielles représentent plusieurs centaines de millions d’euros. Il sera toutefois également nécessaire de renforcer la mobilité des fonctionnaires, notamment en harmonisant les primes et indemnités, ce qui pourrait avoir un coût important.

A)   Les déterminants de la masse salariale de l’Etat en 2018

1)    Les principaux déterminants

La variation d’une année à l’autre, à périmètre constant, de la masse salariale de l’Etat (hors financement des pensions), ou de toute autre administration publique, est déterminée pour l’essentiel par :

  • l’impact de l’évolution des effectifs résultant des flux de départs et de recrutements (hors transferts de personnels de et vers d’autres organismes), ce que le ministère du budget appelle le « schéma d’emploi ». Son impact budgétaire est mesuré en multipliant la différence entre les nombres d’entrées et de départs, en équivalents temps plein, par le coût moyen des entrants ;
  • l’impact du « glissement-vieillesse-technicité (GVT) négatif », ou « effet de noria », qui correspond à l’écart entre les coûts moyens des agents entrants et sortants, les premiers étant le plus souvent moins bien payés que les seconds. Cet impact sur l’évolution de la masse salariale, en général négatif, est mesuré en multipliant cette différence de coût par le nombre d’agents sortants ;
  • l’évolution de la rémunération moyenne des agents présents au cours de ces deux années, les « présents – présents » ou « personnes en place » (RMPP).

Cette dernière résulte elle-même :

  • des mesures dites « générales », notamment des mesures de revalorisation du point de la fonction publique, de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA) des fonctionnaires et de l’alignement des bas salaires sur le SMIC ;
  • des mesures dites « catégorielles », c’est-à-dire celles qui sont prises, au niveau ministériel ou interministériel, pour revaloriser les rémunérations de catégories particulières d’agents, qu’il s’agisse de leur traitement statutaire ou de leur régime indemnitaire ;
  • des mesures dites « individuelles », c’est-à-dire du « GVT positif », qui correspondent à l’augmentation des rémunérations résultant de l’avancement à l’ancienneté de chaque agent au sein de son corps (composante « vieillesse » du GVT) et des promotions de grade ou de corps (composante « technicité ») ;
  • des mesures dites « diverses » qui n’entrent pas dans les catégories précédentes et sont souvent caractérisées par leur nature en principe non reconductible ; elles comprennent notamment les heures supplémentaires et les rachats de jours accumulés sur les comptes épargne temps ainsi que les primes de mobilité, de départ et d’accompagnement des restructurations.

2)    La valeur de ces déterminants en 2018

L’impact budgétaire du schéma d’emploi retenu pour une année N dépend de la date à laquelle ont lieu les départs et les arrivées de fonctionnaires. Si, par exemple, un agent est recruté le 1er mai de l’année N, la masse salariale est majorée des deux tiers de sa rémunération annuelle en N puis d’un tiers supplémentaire en N+1. On peut considérer que, statistiquement, les fonctionnaires de l’Etat partent et arrivent à peu près en milieu d’année à l’exception des enseignants pour lesquels les mouvements se font plutôt au 1er septembre.

En 2017, le schéma d’emploi de la loi de finances initiale pour 2017 se traduit par la création de presque 14 000 postes, surtout des enseignants payés à partir du 1er septembre. Le coût moyen annuel des entrants étant d’environ 30 000 €, l’impact sur la masse salariale est d’environ 150 M€ en 2017 puis 250 M€ en 2018.

S’agissant du schéma d’emploi de la loi de finances initiale pour 2018, les ministres ont annoncé la suppression de 1 600 postes, ce qui contribuerait à réduire la masse salariale de l’Etat de 25 M€ en 2018 (puis 25 M€ supplémentaires en 2019).

Le GVT négatif de l’Etat est de l’ordre de 950 M€ et son GVT positif de l’ordre de 1 250 M€, ce qui conduit à un « GVT solde » d’environ 300 M€.

Le point de la fonction publique a été revalorisé de 0,6 % le 1er février 2017. Le coût de cette mesure (500 M€) est réparti entre 2017 pour 11/12 et 2018 pour 1/12. Il faut y ajouter le coût de la GIPA (qui est calculée en comparant l’évolution des salaires et l’inflation sur une période de quatre ans) et de l’alignement du minimum de traitement de la fonction publique, ce qui conduit à un impact des mesures générales d’environ 100 M€.

Les mesures catégorielles comprendront surtout celles qui ont été décidées dans le cadre du « protocole sur les parcours professionnels, les carrières et rémunérations » (PPCR) de septembre 2015 et qui auront un coût de 550 M€ en 2018 pour l’Etat selon le rapport de la Cour des comptes de juin 2017 sur la situation et les perspectives des finances publiques. Comme il y a toujours de nouvelles mesures catégorielles chaque année[1], il faut au moins ajouter 150 M€ au coût du protocole PPCR.

En outre, le coût des mesures catégorielles inscrites dans la loi de finances initiale pour 2017 était exceptionnellement élevé (1 400 M€), mais elles étaient pour la plupart supposées intervenir au 1er janvier 2017. Or il est probable qu’elles auront été mises en œuvre plus tard dans l’année pour réduire leur coût sur 2017 et qu’il faut alors compter en 2018 le coût de leur extension en année pleine. Ce coût sera au minimum de 100 M€ et pourrait être bien plus important.

L’impact budgétaire des « mesures diverses » est positif ou négatif selon les années pour des montants très variables. On peut supposer qu’il correspondra en 2018 au gain budgétaire associé au rétablissement du jour de carence (150 M€).

