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23/10/2019

Les dépenses budgétaires et fiscales en faveur de l'Outre-mer en 2018

François ECALLE

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A l’occasion de la visite du Président de la République à La Réunion et Mayotte, le présent billet examine les dépenses budgétaires et fiscales de l’Etat en faveur de l’Outre-mer en 2018. Elles sont recensées dans le « document de politique transversale » relatif à l’Outre-mer qui est annexé au projet de loi de finances pour 2020. Il compare les dépenses budgétaires et fiscales de l’Etat en faveur de la Métropole et de l’Outre-mer en les rapportant à la population de moins de 60 ans. En effet, la population de moins de 60 ans représente une part plus importante de la population dans l’Outre-mer (84 %) qu’en Métropole (74 %). Or les charges de l’Etat dépendent plus de cette tranche de la population, en raison notamment du poids de l’enseignement, et sont donc de ce fait plus élevées Outre-mer.  

Les dépenses budgétaires de l’Etat en faveur de l’Outre-mer se sont élevées à 18,0 Md€ en 2018, soit 7 800 € par personne de moins de 60 ans contre 6 800 € pour les dépenses en faveur de la Métropole. A ces dépenses budgétaires, il faut ajouter 1 900 € de dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer (taux de TVA inférieurs à ceux de la Métropole…), ce qui fait un écart total de 2 900 € par personne de moins de 60 ans entre les dépenses de l’Etat en faveur de l’Outre-mer et de la Métropole.

Les dépenses budgétaires qui sont plus importantes Outre-mer concernent notamment l’enseignement scolaire et les dotations aux collectivités locales. Celles qui sont plus faibles Outre-mer concernent notamment la Défense, la recherche et l’enseignement supérieur.

Les dépenses budgétaires de l’Etat sont les plus élevées en Guadeloupe (10 500 € par personne de moins de 60 ans) et en Martinique (9 500 €) et c’est à Mayotte qu’elles sont les plus faibles (4 900 €) parmi les départements et les collectivités d’Outre-mer de plus de 100 000 habitants.

S’agissant des collectivités plus petites, les dépenses budgétaires de l’Etat par habitant de moins de 60 ans s’élèvent en 2018 à 2 800 € à Saint-Martin et à 270 € à Saint-Barthélemy, deux îles qui ont été dévastées en septembre 2017 par le plus violent cyclone jamais vu dans l’Atlantique Nord.

Ce billet n’a pas pour objet de déterminer si ces écarts sont justifiés ou non, d’autres facteurs que le nombre d’habitants de moins de 60 ans pouvant expliquer le niveau des dépenses de l’Etat.

A)Les dépenses de l’Etat en faveur de l’Outre-mer sont plus élevées que ses dépenses en faveur de la Métropole

1)Des dépenses budgétaires égales à 7 800 € par personne de moins de 60 ans en faveur de l’Outre-mer contre 6 800 € en métropole

Les « documents de politique transversale » (DPT) annexés au projet de loi de finances comportent une présentation détaillée, par « mission budgétaire », des dépenses consacrées à certaines politiques dites « transversales » parce qu’elles mobilisent des crédits de plusieurs missions. Cette présentation est réalisée en isolant, dans chaque mission, les crédits de paiement qui peuvent être rattachés à cette politique transversale.

S’agissant du DPT relatif à l’Outre-mer, il regroupe ainsi les crédits de la mission Outre-mer et ceux de toutes les autres missions (enseignement scolaire, sécurité, justice…) dans la mesure où ils ont une utilité pour les populations ou les entreprises d’Outre-mer (par exemple, pour y payer des enseignants ou des juges). En pratique, il existe des crédits rattachables à l’Outre-mer dans quasiment toutes les missions budgétaires, à l’exception de la mission « engagements financiers de l’Etat » (la charge d’intérêt de la dette).

Ce DPT indique également le montant des « prélèvements sur recettes » (comme la dotation globale de fonctionnement) au profit des collectivités territoriales ultramarines.

Il intègre les « avances aux collectivités territoriales » dans l’effort budgétaire consacré à l’Outre-mer, mais il ne s’agit que d’avances sur le produit des impôts locaux prélevés par l’Etat. Elles ne doivent donc pas être ajoutées aux dépenses définitives et ne sont donc pas retenues dans ce billet.

Les dépenses budgétaires exécutées en 2018 (crédits de paiement) en Outre-mer et en Métropole[1] sont ici comparées sur un périmètre identique correspondant aux missions retenues dans le DPT relatif à l’Outre-mer (hors avances aux collectivités territoriales)[2] et aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales.

Les dépenses budgétaires (crédits de paiement) ainsi rattachées à l’Outre-mer se sont élevées à 18,0 Md€ en 2018, contre 328,6 Md€ pour celles qui sont rattachées à la Métropole.

Elles pourraient être rapportées aux populations ultramarines et métropolitaines mais les ratios obtenus seraient peu pertinents dans la mesure où la population ultramarine est plus jeune et pèse ainsi naturellement plus sur le budget de l’Etat (celui-ci consacre, par exemple, le quart de ses dépenses hors intérêts à l’enseignement scolaire). La population métropolitaine pèse en revanche plus sur les dépenses des administrations de sécurité sociale, à travers les retraites et l’assurance maladie.

Les dépenses sont donc rapportées à la population de moins de 60 ans telle qu’elle apparaît dans le DPT relatif à l’Outre-mer annexé au PLF 2019 (estimations de la population au 1er janvier 2017 ou 2018).

