Fipeco

Partager Partage sur Twitter Partage sur Facebook Partage sur Linkedin


FIPECO le 22.03.2024                                                           

Les fiches de l’encyclopédie                                                          VII) Les finances locales

6) L’intercommunalité

PDF à lire et imprimer

L’organisation territoriale de la France est caractérisée par ses 34 935 communes (au 1er janvier 2024), dont la moitié a moins de 500 habitants, alors qu’on en compte entre 8 000 et 12 000 en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne. La carte des communes n’a quasiment pas changé en France depuis la Révolution et les dispositions législatives tendant à leur fusion ont eu des résultats très limités jusqu’à une loi de 2015 facilitant la création de communes nouvelles, avec maintien des communes anciennes comme « communes déléguées ». Le nombre de communes a ainsi diminué d’un peu plus de 1 700 depuis 2015[1].

La taille moyenne des communes françaises reste néanmoins insuffisante pour qu’elles puissent mettre à la disposition de leurs résidents, à un coût raisonnable, les services et équipements publics locaux qui relèvent de leur compétence. Pour réduire cette source majeure d’inefficacités, des structures de coopération intercommunales ont été créées depuis 1890. Leurs diverses formes juridiques sont d’abord présentées.

Cette fiche montre ensuite que les dépenses de ces intercommunalités ont fortement augmenté au cours de ces dernières années, en partie seulement parce que de nouvelles compétences leur ont été transférées. Elle examine enfin l’ampleur de « l’intégration fiscale » entre les communes et EPCI et celle de la « mutualisation » de leurs moyens.

A) Les différentes structures intercommunales

La coopération entre les communes est mise en œuvre par des « établissements publics de coopération intercommunale » (EPCI). Ce sont des établissements publics et ils doivent donc respecter un principe de spécialité : leurs compétences sont limitées à celles que la loi leur attribue ou que les communes membres leur délèguent.

Il existe deux formes principales d’intercommunalités : la première, la plus ancienne, est dite « associative » et elle est mise en œuvre par des EPCI appelés « syndicats » ; la deuxième forme est dite « fédérative » et elle mise en œuvre par des « EPCI à fiscalité propre ».

1) Les syndicats de communes

Les syndicats constituent une forme relativement souple de coopération entre les communes pour gérer en commun des équipements, comme des centres sportifs, ou des services publics locaux, comme l’enlèvement des ordures ménagères. Ils sont financés par des contributions des communes, dont la quote-part est fixée par leurs statuts.

Un syndicat intercommunal peut être « à vocation unique » (SIVU), son objet étant limité à un service ou un équipement particulier, ou « à vocation multiple » (SIVOM), son objet étant alors diversifié.

Les communes peuvent également constituer des « syndicats mixtes » avec d’autres catégories de collectivités locales (départements, régions) ou d’autres personnes morales de droit public (EPCI, chambres de commerce et d’industrie, par exemple).

2) Les EPCI à fiscalité propre

Un EPCI à fiscalité propre dispose de ressources fiscales propres, c’est-à-dire d’une fraction, ou de la totalité, du produit de certains des impôts locaux affectés en principe aux communes (taxe d’habitation, taxes foncières…). Ces EPCI sont des « groupements à fiscalité additionnelle » s’ils prélèvent tous ces impôts à un taux qui s’ajoute au taux communal sur le territoire de chaque commune ou des « groupements à fiscalité professionnelle unique » s’ils prélèvent les impôts professionnels[2] à un taux unique sur l’ensemble de leur territoire.

Les EPCI à fiscalité propre regroupent plusieurs communes sur un territoire d’un seul tenant et sans enclave. Il en existe plusieurs catégories :

  • les « communautés de communes », créées par une loi de 1992, doivent former des ensembles de plus de 15 000 habitants (sauf exceptions prévues par la loi)[3] ;
  • les « communautés d’agglomération », créées par une loi de 1999, doivent former des ensembles de plus de 50 000 habitants autour d’une ville-centre de plus de 15 000 habitants ;
  • les « communautés urbaines », créées par une loi de 1966, doivent former des ensembles de plus de 250 000 habitants ;
  • les « métropoles » créées par une loi de 2010, doivent former des ensembles de plus de 400 000 habitants (250 000 à partir de 2017).

Ces EPCI ont des compétences qui leur sont obligatoirement transférées en application de dispositions législatives et des compétences « optionnelles » ou « supplémentaires » que les communes concernées décident de leur déléguer. En montant dans le classement précédent par taille, de la communauté de communes à la métropole, les compétences obligatoires sont de plus en plus étendues. La métropole exerce en outre obligatoirement des compétences relevant du département ou de la région (transports scolaires, par exemple) et facultativement d’autres compétences que ceux-ci peuvent lui transférer.

3) Les principales caractéristiques des EPCI

Certains EPCI ont été créées par la loi (communautés urbaines de la loi de 1966, métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille instituées par une loi de 2014). Les autres le sont par arrêté préfectoral au terme d’une procédure dont l’initiative revient au préfet ou à des communes. Jusqu’à 2015, quelle que soit l’origine de l’initiative, le préfet définissait le périmètre géographique et les statuts (compétences transférées, mode de représentation des communes au sein de l’assemblée délibérante et fonctionnement de celle-ci…) ; ensuite les communes étaient consultées et le projet devait être approuvé par un nombre minimal d’entre elles représentant plus d’un certain pourcentage de la population concernée.

