FIPECO le 28.11.2024
Les notes d’analyse IV) Les prélèvements obligatoires
14) D’où provient l’écart entre les prélèvements obligatoires de la France et de la zone euro ?
François ECALLE
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Cette note dresse un panorama des prélèvements obligatoires (PO) en 2023 en France et dans la zone euro, en pourcentage du PIB, qui permet d’expliquer l’écart entre le taux de PO français, la moyenne de la zone euro et le taux allemand.
A) La vue d’ensemble
Pour Eurostat, les crédits d’impôts sont des subventions enregistrées parmi les dépenses publiques et ne sont donc pas déduits des prélèvements obligatoires (PO) alors que l’Insee les déduit tout en les incluant dans les dépenses publiques[1]. En outre, contrairement à l’Insee, Eurostat inclut les cotisations que les Etats versent pour financer les retraites de leurs agents (cotisations « imputées » dans le cas français) dans les PO[2]. Le taux affiché par Eurostat pour la France (45,6 % du PIB en 2023) est donc supérieur à celui qui est publié par l’Insee (43,2 % du PIB)[3]. Comme il s’agit ici de faire des comparaisons européennes, les statistiques d’Eurostat ont été retenues.
Malgré une baisse de 2,1 points entre 2016 et 2023, le taux des PO de la France (45,6 % du PIB) est resté le premier de la zone euro (et de l’Union européenne) en 2023, devant celui de la Belgique (44,8 %). L’écart était de 5,0 points avec la moyenne de la zone euro (40,6 %) et de 5,3 points avec l’Allemagne (40,3 %).
Source : Eurostat ; FIPECO
La décomposition des PO selon la nomenclature de la comptabilité nationale, en pourcentage du PIB, montre que les impôts sur la production constituaient la principale source d’écart avec la moyenne de la zone euro et avec l’Allemagne en 2023. Les cotisations sociales étaient plus élevées en France que dans la moyenne de la zone euro mais plus faibles qu’en Allemagne. Les impôts sur la consommation étaient plus élevés en France que dans la zone euro et qu’en Allemagne. Les impôts sur les revenus des ménages (y compris CSG et autres prélèvements sociaux) étaient en France proches de la moyenne de la zone euro et un peu plus élevés qu’en Allemagne. Les impôts sur les bénéfices des sociétés étaient en France un peu plus faibles que dans la moyenne de la zone euro et qu’en Allemagne.
Les prélèvements obligatoires en 2023 en % du PIB
Prélèvements
|
France
|
Allemagne
|
Zone euro
|
Cotisations sociales
|
16,4
|
17,0
|
14,6
|
Impôts sur la consommation
|
11,3
|
9,4
|
10,3
|
Impôts sur la production
|
4,6
|
0,9
|
2,2
|
Impôts sur les revenus des ménages
|
9,5
|
9,0
|
9,4
|
Impôts sur les bénéfices des sociétés
|
2,9
|
3,1
|
3,2
|
Autres impôts
|
0,9
|
0,9
|
0,9
|
Total
|
45,6
|
40,3
|
40,6
|
Source : Eurostat ; FIPECO ; cotisations imputées à l’Etat employeur incluses.
B) Les principaux prélèvements obligatoires
1) Les cotisations sociales
Le poids des cotisations sociales (cotisations « imputées » incluses pour être cohérent avec le total des PO) a nettement baissé en France ces dernières années (du fait de la substitution CSG / cotisations et de la transformation du CICE en allègements de cotisations) jusqu’à 16,4 % du PIB en 2023 (contre 18,7 % en 2017). S’il est resté supérieur à la moyenne de la zone euro (14,6 % en 2023), il est désormais inférieur à celui de l’Allemagne (17,0 %).
Source : Eurostat ; FIPECO. Hors cotisations imputées.
La France continue toutefois de se distinguer par le poids des cotisations des employeurs (9,9 % du PIB en 2023, hors cotisations imputées parce qu’elles ont une signification particulière), qui la situait au deuxième rang de la zone euro (derrière l’Estonie), la moyenne étant de 7,6 % du PIB. Les cotisations patronales ne représentaient que 6,8 % du PIB en Allemagne.
Ces montants de cotisations correspondent à ce qui est effectivement payé par les entreprises après déduction de tous les allègements de cotisations. Il ne faut donc pas mettre ces « aides aux entreprises » en face des cotisations patronales pour en relativiser le poids.
Les cotisations payées par les ménages (salariés, non-salariés et retraités) étaient en revanche plus faibles en France (4,7 % du PIB) que dans la zone euro (5,9 %) et en Allemagne (8,9 %).
