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08/12/2022

Les prélèvements sur les entreprises et les subventions qu'elles reçoivent

François ECALLE

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La comparaison des impôts sur la production ou des cotisations sociales patronales entre les pays européens en pourcentage de leur PIB place la France à la première ou à la deuxième place pour ces prélèvements sur les entreprises. Devant ce constat, des voix s’élèvent souvent dans le débat public pour dire que les entreprises françaises sont particulièrement aidées et qu’il faut mettre les subventions qu’elles reçoivent en face des prélèvements qu’elles supportent pour en relativiser le poids. Ce billet apporte quelques éclairages sur ce sujet.

La distinction entre les prélèvements obligatoires sur les entreprises et sur les ménages n’est pas toujours très pertinente car les impôts et cotisations sociales ne sont pas toujours supportés par ceux qui en sont juridiquement redevables. De manière assez conventionnelle, on retient ici les impôts sur la production et sur les bénéfices des sociétés non financières ainsi que les cotisations sociales patronales payées par celles-ci pour définir les prélèvements obligatoires sur les entreprises.

Les taxes sur la consommation ne sont donc pas retenues parmi les prélèvements sur les entreprises et, pour les mêmes raisons, les dépenses fiscales relatives à ces taxes ne sont pas prises en compte parmi les aides qu’elles reçoivent.

Le coût des niches fiscales et sociales relatives aux impôts et cotisations retenus ici ne doit pas non plus être inclus parmi les aides aux entreprises car ce coût est déjà déduit des prélèvements obligatoires sur les entreprises, à l’exception de celui des crédits d’impôts qui est inclus dans les dépenses publiques et doit être pris en compte. Les aides aux entreprises retenues sont les « autres subventions sur la production » et les « aides à l’investissement » reçues par les sociétés non financières en comptabilité nationale.

Les années 2020 et 2021 ayant été marquées par des aides exceptionnelles, il est préférable de privilégier 2019 pour faire ces comparaisons.

En 2019, la France se situe à la deuxième place de l’Union européenne pour les prélèvements sur les sociétés non financières (12,4 % du PIB), derrière la Suède (14,3 %) où ce ratio est majoré par les cotisations des entreprises à des régimes privés d’assurance sociale (fonds de pension). L’Allemagne est loin derrière (8,9 % du PIB).

La France est aussi à la deuxième place pour les aides aux entreprises (2,2 % du PIB), derrière la Belgique (3,1 %) et devant l’Allemagne (1,3 %).

Elle se situe enfin également à la deuxième place pour les prélèvements nets des aides versées (10,2 % du PIB), derrière la Suède (13,3 %). Les Pays-Bas sont proches de la France (9,9 %) et l’Allemagne est loin derrière (7,5 % du PIB).

A) Les prélèvements et les aides à retenir

1)  Les prélèvements

La distinction est souvent faite dans le débat public entre les prélèvements obligatoires sur les entreprises et sur les ménages alors qu’elle n’a pas toujours une grande pertinence économique. En effet, comme le montre la fiche de ce site sur l’incidence fiscale, les impôts ne sont pas toujours supportés par les agents qui en sont juridiquement redevables.

Déterminer qui supporte réellement les impôts est particulièrement difficile dans le cas des taxes sur la consommation et notamment de la TVA. Le partage de son coût entre les entreprises productrices et les ménages consommateurs dépend surtout de la sensibilité des biens et services concernés à leur prix (leur « élasticité prix »). Or cette sensibilité varie fortement selon les produits et elle est souvent difficile à estimer.

S’agissant des cotisations sociales, les économistes considèrent souvent que le partage de leur coût entre les employeurs et les salariés est indépendant, à long terme, de leur répartition juridique entre cotisations patronales et salariales.

L’impôt sur les bénéfices des sociétés pourrait être l’exemple indiscutable d’un prélèvement sur les entreprises mais il est en fait supporté principalement par des ménages, ceux qui en sont actionnaires.

