25/04/2017
Les finances publiques en France et en Europe de 2007 à 2016
François ECALLE
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Eurostat a publié le 24 avril les comptes provisoires des administrations publiques pour l’année 2016.
La situation des finances publiques de la France s’est aggravée en 2016 par rapport à la situation moyenne des pays de la zone euro ou de l’Union européenne.
Son déficit public a nettement moins diminué que celui de ses partenaires européens et seul celui de l’Espagne est plus élevé en 2016.
Ses dépenses publiques ont un peu moins baissé, en pourcentage du PIB, que la moyenne de la zone euro ou de l’Union européenne et la France est désormais au premier rang de l’Union européenne (donc très probablement au premier rang de l’OCDE). Ses recettes publiques, en pourcentage du PIB, ont diminué légèrement plus que celles de ses partenaires européens.
Enfin, sa dette publique a continué à augmenter alors que celles de l’Union européenne et de la zone euro ont nettement diminué. La divergence des trajectoires des dettes françaises et allemandes s’est fortement accentuée.
A) La France au deuxième rang de l’Union européenne pour son déficit public
En 2007, juste avant la crise, le déficit public de la France était déjà sensiblement plus important que les moyennes de la zone euro et de l’Union européenne, tandis que les comptes publics de l’Allemagne se soldaient par un excédent.
Sources : Eurostat ; FIPECO
La crise a un peu moins fortement affecté les finances publiques de la France dont le solde public s’est un peu rapproché des moyennes européennes en 2010. Depuis 2011, les écarts se sont accentués.
En 2016, le déficit public a diminué de 0,2 point de PIB en France, contre 0,6 point dans la zone euro et 0,7 point dans l’Union européenne. Seule l’Espagne a un déficit public (4,5 % du PIB) supérieur à celui de la France (3,4 %). Ce sont les deux seuls pays à enregistrer un déficit public supérieur à 3,0 % du PIB (ceux du Royaume-Uni et de la Roumanie étaient exactement de 3,0 % du PIB).
L’excédent du compte des administrations publiques allemandes a continué à augmenter en 2016, de 0,1 point, pour atteindre 0,8 % du PIB.
B) La France au premier rang pour le niveau de ses dépenses publiques
1) Les dépenses publiques de la France étaient déjà bien plus élevées en 2007 et elles le sont restées pendant la crise
Les dépenses publiques, en y incluant les crédits d’impôts[1] conformément aux règles de la comptabilité nationale, étaient déjà beaucoup plus importantes en France en 2007 que, en moyenne, dans la zone euro et l’Union européenne. L’écart avec l’Allemagne était déjà d’environ 10 points de PIB.
Sources : Eurostat ; FIPECO
La crise a entraîné une forte hausse du ratio dépenses publiques / PIB dans tous les pays européens, à la fois parce que le numérateur a augmenté du fait des mesures de relance et parce que le dénominateur a diminué en 2008-2009, années marquées par une récession.
En 2011, le rapport des dépenses publiques au PIB a diminué dans tous ces pays sous l’effet de l’arrêt des mesures de relance (baisse du numérateur) et de la reprise de l’activité (hausse du dénominateur).
2) Depuis 2011, la croissance en valeur des dépenses en France est supérieure à la moyenne de la zone euro alors que son PIB augmente moins
A partir de 2011, les pays européens ont engagé des programmes de redressement de leurs comptes publics comprenant des mesures d’économies qui ont permis de limiter la croissance en valeur des dépenses publiques à 1,3 % dans la zone euro (moyenne annuelle de 2011 à 2016). L’augmentation des dépenses publiques a été plus forte en France avec une moyenne annuelle de 1,8 %. En outre, la croissance du PIB en valeur y a été limitée à 1,6 % en moyenne sur cette période alors qu’elle a été de 2,0 % dans la zone euro[2].
En conséquence, le ratio dépenses publiques / PIB de la France a légèrement augmenté de 2011 (55,9 % du PIB) à 2016 (56,2 %) alors qu’il baissait nettement dans la zone euro (de 49,2 % du PIB à 47,7 %). Dans l’Union européenne, il est passé de 48,6 % du PIB en 2011 à 46,6 % en 2016.
S’agissant de la seule année 2016, la croissance en valeur des dépenses a été de 1,1 % en France comme dans la zone euro, mais le PIB a plus augmenté dans la zone euro (2,7 %) qu’en France (2,0 %). En conséquence, le ratio dépenses / PIB a baissé de 0,5 point en France contre 0,8 point dans la zone euro (0,6 point dans l’Union européenne).
3) La France est passée au premier rang pour le niveau des dépenses publiques en 2016
La France est passée en 2016 au premier rang de l’Union européenne, et presque certainement de l’OCDE, pour le niveau de ses dépenses publiques (56,2 % du PIB), en dépassant la Finlande (56,1 %) qui tenait jusque-là cette première place[3].
