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07/07/2021

La politique du logement en France et dans l'OCDE

François ECALLE

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Les dépenses publiques affectées à la politique du logement étaient égales à 1,0 % du PIB en France en 2018 et, en moyenne, à 0,6 % du PIB dans les pays de l’OCDE, qui vient de publier un rapport sous forme de « boîte à outils des politiques du logement ». Cette note présente ce rapport en mettant en avant les particularités de la situation et des politiques du logement en France.

Les trois principaux enjeux des politiques du logement sont de nature sociale, avec une hausse des prix des logements et des loyers qui oblige les ménages pauvres à affecter une part plus importante de leurs revenus à leur habitation, de nature économique, avec un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements sur certains territoires, et de nature environnementale, avec une forte contribution du secteur résidentiel à l’émission de gaz à effet de serre.

Une relance de l’investissement public dans le logement, qui a baissé depuis le début du siècle, permettrait selon l’OCDE de contribuer à répondre à ces trois enjeux. Avec un niveau d’investissements publics dans ce domaine nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE, en pourcentage du PIB, la France suit déjà cette recommandation.

L’OCDE observe que le manque de terrains constructibles est un des principaux obstacles à la construction d’habitations. Elle recommande une plus grande densité de logements dans les zones urbaines où les prix sont élevés et un transfert des pouvoirs administratifs en matière d’urbanisme vers des collectivités de la dimension d’une métropole. Cette recommandation est particulièrement pertinente en France où l’attribution de ce pouvoir aux maires constitue un obstacle important à la construction de nouveaux logements.

L’OCDE propose de réduire les taxes sur les transactions immobilières, les droits de mutation à titre onéreux en France, pour faciliter la mobilité des ménages et permettre une meilleure adéquation de l’offre et de la demande sur le marché du travail. Elle propose de relever les taxes foncières en les asseyant plutôt sur la valeur de marché des terrains, ce qui supposerait en France une profonde réforme des valeurs cadastrales.

L’OCDE propose de réduire les dispositifs fiscaux qui incitent à contracter des emprunts immobiliers, car ils contribuent à la hausse des prix, ce qui concerne en France le prêt à taux zéro.

L’OCDE appelle à une plus grande souplesse dans la réglementation des relations entre les propriétaires et les locataires, y compris les dispositifs de contrôle des loyers, même si l’impact peut en être négatif à court terme pour des locataires vulnérables. La France pourrait s’inspirer de cette recommandation.

Considérant que, si des normes environnementales plus strictes sont nécessaires, elles majorent les coûts de construction et le prix des logements, l’OCDE recommande des mesures compensatoires comme les subventions à l’amélioration de l’efficacité énergétique des habitations, ce que la France a déjà mis en œuvre.

A) Les enjeux de la politique du logement

Le rapport de l’OCDE met en avant trois enjeux majeurs de la politique du logement, le premier étant de nature sociale, le deuxième de nature économique et le troisième de nature environnementale.

Le premier est l’augmentation du prix des logements et des loyers, bien plus élevée que le taux d’inflation. De 2005 à 2019, la croissance réelle du prix des logements a été de 20 % en moyenne dans l’OCDE et la croissance réelle des loyers a été de 48 %. S’agissant de la France, la croissance réelle du prix des logements a été de 12 % et celle des loyers a été de 22 %[1].

Malgré la baisse des taux d’intérêt des crédits immobiliers, la part des revenus qui est affectée au logement a nettement augmenté dans les pays de l’OCDE. Les ménages du premier quintile de revenus consacrent 25 % de leurs revenus au logement quand ils sont propriétaires (14 % en France), 34 % quand ils sont locataires non aidés (19 % en France) et 15 % quand ils sont locataires et aidés (11 % en France).

Le nombre d’années de revenus qui correspond au prix d’un logement de 100 mètres carrés est passé entre 2000 et 2020 de 7,8 à 12,8 en France, une des plus fortes hausses, de 9,1 à 9,4 en Allemagne, de 6,7 à 11,0 au Royaume-Uni, de 8,5 à 8,7 en Italie et de 8,2 à 11,1 en Espagne.

En conséquence, environ 16 % des ménages du premier quintile de revenus vivent dans des logements surpeuplés en moyenne dans l’OCDE (15 % en France).

Le deuxième enjeu est de mieux adapter l’offre à la demande de logements en améliorant l’efficacité des politiques publiques. Dans beaucoup de pays, il existe en effet à la fois des zones où l’offre de logements est insuffisante et des zones où elle est plutôt excessive.

