12/09/2019
Les finances publiques du Royaume-Uni de 1998 à 2018
François ECALLE
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Ce billet a pour objet de présenter l’évolution des finances publiques du Royaume-Uni de 1998 à 2018, en la comparant avec les évolutions observées en France et dans l’ensemble de l’Union européenne.
Les comptes publics du Royaume-Uni étaient excédentaires à l’orée du 21ème siècle, cet excédent étant de nature structurelle, contrairement à ceux de la France et de l’ensemble de l’Union européenne. Ils sont ensuite devenus de plus en plus déficitaires et ce déficit s’est accentué avec la crise pour atteindre 10 % du PIB en 2009, nettement plus qu’en France et dans l’ensemble de l’Union européenne.
Cette dégradation du solde public a été de nature structurelle et a résulté d’une forte augmentation des dépenses publiques (presque 12 points de PIB, surtout du fait des dépenses de santé, de retraites et d’éducation), celles-ci étant toutefois parties d’un niveau particulièrement bas en 1998 et restées au-dessous des niveaux de la France et de la moyenne européenne en 2009.
En 2018, le déficit public a été ramené à 1,5 % du PIB. Cette amélioration résulte d’une forte croissance du PIB mais aussi d’une réduction du déficit structurel plus importante qu’en France et dans l’Union européenne. Ce redressement structurel tient lui-même à une stricte maîtrise des dépenses publiques, dont la croissance a été inférieure à l’inflation et qui ont baissé de 7 points de PIB de 2009 à 2018 (surtout du fait des dépenses d’éducation et des politiques de la famille et du logement) pour revenir à 41 % du PIB.
Les finances publiques britanniques ont donc été surtout marquées par une très forte hausse des dépenses publiques dans les années 2000 et une très forte baisse dans les années 2010, en pourcentage du PIB. Le taux des prélèvements obligatoires a en revanche relativement peu varié et est resté à un très bas niveau (34 % du PIB en 2018).
La dette publique du Royaume-Uni représentait environ 40 % du PIB en 1998, soit 20 points de moins que dans l’ensemble de l’Union européenne ou en France, et la situation était à peu près la même en 2007. Comme le déficit public britannique s’est beaucoup plus creusé pendant la crise et n’a rattrapé que récemment les niveaux français et européen, la dette publique a nettement plus augmenté au Royaume-Uni. En 2018, elle atteignait 87 % du PIB.
A)Le solde du compte des administrations publiques
A la fin du 20ème siècle et au début du 21ème, la capacité de financement (le solde) du compte des administrations publique du Royaume-Uni étaient positive. Dans ces années de forte croissance, d’autres pays se trouvaient dans la même situation et la capacité de financement moyenne était proche de zéro dans l’Union européenne en 2000. Les finances publiques de la France étaient toutefois déficitaires.
Source : Eurostat
Les comptes des administrations publiques britanniques se sont ensuite dégradés et se soldaient par un déficit de 2,6 % du PIB en 2007 à la veille de la crise, très proche de celui de la France mais nettement supérieur à la moyenne européenne.
L’impact des fluctuations de la croissance sur le solde public est neutralisé en estimant un « solde public corrigé du cycle » (graphique suivant). Il diffère du « solde structurel » par l’absence de correction au titre des opérations ponctuelles et temporaires. L’écart entre ces deux mesures étant par définition temporaire, les variations du solde structurel et du solde corrigé sur plusieurs années sont très proches et on considère ici que les soldes structurels et corrigés du cycle sont identiques[1].
Le solde structurel britannique était excédentaire au début du siècle, contrairement à ceux de la France ou de l’Union européenne, et il est ensuite devenu de plus en plus déficitaire, jusqu’à un déficit de 3,7 % du PIB en 2007 un peu moins important que celui de la France mais nettement plus important que la moyenne européenne.
La crise a ensuite creusé le déficit britannique effectif jusqu’à 10 % du PIB en 2009, bien plus qu’en France ou dans l’ensemble de l’Union européenne. Cette dégradation a résulté non seulement de la récession mais aussi de mesures de relance qui ont porté le déficit structurel à 7,5 % du PIB, là aussi bien plus qu’en France ou dans l’ensemble de l’Union européenne.
