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01/11/2019

La réforme du barème de l'impôt sur le revenu

François ECALLE

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L’article 2 du projet de loi de finances pour 2020 prévoit une réforme du barème de l’impôt sur le revenu (IR), pour un coût budgétaire de 5,0 Md€, à compter des revenus de 2020. Ceux-ci seront soumis à un prélèvement à la source cohérent avec le nouveau barème en 2020 et l’impôt effectivement dû sur la base de ce barème sera calculé et liquidé en 2021 (paiement du solde ou restitution du trop-payé). Le présent billet présente les principales modifications apportées au barème et leurs conséquences sur l’impôt dû par les ménages sur la base des informations publiques disponibles et sans avoir procédé à un quelconque traitement de fichier de données fiscales. Il présente le cas le plus simple, celui du célibataire sans enfant.

Le barème actuel de l’IR n’est qu’apparent car, en fait, des dispositifs complexes (décote et réduction d’impôt de 20 %) en modifient profondément l’impact pour les contribuables modestes. La décote conduit à repousser le véritable seuil d’imposition à 15 000 € après abattement (au lieu de 10 000 € selon le barème apparent) et, conjuguée à la réduction de 20 %, conduit ensuite à appliquer des taux marginaux d’imposition plus élevés que le taux apparent de 14 % et pouvant aller jusqu’à 39 %. Au-dessus de 250 000 € puis 500 000 €, une « contribution exceptionnelle » porte les véritables taux marginaux à 48 puis 49 % (au lieu de 45 % selon le barème apparent).

La réforme proposée par le Gouvernement simplifiera le calcul de l’impôt en supprimant la réduction de 20 % mais le maintien d’une décote limitera fortement cette simplification. Le vrai seuil d’imposition restera à 15 000 € après abattement (au lieu de 10 000 € selon le nouveau barème apparent). Ensuite, le vrai taux marginal sera de 16 % (au lieu de 11 % selon le nouveau barème apparent) jusqu’à la sortie de la décote qui se situera vers 26 000 €, ce qui correspondra au nouveau seuil d’entrée dans la tranche à 30 %. Les seuils d’entrée dans les tranches à 30 et 41 % seront un peu plus bas qu’avant la réforme. La contribution exceptionnelle au-dessus de 250 000 € sera maintenue.

Le gain pour un célibataire sans enfant augmentera pour les revenus allant de 15 000 € à 22 000 € (après abattement), revenu pour lequel il atteindra un maximum de 550 €, puis il diminuera jusqu’à un revenu de 28 000 € où il sera de 127 €. Son montant restera ensuite le même jusqu’à un revenu d’environ 74 000 € pour lequel il deviendra nul. Au-delà, la réforme ne changera rien au montant de l’impôt.

Cette combinaison compliquée d’un barème apparent, d’une décote et d’une contribution exceptionnelle pourrait être remplacée, sans aucun impact pour les contribuables, par un « vrai barème » comprenant un seuil d’imposition à 15 000 €, une tranche à 16 % entre 15 000 et 26 000 €, les mêmes tranches à 30 et 41 % que dans le projet du Gouvernement et des tranches à 48 et 49 % au-dessus de 250 000 puis 500 000 €. Afficher ce vrai barème aurait l’avantage de la transparence et de la simplicité, toutes qualités utiles à l’acceptation de l’impôt.

A)L’ancien et le nouveau barème apparent

L’impôt sur le revenu (IR) est calculé, en principe, en appliquant un même barème à l’ensemble des revenus annuels de chaque ménage. Le tableau suivant présente les barèmes de 2020 (sur les revenus de 2019) et de 2021 (sur les revenus de 2020) pour un célibataire sans enfant. Le « taux marginal », variable selon les tranches de revenus, est celui qui s’applique à chaque euro supplémentaire de revenu.

Le barème de l’impôt de 2021 sur les revenus de 2020 sera probablement modifié dans la loi de finances initiale de 2021 pour tenir compte, comme il est d’usage, des dernières prévisions d’inflation pour 2020.