Sur longue période, l’évolution des prix est très différente d’une zone à l’autre à l’intérieur d’un même pays, mais l’élasticité de l’offre[2] est parfois insuffisante pour entraîner une construction suffisante de logements dans les zones tendues. Cette élasticité de l’offre apparaît particulièrement faible en France.

Le troisième enjeu est la contribution du logement à la lutte contre le changement climatique. Le secteur résidentiel est à l’origine de 17 % des émissions de gaz à effet de serre dans les pays de l’OCDE. Les émissions de gaz carbonique en tonnes par habitant sont très différentes d’un pays à l’autre : pour une moyenne de 1,1 tonne par habitant dans l’OCDE, les émissions sont de 0,8 tonne en France, de 1,9 tonne en Allemagne, de 2,8 tonnes aux Etats-Unis, de 1,1 tonne en Italie, de 1,3 tonne au Royaume-Uni et de 0,4 tonne en Suède. Ces résultats restent très dispersés si on les corrige pour tenir compte du climat de chaque pays.

B) Les outils à privilégier

L’OCDE conseille d’abord de relancer l’investissement public dans le logement, qui est passé en moyenne de 0,17 % du PIB en 2001 à 0,06 % en 2018 alors même que les coûts de construction ont fortement augmenté. Cette relance de l’investissement public permettrait d’accroître le nombre de logements sociaux, au profit des ménages les plus pauvres, de desserrer la pression sur les prix dans les zones tendues et de favoriser des méthodes de construction plus responsables d’un point de vue écologique. Elle permettrait donc de répondre aux trois enjeux (social, économique et environnemental) identifiés dans le rapport.

Les investissements publics (formation brute de capital fixe et transferts en capital des administrations publiques) dans le logement se sont élevés à 4,1 Md€ soit 0,16 % du PIB en France en 2018, soit nettement plus que la moyenne de l’OCDE[3]. En outre, les logements sociaux y représentent 14 % du parc de logements, ce qui est un des ratios les plus élevés hors Pays-Bas (38 %) et Royaume-Uni (17 %). Celui de l’Allemagne est de 3 %, celui de l’Espagne de 1 % et celui de la Belgique de 4 %. On peut donc considérer que cette recommandation de l’OCDE est déjà mise en œuvre en France.

L’OCDE observe que le manque de terrains constructibles est un des principaux obstacles à la construction de logement et recommande donc d’autoriser une plus grande densité de logements dans les zones urbaines où les prix sont élevés. Cette densification permettrait d’offrir plus de logements abordables aux ménages, de faire baisser les prix dans les zones tendues et de réduire les émissions de gaz à effet de serre en diminuant les transports intra-urbains si les risques de congestion de ces transports peuvent être évités.

Il convient à cette fin, pour l’OCDE, non seulement d’alléger les contraintes réglementaires mais aussi de réformer la gouvernance du secteur du logement en transférant les pouvoirs en matière d’urbanisme et de permis de construire à des collectivités de la dimension d’une métropole.

L’OCDE a construit un indicateur de fragmentation des pouvoirs administratifs concernant l’utilisation des terrains. La France apparaît parmi les pays où cette fragmentation est la plus forte, derrière le Royaume-Uni et l’Espagne mais devant l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et la Suède.

En France, l’offre de terrains à bâtir est principalement fixée par les 35 000 maires, qui disposent à cette fin de nombreux instruments, notamment le « plan local d’urbanisme » et la délivrance des permis de construire. Or les habitants d’une commune ne souhaitent généralement pas de nouvelles constructions à côté de chez eux. La France comptant près de 40 % des communes de l’Union européenne, elle est le seul pays à donner ce pouvoir de définition de l’offre de terrains constructibles à des élus aussi proches des habitants et donc soumis à une forte pression pour s’opposer aux nouvelles constructions. En outre, les communes françaises sont généralement trop petites pour exercer efficacement leurs compétences en matière d’urbanisme.

L’OCDE recommande enfin de réduire la taxation des transactions immobilières pour faciliter la mobilité des ménages et permettre ainsi une meilleure adéquation de l’offre et de la demande sur le marché du travail. Elle conseille, en contrepartie pour maintenir les ressources des collectivités locales, d’augmenter les taxes annuelles sur la détention de biens immobiliers, plutôt sur la valeur des terrains que sur celle des constructions. Les propriétaires fonciers seraient ainsi plus fortement incités à construire et les gains qu’ils tirent de l’augmentation des prix du foncier pourraient être redistribués à travers les budgets des collectivités territoriales au profit de logements sociaux et compatibles avec l’environnement.