Ses dépenses publiques sont supérieures de 8,5 points de PIB à celles de la moyenne de la zone euro (47,7 %), de 9,6 points à celles de la moyenne de l’Union européenne (46,6 %) et de 11,9 points à celles de l’Allemagne (44,3 %).
Sources : Eurostat ; FIPECO
C) Les recettes publiques restent bien plus élevées en France
Eurostat a publié le total des recettes publiques de chaque pays en 2016 mais pas encore le montant de leurs prélèvements obligatoires (certaines recettes publiques, comme les redevances pour services rendus ou les dividendes tirés par l’Etat de ses participations dans des entreprises, ne sont pas des prélèvements obligatoires). Les prélèvements obligatoires constituent toutefois l’essentiel des recettes publiques (84 % en France en 2016).
Sans réduire pour autant son déficit aussi fortement que les autres pays, la France a relevé ses recettes publiques de 2,0 point de PIB de 2011 à 2016, en prenant des mesures de hausse des prélèvements obligatoires, alors que ce ratio augmentait de 1,3 point dans la zone euro et de 0,9 point dans l’Union européenne.
En 2016, comme en 2015, ce mouvement de hausse s’est inversé dans beaucoup de pays et le ratio recettes / PIB a diminué de 0,3 point en France tandis qu’il baissait de 0,2 point de PIB dans la zone euro et qu’il était stable dans l’Union européenne.
Cette évolution des recettes publiques suggère que la France est restée en 2016 au 2ème rang de l’Union européenne et de l’OCDE pour le taux de ses prélèvements obligatoires, ce qui devra être confirmé par l’OCDE.
Sources : Eurostat ; FIPECO
D) La dette publique de la France s’éloigne de la moyenne européenne et plus particulièrement de la dette de l’Allemagne
De 1995 à 2007, les dettes publiques de la France et de l’Allemagne ont toujours été quasiment identiques en pourcentage du PIB. Bien que les déficits publics allemands aient été plus faibles au cours des années 2008 à 2010, elles sont restées très proches car les administrations publiques allemandes se sont fortement endettées pour doter en capital des institutions financières en difficulté[4].
A partir de 2011, les trajectoires des dettes des deux pays ont fortement divergé. En effet, d’une part, le solde public allemand est largement supérieur à celui qui est nécessaire pour stabiliser la dette alors que celui de la France est encore inférieur de 1,5 point de PIB à ce « solde stabilisant » ; d’autre part, les établissements financiers allemands en difficulté ont remboursé une partie de leurs dettes aux administrations publiques et celles-ci ont pu elles-mêmes se désendetter.
En 2016, la dette publique de l’Allemagne (68,3 % du PIB) est ainsi inférieure de presque 28 points de PIB à celle de la France (96,0 %), qui continue à augmenter.
Sources : Eurostat ; FIPECO
La dette publique de la France était quasiment identique, en pourcentage du PIB, à la moyenne de la zone euro et supérieure de 6,5 points à celle de l’Union européenne en 2007. Ces écarts n’ont pas beaucoup varié jusqu’à 2012. Depuis 2013, le ratio de la France s’éloigne des moyennes de la zone euro et de l’Union européenne.
En 2016, la dette publique de la France a augmenté de 0,4 point pour atteindre 96,0 % du PIB tandis que celle de la zone euro baissait de 1,1 point pour revenir à 89,2 % et celle de l’Union européenne de 1,4 points pour revenir à 83,5 %. La dette publique allemande a diminué de 71,2 % du PIB fin 2015 à 68,3 % fin 2016. Si la dette de la France reste sensiblement inférieure à celle de l'Italie (132,6 % du PIB) et de la Belgique (105,9 %), elle n’est plus très loin de celle de l’Espagne (99,4 %), qui diminue depuis 2014.
[1] Les « crédits d’impôts » sont toujours remboursables et indépendants de l’impôt dû, ce qui les distingue des « réductions d’impôts » ; celles-ci ne donnent pas lieu à remboursement si elles dépassent l’impôt dû.
[2] La comparaison des évolutions en valeur des dépenses et du PIB dans l’Union européenne présente des difficultés méthodologiques car elle implique de convertir les monnaies nationales dans une monnaie commune. Ces évolutions résultent donc pour partie des variations des taux de change.
[3] Remplacer le CICE par une baisse de cotisations patronales, ce qui présenterait d’importantes difficultés, se traduirait par une diminution des dépenses publiques d’environ 1 point de PIB (et une hausse du déficit public d’un même montant pendant la transition) comme le montre la note consacrée à ce sujet sur ce site.
[4] En comptabilité nationale, les dotations en capital sont des opérations financières qui n’ont pas d’impact sur le déficit public. Eurostat peut toutefois les requalifier en subventions, ce qui aggrave le déficit public, si elles ne correspondent pas au comportement d’un actionnaire avisé, ce qui a été plusieurs fois le cas de l’Allemagne et de la France.