09/03/2022
Les droits de succession
François ECALLE
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Les droits sur les successions et les donations figurent en bonne place dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle pour les diminuer, du côté droit et au centre de l’hémicycle, ou pour les augmenter, du côté gauche.
Ces droits sont nécessaires pour contribuer à l’égalité des chances. Il est en effet difficile de considérer que les revenus et la richesse résultent du travail, des compétences et des risques pris dans une économie de marché si certaines personnes partent dans la vie avec un capital très important alors que la plupart des gens ne reçoivent rien en héritage.
Il est en outre souhaitable que l’Etat redistribue les patrimoines étant donné que les 10 % les plus aisés possèdent environ la moitié du patrimoine total des ménages. Or la fortune héritée en représente 60 % contre 35 % au début des années 1970.
Il est néanmoins parfaitement légitime de disposer de ses biens comme on le souhaite et donc de les donner ou de les léguer, en particulier à son conjoint ou à ses enfants. C’est en outre un motif d’épargne et d’investissement à long terme. S’ils sont nécessaires, les droits sur les donations et successions doivent donc être modérés.
Ils ont été réduits, voire supprimés, dans la plupart des pays de l’OCDE parce que les électeurs rejettent partout cet « impôt sur la mort », alors que la plupart d’entre eux n’auront jamais à le payer. La France fait exception et se trouve au premier rang de l’OCDE avec la Belgique pour le poids de ces droits en pourcentage du PIB (0,7 % en 2020). Les marges de hausse sont donc limitées.
La France est toutefois également au premier rang pour l’ensemble des prélèvements obligatoires sur la détention et la transmission. Ils représentaient 4,4 % du PIB en 2020 pour une moyenne de 2,5 % dans l’Union européenne. Il est donc envisageable de réduire certains de ces prélèvements tout en augmentant les droits sur les plus grosses successions et donations, le tout à recettes fiscales constantes.
A) Les justifications des droits de succession
Les « droits de mutation à titre gratuit » (DMTG) sont nécessaires pour contribuer à l’égalité des chances. Il est en effet difficile de considérer que les revenus et la richesse résultent du travail, des compétences et des risques pris dans une économie de marché si certaines personnes partent dans la vie avec un capital de plusieurs millions d’euros alors que la plupart des gens ne reçoivent rien en héritage.
La redistribution des patrimoines par l’Etat est par ailleurs souhaitable. Comme l’observe le conseil d’analyse économique dans une note de décembre 2021, le patrimoine des ménages représente 600 % de l’ensemble des revenus en 2020 contre 300 % en 1970 et il est de plus en plus concentré depuis une trentaine d’années : la part du premier centile de ménages ayant les fortunes les plus importantes est passée de 15 à 25 % du total entre 1985 et 2015. En 2020, les 10 % de ménages les plus aisés possèdent environ la moitié du patrimoine total des ménages.
Or ces inégalités résultent de plus en plus souvent des héritages et donations. Alors qu’ils représentaient 5 % du revenu national en 1950, ils en représentent plus de 15 % dans les années 2010. La fortune héritée représente désormais 60 % du patrimoine total contre 35 % au début des années 1970. Ces évolutions sont communes à la plupart des pays développés.
En outre, lorsqu’il s’agit de renforcer l’équité, les économistes ont toujours tendance à recommander de redistribuer les « dotations initiales » que sont les héritages plutôt que de redistribuer les revenus et patrimoines avec des outils qui distordent les comportements et incitent à moins travailler ou à moins épargner, comme les taxes sur les revenus ou sur la fortune. Il y a donc généralement un consensus parmi eux sur la pertinence de redistribuer le flux successoral pour favoriser l’égalité des chances.
Pour redistribuer les patrimoines, il est donc préférable et plus efficace de taxer la richesse héritée plutôt que de taxer la richesse accumulée tout au long de sa vie grâce au travail et à l’épargne avec des impôts annuels sur le patrimoine (comme l’ancien impôt de solidarité sur la fortune) ou sur certaines de ses composantes (comme l’actuel impôt sur la fortune immobilière ou les taxes foncières).
Il est néanmoins parfaitement légitime de disposer de ses biens comme on le souhaite et donc de les donner ou de les léguer, en particulier à son conjoint ou à ses enfants. La volonté de léguer est un motif important d’épargne à long terme, notamment d’investissement dans des entreprises, et peut ainsi contribuer utilement au financement de l’économie. Si elle est nécessaire, la taxation des donations et successions doit donc être modérée.
