26/11/2020
Les dépenses budgétaires et fiscales pour l'Outre-mer en 2019
François ECALLE
PDF à lire et imprimer
Le présent billet examine les dépenses budgétaires et fiscales de l’Etat recensées dans le « document de politique transversale » relatif à l’Outre-mer qui est annexé au projet de loi de finances pour 2021. Il compare les dépenses budgétaires et fiscales de l’Etat en faveur de la Métropole et de l’Outre-mer en 2019 en les rapportant à la population de moins de 60 ans. En effet, la population de moins de 60 ans représente une part plus importante de la population dans l’Outre-mer (84 %) qu’en Métropole (74 %). Or les charges de l’Etat dépendent plus de cette tranche de la population, en raison notamment du poids de l’enseignement, et sont donc de ce fait naturellement plus élevées Outre-mer.
Les dépenses budgétaires de l’Etat en faveur de l’Outre-mer se sont élevées à 18,7 Md€ en 2019, soit 8 200 € par personne de moins de 60 ans contre 7 100 € pour les dépenses en faveur de la Métropole. Plus de la moitié de cet écart tient aux compléments de rémunérations dont bénéficient les fonctionnaires en poste Outre-mer.
A ces dépenses budgétaires, il faut ajouter 2 200 € de dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer (taux de TVA inférieurs à ceux de la Métropole…), ce qui fait un écart total de plus de 3 000 € entre les dépenses de l’Etat en faveur de l’Outre-mer et de la Métropole (soit plus de 40 %). Il serait plus important si on retenait la population totale.
La mission budgétaire « Outre-mer » représente 1 200 euros par personne de moins de 60 ans et explique l’écart entre les dépenses budgétaires. Elle permet de financer des dispositifs spécifiques aux zones ultramarines, par exemple des aides à l’emploi.
Les crédits des autres missions en faveur de l’Outre-mer et de la métropole, par personne de moins de 60 ans, sont en moyenne à peu près identiques. Ils sont plus importants en faveur de l’Outre-mer pour ce qui concerne l’enseignement scolaire et plus faibles pour ce qui concerne la Défense, la recherche et l’enseignement supérieur.
Les dépenses budgétaires de l’Etat sont les plus élevées en Guadeloupe (11 300 € par personne de moins de 60 ans), en Guyane et en Martinique (10 000 €) et c’est à Mayotte qu’elles sont les plus faibles (5 100 €) parmi les départements et les collectivités d’Outre-mer de plus de 100 000 habitants.
Ce billet n’a pas pour objet de déterminer si ces écarts sont justifiés ou non, d’autres facteurs que le nombre d’habitants de moins de 60 ans pouvant expliquer le niveau des dépenses de l’Etat pour l’Outre-mer.
A) Les dépenses de l’Etat en faveur de l’Outre-mer sont plus élevées que ses dépenses en faveur de la Métropole
1) Des dépenses budgétaires égales à 8 200 € par personne de moins de 60 ans en faveur de l’Outre-mer contre 7 100 € en métropole
Les « documents de politique transversale » (DPT) annexés au projet de loi de finances comportent une présentation détaillée, par « mission budgétaire », des dépenses consacrées à certaines politiques dites « transversales » parce qu’elles mobilisent des crédits de plusieurs missions. Cette présentation est réalisée en isolant, dans chaque mission, les crédits de paiement qui peuvent être rattachés à cette politique transversale.
S’agissant du DPT relatif à l’Outre-mer, il regroupe ainsi les crédits de la mission « Outre-mer » et ceux de toutes les autres missions (enseignement scolaire, sécurité, justice…) dans la mesure où ils ont une utilité pour les populations ou les entreprises d’Outre-mer (par exemple, pour y payer des enseignants ou des juges). En pratique, il existe des crédits rattachables à l’Outre-mer dans quasiment toutes les missions budgétaires.
Ce DPT inclut également le montant des « prélèvements sur recettes » (comme la dotation globale de fonctionnement) au profit des collectivités territoriales ultramarines.
Les dépenses budgétaires exécutées en 2019 (crédits de paiement) en Outre-mer et en Métropole[1] sont ici comparées sur un périmètre identique correspondant aux missions retenues dans le DPT relatif à l’Outre-mer[2] et aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales.
Les dépenses budgétaires (crédits de paiement) ainsi rattachées à l’Outre-mer se sont élevées à 18,7 Md€ en 2019, contre 339,0 Md€ pour celles qui sont rattachées à la Métropole.
Elles pourraient être rapportées aux populations ultramarines et métropolitaines mais les ratios obtenus seraient peu pertinents dans la mesure où la population ultramarine est plus jeune et pèse ainsi naturellement plus sur le budget de l’Etat (celui-ci consacre, par exemple, le quart de ses dépenses hors intérêts à l’enseignement scolaire). La population métropolitaine pèse en revanche plus sur les dépenses des administrations de sécurité sociale, dont il n’est pas tenu compte dans cette analyse, à travers les retraites et l’assurance maladie. Les dépenses sont donc rapportées à la population de moins de 60 ans.
Ces dépenses budgétaires par personne de moins de 60 ans sont de 8 200 € en faveur de l’Outre-mer et de 7 100 € en faveur de la Métropole, soit un écart d’environ 1 000 €, en 2019.
Les compléments de rémunération dont bénéficient les fonctionnaires en poste Outre-mer, par rapport à ceux qui exercent leurs fonctions en métropole, ont coûté 1,5 Md€ en 2019 et expliquent cet écart à hauteur de 650 €[3].
