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14/05/2020

Les finances publiques locales en 2019

François ECALLE

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Ce billet examine la situation des finances publiques locales en 2019, telle qu’elle apparait dans le compte des « administrations publiques locales » (APUL) de la comptabilité nationale, tout en rappelant les principales évolutions observées dans le passé.

Après avoir enregistré un léger excédent de 2016 à 2018, les APUL étaient de nouveau en déficit en 2019, mais de moins de 0,1 % du PIB (0,9 Md€). Leur endettement a augmenté de 4,6 Md€, pour plus de la moitié du fait de la société du Grand Paris, pour atteindre 210,3 Md€ (8,7 % du PIB).

L’augmentation des recettes des APUL a été de 8,2 Md€ (3,1 %). Les impôts ont augmenté de seulement 1,4 Md€ (1,0 %), surtout parce qu’une nouvelle fraction de la taxe d’habitation a été remplacée par un transfert de l’Etat (un dégrèvement en comptabilité budgétaire). Ces transferts ont ainsi été accrus de 6,5 Md€ (8,9 %).

En pourcentage du PIB, les dépenses des APUL ont augmenté de 3,7 points entre 1987 et 2013, dont moins de 1,5 point est explicable par les transferts de compétences de l’Etat. Une baisse de 0,9 point a ensuite été enregistrée de 2013 à 2018 sous la pression de la baisse des dotations de l’Etat.

En 2019, une nouvelle hausse, de 0,2 point de PIB, a été enregistrée. En effet, les dépenses des APUL ont fortement augmenté, de 11,7 Md€ (4,5 %), pour atteindre 271 Md€, soit 11,2 % du PIB (11,0 % en 2018). Leurs dépenses de fonctionnement se sont accrues de 1,9 % et leur masse salariale a augmenté de 1,7 %.

Après une forte baisse dans les années 2014-2016, les dépenses d’investissement des APUL sont reparties à la hausse en 2017-2018 et ont accéléré en 2019, comme souvent l’année précédant des élections municipales. Elles ont augmenté de 7,8 Md€ (y compris les subventions d’investissement versées), soit une croissance de 14,8 %, en 2019.

A) Le solde du compte des APUL et leur endettement

Les « administrations publiques locales » (APUL) regroupent non seulement les collectivités territoriales, avec leurs budgets principaux et annexes, et les établissements publics de coopération intercommunales mais aussi les « organismes divers d’administration locale ». Ces derniers sont constitués des établissements publics locaux tels que les centres communaux d’action sociale, les services départementaux d’incendie et de secours, les collèges et les lycées, ainsi que de certains établissements publics nationaux dont l’activité s’exerce sur une partie du territoire comme les parcs nationaux, les chambres consulaires ou les agences de l’eau.

En revanche, les services publics industriels et commerciaux locaux (distribution d’eau…), quelle que soit leur mode de gestion (délégation de service public ou régie), ne font pas partie des APUL, parce que leur activité est principalement « marchande » au sens des comptes nationaux.

1) Le solde du compte des APUL

En comptabilité nationale, le compte des APUL se solde par une capacité ou un besoin de financement (excédent ou déficit) qui est égal à la différence entre leurs recettes et dépenses non financières (c’est-à-dire hors emprunts et remboursements d’emprunts). Les dépenses prises en compte comprenant les investissements non financiers, les APUL peuvent se trouver en déficit (avoir un « besoin de financement ») en dépit de la « règle d’or » budgétaire qui impose aux collectivités locales de ne pas être en déficit. En effet, cette règle d’or les oblige seulement à équilibrer leurs dépenses de fonctionnement par leurs recettes de fonctionnement et elles peuvent financer leurs investissements non financiers par de nouveaux emprunts[1].

Les administrations publiques locales avaient un important besoin de financement, supérieur à 1 point de PIB au début des années 1980, avant la première vague de décentralisation. Ce déficit est ensuite resté autour de 0,5 point de PIB jusqu’au début des années quatre-vingt-dix où il a nettement diminué pour se transformer en une légère capacité de financement (0,1 ou 0,2 point de PIB) dans la période 1997-2002.

Source : Insee ; FIPECO

Les administrations publiques locales ont renoué en 2004 avec des déficits qui ont atteint 0,5 point de PIB en 2008 avant de fluctuer entre 0 et 0,4 point de PIB de 2009 jusqu’à 2015, où leur solde était quasiment nul. De 2016 à 2018, il était légèrement excédentaire (0,1 point de PIB).

