23/11/2022
Le coût de la SNCF pour les contribuables en 2021
François ECALLE
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Ce billet présente le montant des achats de services et des subventions qui ont été payés par l’Etat et les autorités régionales à la SNCF et au régime spécial de sécurité sociale des cheminots en 2021. Ces dépenses publiques sont financées par des impôts et leur total correspond au coût de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises). Ce billet ne cherche pas à évaluer l’efficience de ces dépenses mais seulement à en déterminer le montant total et la décomposition par grandes catégories, ce qui devrait être la première étape de leur évaluation.
Les régions et Ile-de-France Mobilités ont payé 6,8 Md€ à la SNCF en 2021 pour les services rendus par les TER et le Transilien. L’Etat a versé en outre 2,6 Md€ à la SNCF, surtout pour financer le fonctionnement de l’infrastructure ferroviaire de proximité à la place des régions. Par l’intermédiaire de l’Etat et des autorités régionales, les contribuables ont donc payé 9,4 Md€ à la SNCF, soit 43 % de ses coûts de fonctionnement.
L’Etat et les autorités régionales ont subventionné les investissements de la SNCF à hauteur de 50 % en moyenne, soit 5,1 Md€, en 2021.
La charge des intérêts des dettes de la SNCF reprises par l’Etat (25 Md€ en 2020) s’est établie à 0,7 Md€ en 2021 pour celui-ci.
Le coût de la SNCF pour les contribuables, hors protection sociale des cheminots, était donc de 15,2 Md€ en 2021.
L’Etat verse enfin une subvention d’équilibre au régime spécial de retraite des cheminots dont le coût budgétaire était de 3,3 Md€ en 2021.
Le coût total de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) était donc de 18,5 Md€ en 2021 (13,7 Md€ en 2016 selon le rapport de J.C. Spinetta et 16,7 Md€ en 2020). Cette charge s’ajoute au prix payé par les usagers pour acheter des billets de train et elle est en partie financée par des ménages et entreprises qui n’utilisent pas les services ferroviaires.
A) Le coût de la SNCF hors régime spécial de sécurité sociale
De 2015 à 2019, le « groupe SNCF » comprenait trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), un EPIC tête de groupe et les EPIC SNCF Réseau (les infrastructures ferroviaires, pour simplifier) et SNCF Mobilité (les trains, pour simplifier), ainsi que leurs filiales. En application de la loi du 27 juin 2018, ces trois EPIC ont été remplacés le 1er janvier 2020 par une société nationale à capitaux entièrement publics, SNCF, qui détient notamment deux sociétés, SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.
Ce billet présente les montants des dépenses de l’Etat (ou de l’AFITF[1]) et des régions (ou d’Ile-de-France Mobilités[2]) en faveur de la SNCF en 2021 qui figurent dans le bilan annuel des transports publié par le service des données et études statistiques du ministère de la transition écologique, dans le rapport financier du groupe SNCF ou dans le projet de loi de règlement du budget de 2021. Les méthodes comptables appliquées dans ces documents n’étant pas les mêmes, ces montants diffèrent parfois de l’un à l’autre. Les chiffres du bilan annuel des transports ont été privilégiés pour leur cohérence avec les comptes nationaux et donc avec les concepts de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires.
1) Les coûts de fonctionnement
La principale contribution des contribuables aux coûts de fonctionnement de la SNCF (6,8 Md€ en 2021) est « la vente de prestations de services ferroviaires » par SNCF Voyageurs aux « autorités organisatrices » des transports régionaux, à savoir les régions (3,6 Md€) et Ile-de-France Mobilités (3,2 Md€). Ces ventes de services apparaissent dans le rapport financier de la SNCF sous la dénomination « commandes publiques de prestations de services » et sont considérées par elle comme une composante de son chiffre d’affaires.
En outre, l’Etat paye lui-même à SNCF Réseau les redevances d’accès au réseau dues par les TER et le Transilien (2,0 Md€ selon le rapport financier de la SNCF ou 2,4 Md€ selon le projet de loi de règlement du budget de l’Etat pour 2021, montant ici retenu). Il s’agit d’une subvention de l’Etat au profit de SNCF Réseau qui permet de réduire les péages dus par les TER et le Transilien, donc le coût des transports ferroviaires de proximité pour les régions et Ile-de-France Mobilités.