B) La situation de la France
Comme souvent en matière fiscale, les comparaisons internationales permettent de percevoir les limites à ne pas dépasser pour ne pas dégrader la compétitivité des entreprises et l’attractivité du territoire pour les ménages.
Comme le notait l’OCDE dans un rapport de mai 2021, les droits sur les successions et donations ont été réduits dans la plupart de ses pays membres et supprimés dans neuf d’entre eux. En effet, les électeurs rejettent partout cet « impôt sur la mort » alors que la plupart d’entre eux n’auront jamais à le payer. En France également, les sondages montrent régulièrement que les droits de succession figurent parmi les impôts les plus impopulaires.
Le produit des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) en France reste cependant conséquent : ils s’élevaient à 12,5 Md€ sur les successions et à 2,5 Md€ sur les donations en 2020, soit un total de 15,0 Md€ (0,65 % du PIB).
En pourcentage du PIB, ils ont été à peu près stables de 1995 à 2010 puis ont augmenté de 2010 à 2020, en lien avec la hausse de la valeur des patrimoines transmis.
Source : Insee ; FIPECO.
La France se trouve ainsi au premier rang de l’OCDE avec la Belgique pour le poids de ces droits en pourcentage du PIB (0,7 % en 2020). Ils ne représentent que 0,3 % du PIB en Allemagne, 0,2 % au Royaume-Uni, 0,1 % aux Etats-Unis, moins de 0,1 % en Italie et ils ont été supprimés en Suède et au Canada. Les marges de hausse en France paraissent donc limitées.
Source : OCDE ; FIPECO.
La France est toutefois au premier rang de l’Union européenne pour l’ensemble des prélèvements obligatoires sur la détention et la transmission du capital. Ils représentaient 4,4 % du PIB en 2020 pour une moyenne de 2,5 % dans l’Union européenne (1,5 % en Allemagne). Il est donc envisageable de réduire globalement le total de ces prélèvements tout en augmentant un peu les droits sur les successions et donations.
C) Les pistes d’évolution
Dans la note précitée, le conseil d’analyse économique (CAE) présente plusieurs réformes conduisant à majorer les droits sur les successions et donations.
Il considère que les droits pourraient être calculés sur la base de la totalité des dons et legs reçus tout au long de la vie alors que, aujourd’hui, ils sont calculés sur le montant donné ou légué par chaque donateur, d’une part, et qu’il n’est pas tenu compte des donations effectuées depuis plus de 15 ans, d’autre part.
Il considère également que les principales exonérations, totales ou partielles, pourraient être revues. Il s’agit notamment du régime de l’assurance-vie et de celui des démembrements de propriété, qui conduit à exonérer l’usufruit, ou encore des « pactes Dutreil » relatifs à la transmission de biens professionnels. La plus-value latente réalisée depuis l’achat d’un bien jusqu’au décès pourrait faire l’objet d’une taxation spécifique.
Les auteurs de cette note du CAE proposent d’utiliser les recettes fiscales supplémentaires pour garantir à tous les Français un capital minimal à un certain âge.
Cette majoration des DMTG pourrait aussi permettre de réduire ou de supprimer certains prélèvements sur la détention ou la transmission du patrimoine. Deux exemples peuvent être donnés.
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est un impôt sur le patrimoine foncier qui fait double emploi avec les taxes foncières dues par les ménages, si ce n’est que l’IFI est en principe assis sur les valeurs de marché alors que les taxes foncières sont assises sur des valeurs cadastrales établies par l’administration et déconnectées des valeurs de marché. Il serait préférable de supprimer l’IFI et d’avoir seulement des taxes foncières assises sur des valeurs cadastrales rénovées plus proches des valeurs de marché (cf. note sur ce site).
Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) s’appliquent à chaque transaction immobilière, le plus souvent au taux de 5,7 %, et sont dus par l’acheteur (ils sont à tort souvent confondus avec les frais de notaire). Ils sont souvent considérés par les économistes comme un frein à la mobilité. En effet, une personne qui achète un logement pour un prix de 100 doit verser 100 au vendeur et 5,7 au trésor public (outre les véritables frais de notaire), soit un total de 105,7. Si elle doit déménager quelques mois plus tard et si les prix de l’immobilier n’ont pas varié, elle ne peut récupérer que 100 en vendant son logement et perd donc 5,7. Chaque déménagement entraîne ainsi une perte substantielle. Les DMTO, qui ont rapporté 16,0 Md€ en 2020 aux collectivités locales, devraient donc être réduits.
Les médias suivants ont mentionné ce billet :
Le Figaro
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