2) Les impôts sur la consommation
Source : Eurostat ; FIPECO
Le total des impôts sur la consommation était plus élevé en France en 2023 (11,3 % du PIB) que dans la zone euro (10,3 %) et qu’en Allemagne (9,4 %). Cela tient assez peu à la TVA, dont le poids n’était que légèrement supérieur en France (de 0,3 point par rapport à la moyenne de la zone), et plus aux taxes spécifiques à des produits particuliers (écart de 0,7 point de PIB avec la moyenne de la zone euro) : énergie, tabacs, alcools, assurances etc.
Le taux normal de TVA en 2023 en %
France
|
Allemagne
|
Italie
|
Espagne
|
Pays-Bas
|
Belgique
|
20
|
19
|
22
|
21
|
21
|
21
|
Source : Commission européenne ; FIPECO
Le taux normal de la TVA en France est proche de celui des autres grands pays de la zone euro. En tenant compte des taux réduits, le taux moyen de taxation est un peu plus faible en France mais il s’applique à une assiette plus large (cf. fiche de l’encyclopédie).
Le tableau suivant fait apparaitre le poids des taxes sur les carburants (hors TVA) en euros par hectolitre dans les principaux pays de la zone en juillet 2024.
Les accises sur les carburants (hors TVA) en juillet 2024 en centimes d’euros par litre
|
France
|
Allemagne
|
Italie
|
Espagne
|
Pays-Bas
|
Belgique
|
Essence
|
69
|
65
|
73
|
47
|
79
|
60
|
Gazole
|
61
|
47
|
62
|
38
|
52
|
60
|
Source : commission européenne ; FIPECO
Ces taux sont plus forts en France que dans ces pays, à l’exception de l’Italie (pour essence et gazole) et des Pays-Bas (essence). Ils sont particulièrement faibles en Espagne.
3) Les impôts sur la production
Les impôts sur la production forment un ensemble hétérogène de taxes sur les salaires (comme le versement mobilités en France), les actifs physiques (comme les taxes foncières), le chiffre d’affaires (comme la contribution sociale de solidarité des sociétés) ou la valeur ajoutée (comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises).
Malgré la baisse engagée en 2021, avec notamment une forte réduction du taux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ils sont restés en 2023 supérieurs de 2,4 points à la moyenne de la zone euro et de 3,7 points à ceux de l’Allemagne. La France était encore au premier rang de la zone en 2023[4].
Une partie des impôts sur la production est payée par les ménages : il s’agit des taxes foncières à leur charge, les comptables nationaux considérant que les ménages propriétaires de logements sont producteurs de services de logement. Les impôts sur la production payés par les sociétés (donc hors entreprises individuelles) représentaient 3,1 % du PIB en France en 2023 pour une moyenne de 1,5 % dans la zone euro et 0,7 % en Allemagne.
Source : Eurostat ; FIPECO
4) Les impôts sur les revenus des ménages
S’agissant des impôts sur les revenus des ménages, la France a rattrapé en 2018 la moyenne européenne avec la hausse de la CSG en remplacement de cotisations sociales salariales. Elle en était très proche en 2023 (9,5 % du PIB contre 9,4 %). L’Allemagne en était légèrement inférieure (9,0 % du PIB). Toutefois, le poids de l’impôt sur le revenu (IR) au sens strict (hors CSG et prélèvements sociaux sur les revenus du capital) restait en France, à 3,6 % du PIB, nettement inférieur à celui des autres pays.
Source : Eurostat ; FIPECO
Le tableau suivant présente les taux marginaux supérieurs des impôts sur le revenu dans les principaux pays de la zone euro en 2022. Le taux de 55,2 % qui apparaît pour la France et qui est plus élevé que celui des autres grands pays correspond au total de l’IR, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de la CSG, compte-tenu de sa déductibilité partielle de l’assiette de l’IR.
Le faible poids de l’IR au sens strict dans le PIB en France tient surtout à une assiette plus étroite, ce qui résulte pour partie du poids des cotisations sociales et de la CSG déductibles, de taux plus faibles sur les premières tranches du barème (et nuls pour plus de la moitié des ménages) et de dépenses fiscales importantes.
Les taux marginaux supérieurs des impôts sur le revenu en 2022
France
|
Allemagne
|
Italie
|
Espagne
|
Pays-Bas
|
Belgique
|
55,2
|
47,5
|
47,2
|
53,1
|
51,0
|
46,0
|
Source : OCDE ; FIPECO.