En 2019, les APUL avaient un besoin de financement de 0,9 Md€, soit moins de 0,1 % du PIB (après une capacité de financement de 2,7 Md€ en 2018), alors que l’ensemble des administrations publiques avait un besoin de financement de 72,8 Md€ (3,0 % du PIB).

2) L’endettement des APUL

La réduction du besoin de financement des APUL puis l’apparition d’une capacité de financement, entre le début des années quatre-vingt-dix et le début des années deux mille, a entraîné une diminution de leur endettement en points de PIB, qui est ainsi passé de plus de 9 points en 1995 à 6,7 points en 2004.

Le retour à des besoins de financement significatifs à partir de 2004 a ensuite entraîné une remontée du rapport de la dette des APUL au PIB qui a presque retrouvé à la fin de 2016 son niveau de 1995, soit 9,0 % du PIB. Une légère décrue s’est amorcée en 2017.

A la fin de 2019, la dette des APUL s’élevait à 210,3 Md€, soit 8,7 points de PIB et 8,8 % de la dette publique totale (après 205,7 Md€ et 8,7 % du PIB fin 2018). Leur charge d’intérêt était de 1,1 Md€ en 2019.

Cette hausse de 4,6 Md€ en 2019 tient pour 2,6 Md€ à la société du Grand paris, qui fait partie des organismes divers d’administration locale. Elle est plus importante que le besoin de financement des APUL car cet endettement supplémentaire a servi pour partie à augmenter leurs actifs financiers (liquidités surtout).

En 2018, la dette des APUL était constituée à hauteur de 89 % par des emprunts bancaires à long terme et, à hauteur de 9 %, par des titres de créances à long terme (emprunts obligataires). La part de ces derniers est en augmentation régulière depuis quelques années (elle était de seulement 3 % en 2008).

Source : Insee ; FIPECO

B) Les recettes et dépenses des APUL

1) Les recettes des APUL

En 2019, les recettes des administrations publiques locales se sont élevées à 270,2 Md€, en hausse de 8,2 Md€ (3,1 %) par rapport à 2018.

En comptabilité nationale et selon Eurostat, elles sont composées principalement d’impôts, pour 52 %, et de transferts en provenance des autres administrations publiques (essentiellement l’Etat) et de l’Union européenne, pour 30 %. Le reste est surtout constitué du produit de la vente de biens et services (redevances pour services rendus, participation résiduelle des ménages au financement des services publics locaux).

Les parts respectives des impôts, des transferts de l’Etat et du produit de la vente de biens et services dans les recettes totales des APUL ont souvent fortement varié dans le passé, l’Etat remplaçant des impôts par des transferts ou inversement.

En 2019, les impôts ont augmenté de seulement 1,4 Md€ (1,0 %). En effet, si les droits de mutation à titre onéreux ont cru de 1,5 Md€, la taxe foncière de 0,8 Md€ et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de 1,0 Md€, une nouvelle fraction de la taxe d’habitation (plus de 3,0 Md€) a été remplacée par un transfert de l’Etat (un dégrèvement en comptabilité budgétaire). Ces transferts ont ainsi augmenté de 6,5 Md€ (8,9 %).

2) Les dépenses des APUL

a) Leur évolution dans le passé

Les dépenses des APUL représentaient 11,9 points de PIB en 2013, contre seulement 8,2 points en 1987. Cette augmentation de 3,7 points est en partie imputable au transfert de nouvelles compétences et de nouvelles charges par l’Etat aux collectivités locales.

Pour en tenir compte (courbe « hors dépenses transférées par l’Etat » du graphique ci-joint), ont été déduites des dépenses des APUL les dépenses correspondant au RMI et au RSA, à l’allocation personnelle d’autonomie (APA), aux collèges et lycées (fonctionnement et investissement), à la formation professionnelle, aux services d’incendie et de secours et aux transports ferroviaires régionaux conformément à la méthode utilisée dans le rapport de 2006 de P. Richard sur « les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales ». Leur montant a été relevé jusqu’à 1996 dans ce rapport puis dans les rapports annuels de l’observatoire des finances locales qui a repris cette méthode.

Source : Rapport de P. Richard (2006) ; rapports de l’observatoire des finances locales ; Insee ; FIPECO.

Toutefois, le dynamisme de ces dépenses transférées par l’Etat, plus fort que celui des autres dépenses locales, pourrait résulter pour partie de leur gestion par les collectivités locales. En les soustrayant entièrement des dépenses des APUL, la contribution de celles-ci à la croissance des dépenses publiques est donc minorée.

