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09/04/2025

Les finances publiques en 2024

François ECALLE

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L’Insee vient de publier les principaux résultats du compte provisoire des administrations publiques pour 2024. Les ratios exprimés en pourcentage du PIB sont calculés en utilisant le PIB de 2024 qui résulte des comptes trimestriels. Les comptes nationaux annuels complets pour 2024 seront disponibles fin mai et pourront permettre d’affiner l’analyse des finances publiques.

Le déficit public passe de 5,4 % du PIB en 2023 à 5,8 % en 2024 ou de 10,4 % des recettes publiques en 2023 à 11,3 % en 2024. Il est sur une tendance croissante inquiétante depuis plusieurs décennies. En 2024, il tient surtout au déficit des administrations centrales (5,3 % du PIB) et secondairement à celui des administrations locales (0,6 % du PIB) alors que les administrations sociales sont proches de l’équilibre. Hors CADES, ces dernières sont toutefois en déficit.

La croissance des prélèvements obligatoires (PO) à législation constante est de seulement 2,2 % en 2024 alors que la croissance du PIB nominal est de 3,5 %. Si l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB est ainsi très faible en 2024 comme en 2023, elle était très élevée en 2021 et 2022 et il y a une forme de normalisation en 2023-2024. Malgré des mesures de hausse de certains impôts, le taux des PO diminue nettement en 2024.

Alors que la croissance des dépenses publiques est au cœur des nouvelles règles budgétaires européennes et nationales, leur croissance en 2024 (2,1 % en volume et 3,9 % en valeur) dépasse l’objectif fixé par la loi de programmation des finances publiques de décembre 2023 (0,5 % en volume et 3,0 % en valeur). Les intérêts de la dette augmentent de 14,6 % et les dépenses primaires de 3,6 % malgré la réduction des dépenses exceptionnelles engagées pendant les crises sanitaire et énergétique. La progression des pensions de retraite explique 40 % de l’augmentation des dépenses publiques.

Le déficit primaire s’accroît alors qu’il faudrait fortement le réduire pour stabiliser la dette publique. Celle-ci augmente ainsi de 203 Md€ en 2024 et passe de 109,8 % du PIB fin 2023 à 113,0 % fin 2024. Elle est portée à hauteur de 83 % par les administrations centrales.

A) Le déficit public

Le déficit public est remonté de 5,4 % du PIB en 2023 à 5,8 % en 2024, ou de 10,4 % des recettes publiques en 2023 à 11,3 % en 2024. Comme le montre le graphique ci-dessous, le solde des administrations publiques (excédentaire dans les années 1960) s’inscrit sur une tendance préoccupante depuis plusieurs décennies.

Source : Insee ; FIPECO.

Le déficit public de 2024 (170 Md€) tient d’abord aux administrations publiques centrales (154 Md€, soit 5,3 % du PIB, montant quasi-stable par rapport à 2023), à savoir l’Etat et les organismes publics dont l’activité est principalement non marchande et qui sont sous son contrôle.

Les administrations publiques locales enregistrent un déficit de 17 Md€ (0,6 % du PIB), en hausse par rapport à 2023 (0,3 % du PIB). Elles n’ont pas connu de déficit aussi important en pourcentage du PIB depuis 1992. Elles recouvrent les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunales mais aussi les « organismes divers d’administration locale » de la comptabilité nationale. Ces derniers sont constitués d’établissements publics locaux et de certains établissements publics nationaux dont l’activité s’exerce sur une partie du territoire comme les agences de l’eau. On y trouve la société des grands projets (auparavant appelée société du Grand Paris) et Ile-de-France Mobilités.

Les administrations de sécurité sociale dégagent un léger excédent (1 Md€), en baisse par rapport à 2023 (11 Md€). Cet excédent est imputable à la CADES (16,0 Md€ en 2024), ses recettes (CSG, CRDS…) étant structurellement supérieures à ses dépenses (charge d’intérêts), ce qui lui permet de rembourser progressivement la dette sociale. Les administrations sociales hors CADES sont largement déficitaires.

B) Les recettes publiques

Les recettes publiques augmentent de 3,1 % en 2024, contre 3,5 % pour le PIB en valeur. Les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) en sont la principale composante.

Ces prélèvements obligatoires (PO) augmentent de 2,5 % et le taux des PO, qui les rapporte au PIB, diminue ainsi de 43,2 % en 2023 à 42,8 % en 2024. Il n’avait pas été aussi bas depuis 2011.

Source : Insee ; FIPECO

Les modifications de la législation fiscale et sociale contribuent à augmenter les PO de 4 Md€ en 2024 selon le plan budgétaire et structurel à moyen terme transmis à la Commission européenne en novembre 2024. Les principales hausses concernent les taxes sur l’électricité (sortie du bouclier tarifaire). Si on retient ce montant de 4 Md€, la croissance des PO à législation constante est de 2,2 %, ce qui correspond à une élasticité au PIB nominal de 0,6[1].

