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21/03/2018

Les dépenses budgétaires et fiscales en faveur de l'Outre-mer

François ECALLE

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Les derniers mouvements sociaux à Mayotte invitent à faire le point sur les dépenses publiques en faveur de l’Outre-mer. Le présent billet porte sur les dépenses budgétaires et fiscales de l’Etat recensées dans le « document de politique transversale » relatif à l’Outre-mer qui est annexé au projet de loi de finances pour 2018. Il compare les dépenses budgétaires et fiscales de l’Etat en faveur de la Métropole et de l’Outre-mer en les rapportant à la population de moins de 60 ans. En effet, les dépenses de l’Etat concernent beaucoup plus cette tranche de la population, en raison notamment du poids de l’enseignement, contrairement aux dépenses des administrations sociales qui concernent plus les personnes les plus âgées, en raison notamment des retraites et de l’assurance maladie. Or la population de moins de 60 ans représente une part plus importante de la population dans l’Outre-mer (85 %) qu’en Métropole (75 %) 

Les dépenses budgétaires de l’Etat en faveur de l’Outre-mer se sont élevées à 16,2 Md€ en 2016, soit 7 200 € par personne de moins de 60 ans contre 6 200 € pour les dépenses en faveur de la Métropole. A ces dépenses budgétaires, il faut ajouter 1 800 € de dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer (taux de TVA inférieurs à ceux de la Métropole…), ce qui fait un écart total de 2 800 € entre les dépenses de l’Etat en faveur de l’Outre-mer et de la Métropole.

Les dépenses budgétaires qui sont plus importantes Outre-mer concernent notamment l’enseignement scolaire, les dotations aux collectivités locales, la sécurité et la justice. Celles qui sont plus faibles Outre-mer concernent notamment la Défense, la recherche et l’enseignement supérieur.

Les dépenses budgétaires de l’Etat sont les plus élevées en Martinique (9 000 € par personne de moins de 60 ans) et en Guadeloupe (8 900 €) et c’est à Mayotte qu’elles sont les plus faibles (4 700 €) parmi les départements et les collectivités d’Outre-mer de plus de 100 000 habitants.

Ce billet n’a pas pour objet de déterminer si ces écarts sont justifiés ou non, d’autres facteurs que le nombre d’habitants de moins de 60 ans pouvant expliquer le niveau des dépenses de l’Etat.

A)Les dépenses de l’Etat en faveur de l’Outre-mer sont plus élevées que ses dépenses en faveur de la Métropole

1)Des dépenses budgétaires égales à 7 200 € par personne de moins de 60 ans en faveur de l’Outre-mer contre 6 200 € en métropole

Les « documents de politique transversale » (DPT) annexés au projet de loi de finances comportent une présentation détaillée, par « mission budgétaire », des dépenses consacrées à certaines politiques dites « transversales » parce qu’elles mobilisent des crédits de plusieurs missions. Cette présentation est réalisée en isolant, dans chaque mission, les crédits de paiement qui peuvent être rattachés à cette politique transversale.

S’agissant du DPT relatif à l’Outre-mer, il regroupe ainsi les crédits de la mission Outre-mer et ceux de toutes les autres missions (enseignement scolaire, sécurité, justice…) dans la mesure où ils ont une utilité pour les populations ou les entreprises d’Outre-mer (par exemple, pour y payer des enseignants ou des juges). En pratique, il existe des crédits rattachables à l’Outre-mer dans quasiment toutes les missions budgétaires, à l’exception de la mission « engagements financiers de l’Etat » (la charge d’intérêt de la dette)[1].

Ce DPT indique également le montant des « prélèvements sur recettes » au profit des collectivités territoriales ultramarines.

Les dépenses budgétaires exécutées en 2016 (crédits de paiement) en Outre-mer et en Métropole[2] sont ici comparées sur un périmètre identique correspondant aux missions retenues dans le DPT relatif à l’Outre-mer[3] et aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales.

Les dépenses budgétaires ainsi rattachées à l’Outre-mer se sont élevées à 16,2 Md€ en 2016, contre 299,5 Md€ pour celles qui sont rattachées à la Métropole.

Elles pourraient être rapportées aux populations ultramarines et métropolitaines mais les ratios obtenus seraient peu pertinents dans la mesure où la population ultramarine est plus jeune et pèse ainsi naturellement plus sur le budget de l’Etat (celui-ci consacre, par exemple, le quart de ses dépenses hors intérêts à l’enseignement scolaire). La population métropolitaine pèse en revanche plus sur les dépenses des administrations de sécurité sociale, à travers les retraites et l’assurance maladie.

Les dépenses sont donc rapportées à la population de moins de 60 ans telle qu’elle apparaît dans le DPT relatif à l’Outre-mer (population légale de 2014 résultant du recensement).

Ces dépenses budgétaires par personne de moins de 60 ans sont de 7 200 € en faveur de l’Outre-mer et de 6 200 € en faveur de la Métropole, soit un écart de 1 000 €.

