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18/01/2018

Le projet de régime de retraite universel

François ECALLE

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Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé que la réforme des retraites aurait pour objet de « rendre le système de retraite plus juste et plus transparent, pour qu’un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous ». Il reprenait ainsi une proposition du programme d’En-Marche : « nous créerons un système universel de retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». Ce programme ajoutait que l’âge minimal pour liquider ses droits à retraite resterait fixé à 62 ans. Un Haut-Commissaire a été chargé de préparer cette réforme en septembre 2017.

Un régime de retraite se caractérise par une population ayant une activité particulière, les règles de calcul des pensions dont cette population peut bénéficier et leurs modalités de financement et de gestion. Il existe 25 régimes de retraite de base en France et une vingtaine de régimes complémentaires obligatoires.

Cette fragmentation du système de retraite, qui entraîne des coûts de gestion inutiles, constitue un obstacle à la mobilité professionnelle et un facteur d’injustice sociale dans la mesure où un même montant de cotisations ne donne pas droit à la même pension selon l’activité professionnelle. En outre, il est difficile de caractériser les régimes selon leur degré de générosité, ce qui entretient des polémiques récurrentes.

Il est donc souhaitable de créer un régime universel par répartition dans lequel les cotisations payées tout au long de la vie professionnelle donneraient droit à une pension calculée sur la base de ces cotisations. Son montant devrait également dépendre de l’âge de départ en retraite de la personne et de l’espérance de vie moyenne à cet âge. Ce régime universel obligatoire devrait être à la fois de base et complémentaire, cette distinction opérée en France entre les régimes par répartition n’ayant aucun intérêt.

Les données disponibles sur les rémunérations et cotisations des agents publics au cours de leur carrière ne permettent pas aujourd’hui de calculer leur pension sur cette base et ne le pourront pas avant longtemps. Or cette réforme aurait peu d’intérêt si elle ne concernait pas les régimes spéciaux du secteur public. De plus, même si elle était techniquement possible, une harmonisation des droits à pensions des personnes aujourd’hui en activité se ferait probablement par alignement sur les plus favorables et aurait un coût très élevé. Il est donc préférable de n’harmoniser que les droits à retraite des nouveaux entrants sur le marché du travail. Le futur régime universel ne pourra alors concerner que les nouvelles générations.

Les cotisations des actifs devraient alors continuer à être versées aux régimes actuels, tout en étant enregistrées sur un compte qui servira de base au calcul de leur pension lorsqu’ils prendront leur retraite dans le cadre du régime universel. Dans le cas des agents publics, seules les cotisations résultant de l’application d’un taux égal à celui du régime général devraient être retenues sur ce compte. Les pensions résultant des cotisations accumulées pourraient être majorées par des avantages non contributifs clairement identifiés et financés par l’impôt.

Les premières pensions calculées dans le cadre de ce régime universel ne pourraient être versées qu’à un horizon lointain et le mode de fonctionnement de ce régime permettrait peut-être alors d’équilibrer plus facilement les comptes publics. A un horizon moins éloigné, une hausse de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite au taux plein sera nécessaire et compatible avec la création d’un régime universel.

A)   Une fragmentation coûteuse et inéquitable avec des effets négatifs sur le fonctionnement du marché du travail

Une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 recense 25 régimes de base obligatoires de sécurité sociale. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2016 fait apparaitre une dizaine de régimes de retraite complémentaires obligatoires dont l’un, l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales, est composé d’une caisse nationale et de 10 sections professionnelles qui gèrent chacune un régime complémentaire. Il existe deux régimes de fonctionnaires, le premier pour les agents de l’Etat et le deuxième pour les agents territoriaux et hospitaliers, gérés par des organismes différents bien qu’ils versent des prestations identiques, sans distinction entre pensions de base et complémentaires.

1)    Le coût de la fragmentation

Les coûts de gestion des régimes de retraite sont très mal connus et mesurés par chacun avec des méthodes différentes, comme l’a montré la Cour des comptes à propos des régimes de fonctionnaires. Elle a néanmoins observé que la création d’une caisse unique de retraite des fonctionnaires pourrait entraîner une économie de 23 % du coût actuel (environ 200 M€).