Ces dépenses budgétaires par personne de moins de 60 ans sont de 7 800 € en faveur de l’Outre-mer et de 6 800 € en faveur de la Métropole, soit un écart de 1 000 €, en 2018.

2)Des dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer de 1 900 € par personne de moins de 60 ans en 2018

Le DPT recense également les dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer et leur coût, dont le total s’est élevé à 4,5 Md€ en 2018, soit 1 900 € par personne de moins de 60 ans. Les plus coûteuses sont les suivantes :  taux de TVA inférieurs à ceux de la Métropole (1,8 Md€) ; exonérations de taxe intérieure de consommation de carburants (1,2 Md€) ; réduction du montant de l’impôt sur le revenu pour les résidents Outre-mer (0,4 Md€) ; dispositions en faveur des investissements productifs Outre-mer (0,3 Md€).

Source : Document de politique transversale Outre-mer annexé au projet de loi de finances pour 2020 ; FIPECO.

Le coût total des dépenses fiscales en 2018 s’est élevé à 99,0 Md€. Celles qui ne sont pas spécifiques à l’Outre-mer sont également accessibles aux contribuables ultramarins et métropolitains[3]. Il est donc possible de considérer, comme le fait le DPT, que les dépenses fiscales ciblées sur l’Outre-mer représentent un effort budgétaire particulier en faveur des départements et collectivités ultramarins.

Ceux-ci bénéficient également de « niches sociales » (l’équivalent des niches fiscales s’agissant des recettes de la sécurité sociale), sous formes d’exonérations spécifiques de cotisations, mais le coût de ces dispositifs est parfois compensé par l’Etat et donc déjà partiellement compté dans les dépenses budgétaires en faveur de l’outre-mer.

3)Des dépenses plus élevées Outre-mer pour l’enseignement scolaire, plus faibles pour la Défense

La décomposition par mission des dépenses en faveur de l’Outre-mer en 2018 qui figure dans le DPT permet d’identifier celles qui sont les plus importantes pour les départements et collectivités ultramarins.

La mission Outre-mer est par définition spécifique à ces territoires et représente une dépense de 900 € par personne de moins de 60 ans. Les crédits de la mission « relations avec les collectivités locales » et les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités locales qui peuvent être rattachés à l’Outre-mer sont néanmoins à peu près identiques à ceux qui sont attribués aux collectivités métropolitaines.

Les crédits de l’enseignement scolaire représentent 2 300 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 1 500 € en Métropole. Les crédits des missions sécurité et justice représentent 700 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 600 € en Métropole.

Inversement, les crédits de la mission Défense représentent 400 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 900 € en Métropole. Les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche représentent 250 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 600 € en Métropole.

B)Les dépenses budgétaires de l’Etat sont très différentes d’une région ou d’une collectivité à l’autre

Le DPT ventile par région ou collectivité les dépenses budgétaires en faveur de l’Outre-mer, qui peuvent donc être rapprochées de la population de moins de 60 ans.

Les dépenses budgétaires de l’Etat par personne de moins de 60 ans sont les plus importantes en Guadeloupe (10 500 €) et c’est à Mayotte qu’elles sont les plus faibles (4 900 €) parmi les départements et les collectivités de plus de 100 000 habitants. Elles sont proches et supérieures à la moyenne de l’Outre-mer en Martinique et Guadeloupe. Elles sont presque égales à la moyenne à La Réunion. Elles sont par contre plus faibles que la moyenne et qu’en métropole à Mayotte, en Nouvelle Calédonie et en Polynésie.

Les dépenses budgétaires de l’Etat en faveur de l’Outre-mer en 2018                                           

 

 

Mayotte

Guyane

Nouvelle Calédonie

Polynésie

Dépenses budgétaires (M€)

1 217

2 329

1 285

1 316

Population de moins de 60 ans (1 000)

249

258

241

241

Dépenses en euros par personne de moins de 60 ans

4 887

9 027

5 332

5 460

 

 

 

 

 

 

Martinique

Guadeloupe

La Réunion

Outre-mer (1)

Dépenses budgétaires (M€)

2 546

3 091

5 752

18 051

Population de moins de 60 ans (1 000)

269

293

719

2 325

Dépenses en euros par personne de moins de 60 ans

9 464

10 549

8 000

7 764

 

Source : DPT Outre-mer annexé au PLF 2018 ; Insee ; FIPECO

  1. Y compris les collectivités de moins de 100 000 habitants, qui n’apparaissent pas dans ce tableau : Saint-Martin ; Wallis-et-Futuna ; Saint-Pierre-et-Miquelon ; Saint-Barthélemy.

Source : Document de politique transversale Outre-mer annexé au projet de loi de finances pour 2020 ; FIPECO

Les dépenses budgétaires de l’Etat par habitant de moins de 60 ans se sont élevées en 2018 à 2 830 € à Saint-Martin (90,6 M€ pour 32 000 personnes) et à 270 € à Saint-Barthélemy (2,2 M€ pour 8 000 personnes), deux îles qui se sont trouvées en septembre 2017 au centre du cyclone le plus violent jamais vu dans l’Atlantique Nord. Les deux autres collectivités de moins de 100 000 habitants sont beaucoup mieux dotées (25 000 € par personne de moins de 60 ans à Saint-Pierre-et-Miquelon et 14 000 € à Wallis-et-Futuna).

 

[1] Calculées par différence entre les dépenses totales de l’Etat et les dépenses rattachées à l’Outre-mer.

[2] Ce qui revient pour l’essentiel à prendre toutes les missions du budget général hors engagements financiers.

[3] A l’exception de quelques dépenses fiscales ciblées sur des zones géographiques particulières de la Métropole, notamment la Corse.

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