L’Etat achète enfin à SNCF voyageurs les services des trains d’équilibre du territoire (Intercités) pour 0,2 Md€.
Les coûts de fonctionnement de la SNCF supportés par les contribuables s’élèvent donc au total à 9,4 Md€ en 2021, principalement pour les TER et le Transilien.
Le chiffre d’affaires consolidé du groupe SNCF est de 35 Md€ en 2021, dont environ un tiers à l’international et deux tiers (soit 23 Md€) sur le marché national. Considérant que son compte de résultat dégage un excédent de 1 Md€ et en supposant que cet excédent est imputable pour un tiers au marché international et deux tiers au marché domestique, les coûts de fonctionnement de la SNCF sur le marché domestique sont d’environ 22 Md€ et sont supportés par les contribuables à hauteur de 43 %. Autrement dit, les usagers n’ont payé directement que 57 % du coût des services ferroviaires et les contribuables non usagers ont largement financé les transports des usagers.
Ce taux de subvention diffère selon les types de transport : il est quasiment nul pour les TGV et d’environ 75 % pour les TER.
2) Le coût des investissements
Les subventions d’investissements reçus par la SNCF s’élèvent en 2020 à 2,5 Md€ pour SNCF Voyageurs (surtout des subventions des autorités organisatrices régionales pour acheter des matériels roulants[3]) et à 2,6 Md€ pour SNCF Réseau (dont 1,0 Md€ de l’Etat ou de l’AFITF et 1,6 Md€ des collectivités locales ou d’Ile-de-France Mobilités), soit un total de 5,1 Md€.
Comme le rapport financier du groupe SNCF fait état de 10,3 Md€ d’investissements en 2021, ceux-ci sont subventionnés par les contribuables à hauteur de 50 %.
3) Les intérêts des dettes de la SNCF
Bien que l’Etat ait déjà repris 8 Md€ de dettes de la SNCF en 2007, l’endettement net du groupe atteignait 60,3 Md€ à la fin de 2019 du fait de l’accumulation de résultats déficitaires et d’investissements financés par emprunt. L’Etat a repris 25 Md€ de dettes à son compte le 1er janvier 2020. En raison notamment du déficit de 2020 (-2,8 Md€), l’endettement net du groupe était néanmoins encore de 38,1 Md€ à la fin de 2020 et 36,3 Md€ à la fin de 2021. Une nouvelle reprise de dette de 10 Md€ a eu lieu le 1er janvier 2022.
Le projet de loi de règlement du budget de l’Etat pour 2021 permet d’identifier les charges d’intérêts qui résultent pour l’Etat de la reprise de dette de 2020. Elles s’élèvent à 0,7 Md€.
4) Le coût total net en 2020
Le coût total net de la SNCF, hors protection sociale des cheminots, pour les contribuables est ainsi estimé à 15,2 Md€ en 2021 (selon le rapport financier de la SNCF, le total des achats de services aux administrations publiques et des subventions et concours publics reçus de l’Etat et des collectivités locales s’est élevé à 16,4 Md€ en 2021).
Cette charge s’ajoute au prix payé par les voyageurs pour acheter des billets de train, dont le prix est réduit, et elle est en partie financée par des ménages et entreprises qui ne prennent jamais le train.
B) Le coût du régime spécial de sécurité sociale
Les développements suivants proviennent du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de septembre 2022.
Les agents de la SNCF ont un régime spécial de sécurité sociale qui a été réformé en 2008 pour l’aligner, partiellement, sur celui des fonctionnaires. Si le mode de calcul des pensions est le même que pour ces derniers (75 % du salaire hors primes des six derniers mois[4] pour une durée de cotisation presque équivalente à celle requise dans le secteur privé pour obtenir le « taux plein »), l’âge minimal de départ en retraite est calé sur celui des catégories dites « actives » et « super actives » de la fonction publique, soit respectivement 55 ans (tous les agents hors les conducteurs à la SNCF) et 50 ans (les agents de conduite). Cet âge minimal a été relevé de deux ans comme pour le secteur privé (de 60 à 62 ans) et pour les catégories actives et super actives, mais avec un décalage de plusieurs générations. En matière d’assurance maladie, les agents de la SNCF bénéficient d’un service médical gratuit sans avance de frais.
