17/11/2021
Les prélèvements obligatoires en France et dans la zone euro en 2020
François ECALLE
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Ce billet dresse un panorama des prélèvements obligatoires (PO) en 2020 en France et dans la zone euro. Comme le produit des prélèvements obligatoires évolue à peu près, à législation inchangée, comme le PIB en valeur, le taux des PO en pourcentage du PIB et la comparaison de ce taux entre les pays sont peu affectés par la chute de l’activité en 2020. La synthèse ci-dessous ne compare la France qu’avec la moyenne de la zone euro mais la suite du texte permet de la situer par rapport aux principaux autres pays, notamment l’Allemagne.
Le taux des prélèvements obligatoires (PO) en France en 2020 (47,5 % du PIB selon Eurostat) était supérieur de 5,7 points à la moyenne de la zone euro.
Le poids des cotisations sociales a diminué en France en 2019 en raison du remplacement du CICE par des allégements de cotisations patronales et il s’établissait à 15,1 % du PIB en 2020, mais il était encore supérieur de 0,7 point à la moyenne de la zone euro. En outre, le poids des seules cotisations patronales était supérieur de 2,2 points à cette moyenne.
Les impôts sur la production, qui forment un ensemble hétérogène, constituaient la principale source d’écart entre les taux de PO en France et dans la zone euro en 2020 avec une contribution de 2,9 points.
Si le poids de la TVA en France était seulement un peu plus élevé que la moyenne de la zone euro en 2020 (de 0,3 point de PIB), celui des autres impôts sur la consommation (carburants, tabacs, alcools…) lui était supérieur de 1,0 point.
Le poids des impôts sur les revenus des ménages en France (CSG et autres prélèvements sociaux inclus) était égal à la moyenne européenne en 2020 (9,7 % du PIB), après la hausse de la CSG de 2018. Si leur taux marginal supérieur est parmi les plus élevés, leur rendement est limité par une assiette plus étroite.
Le taux de l’impôt sur les sociétés était en France parmi les plus élevés de la zone euro et son rendement (2,8 % du PIB) en 2020 était supérieur de 0,4 point à la moyenne.
La répartition des prélèvements obligatoires entre ceux qui pèsent sur le travail, le capital et la consommation fera l’objet d’une note ultérieure, quand les données pour 2020 auront été publiées par la Commission européenne.
A) La vue d’ensemble
Pour Eurostat, les crédits d’impôts sont des subventions enregistrées parmi les dépenses publiques et ne sont donc pas déduits des prélèvements obligatoires (PO) alors que l’Insee les déduit des PO tout en les incluant dans les dépenses publiques[1]. En outre, contrairement à l’Insee, Eurostat inclut les cotisations que les Etats se versent à eux-mêmes pour financer les retraites de leurs agents (cotisations dites « imputées ») dans les PO[2]. Le taux affiché par Eurostat pour la France (47,5 % du PIB en 2020) est donc supérieur à celui qui est publié par l’Insee (44,5 % du PIB)[3]. Comme il s’agit ici de faire des comparaisons européennes, les statistiques d’Eurostat ont été retenues.
Le taux des PO de la France (47,5 %) était le deuxième de l’Union européenne en 2020, juste derrière celui du Danemark (47,6 %)[4]. L’écart était de 5,7 points de PIB avec la moyenne de la zone euro et de 6,0 points avec l’Allemagne.
Source : Eurostat ; FIPECO
La décomposition des PO selon la nomenclature de la comptabilité nationale, en pourcentage du PIB, montre que les impôts sur la production constituaient la principale source d’écart avec la moyenne de la zone euro et avec l’Allemagne en 2020. Les cotisations sociales étaient plus élevées en France que dans la moyenne de la zone euro mais plus faibles qu’en Allemagne. Les impôts sur la consommation et les impôts sur les bénéfices des sociétés étaient plus élevés en France que dans la zone euro et qu’en Allemagne. Les impôts sur les revenus des ménages (y compris CSG et autres prélèvements sociaux) étaient en France proches de la moyenne de la zone euro et de ceux de l’Allemagne.
