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FIPECO le 13.06.2024                                                                       

Les fiches de l’encyclopédie                                                          I) Les comptes publics

7) Les comptes des collectivités locales

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Les comptabilités des collectivités territoriales et de leurs groupements doivent respecter des normes, différentes d’une catégorie de collectivités (communes, départements, régions) à l’autre, qui sont établies par le ministre en charge des comptes publics[1]. Leurs systèmes d’information ont en commun d’avoir simultanément une fonction budgétaire et une fonction comptable.

Si chaque collectivité a un unique « système budgétaro-comptable », deux comptes sont néanmoins produits, sous la responsabilité de deux producteurs distincts : le « compte de gestion » du comptable, plutôt centré sur la situation patrimoniale, et le « compte administratif » du président de l’assemblée locale, plutôt centré sur l’exécution du budget.

Cette fiche décrit les principales caractéristiques de ces comptes ainsi que le résultat de leur centralisation et de leur agrégation au niveau national par la direction générale des finances publiques. Elle présente les faiblesses de la comptabilité des collectivités locales qui sont souvent signalées par les chambres régionales et territoriales des comptes. Elles ont été plus particulièrement soulignées par la Cour des comptes dans son rapport de 2018 sur les finances publiques locales et dans un référé du 27 septembre 2023 sur la certification de leurs comptes.

A) Les principales caractéristiques

Les collectivités locales ont une comptabilité générale ou « d’exercice ». Les produits et charges sont rattachés à l’exercice au cours duquel sont émis les titres permettant de recouvrer les créances et les « mandats » donnant ordre au comptable de payer les dépenses. Ils ne sont donc pas rattachés à l’année au cours de laquelle ces produits et charges sont encaissés ou décaissés.

1) Les comptes de gestion

Les comptes de gestion des collectivités locales d’une certaine importance, par exemple les communes de plus de 500 habitants, comprennent un compte de résultat, un bilan et des informations en annexe. Le compte de résultat présente :

1) Le résultat courant non financier qui est le solde des :

 

  • produits courants non financiers, à savoir notamment les impôts et taxes perçus, les dotations de l’Etat, la production (notamment les produits des services et du domaine), les reprises sur amortissement et provisions et les dotations et subventions reçues (notamment de l’Etat) ;
  • et charges courantes non financières, à savoir notamment les traitements et salaires bruts, les charges sociales, les achats et charges externes, les impôts payés, les dotations aux amortissements et provisions, les « participations et interventions » (subventions versées à d’autres organismes) ;

 

2) Le résultat courant financier qui est le solde des produits courants financiers (intérêts reçus…) et des charges courantes financières (intérêts versés…) ;

 

3) Le résultat exceptionnel.

Le bilan présente notamment :

1) à l’actif : les immobilisations corporelles (en distinguant celles détenues en toute propriété et celles reçues au titre d’une mise à disposition ou d’une affectation), les immobilisations incorporelles (dont les subventions d’équipement versées) et les immobilisations financières (prêts et avances…), les stocks et encours, les créances, les disponibilités (obligatoirement déposées sur un compte auprès du Trésor public, non rémunéré et sans possibilité de découvert) et les comptes de régularisation ;

 

2) au passif : les fonds propres (résultat de l’exercice et report à nouveau, dotations…), les provisions pour risques et charges, les dettes (financières, commerciales, fiscales et sociales…) et les comptes de régularisation.

2) Les comptes administratifs

Les budgets et les comptes administratifs distinguent une « section de fonctionnement », qui comprend les mêmes informations que le compte de résultat, et une « section d’investissement », qui comprend l’excédent de la section de fonctionnement (le solde du compte de résultat) ainsi que la variation de certains postes du bilan entre le 1er janvier et le 31 décembre (les immobilisations, les subventions d’équipement et les dettes financières notamment). La section d’investissement est soldée par la variation du « fonds de roulement » de la collectivité qui regroupe les opérations financières à moins d’un an sans les distinguer.