L’AGIRC et l’ARRCO sont des fédérations regroupant 17 institutions de retraites complémentaires disposant d’une certaine autonomie pour des raisons historiques. Selon un autre rapport de la Cour des comptes, cette segmentation est à l’origine de nombreux doublons qui, avec d’autres facteurs comme le niveau des rémunérations, expliquent un coût de gestion (environ 2,0 Md€) supérieur de 20 % à celui du régime général à périmètre d’activités comparable. En outre, les cotisations versées par les entreprises ne sont pas contrôlées car les régimes complémentaires n’en ont pas la compétence juridique et les Urssaf considèrent que ce n’est pas leur mission.  

2)    Le manque de transparence et d’équité du système

Les règles de calcul des cotisations et des pensions sont généralement différentes d’un régime à l’autre et le même montant de cotisations ne donne pas droit à la même pension. En outre, bien souvent, ces règles sont complexes et le lien entre cotisations et pensions est très distendu, à la fois du fait d’avantages « non contributifs » (ne reposant pas sur des cotisations) spécifiques à chaque régime et du financement de la plupart des régimes par des ressources pour partie autres que les cotisations sociales (des impôts pour l’essentiel).

En conséquence, les justifications des différences entre régimes sont peu convaincantes et l’importance des avantages indus dont pourraient bénéficier certaines catégories sociales donne lieu à des polémiques récurrentes. Les « régimes spéciaux » et notamment ceux des fonctionnaires sont au cœur de débats permanents alors que la mesure de leur degré relatif de générosité est en pratique très difficile. 

Si elles ont été rapprochées depuis 2003, de nombreuses différences subsistent entre les règles relatives aux pensions des fonctionnaires et des salariés du secteur privé. Les principales portent sur le salaire de référence, pour l’ensemble des fonctionnaires, et sur l’âge de départ, pour ceux des catégories dites « actives ». Seul le salaire de référence est ici examiné (pour une analyse complète du régime des fonctionnaires, voir la note qui lui est consacrée).

Le salaire de référence est celui des six derniers mois dans la fonction publique au lieu de la moyenne des 25 meilleures années (retraite de base) et de toute la carrière (retraite complémentaire) dans le secteur privé ; ce salaire de référence, de même que l’assiette des cotisations sociales, exclue les primes dans les régimes de fonctionnaires alors que tous les éléments de rémunération sont pris en compte dans le secteur privé. Le taux plein appliqué à ce salaire de référence est de 75 % dans la fonction publique et de 50 % dans le régime général des salariés du secteur privé, mais ces derniers ont des retraites complémentaires (AGIRC-ARRCO), contrairement aux fonctionnaires, ce qui porte en pratique leur taux plein également aux alentours de 75 %.

Le taux effectif de remplacement des derniers salaires par la pension versée au moment de la liquidation peut différer fortement du taux plein légal puisqu’il dépend également du mode de calcul du salaire de référence. Tous les travaux réalisés jusqu’à présent conduisent néanmoins au même taux de remplacement (environ 75 %), en moyenne, du salaire net des cinq années précédant la retraite par la pension nette, après une carrière complète dans la fonction publique ou dans le secteur privé. Les fonctionnaires sont avantagés par la règle des six mois mais pénalisés par l’exclusion des primes.

Cette égalité du taux moyen de remplacement, malgré des règles très différentes, est un effet du hasard. Elle masque d’ailleurs d’importantes disparités, notamment en fonction du taux de prime des fonctionnaires, qui est très variable d’un corps et d’un ministère à l’autre. Si les règles du privé étaient appliquées aux fonctionnaires partant aujourd’hui en retraite, la moitié environ y gagnerait et l’autre moitié y perdrait, ces gains et pertes pouvant être très importants (plus de 15 % de la pension), ce qui rendrait une telle mesure très difficile à mettre en œuvre.

Le taux de remplacement moyen va nettement baisser d’ici à 2070 dans les régimes de retraite du secteur privé (cf. fiche), notamment parce que la règle des 25 meilleures années induit un décalage de plus en plus fort entre le salaire à la date de la retraite et le salaire de référence qui détermine la pension (la moyenne des salaires des 25 meilleures années corrigés en fonction de la seule hausse des prix à la consommation). La règle des six derniers mois protègera les fonctionnaires contre cet effet.

3)    Un impact négatif sur le fonctionnement du marché du travail

Les changements de statut professionnel sont de plus en plus fréquents. Les passages par le chômage et les contrats courts sont devenus au fil du temps la norme pour près d’un actif sur cinq. La part des contrats à durée limitée (CDD et intérim) dans les recrutements atteint 86 %. Cette précarité et ces discontinuités dans les parcours professionnels touchent notamment les jeunes, les séniors et les moins qualifiés. Le travail indépendant connait par ailleurs un renouveau depuis quelques années, en France comme dans les autres pays développés, sous l’effet du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de l’aspiration à l’autonomie mais aussi de la recherche d’emplois et de revenus dans les pays où le taux de chômage est élevé. D’un autre côté, les fonctionnaires vivent dans un univers professionnel quasiment fermé aux transferts entre les secteurs public et privé.

