16/05/2019
Les investissements publics en France et en Europe
François ECALLE
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De nombreux économistes conseillent de profiter de la période actuelle de taux d’intérêt très bas pour augmenter les investissements publics en Europe. Sans se prononcer sur cette question, ce billet fait le point sur l’évolution de l’investissement public au cours des dernières années et sur son niveau en 2018 en France et dans l’Union européenne. Il examine ensuite sa répartition par catégorie d’administration, par produit et par fonction (ou politique publique).
Après avoir atteint un point haut en 2009, du fait notamment des plans de relance, l’investissement public en France et dans les autres pays européens a diminué sous l’effet des programmes d’ajustement budgétaire, mais il est reparti récemment à la hausse. En 2018, il a augmenté de 4,1 % en France, de 6,9 % dans l’Union européenne, de 5,8 % dans la zone euro et de 7,1 % en Allemagne. En pourcentage du PIB, il reste toutefois en 2018 inférieur à son niveau d’avant la crise (2007), de 0,4 point de PIB en France et dans l’Union européenne et de 0,7 point dans la zone euro. Il lui est supérieur de 0,4 point de PIB en Allemagne.
En France, les administrations publiques locales ont réalisé 57 % des investissements publics en 2018. La répartition des investissements entre les catégories d’administrations publiques (centrales, locales et sociales) est très variable d’un pays à l’autre. Elle dépend du degré de décentralisation des compétences mais aussi, dans une moindre mesure, du classement statistique des hôpitaux publics (hors des administrations publiques en Allemagne et dans les administrations centrales au Royaume-Uni).
En pourcentage du PIB, les investissements publics sont nettement plus élevés en France que dans les autres pays européens dans la recherche, le logement, les loisirs et la culture. Ils sont un peu plus faibles dans les « services généraux » et dans les transports. Les investissements militaires ne sont pas sensiblement plus importants en France.
A)L’évolution et le niveau en 2018 des investissements publics
Les comptes nationaux permettent de connaître la « formation brute de capital fixe » (FBCF) des administrations publiques (79,7 Md€ en 2018 en France), qui est constituée de leurs acquisitions, nettes des cessions, d’actifs corporels et incorporels. Les administrations publiques (APU) ne comprennent pas les entreprises publiques du secteur marchand, c’est-à-dire celles dont les ventes couvrent plus de la moitié de leur coût, comme EDF. Leurs investissements ne sont donc pas compris dans la FBCF des APU alors qu’ils sont considérés comme des investissements publics dans le langage courant.
Il est néanmoins possible d’identifier dans les comptes nationaux les subventions d’investissement versées par les APU à d’autres secteurs (19,9 Md€ en 2018 en France). Elles comprennent celles qui sont attribuées aux entreprises publiques du secteur marchand mais aussi celles attribuées aux entreprises privées. Elles peuvent être ajoutées à la FBCF des APU pour illustrer la contribution des administrations publiques à l’effort national d’investissement, ce qui conduit à un investissement public d’un montant de 99,6 Md€ en France en 2018, soit 4,3 % du PIB[1].
1)L’évolution de 2006 à 2018
En 2006, l’investissement public (FBCF et aides à l’investissement) représentait 4,5 % du PIB en France, soit un niveau plus élevé que la moyenne de la zone euro ou de l’Union européenne (4,0 % du PIB).
Source : Eurostat ; FIPECO. FBCF + aides à l’investissement
En France et dans les autres pays européens, il a augmenté à la fin de la décennie précédente pour atteindre un maximum en 2009 (5,2 % du PIB en France et 4,5 % dans la zone euro et l’Union européenne), notamment sous l’effet des plans de relance visant à arrêter la crise.
A partir de 2010, beaucoup de pays européens ont mis en œuvre des programmes de consolidation budgétaire qui ont conduit à une baisse de l’investissement public, en pourcentage du PIB et parfois même en monnaie nationale.
Une reprise est observée dans les années les plus récentes, mais l’investissement public reste en 2018 inférieur à son niveau d’avant la crise (2007), de 0,4 point de PIB en France, de 0,7 point dans la zone euro et de 0,4 point dans l’Union européenne. Il lui est supérieur de 0,4 point de PIB en Allemagne.
2)La croissance et le niveau en 2018
L’investissement public a augmenté de 4,1 % en 2018 en France, de 6,9 % dans l’Union européenne, de 5,8 % dans la zone euro et de 7,1 % en Allemagne.
Le niveau de l’investissement public en France (4,3 % du PIB avec les aides à l’investissement) est néanmoins resté nettement supérieur à celui de la moyenne des pays de la zone euro (3,4 % du PIB) et de l’Union européenne (3,6 % du PIB) ou encore de l’Allemagne (3,2 % du PIB). L’investissement public est plus élevé en Suède (5,0 % du PIB) et dans certains pays d’Europe orientale (5,0 % du PIB en Pologne, par exemple).
Source : Eurostat ; FIPECO. FBCF + aides à l’investissement
En France le montant de la FBCF des APU (76,7 Md€ en 2017) couvre exactement la dépréciation de leur stock de capital, leur « consommation de capital fixe » en comptabilité nationale (76,6 Md€ en 2017). C’est également le cas en moyenne dans la zone euro alors que la FBCF est un peu inférieure à la consommation de capital fixe dans l’Union européenne.