5) Les impôts sur les bénéfices des sociétés
Le produit de l’impôt sur les sociétés (avant déduction des crédits d’impôt) représentait un pourcentage du PIB en France (2,9 %) un peu plus faible que dans la moyenne de la zone euro (3,2 %) et qu’en Allemagne (3,1 %) en 2023. Parmi les grands pays, le poids de l’IS était plus important aux Pays-Bas et en Belgique.
Source : Eurostat ; FIPECO
Après sa baisse au cours des années 2018 à 2022, le taux légal supérieur de l’impôt sur les sociétés en France (y compris la contribution « sociale » sur les bénéfices des sociétés qui s’ajoute à l’IS) est désormais du même ordre de grandeur que celui des autres grands pays de la zone euro et nettement inférieur à celui de l’Allemagne (impôt local sur les sociétés inclus).
La comparaison des taux légaux supérieurs d’imposition est toutefois insuffisante car, d’une part, il existe des taux minorés, voire nuls, sur certains revenus et pour certaines entreprises et, d’autre part, le bénéfice fiscal n’est pas mesuré partout de la même manière. Pour mieux apprécier le poids réel de l’impôt sur les sociétés, la Commission européenne, comme d’autres organisations internationales, rapporte l’IS collecté par les administrations publiques, sans en déduire les crédits d’impôts, à l’excédent net d’exploitation des sociétés tel que mesuré par les comptables nationaux (ratio dénommé « taux effectif moyen » ou « taux implicite »). Sous réserve des problèmes de comparabilité entre pays que peut poser l’estimation de l’excédent net d’exploitation des sociétés, le taux implicite français était le plus élevé en 2019 et il est encore au troisième rang de la zone euro en 2022.
Les taux d’imposition des bénéfices des sociétés
|
France
|
Allemagne
|
Italie
|
Taux légal supérieur 2023
|
25,8
|
29,9
|
27,8
|
Taux effectif moyen en 2022
|
26,0
|
28,8
|
23,9
|
|
Pays-Bas
|
Belgique
|
Espagne
|
Taux légal supérieur 2023
|
25,8
|
25,0
|
25,0
|
Taux effectif moyen en 2022
|
23,2
|
23,1
|
29,0
|
Source : « tendances de la fiscalité » Commission européenne, 2022 ; FIPECO.
C) Conclusion
Malgré une baisse de 2,1 points depuis 2016, le taux des prélèvements obligatoires (PO) en France en 2023 (45,6 % du PIB selon Eurostat) est resté le premier de la zone euro. Il était supérieur de 5,0 points au taux moyen de la zone.
Les impôts sur la production, qui forment un ensemble hétérogène, sont restés la principale source d’écart entre les taux de PO en France et dans la zone euro en 2023 avec une contribution de 2,4 points (dont 1,6 point pour ceux payés par les sociétés).
Le poids des cotisations sociales a nettement diminué en France ces dernières années, mais il était encore supérieur de 1,8 point à la moyenne de la zone euro en 2023. En particulier, le poids des seules cotisations patronales, après déduction de tous les allègements de charges sociales, est resté supérieur de 2,3 points à cette moyenne européenne.
Si le poids de la TVA en France était seulement un peu plus élevé que la moyenne de la zone euro en 2023 (de 0,3 point), celui des autres impôts sur la consommation (carburants, tabacs, alcools…) lui était supérieur de 0,7 point.
Le poids des impôts sur les revenus des ménages (CSG et autres prélèvements sociaux inclus) a augmenté en France ces dernières années avec la hausse de la CSG et il était en 2023 de 9,5 % du PIB, soit un taux très proche de la moyenne européenne (9,4 % du PIB). L’impôt sur le revenu au sens strict reste cependant très faible en France (3,6 % du PIB).
Le poids de l’impôt sur les bénéfices des sociétés en France en 2023 (2,9 % du PIB) était légèrement inférieur à la moyenne de la zone euro (3,2 %).
Les prélèvements sur les entreprises (cotisations employeurs, impôts sur leur production et impôt sur leurs bénéfices) contribuent pour 3,6 points à l’écart total de 5,0 points.
[1] Ce qui l’oblige à enregistrer une recette publique fictive hors PO pour ne pas déséquilibrer le compte des administrations publiques.
[2] Ce qui permet de comparer le montant des cotisations avec les pays où elles sont réellement payées par l’Etat à des caisses de retraite.
[3] Les crédits d’impôt représentaient, selon Eurostat, 0,7 % du PIB en 2023 en France et 1,0 % en moyenne dans la zone euro. Les cotisations sociales imputées s’élevaient à 1,7 % du PIB en France contre 1,0 % dans la zone euro.
[4] Et au deuxième rang de l’Union européenne, loin derrière la Suède (10,0 % du PIB) où ces impôts remplacent pour une grande part les cotisations sociales patronales.