En raison de la rapidité de diffusion des nouvelles technologies et des restructurations du tissu économique qu’elles imposent, ainsi que des aspirations à des parcours professionnels plus diversifiés, il est souhaitable de favoriser les transitions professionnelles d’un secteur et d’un statut à l’autre. Or la segmentation des régimes de protection sociale fait obstacle à ces transitions. Même si les droits à pension acquis successivement dans ces différents régimes au cours de la vie active s’additionnent pour l’essentiel, le fait qu’ils soient calculés différemment et gérés par des organismes différents constitue un obstacle à la connaissance et à l’anticipation de ces droits et donc au changement de statut.

B)   Le régime universel souhaitable

1)    Les principales caractéristiques du régime universel souhaitable

Les défauts du système actuel et les principes de fonctionnement d’un régime universel sont analysés dans un document de janvier 2015 de D. Blanchet, A. Bozio et S. Rabaté.

Le régime universel devrait couvrir toute la population, indépendamment du statut ou de l’activité professionnelle. Comme il n’est pas imaginable de transformer totalement les régimes par répartition actuels en régimes par capitalisation, car une génération serait alors forcément sacrifiée, ce régime universel fonctionnerait forcément en répartition.

Il existe trois grands modèles de fonctionnement d’un régime de retraite en répartition : les régimes « par annuités », où la pension à la liquidation est un pourcentage d’un salaire de référence modulé par le nombre d’années de cotisations (c’est le cas du régime général) ; les régimes « par points », où les cotisations servent à acheter des points et où la pension dépend du nombre de points accumulés et de leur « valeur de service » (cas des régimes AGIRC et ARRCO) ; les régimes « en comptes notionnels », où la valeur en euros des cotisations accumulées est convertie en pension par un « coefficient de conversion » (de tels régimes ont été mis en place dans certains pays, notamment en Scandinavie).

Les régimes par points et en comptes notionnels permettent d’établir le lien le plus clair entre les cotisations payées et les pensions reçues et ainsi de respecter le principe selon lequel chaque euro cotisé donne le même droit à pension pour tous. Ils sont donc préférables.

Les trois principaux paramètres de ces deux catégories de régimes sont : les modalités de revalorisation des points achetés ou des euros cotisés entre la date où ils ont été achetés ou cotisés et la date de liquidation de la retraite ; la valeur de service du point ou le coefficient de conversion, qui déterminent le montant de la première pension ; les conditions dans lesquelles cette pension est revalorisée chaque année jusqu’au décès. Comme le conclut l’article précité, les logiques de base de ces deux types de régimes sont assez proches et la combinaison de ces trois paramètres permet d’obtenir des résultats voisins en termes de taux de remplacement et de pilotage financier. Quelques principes communs doivent guider le choix de ces paramètres.

Les deux derniers doivent être liés : la valeur de service du point ou le coefficient de conversion doivent être d’autant plus faibles que l’indexation de la pension à partir de sa liquidation est favorable aux retraités. Ensuite, cette valeur de service ou ce coefficient de conversion doivent également dépendre de l’âge auquel la pension est liquidée et de l’espérance de vie à cet âge. Il s’agit de l’espérance de vie moyenne de l’ensemble des Français à cet âge de sorte de mutualiser les risques résultant des écarts qui existent par sexe, profession…Plus l’âge de départ est élevé, plus la valeur de service ou le coefficient de conversion doivent être forts ; plus l’espérance de vie moyenne à cet âge est importante, plus la valeur de service ou le coefficient de conversion doivent être faibles.

2)    Le traitement des cotisations des agents du secteur public

On peut considérer que, dans le secteur concurrentiel, la rémunération avant tout prélèvement correspond à la productivité du travail (c’est-à-dire la valeur que lui donnent les consommateurs en achetant le produit de ce travail). Les cotisations de retraite amputent cette rémunération et constituent donc un sacrifice de la part du travailleur, salarié ou non, qui a pour contrepartie l’obtention d’une pension à l’issue de sa vie professionnelle. Il est donc équitable qu’un euro de cotisation donne droit à la même pension pour tous.