Par ailleurs, les enquêtes internationales auprès des entreprises ou des ménages mettent en évidence un bon degré de satisfaction pour ce qui concerne la qualité des infrastructures françaises. L’étude économique de l’OCDE sur la France publiée en mars 2019 observe qu’il n’y a pas de signes d’une insuffisance manifeste du montant des investissements publics en France, au moins au regard des autres pays développés, mais que leur qualité pourrait être améliorée par un meilleur choix des projets, fondé sur des évaluations socio-économiques, et une plus grande attention portée à la maintenance des équipements existants. Certains acteurs publics privilégient en effet la mise en place de nouveaux investissements au détriment de l’entretien de l’investissement existant.
B)La répartition des investissements publics
1)La répartition par catégorie d’administration
Le tableau suivant présente la répartition de la FBCF des administrations publiques (hors subventions d’investissement) par catégorie d’administrations en 2018.
La répartition des investissements publics par catégorie d’administration en 2018
En % du total
|
France
|
Allemagne
|
Zone euro
|
Union européenne
|
Administrations centrales
|
34
|
33
|
40
|
45
|
Administrations locales
|
57
|
66
|
57
|
53
|
Administrations sociales
|
8
|
1
|
3
|
2
|
Total
|
100
|
100
|
100
|
100
|
Source : Eurostat ; FIPECO. FBCF (hors subventions d’investissement)
La part des administrations de sécurité sociale, qui tient surtout aux hôpitaux publics, est particulièrement importante en France, notamment par rapport à l’Allemagne. Cependant, les hôpitaux publics de ce pays sont classés hors des administrations publiques et les comptables nationaux considèrent que les caisses de sécurité sociale leur achètent des services de santé (consommations intermédiaires) et leurs versent des subventions d’investissement (non prises en compte dans ce tableau). La faiblesse de l’investissement public en Allemagne tient pour partie à ce traitement statistique.
En outre, il n’y a pas d’administrations de sécurité sociale dans des pays comme le Royaume-Uni où les établissements publics de santé sont considérés comme des services de l’Etat. En conséquence, les investissements des hôpitaux sont compris dans la FBCF des administrations centrales, ce qui contribue à expliquer la part de celles-ci dans l’Union européenne.
La part des administrations publiques locales en France est inférieure à celle de l’Allemagne mais du même ordre que celles de la zone euro et de l’Union européenne, alors même que la part des dépenses publiques locales dans le total des dépenses publiques est bien plus faible en France que dans la moyenne des autres pays européens. Autrement dit, si la décentralisation des dépenses publiques est globalement faible en France, cela ne vaut pas pour les investissements.
En conséquence, la part des administrations centrales est plus faible en France que dans la moyenne des autres pays et semblable à celle qui est observée en Allemagne.
2)La répartition par produit
En 2016, la FBCF des administrations publiques est composée de produits de la construction et du génie civil à hauteur de 57 %, de services scientifiques et techniques à hauteur de 25 % (informatique surtout) et de matériels de transport à hauteur de 9 %. Cette répartition n’est pas disponible pour les autres pays.
3)La répartition par fonction
Le tableau suivant présente la répartition des investissements publics (FBCF et subventions d’investissement) par fonction (ou politique publique) en pourcentage du PIB.
La répartition des investissements publics par fonction en 2017 (% du PIB)
Fonction
|
France
|
Allemagne
|
Zone euro
|
Union européenne
|
Services généraux
|
0,4
|
0,7
|
0,5
|
0,5
|
Défense
|
0,3
|
0,3
|
0,2
|
0,3
|
Transports
|
0,7
|
0,8
|
0,8
|
0,9
|
Recherche
|
0,4
|
0,1
|
0,1
|
0,1
|
Protection de l’environnement
|
0,2
|
0,1
|
0,2
|
0,1
|
Logement et équipements collectifs
|
0,4
|
0,2
|
0,2
|
0,3
|
Santé
|
0,3
|
0,2
|
0,2
|
0,2
|
Loisirs et culture
|
0,3
|
0,1
|
0,1
|
0,1
|
Enseignement
|
0,4
|
0,3
|
0,3
|
0,3
|
Protection sociale
|
0,1
|
0,1
|
0,1
|
0,1
|
Autres
|
0,7
|
0,2
|
0,6
|
0,5
|
Total
|
4,2
|
3,1
|
3,3
|
3,4
|
Source : Eurostat ; FIPECO. FBCF et subventions d’investissement.
Les investissements publics sont significativement plus élevés en France dans la recherche, le logement, les loisirs et la culture. Ils sont plus faibles dans les « services généraux » (fonctions support comme la collecte des impôts ou la diplomatie) et dans les transports. Ils ne sont pas nettement plus importants dans le domaine de la Défense nationale bien que le total des dépenses militaires soit plus élevé en France.
[1] L’investissement public ainsi défini n’intègre pas les investissements réalisés par des entreprises privées dans le cadre de concessions de services publics, par exemple ceux des sociétés concessionnaires d’autoroutes. En revanche, les investissements réalisés dans le cadre de partenariats publics privés sont souvent inclus dans la formation brute de capital fixe des administrations publiques.