02/09/2021
Le patrimoine des administrations publiques à la fin de 2020
François ECALLE
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Les administrations publiques françaises sont très endettées mais elles détiennent, en contrepartie de leurs dettes, des actifs financiers et non financiers qui doivent être pris en compte pour analyser la soutenabilité des finances publiques. L’endettement public peut en effet être justifié quand il permet d’accroître les actifs publics. Ceux-ci figurent dans les comptes de patrimoine publiés par l’Insee.
Les actifs et passifs des administrations publiques en comptabilité nationale ne sont pas consolidés[1] et sont exprimés en valeur de marché[2] alors que la dette publique au sens du traité de Maastricht est consolidée, est exprimée en valeur faciale et correspond à seulement une partie des passifs (les charges à payer en sont par exemple exclues). Les fiches de l’encyclopédie de FIPECO sur la dette publique et les actifs des administrations publiques présentent plus précisément leur définition et les méthodes utilisées pour les estimer.
Si la dette publique au sens du traité de Maastricht représentait 115,1 % du PIB fin 2020, le passif des administrations publiques en comptabilité nationale s’élevait à 163,5 % du PIB, en hausse de 27,7 points par rapport à fin 2019. Il est imputé pour 80 % aux administrations centrales par l’Insee.
Les actifs financiers représentaient 69,0 % du PIB fin 2020, soit 12,8 points de plus que fin 2019 surtout du fait de la hausse des liquidités et des recettes fiscales et sociales restant à recouvrer. Ils étaient détenus pour 54 % par les administrations centrales et pour 32 % par les administrations de sécurité sociale en 2020.
Les actifs non financiers représentaient 102,8 % du PIB fin 2020, soit 11,2 points de plus que fin 2019 surtout du fait de l’augmentation de la valeur des terrains. Ils sont en effet constitués de terrains pour 45 % et d’ouvrages de génie civil pour 29 %. Ils étaient détenus pour 71 % par les administrations publiques locales fin 2020.
Les passifs financiers ont augmenté de 454 Md€ et les actifs financiers et non financiers de respectivement 195 Md€ et 133 Md€ en 2020. La hausse de ces actifs et passifs en pourcentage du PIB résulte aussi pour partie de la baisse du PIB,
La valeur du patrimoine net des administrations publiques (actifs – passifs) était de 189 Md€ (8,2 % du PIB) à la fin de 2020, contre 315 Md€ (12,9 % du PIB) à la fin de 2019, soit une perte de 126 Md€. La valeur du patrimoine net des administrations publiques centrales était fortement négative en 2020 (- 1 610 Md€) alors que celle du patrimoine net des administrations locales était très largement positive (+ 1 614 Md€).
La valeur du patrimoine net des administrations publiques est passée de 28 % du PIB en 1995 à 58 % en 2007, cette hausse résultant surtout de la revalorisation des terrains. Elle a baissé de 50 points entre 2007 et 2020, surtout du fait de l’augmentation des passifs.
Ces comptes de patrimoine ne retiennent ni la capacité de l’Etat à lever l’impôt, du côté des actifs, ni ses engagements hors bilan, notamment au titre des retraites, du côté des passifs et en particulier de la dette publique.
A) Les passifs
Si la dette publique au sens du traité de Maastricht s’élève à 2 650 Md€, soit 115,1 % du PIB, à la fin de 2020, le total des passifs des administrations publiques se monte à 3 766 Md€, soit 163,5 % du PIB[3]. Dans les statistiques publiées par les organisations internationales, comme l’OCDE, c’est souvent ce montant qui est publié et qui doit être comparé à la dette publique de pays comme les Etats-Unis ou le Japon[4].
En France, ces passifs sont constitués principalement (73 %) de titres de créance (obligations du trésor notamment) et plus secondairement de crédits bancaires (9 %). Le poste « autres passifs » (13 %) comprend surtout des charges à payer (aux fournisseurs de l’Etat, aux bénéficiaires de prestations sociales…). Ces passifs ne comprennent pas d’engagements au titre des retraites.
Ils ont augmenté de 454 Md€ par rapport à fin 2019 (3 312 Md€) et sont passés de 135,9 à 163,5 % du PIB. Les titres de créance ont augmenté de 339 Md€, les emprunts bancaires de 42 Md€, les charges à payer de 43 Md€ et les liquidités (dépôts au trésor surtout) de 29 Md€.
Ils sont imputés par l’Insee aux administrations centrales (Etat et « organismes divers d’administration centrale »[5]) pour 80 %, aux administrations publiques locales pour 8 % et aux administrations de sécurité sociale pour 12 %.
Source : Insee ; FIPECO.
B) Les actifs financiers
Les actifs financiers des administrations publiques sont estimés à 1 588 Md€, soit 69,0 % du PIB, à la fin de 2020. Ils sont composés d’actions et titres de participations à hauteur de 40 % (participations de l’Etat dans des sociétés notamment), de crédits (10 %), de liquidités (18 %) et de titres de créance comme des obligations (3 %). La catégorie « autres » (29 %) correspond surtout à des produits, tels que les impôts et cotisations sociales, à recevoir au titre de l’exercice clos.
Ces actifs financiers ont augmenté de 195 Md€ par rapport à fin 2019 (1 393 Md€) et sont passés de 57,1 à 69,0 % du PIB. Le montant des liquidités détenues par les administrations a augmenté de 105 Md€ car elles ont emprunté plus que nécessaire pour profiter de taux d’intérêt faibles et placé le produit de ces emprunts sur des comptes de dépôts. Les produits à recevoir (impôts et cotisations en attente de recouvrement) se sont accrus de 55 Md€.