Depuis 2007, ce régime spécial est géré par une caisse autonome de sécurité sociale, la « caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ».
Sa branche maladie n’est plus distinguée dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Les prestations et cotisations de droit commun sont intégrées à celles de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et il apparaît seulement que les prestations spécifiques de la SNCF (0,2 Md€) font l’objet d’une subvention d’équilibre de 0,1 Md€ du régime général de sécurité sociale qui est négligée dans ce billet.
Pour la branche retraite, le taux de cotisation salariale est de 9,6 % en 2021 et le taux à la charge de l’employeur (37,4 %) est, selon le rapport de 2021 de la CCSS, la somme de deux composantes : la première est « déterminé afin de couvrir, déduction faite du produit des cotisations salariales, le montant qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaires obligatoires ; la deuxième est destinée à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial ». Le premier taux est de 23,4 % et le deuxième de 14,0 %.
Malgré cette contribution « forfaitaire » de la SNCF aux « droits spécifiques » de ses agents, l’Etat attribue au régime une subvention d’équilibre qui était de 3,3 Md€ en 2021 et représentait 64 % des pensions versées (5,2 Md€).
La loi de 2018 a prévu que les recrutements de cheminots au statut cessent le 1er janvier 2020 pour faire place à des embauches sous contrat de droit privé dans le cadre d’une convention collective de la branche ferroviaire. L’arrêt du recrutement de cheminots au statut réduit progressivement les cotisations sociales versées au régime spécial de retraite à partir de 2020, ce qui est compensé par un transfert de la caisse nationale d’assurance vieillesse en sa faveur. Ce transfert n’est pas pris en compte ici dans les coûts de la SNCF car les nouveaux agents sont affiliés au régime général dont les cotisations augmentent en principe d’un même montant.
C) Le coût total en 2021 pour les contribuables
Le coût de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) s’est élevé à 18,5 Md€ au total en 2021 (16,7 Md€ en 2020). Cette charge s’est ajoutée au prix payé par les voyageurs pour acheter des billets (ou par les entreprises pour transporter leur fret).
Le coût de la SNCF pour les contribuables en 2016 et 2021 (Md€)
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2016
|
2021
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Services achetés par les autorités régionales
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5,5
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6,8
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Financement du fonctionnement par l’Etat
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2,0
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2,6
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Subventions d’investissement (Etat et régions)
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3,0
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5,1
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Charge d’intérêts de la dette reprise par l’Etat
|
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0,7
|
Subvention d’équilibre du régime spécial de retraite
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3,2
|
3,3
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Total
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13,7
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18,5
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Sources : Rapport de J.C. Spinetta (coût en 2016) et FIPECO (coût en 2021).
La première estimation publique de ce coût avait été présenté sur ce site dans une note publiée en juin 2016 (14 Md€ en 2015). Le rapport de J.C. Spinetta de février 2018, établi à la demande du Gouvernement, l’a ensuite évalué à 13,7 Md€ en 2016.
Hors subvention d’équilibre au régime de retraite des cheminots, ce coût a augmenté nettement plus que le PIB en valeur (+ 12 % de 2016 à 2021) pour l’Etat et pour les autorités régionales.
Les médias suivants ont mentioné ce billet :
Le Figaro
BFM
TF1
Ouest France
Femme actuelle
L'Opinion
RTL
La revue parlementaire
[1] Agence de financement des infrastructures de transports de France, qui finance ces infrastructures pour le compte de l’Etat.
[2] Cet établissement public, qui a remplacé le syndicat des transports en Ile-de-France (STIF), finance les transports collectifs transiliens par un impôt sur les salaires (le versement transports), le produit des amendes liées à la circulation et des subventions des collectivités locales.
[3] Ces matériels pourront être mis à la disposition des autres opérateurs s’ils gagnent les appels d’offre lancés par les autorités régionales pour assurer les transports ferroviaires de proximité.
[4] Mais les fonctionnaires n’ont pas de retraite complémentaire. Ce taux se compare donc à un taux de remplacement dans le secteur privé qui est aussi de l’ordre de 75 % en moyenne avec les retraites complémentaires.