En France, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ont rapporté 16 Md€ en 2019 aux collectivités locales. Ils sont dus par les acquéreurs de terrains et immeubles de plus de cinq ans (les ventes d’immeubles plus récents sont assujetties à la TVA) sur le prix de vente et s’ajoutent aux « frais de notaire » au sens strict. Le taux des DMTO prélevés par les départements est compris dans une fourchette, fixée par la loi, de 1,2 % à 4,5 %. En 2019, presque tous les départements avaient choisi le taux maximal. Le taux des DMTO prélevés par les communes est de 1,2 %.

Les DMTO sont souvent considérés par les économistes comme un frein à la mobilité. En effet, une personne qui achète un logement pour un prix de 100 doit verser 100 au vendeur et 5,7 au trésor public (hors frais de notaire), soit un total de 105,7. Si elle doit déménager quelques mois plus tard et si les prix de l’immobilier n’ont pas varié, elle ne peut récupérer que 100 en vendant son logement et perd donc 5,7. Chaque déménagement entraîne ainsi une perte substantielle et la réduction des ces taxes devrait donc être considérées comme prioritaire. Comme elles ont été transférées aux départements et communes, il faudrait alors compenser leur manque à gagner.

Les taxes foncières en France, comme dans beaucoup de pays, sont assises sur des valeurs administratives dites « cadastrales » qui n’ont souvent plus aucun rapport avec les valeurs de marché et qui ne distinguent pas le foncier et le bâti lorsqu’un terrain est construit. Pour mettre en application la recommandation de l’OCDE, il faudrait que les taxes foncières soient assises sur une estimation de la valeur vénale des propriétés réalisée en utilisant la méthode des « prix hédoniques », celle-ci permettant de distinguer la valeur du foncier et celle du bâti (cf. note sur la révision des valeurs cadastrales).

C) Les outils permettant d’atteindre certains objectifs au détriment d’autres objectifs

L’OCDE propose de réduire les dispositifs fiscaux qui incitent à contracter des emprunts immobiliers comme la déductibilité des intérêts de ces emprunts. En effet, l’OCDE considère que ces avantages fiscaux entraînent une hausse des prix dans les zones où l’offre est rigide. En outre, ils profitent plutôt aux ménages aisés. Cependant, l’OCDE note qu’une telle mesure risque de pénaliser des ménages modestes à court terme et d’aller à l’encontre des objectifs sociaux des politiques du logement.

En France, cela ne concerne que le prêt à taux zéro, dont le coût est remboursé aux banques par l’Etat sous forme de crédit d’impôt. Ce coût est devenu relativement faible (1,1 Md€) du fait de la baisse des taux d’intérêt des prêts immobiliers non subventionnés.

L’OCDE appelle à une plus grande souplesse dans la réglementation des relations entre les propriétaires et les locataires, y compris les dispositifs de contrôle des loyers, pour encourager l’investissement dans le logement, réduire les inadéquations entre l’offre et la demande, et encourager la mobilité résidentielle. Le rapport note que de telles réformes pourrait avoir un impact social négatif à court terme en pénalisant des locataires vulnérables mais considère que des mesures compensatoires, comme une augmentation des logements sociaux, peuvent y remédier. En outre, les ménages les plus vulnérables sont souvent les plus pénalisés par les réticences des bailleurs à louer à des personnes qui présentent moins de garanties de payer leur loyer.

L’OCDE a construit un indice de contrôle des loyers allant de 0 (aucun contrôle) à 1 (toutes les modalités de contrôle sont mises en œuvre). Cet indice, qui reflète surtout la diversité des réglementations, vaut 0,53 pour la France qui se situe derrière l’Allemagne (0,75) et la Suède (0,94) mais devant la Grande-Bretagne (0,10), les Pays-Bas (0,47) et la Belgique (0,50).

L’OCDE considère que des normes environnementales plus strictes, qui sont nécessaires, majorent les coûts de construction et le prix des logements au détriment souvent des ménages modestes. Elle conseille donc des mesures compensatoires comme des subventions à l’amélioration de l’efficacité énergétique des habitations.

En France, le nouveau dispositif « ma prime rénov » qui remplace le crédit d’impôt pour la transition énergétique répond à cette préoccupation en aidant les propriétaires de logements à en améliorer l’efficacité énergétique avec une aide dégressive en fonction du revenu.

 

[1] Ces taux de croissance sont très variables selon la période de référence. De 2000 à 2020, la croissance réelle des prix a été de 90 % et celle des loyers de 36 % en France selon la même base de données de l’OCDE.

[2] Rapport entre la hausse de la construction de logements (en %) et la hausse des prix (en %).

[3] De plus, une grande partie des aides au secteur HLM est attribuée, à travers des bonifications de prêts, par la Caisse des dépôts et consignations qui n’est pas une administration publique.

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