FIPECO le 15.04.2024
Les fiches de l’encyclopédie VI) La masse salariale publique
2) L’emploi public
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La fonction publique rassemblait 5,69 millions de personnes à la fin de 2022 (en hausse de 0,5 % par rapport à 2021), hors bénéficiaires de contrats aidés (0,03 million), soit 20 % des personnes ayant un emploi en France (salariés et non-salariés). Les administrations publiques, au sens de la comptabilité nationale, employaient 6,3 millions de personnes en 2021. L’écart tient notamment au fait que certains établissements publics compris dans les administrations publiques emploient des agents sur la base de contrats de droit privé.
Cette fiche présente d’abord la répartition de l’emploi public puis son évolution au cours des dernières années. Elle propose ensuite quelques éléments de comparaison internationale. Les données utilisées dans les deux premières parties, qui concernent la fonction publique, proviennent du rapport annuel sur l’état de la fonction publique et des premières données pour 2022 publiées par l’Insee en avril 2024.
A) La répartition de l’emploi public
La fonction publique comprend trois « versants » : la fonction publique d’Etat (2,54 millions d’agents en effectifs physiques hors emplois aidés fin 2022) ; la fonction publique territoriale (1,94 millions) et la fonction publique hospitalière (1,21 million).
La « fonction publique » ne comprend pas que des « fonctionnaires », c’est-à-dire des agents relevant du « statut général de la fonction publique ». Celui-ci est formé par une loi de 1983 « portant droits et obligations des fonctionnaires », deux lois de 1984 « portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique », de l’Etat pour l’une et territoriale pour l’autre, et par une loi de 1986 « portant dispositions relatives à la fonction publique hospitalière ». Les fonctionnaires au sens strict étaient 3,8 millions en 2021 (effectifs physiques).
La fonction publique comprend également des « contractuels » (1,2 million en 2021), parfois appelés « fonctionnaires non titulaires »[1], les militaires (0,3 million), qui ne sont pas régis par le statut général de la fonction publique, et des agents relevant des « autres catégories et statuts » (ouvriers de l’Etat, enseignants des établissements privés sous contrat… soit 0,4 million de personnes).
La répartition des effectifs selon ces divers statuts est semblable dans les trois versants de la fonction publique, à une différence près : les militaires se trouvent seulement dans la fonction publique d’Etat où la part des fonctionnaires au sens strict est un peu plus faible que dans les deux autres versants.
Chaque fonctionnaire appartient à un « corps » ou relève d’un « statut, ou cadre, d’emploi » (dans la fonction publique territoriale). Il y a 280 corps dans la fonction publique d’Etat en 2022. Ces corps et statuts d’emploi sont regroupés dans trois « catégories » désignées par les lettres A (l’équivalent des cadres dans le secteur privé), B (professions intermédiaires) et C (ouvriers et employés). A chacune de ces catégories correspond un niveau de recrutement (diplômes nécessaires).
Les agents de catégorie A sont majoritaires dans la fonction publique d’Etat, surtout en raison du poids des enseignants. En revanche, les agents de catégorie C représentent plus des trois quarts de la fonction publique territoriale.
La répartition des effectifs au 31.12.2021 par catégorie (% par fonction publique)
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Catégorie A
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Catégorie B
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Catégorie C
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Fonction publique d’Etat
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55
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23
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21
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Etat civils hors enseignants (en 2018)
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29
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35
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33
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Fonction publique territoriale
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12
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12
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75
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Fonction publique hospitalière
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40
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26
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34
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Total fonction publique
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37
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20
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42
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Source : direction générale de la fonction publique, Insee ; FIPECO. Il existe une catégorie « indéterminé ».
Bien qu’elle n’ait pas d’existence dans le statut de la fonction une catégorie A+ est souvent distinguée à l’intérieur de la catégorie A pour regrouper les corps dont les agents ont vocation à occuper des emplois de direction. Elle comptait 108 000 agents fin 2019 dans l’ensemble des trois fonctions publiques.
La fonction publique est plus féminisée que la population des salariés du secteur privé (63 % de femmes contre 46 %). La part des femmes est nettement plus importante dans la fonction publique hospitalière (78 %). Elle est un peu plus importante dans les catégories A (65 %) et C (63 %) que dans la catégorie B (55 %).
L’âge moyen des fonctionnaires (44 ans) est un peu plus élevé que celui des salariés du secteur privé (41 ans). Il diffère assez peu selon les catégories ou les versants de la fonction publique.
Les 5,67 millions de personnes qui travaillaient dans la fonction publique fin 2021 en effectifs physiques hors contrats aidés étaient 5,37 millions en équivalents temps plein (EQTP)[2].