Cette élasticité pourrait être revue à la hausse si le PIB annuel qui sera publié fin mai par l’Insee s’avérait plus faible que son estimation provisoire actuelle tirée des comptes nationaux trimestriels, mais il est peu probable qu’elle soit beaucoup plus forte.

L’élasticité des PO au PIB est proche de l’unité sur longue période (1,06 de 1990 à 2023) mais elle varie beaucoup d’une année à l’autre. Elle a déjà été très faible en 2023 (0,4) après avoir été très forte en 2021 (1,2) et surtout 2022 (1,4). Les années 2023 et 2024 marquent ainsi une forme de correction.

En 2024, les impôts s’accroissent de 2,0 % au total avec une croissance inférieure à 1,0 % du produit de la TVA et du produit de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, d’un côté, et une croissance supérieure à 3,0 % des taxes foncières et de la CSG, d’un autre côté. Les cotisations sociales augmentent de 4,3 %.

C) Les dépenses publiques

La loi organique de décembre 2021 relative à la gestion et à la modernisation des finances publiques a placé le respect d’un objectif de croissance des dépenses publiques au cœur des lois de programmation des finances publiques. Ces lois doivent fixer un objectif de croissance en volume des dépenses (hors effet de la hausse des prix, l’indice retenu étant celui de l’inflation hors tabac) et donner une prévision de dépenses en valeur. Le respect d’un objectif de croissance des dépenses publiques est également devenu un élément central des nouvelles règles budgétaires européennes adoptées en 2024.

La loi de décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a ainsi fixé l’objectif de croissance des dépenses publiques pour 2024 (hors crédits d’impôt) à 0,5 % en volume et la prévision de croissance en valeur de ces dépenses à 3,0 % (47 Md€).

Or le compte des administrations publiques pour 2024 fait apparaître une croissance des dépenses publiques (hors crédits d’impôt) de 3,9 % en valeur (+ 63 Md€) et 2,1 % en volume. L’objectif de la loi de programmation est donc largement dépassé.

La croissance du PIB en valeur ayant été de 3,5 %, le rapport des dépenses publiques au PIB passe de 56,9 % en 2023 à 57,1 % en 2024.

Source : Insee ; FIPECO

La charge des intérêts de la dette publique augmente de 14,6 % (7 Md€), sous l’effet combiné des hausses du montant et du taux de la dette.

Les dépenses primaires s’accroissent de 3,6 % (56 Md€), plus vite que les recettes publiques (3,1 %) ce qui entraîne une hausse du déficit primaire (de 3,6 % à 3,8 % du PIB) alors qu’il faudrait le réduire fortement pour arriver à stabiliser la dette en pourcentage du PIB.

La progression des dépenses primaires est pourtant atténuée par la réduction des dépenses exceptionnelles mises en œuvre pendant les crises sanitaire puis énergétique et qui subsistaient en 2023. Selon la Cour des comptes, ces dépenses exceptionnelles sont en effet passées de 29 Md€ en 2023 à 10 Md€ en 2024. Hors dépenses exceptionnelles, les dépenses primaires s’accroissent de 4,9 %.

La progression des prestations sociales est particulièrement forte (5,5 % soit 39 Md€), notamment celle des pensions de retraite (6,7 % soit 25 Md€). Celles-ci expliquent 40 % de l’augmentation des dépenses publiques.

Les dépenses de personnel des administrations publiques s’accroissent de 4,6 % (16 Md€), en raison des mesures générales et catégorielles de revalorisation des rémunérations mais aussi de la hausse des effectifs de la fonction publique.

Les investissements des administrations publiques restent soutenus avec une augmentation de 5,3 % (6 Md€).

D) La dette publique

La dette publique au sens du traité de Maastricht augmente de 203 Md€ en 2024 pour atteindre 3 305 Md€ à la fin de l’année. Elle passe ainsi de 109,8 % du PIB fin 2023 à 113,0 % fin 2024.

La hausse de la dette en euros est supérieure au montant du déficit public (170 Md€) car certaines administrations ont accru leur trésorerie, notamment la caisse nationale qui regroupe les Urssaf sans doute parce que celle-ci craignait que son plafond d’emprunt ne soit pas relevé par la loi budgétaire spéciale.

Source : Insee ; FIPECO

La dette des administrations publiques centrales augmente de 168 Md€ pour atteindre 2 757 Md€, soit 94,2 % du PIB. La dette des administration publiques locales s’accroît de 14 Md€ (9 Md€ pour les collectivités territoriales et 5 Md€ pour les organismes divers d’administration locale) pour atteindre 262 Md€, soit 9,0 % du PIB. Celle des administrations de sécurité sociale augmente de 22 Md€ pour atteindre 287 Md€, soit 9,8 % du PIB.

Certaines administrations publiques ayant emprunté pour alimenter leur trésorerie, la dette publique nette des actifs financiers liquides augmente de 190 Md€ en 2024 et passe de 101,6 % du PIB fin 2023 à 104,7 % du PIB fin 2024.

Les médias suivants ont mentionné cette note :

Ouest France

[1] Rapport de la croissance du produit des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB nominal.

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