Dans le secteur public, cette hypothèse est beaucoup plus contestable : les rémunérations, cotisations sociales comprises, sont financées par des prélèvements obligatoires et non par la vente de biens et services sur un marché concurrentiel. Elles peuvent être très différentes de la productivité du travail. En conséquence, les cotisations, même salariales, ne constituent pas toujours un sacrifice réalisé par les fonctionnaires au regard de leur productivité.

Dans un régime universel, l’Etat pourrait très bien augmenter le nombre de points ou abonder le compte notionnel de ses agents en relevant le taux de ses cotisations d’employeur et en finançant ce relèvement par une hausse de la TVA ou de tout autre impôt[1]. Le principe selon lequel un euro de cotisation donne droit à la même pension pour tous serait alors dévoyé.

L’équité de traitement entre les agents des secteurs privé et public ne pourra jamais être garantie car les rémunérations des premiers seront toujours largement déterminées par le marché alors que celles des seconds pourront en être déconnectées. Si on admet néanmoins que les rémunérations brutes des fonctionnaires ne sont pas très éloignées de celles des salariés du privé, il faudrait prendre pour principe que les seules cotisations retenues pour augmenter leurs points ou abonder leur compte notionnel seront les cotisations obtenues en appliquant à leurs salaires bruts (primes comprises) le même taux que dans le secteur privé[2].

3)    Les avantages non contributifs

Dans les régimes actuels, de nombreux avantages non-contributifs (c’est-à-dire non liés à des cotisations) majorent les pensions (majoration pour enfants, par exemple). Leur maintien serait compatible avec la mise en place d’un régime universel, une révision de ces avantages étant néanmoins souhaitable.

Un fonds de solidarité financé par l’impôt verserait des cotisations au régime universel au titre de la situation familiale (nombre d’enfants…) ou de périodes de chômage ou de longue maladie, par exemple. Ces cotisations seraient converties en points ou abonderaient le compte notionnel en euros des bénéficiaires, ce qui permettrait d’obtenir une pension plus élevée, comme si ces cotisations avaient été prélevées sur des revenus d’activité.

4)    La distinction entre régimes de base et complémentaires

La distinction entre des régimes obligatoires de base et complémentaire résulte d’une sédimentation historique, n’a aucun intérêt et n’existe pas dans la plupart des autres pays[3]. En conséquence, les régimes complémentaires actuels devront être fondus dans le régime universel, ce qui suppose que l’Etat en prenne d’abord le contrôle alors qu’ils sont gérés paritairement par les partenaires sociaux[4].

C)    Une mise en œuvre inévitablement lointaine

1)    Les difficultés techniques d’une mise en œuvre rapide

Selon la Cour des comptes, il est aujourd’hui impossible de calculer les retraites des fonctionnaires sur la base des rémunérations qu’ils ont reçues ou des cotisations qu’ils ont payées au cours de leur vie active car ces données n’ont pas été enregistrées. Elles sont en effet aujourd’hui inutiles puisque seul le salaire des six derniers mois est retenu. Les simulations de l’application des règles du secteur privé aux fonctionnaires sont réalisées sur des cas-types ou sur des échantillons d’agents dont les carrières sont reconstituées de manière parfois conventionnelle. Il est possible que les données utilisées par le régime de retraite additionnelle de la fonction publique permettent de reconstituer la rémunération globale et les cotisations des agents du secteur public, mais elles n’existeraient que depuis 2005.

2)    Le coût d’une modification des droits acquis

Même si les pensions pouvaient être calculées dès maintenant ou dans un avenir proche conformément aux principes d’un régime universel par points ou en compte notionnels, une telle réforme conduirait à modifier le montant de la pension attendue par de nombreux agents sur la base des règles actuelles. La compensation des perdants aurait un coût élevé pour les finances publiques (comme la réforme des régimes spéciaux de 2008) et les mesures visant à atténuer leurs pertes rendraient le système encore plus illisible qu’il n’est déjà pendant une longue période de transition.

3)    Les nouvelles règles de calcul des pensions ne devraient s’appliquer qu’aux nouvelles générations

Pour des raisons techniques ou financières, les pensions ne devraient être liquidées selon les règles du nouveau régime universel que pour les nouveaux fonctionnaires. La réforme ne seraient appliquée qu’aux nouvelles générations, de même que seules les nouvelles recrues de La Poste et France Télécom ont été soumises au statut de salarié de droit privé.

