02/05/2019
Les finances publiques en France et en Europe en 2018
François ECALLE
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Les comptes provisoires des administrations publiques des pays de l’Union européenne publiés le 23 avril par Eurostat permettent une première comparaison des finances publiques de la France et des autres pays européens en 2018. Elle devra être complétée par une analyse des composantes conjoncturelles et structurelles des soldes publics lorsque les organisations internationales (Commission européenne, OCDE, FMI) les auront publiées.
En 2018, le déficit public de la France a un peu moins diminué que la moyenne de la zone euro ou de l’Union européenne et s’est situé, à 2,5 % du PIB, au troisième rang de l’Union. Le déficit public était en moyenne égal à 0,5 % du PIB dans la zone euro et à 0,6 % dans l’Union européenne. Les comptes de 13 pays étaient excédentaires, notamment ceux de l’Allemagne (1,7 % du PIB).
La croissance des dépenses publiques en France (1,9 %) a été nettement plus faible que dans la zone euro (2,7 %) et en Allemagne (3,2 %), où la progression des investissements (8,3 %) et de la masse salariale (3,9 %) des administrations est particulièrement notable. Mais la croissance en valeur du PIB a été plus faible en France (2,5 % contre 3,3 % dans la zone euro et en Allemagne).
Le ratio dépenses publiques / PIB n’a donc pas beaucoup plus diminué en France (- 0,4 point de PIB) que dans la zone euro et l’Union européenne (- 0,2 point), tandis qu’il s’est stabilisé en Allemagne. La France est restée au premier rang pour le niveau de ses dépenses publiques (56,0 % du PIB contre 46,8 % dans la zone euro et 45,6 % dans l’Union européenne).
Le rapport des recettes publiques (surtout composées de prélèvements obligatoires) au PIB a baissé de 0,1 point en France alors qu’il a augmenté de 0,2 point dans la zone euro et l’Union européenne (0,6 point en Allemagne). En France, la baisse de ce ratio résulte de deux mouvements de sens contraire : des mesures législatives qui ont contribué à le diminuer et une croissance des prélèvements obligatoires à législation constante supérieure à celle du PIB. Cette décomposition entre mesures législatives et évolution à législation inchangée n’est pas encore possible pour les autres pays.
La dette publique de la France est restée stable de la fin de 2017 à la fin de 2018, en pourcentage du PIB, alors qu’elle a baissé de 2,0 points de PIB dans la zone euro et de 1,7 point de PIB dans l’Union européenne. La dette de la France (98,4 % du PIB) est ainsi restée proche de 100 % du PIB à la fin de 2018 alors que la moyenne de la zone euro était de 85,1 % du PIB et celle de l’Union européenne de 80,0 %. Celle de l’Allemagne était de 60,9 % du PIB. La divergence entre les dettes publiques de la France et des pays du nord de l’Europe, notamment l’Allemagne, est préoccupante pour la cohésion de la zone euro.
A)Le déficit public
Le déficit public a diminué de 0,3 point de PIB en France en 2018 alors qu’il a baissé de 0,5 point en moyenne dans la zone euro et de 0,4 point dans l’Union européenne. Il s’est ainsi établi à 2,5 % du PIB en France en 2018, alors que la moyenne est de 0,5 % du PIB dans la zone euro et 0,6 % dans l’Union européenne.
La France était le 3ème pays de l’Union européenne, à égalité avec l’Espagne, par l’importance de son déficit public en 2018 (derrière Chypre et la Roumanie). Les comptes de 13 pays étaient excédentaires, notamment ceux de l’Allemagne (1,7 % du PIB), des Pays-Bas (1,5 %) et de la Suède (0,9 %). L’Italie et le Royaume-Uni avaient des déficits inférieurs à celui de la France (respectivement 2,1 et 1,5 % du PIB).
Les déficits publics de la France et de l’Allemagne ont divergé à partir de 2006. L’écart entre le déficit de la France et la moyenne de la zone euro ou de l’Union européenne s’est accentué à partir de 2014.
Source : Eurostat ; FIPECO.
En pourcentage du PIB, la réduction du déficit public a résulté en France d’une baisse de 0,4 point des dépenses et d’une diminution de 0,1 point des recettes des administrations publiques. Dans la zone euro et l’Union européenne, elle a résulté d’une baisse de 0,2 point des dépenses et d’une hausse de 0,2 point des recettes.
B)Les dépenses publiques
Les dépenses publiques (crédits d’impôts inclus) sont passées de 56,4 % du PIB en 2017 à 56,0 % en 2018 en France alors qu’elles ont baissé de 47,0 à 46,8 % du PIB dans la zone euro et de 45,8 à 45,6 % dans l’Union européenne. Elles sont restées stables à 43,9 % du PIB en Allemagne.
Malgré une baisse un peu plus forte en 2018 que dans la moyenne des autres pays, la France est restée au premier rang de l’Union européenne, et très probablement de l’OCDE, pour ses dépenses publiques, devant la Finlande (53,1 % du PIB), la Belgique (52,4 %) et le Danemark (51,4 %). Dans tous les autres pays, les dépenses publiques étaient inférieures à 50 % du PIB.
Comme le montre le graphique ci-joint, les dépenses publiques ont atteint un point haut pendant la crise en 2009 dans presque tous les pays européens. Ensuite, elles ont nettement moins diminué en France que la moyenne de la zone euro ou de l’Union européenne, malgré cette légère réduction de l’écart en 2018.