On peut même soutenir que tous les impôts et cotisations sociales pèsent in fine à très long terme seulement sur des ménages en tant que consommateurs, salariés, actionnaires ou prêteurs.

De manière assez conventionnelle, on retient ici les impôts sur la production et sur les bénéfices des sociétés ainsi que les cotisations sociales patronales pour définir les prélèvements sur les entreprises et faire des comparaisons entre pays.

S’agissant des impôts sur la production, une partie d’entre eux est payée par les ménages (les taxes foncières en tant que producteurs de services de logement en comptabilité nationale) et une autre partie est due par des administrations publiques (la taxe sur les salaires est due par les hôpitaux par exemple). Seuls les impôts sur la production payés par les sociétés non financières ont été pris en compte dans cette étude[1]. L’impôt sur les bénéfices de ces sociétés a également été retenu.

Les cotisations sociales à la charge des employeurs et payées par les sociétés comprennent dans certains pays des cotisations librement convenues entre employeurs et salariés à des régimes facultatifs d’assurance sociale, notamment des fonds de pension, qui ne sont pas comprises dans les prélèvements obligatoires en raison de leur caractère facultatif. Celles qui sont obligatoirement versées à des administrations publiques par les sociétés ne peuvent cependant pas être isolées dans les bases de données d’Eurostat et les cotisations patronales reçues par les administrations publiques ne peuvent pas non plus être retenues car elles comprennent des cotisations versées par les ménages employeurs et des administrations.

Toutes les cotisations à la charge des employeurs payées par les sociétés non financières ont donc dû être retenues ici bien que ce choix conduise à faire apparaître des prélèvements nettement supérieurs aux prélèvements obligatoires dans certains pays, comme la Suède, mais pas en France car les cotisations facultatives y sont faibles.

2) Les subventions

Les aides aux entreprises à mettre en face de ces prélèvements, pour éventuellement relativiser leur poids en France, doivent être cohérentes avec cette définition des prélèvements sur les entreprises.

Elles ne doivent donc pas inclure les dépenses fiscales relatives aux taxes sur la consommation de biens et services comme l’application de taux réduits de TVA à des produits particuliers ou les allégements de taxes sur les produits énergétiques dont bénéficient certains secteurs.

Elles ne doivent pas non plus inclure le coût des niches fiscales et sociales relatives aux prélèvements sur les entreprises ici retenus car ces prélèvements sont déjà nets du coût de ces dépenses fiscales ou de ces allègements de charges sociales dans les statistiques internationales, à l’exception de celui des crédits d’impôts. Ces derniers sont en effet considérés comme des subventions, aux ménages ou aux entreprises, et ajoutés aux dépenses publiques par les comptables nationaux et notamment par Eurostat dont les statistiques sont exploitées dans ce billet[2].

Les dépenses fiscales relatives aux taxes sur la consommation et les niches fiscales et sociales relatives aux prélèvements sur les entreprises ici retenus (hors crédits d’impôt) peuvent être considérées comme des aides aux entreprises, sous les réserves faites ci-dessus. Il ne faut pas pour autant les mettre en face des impôts et cotisations sur les entreprises pour en relativiser le poids puisque leur coût est soustrait de ces prélèvements et en réduit donc déjà le montant.

Les aides aux entreprises finalement retenues sont les « autres subventions sur la production » et les « aides à l’investissement » reçues par les sociétés non financières en comptabilité nationale (les subventions comprennent les « subventions sur les produits », écartés ici par cohérence avec l’exclusion des taxes sur les produits, et les « autres subventions sur la production »). Elles incluent les crédits d’impôt visant la production et l’investissement de ces sociétés.