Les prélèvements obligatoires en 2020 en % du PIB
Prélèvements
|
France
|
Allemagne
|
Zone euro
|
Cotisations sociales
|
15,1
|
16,6
|
14,4
|
Impôts sur la consommation
|
11,9
|
9,7
|
10,6
|
Impôts sur la production
|
5,3
|
0,8
|
2,4
|
Impôts sur les revenus des ménages
|
9,7
|
9,7
|
9,8
|
Impôts sur les bénéfices des sociétés
|
2,8
|
2,2
|
2,4
|
Autres impôts
|
2,7
|
2,5
|
2,2
|
Total
|
47,5
|
41,5
|
41,8
|
Source : Eurostat ; FIPECO
B) Les principaux prélèvements obligatoires
1) Les cotisations sociales
Le poids des cotisations sociales a baissé en France en 2019 pour revenir à 15,0 % du PIB (15,1 % en 2020). S’il est resté supérieur à la moyenne de la zone euro (14,4 % en 2020), celui de l’Allemagne (16,6 %) est désormais plus élevé.
Source : Eurostat ; FIPECO
La France continue toutefois de se distinguer par le poids des cotisations des employeurs (10,3 % du PIB en 2020), qui la situait au deuxième rang de la zone euro (derrière l’Estonie), la moyenne étant de 8,1 % du PIB. Les cotisations patronales ne représentaient que 7,3 % du PIB en Allemagne.
Les cotisations payées par les ménages (salariés, non-salariés et retraités) étaient en revanche plus faibles en France (4,8 % du PIB) que dans la zone euro (6,3 %).
2) Les impôts sur la consommation
Source : Eurostat ; FIPECO
Le total des impôts sur la consommation était plus élevé en France (11,9 % du PIB) que dans la zone euro (10,6 %) et qu’en Allemagne (9,7 %) en 2020. Cela tient assez peu à la TVA, dont le poids n’était que légèrement supérieur en France (de 0,3 point par rapport à la moyenne de la zone), et bien plus aux taxes spécifiques à des produits particuliers (écart de 1,0 point de PIB avec la moyenne de la zone euro) : énergie, tabacs, alcools, assurances etc.
Le taux normal de TVA en 2021 en %
France
|
Allemagne
|
Italie
|
Espagne
|
Pays-Bas
|
Belgique
|
20
|
19
|
22
|
21
|
21
|
21
|
Source : Commission européenne ; FIPECO
Le taux normal de la TVA en France est proche de celui des autres grands pays de la zone euro. En tenant compte des taux réduits, le taux moyen de taxation est un peu plus faible en France mais il s’applique à une assiette un peu plus large (cf. fiche de l’encyclopédie).
Les taxes spécifiques sur les carburants en 2020 en centimes par litre
|
France
|
Allemagne
|
Italie
|
Espagne
|
Pays-Bas
|
Belgique
|
Essence
|
69
|
65
|
73
|
47
|
80
|
60
|
Gazole
|
61
|
47
|
62
|
38
|
51
|
60
|
SouSource : Commission européenne ; FIPECOrce : Commission européenne ; FIPECO
Les taux des taxes spécifiques aux carburants sont plus forts en France que dans les autres grands pays de la zone euro, à l’exception de l’Italie (pour essence et gazole) et des Pays-Bas (essence). Ils sont particulièrement faibles en Espagne.
3) Les impôts sur la production
Les impôts sur la production forment un ensemble hétérogène de taxes sur les salaires (comme le versement transports en France), les actifs physiques (comme les taxes foncières), le chiffre d’affaires (comme la contribution sociale de solidarité des sociétés) ou la valeur ajoutée (comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Ils représentaient 5,3 % du PIB en France en 2020, soit nettement plus que la moyenne de la zone euro (2,4 %) et que leurs poids en Allemagne (0,8 % du PIB). La France se situait au deuxième rang de l’Union européenne, loin derrière la Suède (9,9 % du PIB) où ces impôts sont surtout assis sur la masse salariale et remplacent des cotisations sociales.
Une partie des impôts sur la production est payée par les ménages : les taxes foncières à leur charge, les comptables nationaux considérant que les ménages propriétaires de logements sont producteurs de services de logement. Les impôts sur la production payés par les sociétés (donc hors entreprises individuelles) non financières représentaient 3,1 % du PIB en France en 2020 pour une moyenne de 1,2 % dans la zone euro et 0,4 % en Allemagne. Leur poids baissera de 0,4 point de PIB en 2021 du fait de la mesure inscrite dans le plan de relance.