L’ancien et le nouveau barème apparent

 

Impôt 2020 sur les revenus de 2019

Impôt 2021 sur les revenus de 2020

Tranche de revenu annuel (après abattement)

Taux marginal

Tranche de revenu annuel (après abattement)

Taux marginal

De 0 à 10 064 €

0

De 0 à 10 064 €

0

De 10 064 € à 27 794 €

14 %

De 10 064 € à 25 669 €

11 %

De 27 794 € à 74 517 €

30 %

De 25 669 € à 73 369 €

30 %

De 74 517 € à 157 806 €

41 %

De 73 669 € à 157 806 €

41 %

Au-dessus de 157 806 €

45 %

Au-dessus de 157 806 €

45 %

Source : projet de loi de finances pour 2020 ; FIPECO. Les paramètres modifiés sont en gras.

Un célibataire sans enfant avec un revenu net de 40 000 € en 2019 (après abattements éventuels, par exemple sur les salaires ou les pensions) a un taux marginal d’imposition de 30 % et paiera un impôt de 6 144 €[1]. Son « taux moyen d’imposition », rapport entre le montant de l’impôt et le revenu, est de 15,4 %. Ce taux moyen d’imposition croît avec le revenu, ce qui confère à l’impôt un caractère « progressif », et tend vers 45 % pour des revenus très élevés.

Ce barème est seulement apparent car il pourrait laisser penser que l’IR est payé à partir d’un revenu de 10 064 €, par un célibataire sans enfant, mais un mécanisme de réduction de l’impôt dû par les ménages modestes, appelé la « décote », repousse en fait le seuil d’imposition à l’IR. En outre, depuis l’IR de 2017 sur les revenus de 2016, l’impôt après décote est réduit de 20 % sur une certaine tranche de revenu. Ces mécanismes et leur réforme sont précisés dans la partie suivante.

Par ailleurs, pour les ménages aux revenus les plus élevés, s’ajoute, depuis 2012 et jusqu’à ce que le déficit public soit ramené à zéro, une « contribution exceptionnelle sur les hauts revenus » qui est égale, pour les célibataires, à 3 % des revenus compris entre 250 000 et 500 000 € et à 4 % des revenus supérieurs à 500 000 € (taux marginaux dans ces tranches). Le taux marginal supérieur est donc en réalité de 49 %.

B)Les modifications apportées dans le bas du barème

1)La situation avant réforme

L’impôt dû après décote I est égal à 1,75 x IB – 1 208 où IB est l’impôt résultant du barème, sous les contraintes suivantes : I ne peut pas être négatif et I ne peut pas être supérieur à IB.

Le véritable seuil d’imposition est défini par I = 0 soit IB = 690 €, ce qui correspond d’après le barème apparent à un revenu net (après abattements) de 14 990 € (l’impôt n’étant toutefois mis en recouvrement qu’à partir de 61 €, il est plus précisément égal à 15 200 €).

Au-delà de ce seuil chaque euro supplémentaire de revenu est imposé à un taux marginal de 1,75 x 14 % soit 24,5 % jusqu’à ce que I = IB soit IB = 1 611 € ce qui correspond d’après le barème apparent à un revenu net (après abattements) de 21 570 €. Au-delà de ce revenu, les contribuables sont imposés en appliquant le barème apparent (sans tenir compte de la décote).

La décote a donc pour effet de repousser le seuil effectif d’imposition et d’appliquer un taux marginal d’imposition de 24,5 % aux revenus compris entre 14 990 € et 21 570 €.

A partir de l’imposition des revenus de 2013, l’impôt après décote fait l’objet d’une réduction dont les paramètres ont varié. L’impôt après barème et décote est actuellement réduit de 20 % au-dessous de 18 985 € de revenu annuel (célibataire) et d’un taux décroissant de 20 % à zéro pour les revenus compris entre 18 985 et 21 037 €. En conséquence, le taux marginal d’imposition est ramené de 24,5 % à 19,6 % sur la tranche de revenu où la réduction de 20 % s’applique et il est relevé jusqu’à 39 % dans la tranche où cette réduction est ramenée de 20 % à zéro.