Ces actifs financiers sont imputés aux administrations centrales (Etat et organismes divers d’administration centrale) pour 54 %, aux administrations publiques locales pour 14 % et aux administrations de sécurité sociale pour 32 % (réserves des régimes de retraite et cotisations à recevoir notamment).
Source : Insee ; FIPECO.
C) Les actifs non financiers
Les actifs non financiers des administrations publiques sont estimés à 2 367 Md€ à la fin de 2020, soit 102,8 % du PIB. Ils sont principalement composés de terrains (45 % de la valeur totale), généralement bâtis (les espaces naturels sont valorisés à un prix égal à zéro), d’ouvrages de génie civil comme les routes (29 %) et de bâtiments non résidentiels (bureaux notamment ; 14 %). Certains de ces actifs sont immatériels : les droits de propriété intellectuelle (logiciels, œuvres artistiques…) en constituent 4 %. Le patrimoine historique est souvent enregistré pour une valeur conventionnellement nulle.
Ces actifs non financiers sont détenus par les administrations locales à hauteur de 71 %, par les administrations centrales à hauteur de 22 % et par les administrations de sécurité sociale (hôpitaux surtout) à hauteur de 7 %.
Ils ont augmenté de 133 Md€ par rapport à fin 2019 (2 234 Md€) et sont passés de 91,6 % à 102,8 % du PIB.
La variation de la valeur des actifs non financiers du début à la fin d’un exercice résulte notamment des investissements réalisés au cours de cet exercice, de la dépréciation de ces actifs (la « consommation de capital fixe » en comptabilité nationale, qui correspond aux dotations aux amortissements de la comptabilité d’entreprise), des acquisitions et cessions d’actifs, enfin de l’évolution des prix de ces actifs. L’augmentation de leur valeur en 2020 tient pour 127 Md€ à la valorisation des terrains.
Source : Insee ; FIPECO.
D) La valeur du patrimoine net
1) Le patrimoine net en 2020
Le patrimoine net des administrations publiques, différence entre le total des actifs et le total des passifs, vaut 189 Md€, soit 8,2 % du PIB, à la fin de 2020.
Le patrimoine net des administrations centrales est fortement négatif (- 1 610 Md€), car elles portent l’essentiel de la dette publique, tandis que celui des administrations locales est largement positif (1 614 Md€), car elles détiennent l’essentiel des actifs non financiers. Celui des administrations de sécurité sociale est positif (185 Md€).
Le patrimoine net des administrations publiques a diminué de 126 Md€ entre fin 2019 et fin 2020, alors que la dette au sens du traité de Maastricht a augmenté de 270 Md€, et il est passé de 12,9 à 8,2 % du PIB.
2) Le patrimoine net de 1995 à 2020
Source : Insee, Banque de France ; FIPECO
Ce patrimoine net représentait 28 % du PIB en 1995 et à peu près autant en 2002. Il a ensuite fortement augmenté pour atteindre 58 % du PIB en 2007, principalement en raison d’une forte hausse de la valeur des actifs non financiers, qui tient elle-même presque entièrement à la valeur des terrains. Celle-ci est passée de 12 % du PIB en 2000 à 38 % en 2007, essentiellement à cause de la hausse des prix. Les actifs « produits » (c’est-à-dire hors terrains pour l’essentiel) ont beaucoup moins augmenté.
Source : Insee, FIPECO
La valeur du patrimoine net a ensuite diminué de 50 points entre 2007 et 2016 jusqu’à 8 % du PIB. Elle est remontée à 12 % dans les années 2017 à 2019 pour revenir à 8 % du PIB en 2020.
Sur l’ensemble de la période examinée (de 1995 à 2020) et en pourcentage du PIB, la valeur des actifs non financiers a augmenté de 43 points, surtout du fait des terrains, et la valeur des actifs financiers a augmenté de 23 points tandis que les passifs se sont accrus de 85 points.
La dette au sens du traité de Maastricht en pourcentage du PIB a augmenté de 60 points sur cette période. L’écart avec la hausse de la valeur du passif des administrations publiques (85 points) résulte surtout de la baisse des taux d’intérêt, celle-ci ayant conduit à majorer la valeur des passifs en comptabilité nationale (valeur de marché) alors qu’elle a été sans effet sur la dette au sens de Maastricht (valeur faciale). Les passifs exclus de la dette maastrichtienne (fournisseurs et prestations sociales à payer…) contribuent aussi pour partie à cet écart.
3) Les éléments non pris en compte
Ces comptes de patrimoine ne retiennent ni la capacité de l’Etat à augmenter et lever l’impôt du côté des actifs, mais elle pourrait être remise en question compte-tenu du niveau déjà atteint par le taux des prélèvements obligatoires, ni les engagements hors bilan de l’Etat du côté des passifs.
Ceux-ci sont décrits dans une fiche particulière. En raison de leur grande hétérogénéité, ils ne doivent pas être totalisés mais certains d’entre eux représentent des montants très importants, notamment l’engagement pris par l’Etat de verser une retraite à ses agents (2 619 Md€ à la fin de 2020) ou à ceux des régimes spéciaux (524 Md€).
[1] La consolidation consiste à éliminer les créances et dettes réciproques entre administrations publiques.
[2] La valeur à laquelle les titres sont échangés sur le marché et non le montant qui sera remboursé (valeur faciale).
[3] Les différences entre la dette publique au sens du traité de Maastricht et le passif des administrations publiques en comptabilité nationale ont été rappelés au tout début de cette note.
[4] En soustrayant toutefois le passif associé aux retraites des fonctionnaires dans le cas des Etats-Unis.
[5] Organismes contrôlés par l’Etat et dont l’activité est principalement non marchande.