2)Des dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer de 1 800 € par personne de moins de 60 ans en 2016

Le DPT recense également les dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer et leur coût, dont le total s’est élevé à 4,1 Md€ en 2016, soit 1 800 € par personne de moins de 60 ans. Les plus coûteuses sont les suivantes :

- taux de TVA inférieurs à ceux de la Métropole (1,4 Md€) ;

- exonérations de taxe intérieure de consommation de carburants (1,0 Md€) ;

- réduction du montant de l’impôt sur le revenu pour les résidents Outre-mer (0,4 Md€) ;

- dispositions en faveur des investissements dans le logement Outre-mer (0,4 Md€) ;

- dispositions en faveur des investissements productifs Outre-mer (0,4 Md€).

Source : Document de politique transversale Outre-mer annexé au projet de loi de finances pour 2018 ; loi de règlement pour 2016 ; FIPECO.

Le coût total des dépenses fiscales en 2016 s’est élevé à 87,6 Md€. Celles qui ne sont pas spécifiques à l’Outre-mer sont également accessibles aux contribuables ultramarins et métropolitains[4]. Il est donc possible de considérer, comme le fait le DPT, que les dépenses fiscales ciblées sur l’Outre-mer représentent un effort budgétaire particulier en faveur des départements et collectivités ultramarins.

Ceux-ci bénéficient également de « niches sociales » (l’équivalent des niches fiscales s’agissant des recettes de la sécurité sociale), sous formes d’exonérations spécifiques de cotisations, mais le coût de ces dispositifs est parfois compensé par l’Etat et donc déjà partiellement compté dans les dépenses budgétaires en faveur de l’outre-mer.

3)Des dépenses plus élevées Outre-mer pour l’enseignement scolaire, plus faibles pour la Défense

La décomposition par mission des dépenses en faveur de l’Outre-mer en 2016 qui figure dans le DPT permet d’identifier celles qui sont les plus importantes pour les départements et collectivités ultramarins.

La mission Outre-mer est par définition spécifique à ces territoires et représente une dépense de presque 850 € par personne de moins de 60 ans. En contrepartie, les crédits de la mission « relations avec les collectivités locales » et les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités locales qui peuvent être rattachés à l’Outre-mer sont inférieurs d’environ 250 € à ceux qui sont attribués aux collectivités métropolitaines. Au total, les dépenses en faveur des collectivités d’Outre-mer sont donc supérieures d’environ 600 € à celles qui sont en faveur des collectivités métropolitaines.

Les crédits de l’enseignement scolaire représentent 2 200 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 1 400 € en Métropole. Les crédits des missions sécurité et justice représentent 650 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 550 € en Métropole.

Inversement, les crédits de la mission Défense représentent 400 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 850 € en Métropole. Les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche représentent 250 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 550 € en Métropole.

B)Les dépenses budgétaires de l’Etat sont très différentes d’une région ou d’une collectivité à l’autre

Le DPT ventile par région ou collectivité les dépenses budgétaires en faveur de l’Outre-mer, qui peuvent donc être rapprochées de la population de moins de 60 ans.

Les dépenses budgétaires de l’Etat par personne de moins de 60 ans sont les plus importantes en Martinique (9 000 €) et c’est à Mayotte qu’elles sont les plus faibles (4 700 €) parmi les départements et les collectivités de plus de 100 000 habitants. Elles sont très proches et supérieures à la moyenne de l’Outre-mer en Martinique et Guadeloupe. Elles sont presque égales à la moyenne à La Réunion (7 400 €). Elles sont par contre plus faibles que la moyenne à Mayotte, en Nouvelle Calédonie et en Polynésie.

Les dépenses budgétaires de l’Etat en faveur de l’Outre-mer en 2016                                           

 

 

Mayotte

Guyane

Nouvelle Calédonie

Polynésie

Dépenses budgétaires (M€)

958

1 741

1 251

1 295

Population de moins de 60 ans (1 000)

204

233

235

235

Dépenses en euros par personne de moins de 60 ans

4 696

7 470

5 323

5 511

 

 

 

 

 

 

Martinique

Guadeloupe

La Réunion

Outre-mer (1)

Dépenses budgétaires (M€)

2 592

2 778

5 160

16 200

Population de moins de 60 ans (1 000)

288

312

701

2 260

Dépenses en euros par personne de moins de 60 ans

9 000

8 900

7 360

7 168

 

Source : DPT Outre-mer annexé au PLF 2018 ; Insee ; FIPECO

  1. Y compris les collectivités de moins de 100 000 habitants, qui n’apparaissent pas dans ce tableau : Saint-Martin ; Wallis-et-Futuna ; Saint-Pierre-et-Miquelon ; Saint-Barthélemy.

Source : Document de politique transversale Outre-mer annexé au projet de loi de finances pour 2018 ; loi de règlement pour 2016 ; FIPECO

 

[1] Même sur cette mission, on trouve une dépense marginale rattachée à l’Outre-mer dans le DPT, qui correspond aux primes des plans d’épargne logement.

[2] Calculées par différence entre les dépenses totales de l’Etat et les dépenses rattachées à l’Outre-mer.

[3] Ce qui revient pour l’essentiel à prendre toutes les missions du budget général hors engagements financiers.

[4] A l’exception de quelques dépenses fiscales ciblées sur des zones géographiques particulières de la Métropole, notamment la Corse.

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