Ainsi corrigées sous cette réserve, les dépenses des APUL ont une tendance fortement croissante de 1987 à 1996 puis accusent une baisse en 1997 et 1998 avant de reprendre leur hausse jusqu’à 2013, où elles ont atteint 10,2 % du PIB. Leur hausse de 1988 à 2013 a représenté 2,2 points de PIB. Les transferts de compétences de l’Etat expliquent donc moins de 1,5 point sur les 3,7 points de PIB de hausse des dépenses des APUL de 1987 à 2013.

Une baisse significative a ensuite été enregistrée, le rapport des dépenses publiques locales au PIB ayant diminué de 0,9 point entre 2013 et 2018 pour revenir à 11,0 % du PIB, sous l’effet notamment de la baisse des dotations de l’Etat pendant les années 2014 à 2017.

b) Leur évolution en 2019

En 2019, les dépenses des administrations publiques locales ont augmenté de 11,7 Md€ (4,5 %) pour atteindre 271 Md€ soit 11,2 % du PIB (après 11,0 % en 2018). La croissance de leurs dépenses de fonctionnement a été de 1,9 % et celle de leurs dépenses d’investissement (y compris les subventions d’investissement versées) a été de 14,8 %.

En 2018, l’Etat a passé des contrats avec les principales collectivités dans lesquels il s’est engagé à stabiliser ses dotations en contrepartie d’un plafonnement à 1,2 % de la progression de leurs dépenses de fonctionnement sur les années 2018 à 2020. Les objectifs de ce dispositif ont été atteints en 2018 mais ne semblent pas l’avoir été en 2019 au vu des comptes nationaux. Toutefois, les dépenses de fonctionnement visées par ces contrats ne sont pas tout à fait celles de la comptabilité nationale et le champ des collectivités territoriales concernées n’est pas non plus exactement celui des APUL. Une analyse plus précise de ces contrats est donc nécessaire.

La croissance des dépenses de fonctionnement des APUL est assez largement déterminée par celle de leur masse salariale, qui en représente 39 % et qui a également enregistré une nette inflexion à partir de 2015. En 2019, la croissance de la masse salariale des APUL a été de 1,7 %, tirée vers le haut par une nouvelle étape de la mise en œuvre de la réforme des grilles salariales.

Alors qu’elles avaient augmenté en moyenne de 3,5 % par an de 2010 à 2016, les prestations sociales ont vu leur progression ralentir en 2017 (0,4 %), 2018 (1,3 %) et 2019 (0,9 %).

La charge d’intérêt (hors frais bancaires et en comptabilité nationale) ne représente plus que 1,0 Md€ en 2019, en baisse de 0,3 Md€ par rapport à 2018 du fait de la poursuite de la diminution du taux d’intérêt moyen du stock de dette des collectivités locales.

Source : Insee ; FIPECO

Les dépenses d’équipement des communes et de leurs groupements (57 % des investissements des APUL) suivent un « cycle électoral » : elles diminuent l’année des élections municipales et, souvent, l’année suivante, parce que les nouvelles équipes doivent d’abord choisir les projets, puis suivre des procédures parfois longues, en particulier de passation des marchés publics, pour les réaliser. Au cours des années suivantes de la mandature, les investissements augmentent, surtout l’année précédant la prochaine élection.

La très forte baisse de l’investissement public local en 2014, 2015 et 2016 ne peut cependant pas s’expliquer seulement par les élections municipales de 2014. Elle résulte aussi pour une large part de la baisse des dotations de l’Etat. Les dépenses d’investissement des collectivités territoriales sont reparties à la hausse en 2017 et ont accéléré en 2019.

La formation brute de capital fixe (FBCF) des APUL a augmenté de 7,0 Md€ en 2019 (15,2 %) et les aides à l’investissement de 0,8 Md€ (11,9 %), surtout du fait des communes mais aussi, d’après l’Insee, de la société du Grand Paris (montant non disponible).

La contribution des APUL à l’effort national d’investissement (FBCF + aides à l’investissement versées – aides à l’investissement reçues) s’est élevée à 48,6 Md€ (2,0 % du PIB), en hausse de 14,6 % par rapport à 2018.

Source : Insee ; FIPECO ; investissements financés par les APUL (FBCF + aides à l’investissement versées – aides à l’investissement reçues) ; une barre verte désigne une année d’élection municipale ou la suivante.

 

[1] Les collectivités locales doivent également équilibrer la « section d’investissement » de leur budget mais cette section comprend les opérations financières et elle peut être équilibrée par de nouveaux emprunts.

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