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16/08/2018

Pourquoi il faut réduire les dépenses publiques

François ECALLE

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La France est en 2017 au premier rang de l’Union européenne, et très probablement de l’OCDE, pour le rapport de ses dépenses publiques au PIB (56,5 %), loin devant les moyennes de la zone euro (47,1 %) et de l’Union européenne (45,8 %) ou encore l’Allemagne (43,9 %)[1].

Source : Eurostat ; FIPECO.

S’il n’existe pas de limite précise au-delà de laquelle les dépenses publiques, rapportées au PIB, seraient excessives, leur utilité doit être supérieure au coût des prélèvements obligatoires nécessaires pour les financer (elles doivent donc être « efficientes »).

Or le coût des prélèvements obligatoires est trop élevé en France au regard de l’utilité des dépenses qu’ils financent, ce qui nuit à la compétitivité des entreprises et à l’attractivité du territoire.

En effet, les résultats obtenus grâce à ces dépenses sont souvent loin de placer la France en première position au sein de l’OCDE comme pour le montant de ses dépenses publiques en points de PIB. Cette observation est certes insuffisante pour apprécier la qualité des dépenses publiques mais l’ampleur des « gaspillages » de l’argent public est corroborée par les centaines de rapports et d’études réalisées depuis de nombreuses années sur les dépenses publiques françaises.

Il est donc nécessaire, et possible comme le montrent les exemples étrangers, de ramener la progression en volume des dépenses publiques sur un rythme nettement inférieur à la croissance potentielle pendant plusieurs années de manière à réduire durablement le rapport des dépenses publiques au PIB et à pouvoir ramener le taux des prélèvements obligatoires à un niveau plus proche de la moyenne européenne.

Le Gouvernement prévoit ainsi de ramener la croissance des dépenses publiques à 0,3 % en volume et en moyenne annuelle sur la période 2018-2022. Il est nécessaire d’atteindre cet objectif et cela reste possible même si les économies requises ne sont pas encore très documentées.

A)Le coût des prélèvements obligatoires est trop élevé

Les raisons pour lesquelles le coût des prélèvements obligatoires est trop élevé en France sont développées dans une note d’analyse dont la conclusion est rappelée ici.

Il existe un taux maximal budgétaire propre à chaque impôt, et donc un taux global des PO, au-delà duquel une hausse du taux des impôts ou des cotisations sociales entraîne une baisse des recettes publiques (le sommet de la « courbe de Laffer »). Il existe aussi un taux maximal économique des PO au-delà duquel leur coût en termes d’activité et d’emploi est supérieur à l’utilité des dépenses publiques qu’ils financent.

Il est difficile d’identifier précisément ces limites car elles dépendent de nombreux facteurs spécifiques à chaque pays et variables dans le temps, notamment la qualité des dépenses publiques, les taux des PO dans les autres pays et les risques de fraude. Il est néanmoins probable que la France n’est pas très loin du taux maximal budgétaire et qu’elle a dépassé le taux maximal économique.

En effet, le taux des PO est plus haut en France que dans les autres pays, ce qui nuit à la compétitivité des entreprises et à l’attractivité du territoire. En outre, les risques de fraude sont aggravés par le développement des nouvelles technologies et le consentement à l’impôt pourrait s’affaiblir. Enfin, l’utilité des dépenses publiques est souvent trop faible et ne compense donc pas le coût des prélèvements obligatoires.

Une baisse du taux des prélèvements obligatoires est donc nécessaire mais elle n’aura d’effet favorable sur les comportements d’investissement et de consommation que si elle est perçue comme durable, c’est-à-dire si elle n’aggrave pas la situation des finances publiques. Or les baisses d’impôts ou de cotisations sociales ne peuvent pas être financées par le supplément de recettes induit par leurs effets favorables sur l’activité économique. Il faut donc réduire les dépenses publiques avant de baisser les PO, contrairement à ce que fait le Gouvernement.

B)L’utilité et l’efficience de nombreuses dépenses publiques sont faibles

La qualité des services publics en France est certainement bonne par rapport à celle de beaucoup de pays et certains d’entre eux (système de santé, infrastructures de transport…) sont souvent classés parmi les meilleurs. Les inégalités sociales y sont un peu moins fortes que dans la moyenne de l’Union européenne ou de l’OCDE. Ces observations ne justifient pas pour autant que les dépenses publiques représentent 56,5 % du PIB en 2017.

La France est en effet loin de la première position la plus favorable de l’OCDE pour le niveau de vie (18ème position pour le PIB par tête en 2017), le taux de chômage (32ème position), les inégalités (14ème position) et probablement, bien qu’il n’en existe pas d’indicateur synthétique, la qualité de l’environnement. Il n’existe d’ailleurs pas de corrélation statistique entre les performances économiques des pays développés et leurs dépenses publiques en points de PIB.

Ces comparaisons ne permettent cependant que d’avoir des présomptions de la faible utilité ou de la faible efficience des dépenses publiques en France. Elles doivent être complétées par des évaluations de chacune d’elles, au moins par grandes fonctions.

Il n’existe pas de catégories de dépenses publiques efficientes par nature. Si les théories de la « croissance endogènes » ont mis l’accent sur les dépenses d’équipement en infrastructures, d’éducation ou de recherche et développement pour favoriser la croissance économique, les analyses statistiques du lien entre ces dépenses et le PIB aboutissent à des conclusions mitigées. Surtout, si ces « investissements d’avenir » sont souvent nécessaires, les « éléphants blancs » ne sont pas rares. Il est donc tout aussi souhaitable d’évaluer ces dépenses que les autres.