Une présentation plus précise des comptes administratifs est donnée dans la fiche sur les budgets des collectivités locales.

3) Les comptes des services annexes et autonomes

Il existe des budgets et des comptes « annexes » pour certains services spécialisés, tels que l’assainissement et la distribution d’eau, qui ne sont pas consolidés avec les comptes administratifs et de gestion « principaux » même si ces services n’ont pas de personnalité propre et si leurs budgets et comptes doivent faire l’objet d’un vote des assemblées locales. Ces services annexes ont le même compte auprès du Trésor public que les services principaux.

Certains services locaux sont assurés par des établissements publics locaux (centres communaux d’action sociale…), voire des associations, et des établissements publics de coopération intercommunale contrôlés par une ou plusieurs collectivités locales mais disposant d’une personnalité propre. Ils ont des budgets et comptes « autonomes » qui ne sont pas consolidés avec ceux des collectivités qui les contrôlent.

B) L’agrégation des comptes

Les comptes de gestion des collectivités locales, hors comptes autonomes, et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont centralisés par la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui en publie une « agrégation » : les transferts entre collectivité et entre les collectivités et leurs groupements sont partiellement annulés et les autres recettes et dépenses sont additionnées. Seuls les produits et charges « réels », c’est-à-dire donnant lieu à encaissement ou décaissement, sont ainsi agrégés. Les reprises et dotations aux provisions et amortissements ou encore les « dépenses et recettes d’ordre » (cf. plus loin) ne sont donc pas prises en compte.

Cette agrégation est restituée sous forme de résultats de synthèse des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre qui sont publiées notamment par « l’observatoire des finances et de la gestion publique locales ». Celui-ci est une formation spécialisée du « comité des finances locales », instance de concertation qui rassemble les représentants des collectivités territoriales et de l’Etat ainsi que des parlementaires. Il distingue les opérations non financières et financières. Les premières comprennent :

  • les recettes et dépenses réelles de fonctionnement, issues du compte de résultat, dont le solde est appelé « épargne brute » ou « autofinancement » ;
  • les « recettes et dépenses d’investissement », qui comprennent les dépenses d’équipement des collectivités et les subventions d’investissement  versées ainsi que les subventions d’investissement reçues (dont le remboursement par l’Etat de la TVA sur les investissements).

 

Les comptes des collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre

 (Opérations non financières, budgets principaux et annexes, 2023 en Md€)

Dépenses de fonctionnement (1) dont :

Achats et charges externes

Frais de personnel

Interventions sociales et économiques

Intérêts

224,0

 

56,0

78,7

76,0

    5,0

 

Recettes de fonctionnement (2)

dont :

Impôts

Concours de l’Etat

Autres subventions

Vente de biens et services

 

 

267,8

 

170,5

37,9

21,7

26,5

Epargne brute (3) = (2) – (1)

43,8

 

 

Dépenses d’investissement (4) Dont :

Subventions d’équipement

Dépenses d’équipement

77,2

 

12,8

60,8

Recettes d’investissement (5) dont :

Remboursement TVA

Autres subventions

28,2

 

6,2

16,3

Solde des opérations non financières (3+5-4)

- 5,2

 

 

Source : observatoire des finances et de la gestion publique locales ; FIPECO.

Le solde résultant des comptes des collectivités locales et de leurs groupements à fiscalité propre (- 5,2 Md€ en 2023) diffère de la capacité de financement des collectivités locales et de leurs groupements en comptabilité nationale en raison notamment des budgets annexes qui sont souvent classés hors des administrations publiques dans la mesure où ils retracent principalement des activités marchandes.

Les nouveaux emprunts et cette capacité (ou ce besoin) de financement permettent de couvrir le remboursement des anciens emprunts et la variation du fonds de roulement.

Les comptes des collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre

 (Opérations financières, budgets principaux et annexes, 2023 en Md€)

 

 

Solde des opérations non financières

- 5,2

Remboursements d’emprunts

18,8

Nouveaux emprunts

21,2

Variation du fonds de roulement

- 2,9

 

 

Source : observatoire des finances et de la gestion publique locales ; FIPECO.