2) Des dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer de 2 200 € par personne de moins de 60 ans
Le DPT recense également les dépenses fiscales spécifiques à l’Outre-mer et leur coût, dont le total s’est élevé à 5,0 Md€ en 2019, soit 2 200 € par personne de moins de 60 ans. Les plus coûteuses sont les suivantes : taux de TVA inférieurs à ceux de la Métropole (2,1 Md€) ; exonérations de taxe intérieure de consommation de carburants (1,5 Md€) ; réduction du montant de l’impôt sur le revenu pour les résidents Outre-mer (0,4 Md€) ; dispositions en faveur des investissements productifs Outre-mer (0,3 Md€).
Le coût total des dépenses fiscales en 2019 s’est élevé à 99,4 Md€. Celles qui ne sont pas spécifiques à l’Outre-mer sont également accessibles aux contribuables ultramarins et métropolitains[4]. Il est donc possible de considérer, comme le fait le DPT, que les dépenses fiscales ciblées sur l’Outre-mer représentent un effort budgétaire particulier en faveur des départements et collectivités ultramarins.
Ceux-ci bénéficient également de « niches sociales » (l’équivalent des niches fiscales s’agissant des recettes de la sécurité sociale), sous formes d’exonérations spécifiques de cotisations, mais le coût de ces dispositifs est parfois compensé par l’Etat et donc déjà partiellement compté dans les dépenses budgétaires en faveur de l’outre-mer.
Source : Document de politique transversale Outre-mer annexé au projet de loi de finances pour 2021 ; FIPECO.
3) Des dépenses plus élevées pour l’enseignement scolaire et plus faibles pour la Défense en faveur de l’Outre-mer
La décomposition par mission des dépenses en faveur de l’Outre-mer en 2019 qui figure dans le DPT permet d’identifier celles qui sont les plus importantes pour les départements et collectivités ultramarins.
La mission Outre-mer est par définition spécifique à ces territoires et représente une dépense de 1 200 € par personne de moins de 60 ans. Elle comprend notamment des aides à l’emploi spécifiques à l’Outre-mer (exonérations de cotisations sociales par exemple) et des subventions aux collectivités locales visant à améliorer les conditions de vie (logements sociaux…) ainsi que les aides à la reconstruction des zones dévastées par des cyclones.
Les crédits de la mission « relations avec les collectivités locales » et les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités locales qui peuvent être rattachés à l’Outre-mer sont proches de ceux qui sont attribués aux collectivités métropolitaines.
Les crédits de l’enseignement scolaire représentent 2 300 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 1 400 € en Métropole. Les crédits des missions sécurité et justice représentent 700 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 600 € en Métropole.
Inversement, les crédits de la mission Défense représentent 400 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 900 € en Métropole. Les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche représentent 300 € par personne de moins de 60 ans vivant outre-mer contre 600 € en Métropole.
B) Les dépenses budgétaires de l’Etat sont très différentes d’une région ou d’une collectivité à l’autre
Le DPT ventile par région ou collectivité les dépenses budgétaires en faveur de l’Outre-mer, qui peuvent donc être rapprochées de la population de moins de 60 ans.
Les dépenses budgétaires de l’Etat en faveur de l’Outre-mer en 2019
|
Mayotte
|
Guyane
|
Nouvelle Calédonie
|
Polynésie
|
Dépenses budgétaires (M€)
|
1 310
|
2 568
|
1 271
|
1 292
|
Population de moins de 60 ans (1 000)
|
258
|
257
|
241
|
242
|
Dépenses en euros par personne de moins de 60 ans
|
5 077
|
9 992
|
5 274
|
5 339
|
|
|
|
|
|
|
Martinique
|
Guadeloupe
|
La Réunion
|
Outre-mer (*)
|
Dépenses budgétaires (M€)
|
2 558
|
3 156
|
5 596
|
18 740
|
Population de moins de 60 ans (1 000)
|
256
|
279
|
704
|
2 290
|
Dépenses en euros par personne de moins de 60 ans
|
9 992
|
11 311
|
7 949
|
8 183
|
Source :Source : DPT Outre-mer annexé au PLF 2021 ; Insee ; FIPECO
(*) Y compris les collectivités de moins de 100 000 habitants, qui n’apparaissent pas dans ce tableau (Saint-Martin ; Wallis-et-Futuna ; Saint-Pierre-et-Miquelon ; Saint-Barthélemy) et des crédits non répartis.
Les dépenses budgétaires de l’Etat par personne de moins de 60 ans sont les plus importantes en Guadeloupe (11 300 €) et c’est à Mayotte qu’elles sont les plus faibles (5 100 €) parmi les départements et les collectivités de plus de 100 000 habitants. Elles sont supérieures à la moyenne de l’Outre-mer en Martinique, en Guyane et en Guadeloupe. Elles sont presque égales à la moyenne à La Réunion. Elles sont plus faibles que la moyenne et qu’en métropole à Mayotte, en Nouvelle Calédonie et en Polynésie. S’agissant de ces deux dernières collectivités, elles ont plus de compétences transférées par l’Etat, qui intervient donc moins, et une plus grande autonomie fiscale (et des droits de douane importants).
Source : Document de politique transversale Outre-mer annexé au projet de loi de finances pour 2021 ; FIPECO
[1] Calculées par différence entre les dépenses totales de l’Etat et les dépenses rattachées à l’Outre-mer.
[2] Ce qui revient pour l’essentiel à prendre toutes les missions du budget général hors engagements financiers.
[3] Le traitement brut des fonctionnaires en poste dans les DOM est majoré de 40 % (52 % à La Réunion).
[4] A l’exception de quelques dépenses fiscales ciblées sur des zones géographiques particulières de la Métropole, notamment la Corse.