B)   La croissance prévisible de la masse salariale en 2018 et les leviers d’économie

1)    La croissance prévisible de la masse salariale

Sans compter d’éventuelles mesures salariales compensant la hausse de la CSG pour les fonctionnaires, les dépenses de personnel de l’Etat augmenteront d’environ 1 300 M€ au total en 2018, soit de 1,5 % en valeur, un peu moins de la moitié de cette hausse étant imputable au coût du protocole PPCR, et 0,5 % en volume avec une inflation de 1,0 %.

L’avis du Haut Conseil des finances publiques publié le 27 septembre 2017 fait état d’une progression de 1,5 Md€, soit 1,5 %, ce qui pourrait donc tenir compte d’une mesure de compensation de la hausse de la CSG.

Il s’agit de l’augmentation en 2018 par rapport à la prévision d’exécution pour 2017 qui est elle-même supérieure de 0,4 Md€ au montant inscrit en LFI pour 2017 (l’écart entre les LFI de 2018 et 2017 est donc de 2 Md€).

La croissance de la masse salariale de l’Etat et ses déterminants en 2018 (M€)

 

Schéma d’emploi de 2017

+ 250

Schéma d’emploi de 2018

- 25

GVT Solde

+ 300

Mesures générales

+ 100

Protocole PPCR

+ 550

Autres mesures catégorielles

+ 250

Mesures diverses (jour de carence)

- 150

Compensation de la hausse de la CSG

200 ?

Total

1 500

Source : FIPECO

Cette progression de 1,7 % de la masse salariale serait inférieure à celle de 2017 (3,9 %) mais supérieure à celle des années 2008 à 2016.

Sources : lois de règlement et Cour des comptes jusqu’à 2016 ; périmètre constant ; FIPECO pour 2017-2018.

2)    Les leviers d’économie (autres que les effectifs)

Plusieurs leviers d’économie peuvent être trouvées dans la politique salariale. Le pouvoir d’achat du salaire moyen par tête des fonctionnaires aura certes moins augmenté que celui des salariés du secteur privé de 2009 à 2017 (cf. graphique), malgré un rattrapage en 2017. Toutefois, les salaires sont plutôt plus élevés dans le secteur public que dans le secteur privé à qualification équivalente, sauf pour les cadres, alors que les fonctionnaires bénéficient de la garantie de l’emploi.

Source : rapport sur la fonction publique pour les années 2009 à 2015 (salaires nets) ; note de conjoncture de l’Insee de juin 2017 (secteur privé) et FIPECO (Etat) pour 2016 et 2017 (salaire brut).

Les salaires nets mensuels moyens en 2014 (euros)

 

Etat (civils)

Collectivités locales

Hôpitaux

Secteur privé

Ensemble

2 477

1 877

2 223

2 266

Cadres

(dont hors enseignants)

3 054

(3 617)

3 273

4 725

4 109

Professions intermédiaires

2 243

2 224

2 288

2 271

Ouvriers et employés

1 996

1 657

1 698

1 667

 

Source : rapport de 2016 sur l’état de la fonction publique ; FIPECO.

Les mesures prévues dans le protocole PPCR pourraient être remises en cause. Toutefois, si les modalités de cette réforme des grilles salariales peuvent être discutées, elle est nécessaire car les grilles actuelles sont obsolètes et doivent être revues (cf. note sur la politique salariale). Il faudrait donc se contenter d’en retarder l’application, ce qui pourrait réduire la masse salariale de 0 à 550 M€ en 2018 mais en reportant ce coût sur 2019. Cela ne constituerait donc pas une économie structurelle.

La Cour des comptes a présenté plusieurs pistes d’économie structurelles relevant de la politique salariale dans ses rapports de septembre 2015 sur la masse salariale de l’Etat et de juin 2017 sur les finances publiques.

Les promotions dans les grades supérieurs ou dans des corps mieux rémunérés pourraient être limitées, et réservées aux agents les plus méritants, ce qui pourrait réduire le GVT positif de 100 M€.

Le supplément familial de traitement des fonctionnaires s’ajoute aux prestations familiales de droit commun et sa suppression représenterait une économie de 900 M€.

L’indemnité de résidence pourrait être attribuée seulement aux agents qui résident en région parisienne, ce qui réduirait son coût de 200 M€. La sur-rémunération des fonctionnaires de l’Etat en poste Outre-mer pourrait mieux correspondre au différentiel de coût de la vie avec la métropole, ce qui dégagerait une économie de 800 M€.

La sur-rémunération du temps partiel (par exemple, 85,7 % du salaire de référence pour un temps partiel de 80 %) n’est pas justifiée et sa suppression réduirait les dépenses de 300 M€.

Il convient toutefois de souligner que la réorganisation de l’Etat et les suppressions de postes requièrent une plus grande mobilité des fonctionnaires. Or celle-ci est freinée par les fortes disparités entre les primes et indemnités des différents corps et ministères. L’harmonisation des régimes d’indemnitaires, dans la mesure où elle se fera par alignement sur les plus favorables plutôt que sur la moyenne, aura un coût difficile à chiffrer mais certainement très important. Il faudra sans doute y ajouter le coût de primes de mobilité et d’indemnités de départ.

Une hausse de la durée du travail permettrait de concilier plus facilement de nombreuses suppressions de postes et le maintien de la qualité des services publics. Elle serait en elle-même une source d’économies à travers la diminution des heures supplémentaires rémunérées (1,5 Md€ en 2015). Au-delà d’une certaine hausse de la durée du travail, difficile à déterminer, la rémunération mensuelle des agents devrait toutefois être augmentée et il n’est pas certain que la masse salariale diminue.

 

[1] Il est, par exemple, prévu dans le programme d’En-Marche d’attribuer une prime annuelle de 3 000 € aux enseignants qui exercent en zone prioritaire.

Revenir en haut de page