C) Les faiblesses de la comptabilité des collectivités locales et les voies d’amélioration

Dans son rapport de septembre 2018 sur les finances locales, la Cour des comptes a fait le point sur la fiabilité des comptes publics locaux et les moyens de l’améliorer.

1) La dualité des comptes

La Cour des comptes critique depuis longtemps la dualité des comptes des collectivités locales, entre le « compte administratif » de l’ordonnateur (maire…) et le « compte de gestion » du comptable, qui est une source de complexité et de fragilité des états financiers, et elle plaide en faveur d’un compte financier unique. Un rapport des inspections générales de l’administration et des finances d’août 2017 confirme l’intérêt et la faisabilité de cette réforme et propose des pistes d’évolution pour y parvenir.

La loi de finances pour 2019 prévoit que les collectivités locales et leurs groupements puissent, à titre expérimental et pour trois ans à partir de l’exercice 2020, présenter un compte financier unique.

2) Le compte de résultat

Beaucoup de collectivités locales omettent d’amortir leurs immobilisations ou de provisionner leurs créances ou leurs risques. La Cour notait en 2018 que les provisions pour dépréciation et pour risques sont inexistantes dans les trois quarts des collectivités qui se sont engagées à expérimenter la certification de leurs comptes (cf. plus loin).

En outre, pour éviter que ces dotations ne contraignent les collectivités locales à trouver des recettes « réelles » supplémentaires, les instructions comptables leur permettent de comptabiliser des « recettes d’ordre » fictives en contrepartie des dotations aux provisions et amortissements[2]. Ces écritures pour ordre brouillent la lecture de leurs comptes.

Par ailleurs, malgré l’existence d’une « période complémentaire » qui permet de rattacher à l’exercice N des charges payées au début de l’année N+1, le rattachement des charges à l’exercice approprié est souvent très incertain.

Enfin, alors qu’ils devraient être enregistrés sur des lignes comptables spécifiques, les flux financiers entre les comptes principaux des communes, les comptes annexes et les comptes des groupements auxquels elles appartiennent, ne sont pas toujours correctement identifiés, notamment ceux qui concernent les mises à disposition de personnels.

3) Le bilan

Selon la Cour des comptes, la connaissance de leur patrimoine par les collectivités territoriales est très lacunaire, voire inexistante, alors qu’elles sont supposées tenir une comptabilité d’exercice patrimoniale. En particulier, les inventaires comptables sont d’une fiabilité très limitée. Un rapport de mai 2016 de l’inspection générale des finances sur le patrimoine des collectivités locales confirme ce constat.

A la suite de la découverte d’importants « emprunts toxiques » dans les comptes des collectivités locales au début de la précédente décennie, des travaux ont été entrepris, notamment par le conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP), et des instructions ont été données par le ministre chargé des comptes publics pour qu’elles intègrent mieux dans les comptes et leurs annexes les risques liés à leurs engagements financiers.

Les dettes vis-à-vis des fournisseurs qui résultent de mandats des ordonnateurs non payés par les comptables faute de trésorerie suffisante apparaissent rarement au passif. 

Le CNOCP a adopté un recueil de normes comptables publié en 2023 qui tient compte des spécificités du secteur public local et concerne le bilan, le compte de résultat et les annexes.

4) La certification des comptes

Les comptes des collectivités locales sont examinés par les chambres régionales des comptes, avec une périodicité variable, à l’occasion des contrôles de leur gestion, mais ces travaux ne correspondent pas à une mission de certification.

La loi de 2015 sur une nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRé) a prévu l’expérimentation d’une certification des comptes des collectivités les plus grandes, sur une base volontaire, conduite sous l’égide de la Cour et en liaison avec les chambres régionales des comptes. Cette expérimentation a porté sur les comptes des exercices 2020 à 2022 de 25 collectivités de toutes catégories et de toutes tailles.