B) L’évolution de l’emploi public
Le graphique ci-dessous présente l’évolution des effectifs dans l’ensemble de la fonction publique (hors emplois aidés) et dans chacun de ses « versants » de 1997 à 2022 (les séries longues du portail Internet de la fonction publique commencent seulement en 1996).
Dans sa publication d’avril 2024, l’Insee signale que les méthodes d’estimation des effectifs de la fonction publique ont été modifiées. Les données corrigées ne sont toutefois disponibles que pour les années 2020 à 2022. L’Insee précise seulement que la principale correction apportée, meilleure prise en compte de la multi activité dans les secteurs public et privé, a conduit à réduire de 30 000 les emplois dans l’ensemble des trois fonctions publiques.
En comparant les nouvelles et anciennes données pour les années 2020 et 2021, il apparait que les effectifs de la fonction publique territoriale ont été réduits de 10 000 pour chacune de ces deux années et que les effectifs des deux autres versants n’ont été corrigés qu’à la marge. En attendant que l’Insee publie de nouvelles séries longues, les effectifs de la fonction publique territoriale et de l’ensemble des trois fonctions publiques tirés des anciennes séries jusqu’à 2019 ont été réduits forfaitairement de 10 000 chaque année pour établir les résultats suivants.
De 1997 à 2022, les effectifs de la fonction publique ont augmenté de 23 %, soit de 0,8 % en moyenne annuelle, contre 18 % pour les personnes en emploi dans le secteur privé et 14 % pour la population en France. Après une rapide progression dans la décennie 1997-2007, une inflexion est notée dans les années 2007-2012 suivie d’une nouvelle hausse à partir de 2013.
Pour apprécier l’évolution des effectifs dans chacune des trois fonctions publiques, il faut tenir compte du transfert d’environ 140 000 personnes entre l’Etat et les collectivités territoriales dans les années 2007-2010 à la suite de la loi de décentralisation de 2004 en contrepartie de transferts de compétences. Ces 140 000 emplois ont été retirés des effectifs de la fonction publique territoriale (FPT) pour être ajoutés à ceux de la fonction publique d’Etat (FPE) à partir de 2007-2010 sur le graphique.
Après avoir augmenté dans les années 1997 à 2002, les effectifs de la FPE se sont quasiment stabilisés dans la période 2003-2007 puis ont diminué sous l’effet de la politique de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux jusqu’à 2012. Ils ont de nouveau été stabilisés dans les années 2013-2015 puis sont repartis à la hausse.
Les effectifs de la FPT ont fortement augmenté, de 46 % sur la période 1997-2022, soit une moyenne annuelle de 1,5 %. Cette hausse serait encore plus forte si les effectifs transférés par l’Etat n’étaient pas soustraits à partir de 2007 (cf. plus haut). Après une forte croissance de 1997 à 2008, une inflexion en 2009-2010 est observable ; la croissance reprend ensuite à un rythme annuel de 1,2 % de 2010 à 2014 puis une baisse est observée en 2015 (- 0,3 %) et 2016 (- 0,2 %) avant une nouvelle hausse de 2016 à 2019 (+ 0,9 % en moyenne annuelle), une diminution en 2020 (- 0,2 %) et une hausse en 2021 et 2022 (0,4 % en moyenne sur ces deux années).
L’emploi dans la fonction publique hospitalière (FPH) a augmenté de 36 % sur la période 1997-2022, soit en moyenne de 1,2 % par an. Sa croissance a été particulièrement forte dans les années 1999 à 2004 (2,5 % en moyenne par an) du fait des recrutements qui ont accompagné la réduction de la durée du travail dans les établissements de santé. Elle a ensuite été de 0,9 % par an de 2004 à 2019 avant des hausses de 1,9 % en 2020, de 0,5 % en 2021 et de 0,1 % en 2022.
Les effectifs dans le secteur privé (salariés et non-salariés) ont augmenté moins vite que dans le secteur public jusqu’à 2020. Leur croissance a ensuite été très forte en 2021 et 2022.
La part de la fonction publique dans l’emploi total est passée de 19,7 % en 1997 à 20,6 % en 2020 puis 20,1 % en 2022.
Source : rapport de 2023 sur l’état de la fonction publique et Insee informations rapides d’avril 2024 ; corrigé pour tenir compte des 140 000 emplois transférés de 2006 à 2010 entre les fonctions publiques d’Etat et territoriale ; hors emplois aidés ; FIPECO.