La situation des finances publiques du Royaume-Uni s’est ensuite quasi continuellement améliorée, plus fortement qu’en France et dans l’Union européenne, et le déficit public effectif était revenu à 1,5 % du PIB en 2018, contre 2,5 % en France et 0,6 % en moyenne dans l’Union européenne.
Source : Commission européenne.
Cette amélioration ne tient pas seulement à une croissance relativement forte du PIB (1,9 % en moyenne annuelle de 2010 à 2018, contre 1,3 % en France et 1,5 % dans l’Union européenne). Elle résulte également d’une réduction de plus de 5 points du déficit structurel entre 2009 et 2018 (un peu plus de 3 points en France et 4 points dans l’Union européenne de 2010 à 2018).
B)Les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires
En 1998, seuls des pays beaucoup plus petits (Irlande, Roumanie et Chypre) avaient des dépenses publiques inférieures à celles du Royaume-Uni, en pourcentage du PIB, dans l’Union européenne. La France et la moyenne de l’Union européenne se situaient à des niveaux bien plus élevés. La dégradation du solde structurel de 2000 à 2009 s’explique essentiellement par la hausse du rapport des dépenses publiques au PIB (presque 12 points). En 2010, les dépenses publiques britanniques étaient proches de la moyenne européenne.
Cette hausse des dépenses publiques au Royaume-Uni est surtout imputable aux dépenses de santé (2,8 points), d’éducation (2,2 points), de retraites (2,2 points) et de logement (1,0 point).
De 2010 à 2018, le rapport des dépenses publiques au PIB a diminué d’environ 7 points au Royaume-Uni, ce qui explique la baisse du déficit structurel. En valeur, les dépenses publiques ont augmenté en moyenne de seulement 1,7 % par an (avec même une baisse en 2013), soit moins que l’inflation (2,1 %).
La baisse de 2010 à 2017 est surtout imputable aux dépenses d’éducation (1,7 point de PIB), de la politique familiale (1,0 point) et de la politique du logement (0,8 point), de défense (0,7 point) et de sécurité intérieure (0,6 point), des services généraux (0,6 point).
En 2018, les dépenses publiques représentaient 40,8 % du PIB au Royaume-Uni, contre 45,8 % dans l’Union européenne et 56,0 % en France. Seuls des pays beaucoup plus petits ont des dépenses plus faibles en Europe.
Source : Eurostat
Le taux des prélèvements obligatoires était très faible au Royaume-Uni en 1998 (31,4 %) et n’a que légèrement augmenté de 1998 à 2008 puis il a diminué en 2009. Il n’a donc que très peu compensé l’augmentation des dépenses publiques de 1998 à 2009, ce qui explique la forte dégradation du déficit structurel[2].
Le taux des prélèvements obligatoires a augmenté de seulement deux points de 2009 à 2018. L’amélioration du solde structurel sur cette période résulte donc surtout de la faible croissance des dépenses publiques. En 2018, le taux des prélèvements obligatoires au Royaume-Uni (34,3 %) reste nettement inférieur à la moyenne européenne (39,2 %) et à celui de la France (46,4 %).
Source : Commission européenne
C)La dette publique
La dette publique du Royaume-Uni représentait environ 40 % du PIB en 1998, soit 20 points de moins que dans l’ensemble de l’Union européenne ou en France, et la situation était à peu près la même en 2007. Comme le déficit public britannique s’est beaucoup plus creusé pendant la crise et n’a rattrapé que récemment les niveaux des déficits de la France et de l’Union européenne, la dette publique a nettement plus augmenté au Royaume-Uni. En 2018, elle atteignait 86,8 % du PIB et se situait au-dessus de la moyenne de l’Union européenne (80,9 %) mais encore au-dessous de celle de la France (98,4 %).
Source : Eurostat.
[1] Les séries de solde structurel de la Commission européenne remontent seulement à 2010.
[2] La variation du solde structurel entre deux années ne s’explique pas seulement par les variations du rapport des dépenses publiques au PIB et du taux des prélèvements obligatoires. En effet, il existe des recettes publiques autres que les prélèvements obligatoires et l’évolution de certaines dépenses, comme les indemnités de chômage, est de nature conjoncturelle et non structurelle.