Pour apprécier l’efficience des dépenses publiques par grandes fonctions (santé, logement, emploi…), il faut utiliser des indicateurs synthétiques de leurs impacts (sur l’état de santé de la population, ses conditions de logement, l’emploi…) qui sont forcément très partiels (l’espérance de vie, la surface de logement par personne, le taux de chômage…).

En outre, il n’y a pas grand sens à seulement comparer les résultats d’une politique aux moyens mis en œuvre, la question étant de savoir s’il est possible d’avoir de meilleurs résultats avec les mêmes moyens ou les mêmes résultats avec moins de moyens. Pour y répondre en restant à un niveau global (santé, logement, emploi…), il faut procéder par « benchmarking » et, comme il s’agit des dépenses de la France dans son ensemble, ce « parangonnage » doit porter sur des pays comparables, tout en étant conscient qu’aucun n’est totalement comparable.

Dans un document de travail de janvier 2016, le FMI relève ainsi que la France opère une plus forte redistribution que les autres pays sans corriger plus les inégalités et qu’elle pourrait obtenir la même réduction des inégalités avec des prestations sociales d’un montant global inférieur de 3,5 points de PIB.

Dans un récent document de travail, France Stratégie compare, pour quelques grandes fonctions, les dépenses publiques et leurs principaux résultats en France et dans l’Union européenne. En synthétisant ces résultats sous forme d’un unique indicateur, une « frontière d’efficience », caractérisée par les meilleurs rapports résultat global / dépenses peut ainsi être tracée et la distance de chaque pays à cette frontière être mesurée. Il apparaît que la France est assez loin de cette frontière pour l’enseignement secondaire, la santé et, dans une moindre mesure, les retraites.

Une étude de l’OCDE utilisant la même méthode montre que l’enseignement secondaire français est loin de la frontière d’efficience.

Un tel exercice, « à grosses mailles » selon les auteurs du document de France Stratégie, est intrinsèquement discutable parce que les indicateurs de résultat et leur pondération dans l’indicateur de synthèse le sont nécessairement eux-mêmes. Il doit être complété par des analyses beaucoup plus fines permettant d’identifier précisément les sources d’inefficience.

De telles analyses peuvent être trouvées dans les centaines de rapports des juridictions financières, commissions parlementaires et services d’inspection, et d’études réalisées par les universités, centres de recherche et « think tanks » depuis des dizaines d’années en France et qui mettent en évidence inlassablement les défaillances de l’action publique. Le rapport de la Cour des comptes de 2013 sur la situation et les perspectives des finances publiques présente notamment de très nombreuses pistes d’économies.

La fiche sur les revues de dépenses publiques montre que, depuis l’instauration en 1968 d’une procédure de « rationalisation des choix budgétaires », les tentatives de révision systématique des dépenses publiques en fonction de leur efficience ont été nombreuses et de formes diverses en France et qu’elles ont quasiment toujours échoué, tout au moins ont été abandonnées avant que leurs résultats puissent apparaître.

S’agissant de l’efficience de catégories particulières de dépenses, le lecteur pourra, par exemple, se référer aux fiches de l’encyclopédie relatives aux dépenses publiques de santé, à la politique du logement ou aux emplois aidés.

Comme le montre la fiche sur les dépenses publiques, leur poids en points de PIB est plus important en France pour quasiment toutes les fonctions, les seules exceptions étant les services généraux et l’ordre et la sécurité publics. Cette observation suggère qu’il existe des facteurs communs expliquant ce poids, comme la rémunération et la durée du travail des fonctionnaires s’agissant des dépenses autres que les prestations sociales.

C)Une diminution des dépenses publiques est nécessaire et possible

Il est nécessaire de supprimer les dépenses publiques inutiles ou seulement inefficientes, c’est-à-dire dont les effets bénéfiques sont insuffisants pour compenser le coût des prélèvements obligatoires nécessaires pour les financer.

La réduction des dépenses publiques, en points de PIB, est en outre possible comme le montrent les exemples des autres pays européens (cf. la synthèse des travaux de l’institut de l’entreprise).

En particulier, la plupart des pays européens ont fortement réduit leurs dépenses publiques entre le milieu des années 1990 et le milieu des années 2000, mais beaucoup moins s’agissant de la France (et du Royaume-Uni mais celui-ci partait d’un niveau nettement plus bas).

La crise de 2009 a ensuite entraîné une hausse assez générale du rapport des dépenses publiques au PIB, surtout du fait de la baisse de son dénominateur, mais les grands pays européens ont de nouveau réduit leurs dépenses en volume à partir de 2011, sauf la France (cf. fiche sur la croissance des dépenses publiques).

Source : Eurostat ; FIPECO.

Compte-tenu des très nombreux exemples de dépenses publiques inefficientes, une réduction des dépenses publiques de plusieurs points de PIB est donc nécessaire et possible.

A court et moyen terme, l’objectif ne devrait néanmoins pas être une réduction du rapport des dépenses publiques au PIB, celui-ci étant très sensible aux variations de son dénominateur (une hausse du PIB de 1 % se traduit par une baisse de 0,57 point de ce ratio en France). Il convient plutôt de se donner un objectif de croissance en volume des dépenses publiques nettement inférieur à la « croissance potentielle » du PIB, celle-ci étant estimée avec prudence.  Dans ces conditions, au-delà de fluctuations conjoncturelles corrélées à celles du PIB, le rapport des dépenses publiques au PIB diminuera durablement (cf. note d’analyse sur les règles budgétaires).

Le Gouvernement prévoit ainsi de ramener la croissance des dépenses publiques à 0,3 % en volume et en moyenne annuelle sur la période 2018-2022. Il est nécessaire d’atteindre cet objectif et cela reste possible même si les économies requises ne sont pas encore très documentées.

 

[1] Source Eurostat avril 2018. Les dépenses publiques incluent les « crédits d’impôts » conformément aux règles de la comptabilité nationale.

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