Au total, le calcul de l’impôt est très complexe, le véritable seuil d’imposition conduit à exonérer d’impôt sur le revenu 56 % des foyers fiscaux (en 2017) et les vrais taux marginaux en bas du barème apparent sont bien plus élevés que les taux affichés dans ce barème apparent.

2)La situation après réforme

L’impôt dû après décote I est égal à 1,4525 x IB – 777 où IB est l’impôt résultant du barème, sous les contraintes suivantes : I ne peut pas être négatif et I ne peut pas être supérieur à IB.

Le véritable seuil d’imposition est défini par I = 0 soit IB = 535 €, ce qui correspond d’après le barème apparent à un revenu net (après abattements) de 14 930 € (plus précisément 15 300 € compte tenu du seuil minimal de recouvrement de 61 €).  Ce seuil n’est donc quasiment pas modifié par rapport à l’ancien barème.

Au-delà de ce seuil, chaque euro supplémentaire de revenu est imposé à un taux marginal de 1,4525 x 11 % soit 16,0 % jusqu’à ce que I = IB soit IB = 1 717 € ce qui correspond d’après le barème apparent à un revenu net (après abattements) de 25 670 €, soit le seuil d’entrée dans la tranche à 30 %. Au-delà de ce revenu, les contribuables sont imposés en appliquant le barème apparent.

La réduction de l’impôt dû après décote est supprimée.

3)Les conséquences de la réforme

La suppression de la réduction de 20 % simplifie le calcul de l’impôt et peut donc en améliorer la compréhension, mais ce calcul reste compliqué dans la mesure où la décote est maintenue.

Le véritable seuil d’imposition (environ 15 300 € après abattements) n’est quasiment pas changé et la part des foyers imposables ne devrait donc pas sensiblement varier. Il convient toutefois de noter que cette part augmente chaque année, de même que le taux moyen des foyers imposables, dans la mesure où les revenus par ménage augmentent plus vite que l’inflation car les seuils des tranches du barème, et de fait le vrai seuil d’imposition, sont habituellement indexés sur l’inflation.

Le taux marginal effectif d’imposition des ménages qui se situent dans la première tranche imposable du barème apparent (16 %) est nettement inférieur à ceux qui résultent de la législation actuelle, ce qui pourrait les inciter plus fortement à accroître leurs revenus (s’ils comprennent le calcul de l’impôt). Ce taux marginal effectif reste néanmoins supérieur au taux marginal apparent (11 %).

C)Les modifications apportées dans le haut du barème

Le seuil de la tranche des revenus imposable au taux marginal de 30 % est fixé à un niveau un peu plus faible qu’avant la réforme (25 669 € après abattements au lieu de 27 794 €). Il en est de même du seuil de la tranche des revenus imposable au taux marginal de 41 % (73 369 € au lieu de 74 517 €).

Les taux marginaux de 30 et 41 % s’appliquent donc à des revenus un peu plus faibles et, s’agissant du taux de 41 %, sur une tranche de revenus un peu plus large.

La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est maintenue.

D)La distribution des gains pour les ménages

Pour un célibataire sans enfant, le gain est nul au seuil effectif d’imposition (environ 17 000 € avant abattement de 10 % et 15 300 € après abattement) puis augmente jusqu’au point de sortie de l’ancienne décote (environ 24 000 € avant abattement et 21 600 € après abattement) où il atteint un maximum de 549 €.

Ensuite, il diminue progressivement jusqu’à l’ancien seuil de la tranche à 30 % (27 794 € après abattement) où il est de 128 €. Ce gain reste de 127 € jusqu’à 73 370 € de revenu après abattement et ensuite il diminue jusqu’à 74 520 € où il devient nul. Au-delà, la réforme ne change rien au montant de l’impôt dû. Le gain de la réforme est nul pour les foyers les plus aisés.

Le rapport d’évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2020 montre que le gain maximal pour un couple sans enfant semble être d’environ 890 € et être atteint pour un revenu d’environ 55 000 € avant abattement. Pour un couple avec deux enfants, il semble être d’environ 910 € et être atteint pour un revenu d’environ 67 000 €.