Les emplois aidés n’ont pas été pris en compte car leur nombre résulte souvent d’un souci de traitement statistique et social du chômage. Leur nature est très différente de celle des emplois des fonctionnaires titulaires ou contractuels. Leur nombre dans le secteur non marchand ayant fortement diminué depuis 1997 (voir fiche), leur ajout ferait apparaître une croissance plus faible de l’emploi public.
C) Les comparaisons internationales
Les comparaisons internationales de l’emploi public sont très difficiles car sa définition n’est pas harmonisée. En particulier, le périmètre de la fonction publique est très variable d’un pays à l’autre. Les emplois de fonctionnaires au sens strict sont parfois limités aux fonctions régaliennes et la notion de fonctionnaires au sens des parties A et B de cette fiche, c’est-à-dire au sens du rapport sur l’état de la fonction publique, est spécifique à la France. C’est sur ces périmètres que les données sont les plus nombreuses en France, mais elles sont incomparables avec celles des autres pays.
Le périmètre des administrations publiques de la comptabilité nationale est homogénéisé au niveau international mais les effectifs des administrations publiques sont rarement recensés. L’OCDE les estime néanmoins dans son « panorama des administrations publiques ».
Il apparaît que le rapport de l’emploi dans les administrations publiques à l’emploi total est de 21 % en France en 2021, soit un taux inférieur à ceux des pays scandinaves (29 % pour la Suède) mais supérieur à ceux de la plupart des autres pays (17 % pour le Royaume-Uni et l’Espagne, 14 % pour l’Italie et 11 % pour l’Allemagne par exemple). La moyenne de l’OCDE est 19 %.
Cette comparaison des effectifs des administrations publiques au sens des comptes nationaux doit être considérée avec précaution car des agents publics et des dépenses de personnel des administrations publiques (APU) peuvent être remplacées par des subventions ou des achats de services à des organismes qui emploient des agents de droit privé pour exercer des missions de service public mais qui sont classées en dehors du champ des APU. En Allemagne, les hôpitaux sont presque tous hors de ce champ, et leurs effectifs ne sont pas comptés dans l’emploi public, ce qui explique la faible part de l’emploi des APU dans l’emploi total de ce pays, bien qu’ils soient largement financés par des dépenses publiques.
La ventilation la plus fréquente, la plus fiable et la plus homogène des emplois au niveau international est établie entre les « branches » de l’économie, celles-ci se définissant comme l’ensemble des unités de production qui produisent un même bien ou service à titre principal. La branche « administrations, défense, éducation, santé et action sociale » est la plus proche du secteur des administrations publiques. Son périmètre est plus large dans la mesure où elle comprend des organismes dans la santé, l’éducation ou l’action sociale qui sont privés et dont le financement est majoritairement privé. Il est plus étroit dans la mesure où elle ne comprend pas, par exemple, les administrations publiques produisant des services culturels (musées…).
Le rapport entre l’emploi dans cette branche (8,6 millions en France) et l’emploi total en 2022 est de 29 % en France, au-dessus des moyennes de la zone euro (25 %) et de l’Union européenne (24 %) ou du ratio de l’Allemagne (26 %), mais au-dessous de ceux de la Suède (34 %) et de la Belgique (31 %).
L’emploi dans le secteur public est ici rapporté à l’emploi total pour apprécier la part du travail utilisé dans l’économie qui est mobilisée pour fournir des services publics. Il est parfois rapporté à la population de sorte d’apprécier plutôt dans quelle mesure les besoins collectifs sont satisfaits par les emplois publics[3]. Des travaux de 2017 de France Stratégie sur l’emploi public montrent que le constat est alors qualitativement le même : l’emploi public est nettement plus élevé en France que dans la moyenne européenne, mais il est encore plus important dans les pays scandinaves et en Belgique.
Le graphique suivant montre l’évolution de la part de cette branche dans l’emploi total entre 1997 et 2022. Cette part a légèrement diminué en France, en Suède, en Italie et en Pologne, alors qu’elle a augmenté dans les autres pays et en moyenne dans la zone euro et l’Union européenne. Sa hausse a été particulièrement forte en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas.
Source : Eurostat ; FIPECO.
[1] Les administrations publiques comprennent ce 1,2 million de « contractuels de droit public » inclus dans la fonction publique ainsi que 0,7 million de « contractuel de droit privé ».
[2] 5,39 millions en ajoutant les contrats aidés comme les contrats d’avenir.
[3] Si deux pays A et B ont le même nombre d’emplois publics par habitant mais si le pays A est beaucoup plus vieux ou jeune, avec donc une part de la population en emploi bien plus faible, les emplois privés doivent y supporter des prélèvements obligatoires beaucoup plus élevés pour financer les emplois publics.