B) Les comparaisons entre pays européens

L’année 2021 est la plus récente pour laquelle les données nécessaires à ces comparaisons sont disponibles. Elle a toutefois été marquée par des aides exceptionnelles aux entreprises, pour limiter l’impact de la crise, dont l’ampleur a été variable et qui n’ont pas toujours été comptabilisées de la même façon selon les pays. En particulier, Eurostat a laissé aux instituts statistiques nationaux le choix d’enregistrer les allocations d’activité partielle en prestations sociales en faveur des ménages bénéficiaires ou en subvention aux entreprises, ce qui illustre d’ailleurs de nouveau les difficultés méthodologiques d’une répartition des prélèvements et des aides entre ménages et entreprises. L’année 2019 a donc été également retenue car elle plus représentative des écarts structurels entre les pays.

Les données nécessaires ne figurent pas toujours pour certains petits pays dans la base de données d’Eurostat qui, sans doute pour cette raison, ne publie pas les moyennes de la zone euro et de l’Union européenne. Celles-ci ne sont donc pas données ici.

En 2019, la France se situe à la deuxième place de l’Union européenne pour les prélèvements sur les sociétés non financières (12,4 % du PIB), derrière la Suède (14,3 %) où ce ratio est toutefois fortement majoré par les cotisations facultatives à des régimes d’assurance sociale tels que des fonds de pension. L’Allemagne est loin derrière (8,9 % du PIB).

La France est restée à la même place en 2021 mais l’écart avec les principaux pays qui se trouvent derrière elle s’est un peu resserré.

Source : Eurostat, FIPECO.

En 2019, la France est à la deuxième place pour les aides aux entreprises (2,2 % du PIB), derrière la Belgique (3,1 %). On peut cependant noter que le CICE est compté parmi ces aides en 2019 pour la dernière fois. L’Allemagne est de nouveau assez loin derrière (1,3 % du PIB).

En 2021, ces aides ont augmenté dans tous les pays et la France est à la quatrième place (avec un ratio de 3,1 %), derrière l’Autriche (première avec 4,2 % du PIB), la Belgique et Malte.

Dans le débat public français, les aides publiques aux entreprises sont parfois estimées à environ 140 Md€. Ce chiffre provient d’un rapport de 2020 de France Stratégie sur les politiques industrielles en France où figure un recensement de ces aides. Celui-ci comprend toutefois les dépenses fiscales relatives à presque tous les impôts et de nombreux dispositifs d’allègement des cotisations sociales patronales qui peuvent être en effet considérés comme des aides aux entreprises, sous les réserves émises plus haut s’agissant des taxes sur la consommation, mais qui ne doivent pas être mis en face des prélèvements obligatoires sur les entreprises car ils en sont déjà déduits (à l’exception des crédits d’impôts).

Source : Eurostat, FIPECO.

En 2019, la France se situe à la deuxième place de l’Union européenne pour les prélèvements sur les sociétés non financières nets des aides versées (10,2 % du PIB), derrière la Suède (13,3 %) où ce ratio est fortement majoré par les cotisations aux fonds de pension. Les Pays-Bas sont proches de la France (9,9 %) et l’Allemagne est loin derrière (7,5 % du PIB).

En 2021, ce ratio diminue dans la plupart des pays du fait de l’augmentation des aides et la France se situe encore à la deuxième place à égalité avec l’Espagne (9,0 % du PIB), derrière la Suède (12,9 %) et juste devant les Pays-Bas (8,8 %). L’Allemagne est loin derrière (6,5 %).

Source : Eurostat, FIPECO.

Il faut enfin noter que ces prélèvements et ces aides ne touchent pas forcément les mêmes entreprises, notamment parce que certains impôts (taxes sur les salaires par exemple) et certaines subventions (en faveur des énergies renouvelables par exemple) ne concernent que des secteurs particuliers.

Les médias suivants ont cité ce billet :

Les Echos

Boursorama

Radio classique

Le Nouvel Economiste

L'Opinion

[1] Les sociétés financières payent des impôts sur la production particuliers comme le prélèvement sur les dépôts bancaires au profit du fonds de garantie et de résolution. Elles n’ont pas été retenues en raison de ces spécificités.

[2] Les prélèvements obligatoires publiés par l’Insee sont toutefois nets des crédits d’impôt.

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