Source : Eurostat ; FIPECO.
Les dépenses publiques ont augmenté en euros de 1,9 % en France en 2018, contre 2,7 % dans la zone euro et 3,2 % en Allemagne[1]. La charge d’intérêt et les subventions mises à part, la croissance a été nettement plus faible en France que dans la zone euro ou en Allemagne pour toutes les catégories de dépenses.
Les taux de croissance des dépenses publiques en euros en 2018 (%)
|
France
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Zone euro
|
Allemagne
|
Rémunérations
|
1,1
|
2,9
|
3,9
|
Achats courants de biens et services
|
1,9
|
2,8
|
3,5
|
Investissement
|
3,5
|
5,1
|
8,3
|
Prestations sociales
|
1,8
|
2,6
|
2,8
|
Subventions
|
3,5 (a)
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4,7
|
1,8
|
Intérêts
|
0,5
|
- 2,7
|
- 8,3
|
Dépenses publiques totales
|
1,9
|
2,7
|
3,2
|
Source : Eurostat ; FIPECO. (a) hors CICE.
On peut noter la progression particulièrement rapide des investissements et de la masse salariale des administrations publiques en Allemagne, qui répond aux recommandations faites à ce pays par les organisations internationales.
Le rapport des dépenses publiques au PIB a été réduit, dans la zone euro, ou stabilisé, en Allemagne, en 2018 parce que la croissance du PIB en valeur y a été forte : 3,3 % à la fois dans la zone euro et en Allemagne, contre seulement 2,5 % en France[2]. L’écart entre les taux de croissance en volume du PIB de la France et des autres pays est plus resserré (1,8 % dans la zone euro et 1,4 % en Allemagne contre 1,6 % en France), l’indice du prix du PIB ayant plus fortement progressé dans la zone euro (1,5 %) et en Allemagne (1,9 %) qu’en France (0,9 %)[3].
C)Les recettes publiques
Les recettes publiques comprennent les prélèvements obligatoires (PO) et des recettes « non obligatoires » comme les redevances d’utilisation du domaine public, les dividendes des entreprises dans lesquelles l’Etat détient une participation ou encore le produit de la vente de services par les administrations. Le rapport des recettes publiques au PIB n’est donc pas égal au taux des PO mais ces deux ratios ont généralement des évolutions très proches car les PO forment l’essentiel des recettes publiques. Les statistiques européennes disponibles pour 2018 ne distinguent pas les PO des autres recettes publiques.
La part des recettes publiques totales dans le PIB est passée en France de 53,6 % en 2017 à 53,5 % en 2018 alors qu’elle est passée de 46,1 à 46,3 % du PIB dans la zone euro et de 44,8 à 45,0 % dans l’Union européenne (de 45,0 à 45,6 % en Allemagne).
Les variations annuelles de ce ratio peuvent avoir deux explications : des mesures législatives peuvent augmenter ou réduire les prélèvements obligatoires ; l’élasticité des recettes publiques au PIB (le rapport entre les taux de croissance des recettes à législation constante et du PIB en valeur) peut différer de l’unité.
En France (cf. mon commentaire de début avril), la baisse du taux des PO en 2018 résulte de deux mouvements de sens contraire : des mesures législatives qui ont contribué à le diminuer et une élasticité de 1,2 qui a contribué à l’augmenter.
Il est possible que l’élasticité des recettes au PIB ait été supérieure à l’unité sans que des mesures législatives importantes ne réduisent les PO dans les autres pays, mais cette hypothèse reste à vérifier.
D)La dette publique
La dette publique de la France est restée stable de la fin de 2017 à la fin de 2018, en pourcentage du PIB, alors qu’elle a baissé de 2,0 points de PIB dans la zone euro et de 1,7 point de PIB dans l’Union européenne. L’Italie, la Grèce et Chypre sont les seuls pays où elle a augmenté.
La dette publique de la France (98,4 % du PIB) est ainsi restée proche de 100 % du PIB alors que la moyenne de la zone euro était de 85,1 % du PIB et celle de l’Union européenne de 80,0 %. La dette de l’Allemagne (60,9 %) s’approche du seuil de 60 %, au-dessous duquel se trouvent déjà la moitié des pays de l’Union européenne.
Seuls cinq pays de l’Union européenne avaient une dette publique supérieure à celle de la France à la fin de 2018 : la Grèce (181,1 % du PIB), l’Italie (132,2 %), le Portugal (121,5 %), Chypre (102,5 %) et la Belgique (102,0 %).
La divergence depuis quelques années entre les dettes publiques de la France et des pays du sud de l’Europe, d’un côté, et de l’Allemagne et des pays du nord de l’Europe, d’un autre côté, est préoccupante pour la cohésion de la zone euro.
Source : Eurostat ; FIPECO.
[1] La croissance des recettes ou des dépenses dans l’Union européenne exprimée dans une monnaie commune n’est pas indiquée ici car elle peut être affectée par des variations des taux de change.
[2] Le PIB utilisé pour estimer ces ratios de finances publiques est tiré des comptes trimestriels de 2018. Le compte annuel, qui sera publié par l’Insee fin mai, pourrait être différent.
[3] Bien que l’indice harmonisé des produits à la consommation ait augmenté en moyenne annuelle de 2,0 % en France, de 1,8 % dans la zone euro et 1,9 % en Allemagne.