Dans son bilan final de cette expérimentation, établi en janvier 2023, la Cour des comptes conclut que toutes les collectivités locales devraient engager une démarche progressive de fiabilisation de leurs comptes mais que seules les plus importantes devraient les faire certifier par un auditeur externe compte-tenu du coût de cette certification.

Dans un référé de septembre 2023, la Cour observe que le gouvernement a présenté en juin 2023 un rapport au Parlement où il propose de conserver le caractère facultatif de cette certification, même pour les plus grandes collectivité. La Cour souligne que les collectivités locales ont toujours pu faire certifier leurs comptes sur une base volontaire et que ce statu quo serait incohérent avec les choix faits pour les autres administrations publiques (Etat, régime général de sécurité sociale…) dont les comptes doivent être « réguliers et sincères » et « donner une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière » selon la Constitution.

La Cour note que le coût de la certification est inférieur à 0,05 % des dépenses de fonctionnement des collectivités qui participent à l’expérimentation et que celles-ci reconnaissent l’utilité de cette démarche. Elle rappelle que la fiabilité des comptes des collectivités locales présente des « insuffisances majeures » quelle que soit leur taille : « ainsi, les produits et les charges ne sont pas toujours enregistrés dans le bon exercice comptable... Les charges et les risques ne sont pas systématiquement provisionnés. Les créances dont le recouvrement est compromis ne sont pas toujours dépréciées. Souvent, les collectivités ne disposent pas d’un inventaire complet et actualisé de leurs immobilisations corporelles et incorporelles ; lorsqu’il en existe un, elles ne rapprochent pas les données comptables avec les informations qui y sont retracées. La plupart des engagements hors bilan donnés et reçus ne sont pas recensés. La traçabilité des opérations effectuées et comptabilisées est imparfaitement assurée ».

Elle observe que les commissaires aux comptes de 20 collectivités participant à l’expérimentation ont refusé de certifier leurs comptes de 2020 mais que les réformes entreprises leur ont permis de certifier les comptes de 2022 de 14 d’entre elles.

La Cour recommande donc d’instaurer une obligation de certification des comptes des collectivités locales de taille importante.

5) La consolidation des comptes

Les activités industrielles et commerciales des collectivités font souvent l’objet de budgets et comptes annexes qui ne sont pas consolidés avec les budgets et comptes principaux.

En outre, les collectivités locales logent beaucoup de leurs interventions dans des structures juridiquement autonomes dont elles ont le contrôle de fait et dont elles partagent les risques (établissements publics locaux, associations sportives ou culturelles, sociétés d’économie mixte…). Enfin, les communes transfèrent certaines de leurs compétences à des établissements publics de coopération intercommunale.

Comme l’ont montré les bilans de l’expérimentation de la certification de leurs comptes, l’absence de consolidation de ceux-ci avec leurs budgets annexes et ceux de leurs satellites et des groupements auxquels elles appartiennent est un obstacle à une appréciation correcte de leur situation financière.

6) L’agrégation des comptes au niveau national

La neutralisation des transferts entre les collectivités et leurs groupements est fragile, ces opérations étant mal identifiées dans les comptes des collectivités. L’agrégation des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements au niveau national pâtit également des autres déficiences de leurs systèmes comptables individuels exposées ci-dessus. Ces faiblesses des comptes agrégés par la DGFIP fragilisent le compte des administrations publiques locales établi par l’INSEE en comptabilité nationale dont cette agrégation constitue la principale donnée source.

 

[1] Instructions dites M14 pour les communes, M52 pour les départements, M71 pour les régions et bientôt M57 pour l’ensemble des collectivités territoriales (à partir de 2024).

[2] En effet, les collectivités locales sont astreintes à voter et exécuter la section de fonctionnement, pour le compte administratif, ou le compte de résultat, pour le compte de gestion, en équilibre ou en excédent. Or les dotations aux amortissements et aux provisions accroissent leurs dépenses et peuvent les obliger à augmenter leurs recettes de fonctionnement, en pratique souvent les impôts locaux, pour atteindre cet équilibre.

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