Source : Eurostat ; FIPECO
4) Les impôts sur les revenus des ménages
S’agissant des impôts sur les revenus des ménages, la France a rattrapé en 2018 la moyenne européenne avec la hausse de la CSG en remplacement de cotisations sociales salariales. Elle lui était égale en 2020 (9,7 % du PIB). Toutefois, le poids de l’impôt sur le revenu (IR) au sens strict (hors CSG et autres prélèvements sociaux) restait, à 3,3 % du PIB, nettement inférieur à celui des autres pays.
Source : Eurostat ; FIPECO
Le tableau suivant présente les taux marginaux supérieurs des impôts sur le revenu dans les principaux pays européens en 2020. Le taux de 55,4 % qui apparaît pour la France correspond au total de l’IR, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de la CSG, compte-tenu de sa déductibilité partielle de l’assiette de l’IR. Il n’est dépassé qu’au Danemark. Le faible poids de l’IR dans le PIB en France tient surtout à une assiette plus étroite, ce qui résulte pour partie du poids des cotisations sociales déductibles, et à des dépenses fiscales importantes.
Les taux marginaux supérieurs des impôts sur le revenu en 2020
France
|
Allemagne
|
Italie
|
Espagne
|
Pays-Bas
|
Danemark
|
Belgique
|
55,4
|
47,5
|
47,2
|
43,5
|
49,5
|
55,9
|
52,9
|
SouSource : Commission européenne ; FIPECOrce : OCDE ; FIPECO.
5) Les impôts sur les bénéfices des sociétés
Le produit de l’impôt sur les sociétés (avant déduction des crédits d’impôt) représentait un pourcentage du PIB supérieur en France (2,8 % du PIB) à la moyenne de la zone euro (2,4 %) et à celui de l’Allemagne (2,2 %) en 2020. Parmi les grands pays, le poids de l’IS était plus important aux Pays-Bas et en Belgique, plus faible en Italie et en Espagne.
Source : Eurostat ; FIPECO
Le taux supérieur de l’impôt sur les sociétés en France (y compris contributions « sociales » et « exceptionnelles ») est parmi les plus élevés de la zone euro, derrière celui de l’Allemagne néanmoins.
La comparaison des taux légaux supérieurs d’imposition est toutefois insuffisante car, d’une part, il existe des taux minorés, voire nuls, sur certains revenus et pour certaines entreprises et, d’autre part, le bénéfice fiscal n’est pas mesuré partout de la même manière. Pour mieux apprécier le poids réel de l’impôt sur les sociétés, la Commission européenne, comme d’autres organisations internationales, rapporte l’IS collecté par les administrations publiques, sans en déduire les crédits d’impôts, à l’excédent net d’exploitation des sociétés tel que mesuré par les comptables nationaux (ratio dénommé « taux effectif moyen » ou « taux implicite »). Le taux français était le plus élevé en 2019.
Les taux d’imposition des bénéfices des sociétés
|
France
|
Allemagne
|
Italie
|
Taux légal supérieur 2021
|
28,4
|
29,9
|
27,8
|
Taux effectif moyen en 2019
|
33,4
|
28,9
|
24,6
|
|
Pays-Bas
|
Belgique
|
Espagne
|
Taux légal supérieur 2021
|
25,0
|
25,0
|
25,0
|
Taux effectif moyen en 2019
|
22,5
|
25,0
|
30,1
|
Source : « tendances de la fiscalité » Commission européenne, 2021 ; FIPECO.
[1] Ce qui l’oblige à enregistrer une recette publique fictive hors PO pour ne pas déséquilibrer le compte des administrations publiques.
[2] Ce qui permet de comparer le montant des cotisations avec les pays où elles sont réellement payées par l’Etat à des caisses de retraite.
[3] Les crédits d’impôt représentaient, selon Eurostat, 1,1 % du PIB en 2020 en France et 0,4 % en moyenne dans la zone euro. Les cotisations sociales imputées s’élevaient à 1,9 % du PIB en France contre 1,1 % dans la zone euro.
[4] Le Danemark n’apparait pas sur le graphique, celui-ci ne reprenant que les plus grands pays.