Le graphique suivant, tiré des données de ce rapport, présente le gain moyen en euros par décile de revenu fiscal par part des 16,9 millions de foyers imposés. Ce gain moyen augmente avec le revenu fiscal par part et atteint un maximum de 573 € au niveau du sixième décile puis diminue. Il est encore de l’ordre de 185 € pour le dixième décile bien qu’il soit nul pour une partie des ménages de ce décile.

Source : rapport d’évaluation préalable du PLF 2020 ; ensemble des foyers imposés ; FIPECO.

E)Remplacer le barème apparent par le vrai barème

Presque toutes les réformes de l’impôt sur le revenu sont parties du principe selon lequel le nombre de foyers imposés ne doit pas augmenter, mais ce principe est discutable. Il n’est pas évident que seule une petite moitié des Français doit payer un impôt progressif sur le revenu et contribuer ainsi directement au financement des services publics. Presque tous les Français payent certes un impôt sur le revenu, la CSG, mais il est proportionnel et non progressif et il ne finance que des services sociaux ou des prestations sociales.

Si on considère néanmoins que le seuil effectif d’imposition doit être maintenu à 15 000 € environ après abattement pour un célibataire sans enfant, il est possible de supprimer la décote et de faire en sorte que le barème apparent corresponde au barème effectif. Il faut pour cela que le seuil de la première tranche soit porté à 14 928 € et que son taux marginal corresponde au taux marginal effectif résultant de la décote après la réforme du gouvernement, soit 16 %.

Ceux dont le revenu est supérieur à 25 669 € gagneraient du fait du relèvement du seuil de la première tranche de 10 064 à 14 928 € mais perdraient du fait de la hausse de 11 à 16 % de son taux marginal. Au total, un célibataire sans enfant dont le revenu est de 25 669 € après abattement (seuil de la nouvelle tranche à 30 %) paierait en fait le même montant (1 717) € avec la réforme du Gouvernement et la réforme proposée dans le paragraphe précédent. Il n’y aurait aucun changement non plus pour ceux sont le revenu est plus élevé.

Le nouveau barème apparent proposé par le Gouvernement est en fait, compte-tenu de la décote et de la contribution exceptionnelle, équivalent au « vrai barème » du tableau suivant pour un célibataire sans enfant. Il n’est pas certain que cette équivalence reste valable pour toutes les configurations familiales compte-tenu du jeu du quotient familial et de son plafonnement mais il serait intéressant de l’expertiser.

Le barème apparent proposé par le Gouvernement et le vrai barème                          (impôt sur les revenus de 2020)

 

Barème apparent du Gouvernement

Vrai barème

Tranche de revenu annuel (après abattement)

Taux marginal

Tranche de revenu annuel (après abattement)

Taux marginal

De 0 à 10 064 €

0

De 0 à 14 930 €

0

De 10 064 € à 25 669 €

11 %

De 14 930 € à 25 669 €

16 %

De 25 669 € à 73 369 €

30 %

De 25 669 € à 73 369 €

30 %

De 73 669 € à 157 806 €

41 %

De 73 669 € à 157 806 €

41 %

Au-dessus de 157 806 €

45 %

De 157 806 € à 250 000 €

45 %

 

 

De 250 000 € à 500 000 €

48 %

 

 

Au-dessus de 500 000 €

49 %

Source : projet de loi de finances pour 2020 ; FIPECO. Les paramètres qui changent sont en gras.

Ce vrai barème poserait toutefois un problème de communication puisque, en apparence, la réforme du Gouvernement ferait passer le taux de la première tranche de 11 à 16 % et repousserait le seuil d’imposition de 10 064 € à 14 928 €. Il aurait cependant l’avantage de la transparence et de la simplicité, toutes qualités utiles à l’acceptation de l’impôt.

 

[1] Soit (27 794 – 10 064) x 0,14 + (40 000 – 27 794) x 0,30 = 6 144 €

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