4)    Jusqu’au départ en retraite des nouvelles générations, les cotisations continueraient à financer les régimes actuels

Les pensions ne pourraient être calculées selon les principes précédents que lorsque les nouvelles générations atteindront l’âge de la retraite. D’ici là, les régimes de retraite devraient continuer à prélever les cotisations comme actuellement pour financer les pensions des personnes actuellement ou bientôt en retraite. Les cotisations des nouvelles générations actives devraient néanmoins être dès à présent enregistrées par le gestionnaire du régime universel pour être converties en points ou pour abonder leurs comptes notionnels.

D)   A un horizon moins lointain, les questions de l’équilibre financier des régimes actuels et de l’âge de départ restent posées

Si le régime universel ne concerne que les nouvelles générations actives, il ne modifiera les dépenses de retraite qu’au-delà de 2060. La question de l’équilibre financier des régimes de retraite à cet horizon reste donc posée. Selon les projections du conseil d’orientation des retraites (COR), cet équilibre est envisageable seulement si la croissance de la productivité du travail (ou du revenu réel par tête) est supérieure à 1,5 % en moyenne annuelle.

Cet équilibre proviendra d’une baisse de 30 % du taux de remplacement des revenus d’activité par les pensions, qui résultera des règles actuelles d’indexation des pensions et des salaires « portés au compte » pour calculer le salaire de référence. Il s’agit en effet d’une indexation sur l’inflation et non sur les revenus nominaux. En conséquence, plus la croissance de la productivité et du pouvoir d’achat des actifs est forte, plus les pensions décrochent par rapport aux revenus d’activité, ce qui améliore les comptes des régimes de retraite. Ce mode d’équilibrage, très dépendant de la croissance, pose un problème de crédibilité à long terme : si la croissance est forte, la pression sociale sera forte pour relever le taux de remplacement.

Pour équilibrer un régime par répartition dont le ratio de dépendance démographique se dégrade, sans relever le taux de cotisation, il faut nécessairement diminuer le taux de remplacement, quel que soit le mode de fonctionnement de ce régime (annuités, points ou comptes notionnels). Les conditions dans lesquelles cette baisse est obtenue ne sont toutefois pas les mêmes, les paramètres modifiables étant différents (nombre d’annuités pour avoir le taux plein, valeur de service des points, coefficient de conversion, indexation…).

Les leviers disponibles dans un régime en annuités sont parfois difficiles à utiliser : il n’a jamais été envisagé de réduire le taux de liquidation (50 % dans le régime général) ; le recul de l’âge de départ minimal est refusé par une grande partie de la population. L’exemple des régimes complémentaires montre qu’il est plus facile de réduire la valeur de service du point. Dans un régime en comptes notionnels, l’augmentation de l’espérance de vie est automatiquement compensée du fait du mode de calcul du coefficient de conversion.

La création d’un régime de retraite universel en points ou en comptes notionnels pourrait donc peut-être permettre plus facilement d’équilibrer les comptes publics, mais en tout état de cause à un horizon très lointain. En attendant, un recul de l’âge de départ sera plus ou moins vite nécessaire, soit pour redresser les comptes des régimes actuels si les conditions démographiques et économiques sont moins favorables que les hypothèses du scénario central du COR, soit pour relever la croissance potentielle. A long terme, augmenter la population active permet en effet d’accroître l’emploi et le PIB potentiel, sans effet négatif sur le taux de chômage. C’est la principale justification d’un recul de l’âge de départ.

Jusqu’au versement des premières pensions dans le cadre du régime universel, les régimes de retraite actuels subsisteront avec les mêmes règles qu’il sera possible de modifier. Le recul de l’âge de départ minimal ayant été écarté dans le programme d’En-Marche, une nouvelle hausse du nombre d’années de cotisation requis pour obtenir une pension au taux plein sera nécessaire et elle sera compatible avec la création du régime universel, celui-ci ne consistant pendant plusieurs décennies qu’à enregistrer les points acquis ou les cotisations versées.

 

[1] Il pourrait aussi augmenter les cotisations salariales en relevant les salaires bruts grâce à une hausse d’impôt.

[2] Les taux de cotisations des employeurs du public sont actuellement beaucoup plus élevés que ceux du privé.

[3] Dans la plupart des pays, il y a une retraite minimale financée par l’impôt, un premier étage public et obligatoire en répartition et un deuxième étage privé et différent selon les branches en capitalisation.

[4] Les régimes complémentaires en capitalisation, comme celui de la fonction publique, devraient toutefois être maintenus et développés pour créer, comme dans les autres pays, un étage complémentaire vraiment différent.

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