Par rapport à cette procédure, la loi de 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE) a innové en prévoyant au préalable l’élaboration par les préfets, avant mars 2016, de « schémas départementaux de coopération intercommunale », formant une sorte de carte des EPCI du département, après consultation des communes et EPCI concernés et d’une « commission départementale de la coopération intercommunale ». Celle-ci pouvait amender le projet de schéma à la majorité des deux tiers. Les arrêtés définissant le nouveau périmètre des EPCI conformes à ces schémas ont été notifiés aux communes concernées avant le 15 juin 2016. En cas de désaccord des communes, exprimé avec les règles usuelles de vote (cf. paragraphe précédent), le préfet pouvait engager une « procédure forcée » imposant les périmètres qu’il a définis, sauf si les deux tiers des membres de la commission départementale s’y opposaient. Les nouveaux périmètres ont été définitivement arrêtés fin 2016.

L’organe délibérant de l’EPCI fonctionne, pour l’essentiel, comme un conseil municipal et gère les affaires relevant de la compétence de l’établissement. Le « conseil communautaire » des EPCI à fiscalité propre est composé de « délégués communautaires » qui, depuis 2014, sont des conseillers municipaux « fléchés » sur les listes présentées aux élections municipales pour représenter la commune dans un EPCI[4]. L’organe délibérant élit son président.

4) Le panorama des structures intercommunales au 1er janvier 2024

Le nombre des EPCI à fiscalité propre est passé de 1 845 en 2000 à 2 573 en 2006, puis s’est stabilisé jusqu’à 2010 avant de diminuer jusqu’à 2 062 en 2016 sous l’effet d’une loi de 2010 qui a fixé leur taille minimale à 5 000 habitants, contraignant ainsi certains établissements à se regrouper. Le nombre moyen d’habitants des EPCI à fiscalité propre est en conséquence passé de 22 000 en 2010 à 32 000 en 2016, mais la taille des communautés de communes est restée encore faible (14 000 habitants en moyenne).

La mise en œuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale prévus par la loi NOTRE (cf. ci-dessus) a ensuite entraîné un nouveau mouvement de concentration et ramené le nombre d’EPCI à fiscalité propre à 1 254 au 1er janvier 2024 (nombre inchangé depuis 2022). Leur taille moyenne est passée à 55 000 habitants.

Le nombre de syndicats de communes, qui était trop important selon un rapport de la Cour des comptes de juillet 2016, est en constante diminution. La loi NOTRE a pour objectif une poursuite de ce mouvement par le moyen d’une suppression des doublons entre leurs compétences et celles des EPCI à fiscalité propre ainsi que par le transfert obligatoire de certaines compétences à ces derniers (distribution d’eau par exemple avant 2020). Ils étaient plus de 13 000 en 2015 et ne sont plus que 8 629 en 2024.

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au 1er janvier 2024

Catégorie

Nombre d’EPCI

Nombre moyen d’habitants

Métropoles

21

877 000

Communautés urbaines

14

226 000

Communautés d’agglomération

229

105 000

Communautés de communes

990

22 000

Total EPCI à fiscalité propre

1 254

55 000

Syndicats

8 629

84 000

Source :direction générale des collectivités locales ; métropoles hors celle de Lyon ; FIPECO.

Au 1er janvier 2024, les 1 254 EPCI à fiscalité propre couvrent presque toutes les communes et presque toute la population. Il ne reste que 4 communes isolées, toutes insulaires.

B) Les dépenses des intercommunalités

Selon l’observatoire de la gestion et des finances locales, les dépenses (hors remboursements d’emprunts) des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre se sont élevées à 57 Md€ en 2022, contre 104 Md€ pour les communes (budgets principaux et annexes). Les dépenses des syndicats étaient de 20 Md€.

 Les EPCI à fiscalité propre emploient environ 370 000 personnes en 2021, sur un total de 1 942 000 fonctionnaires territoriaux (effectifs physiques hors emplois aidés).

Source : observatoire des finances locales ; budgets principaux ; FIPECO

De 2004 à 2022, les dépenses des EPCI à fiscalité propre ont augmenté en valeur de 4,1 % en moyenne annuelle. Cette forte croissance tient pour partie à de nouveaux transferts de compétences des communes, dont les dépenses se sont accrues de seulement 1,5 % par an. Il en résulte une progression des dépenses agrégées du secteur communal de 2,2 % par an, qui n’a pas été beaucoup plus faible que celle de l’ensemble des collectivités locales et de leurs groupements (2,5 %) alors que, contrairement aux départements et régions, les communes n’ont pas reçu de compétences nouvelles de l’Etat sur cette période.

C) L’intégration et la mutualisation des moyens entre EPCI et communes

1) L’intégration fiscale

Les EPCI à fiscalité propre reçoivent de l’Etat une « dotation d’intercommunalité » dont le montant total s’est élevé à 1,7 Md€ en 2022. Elle est répartie entre les intercommunalités en fonction de la population des communes regroupées et de leur « potentiel fiscal » par habitant ainsi que du « coefficient d’intégration fiscale » de l’EPCI. Ce dernier rapporte le montant des impôts conservés par l’EPCI au montant total des impôts, de même nature, levés par l’EPCI et les communes concernées.

Dans un rapport de 2014 sur les finances publiques locales, la Cour des comptes observait que le degré d’intégration des communes au sein des intercommunalités à fiscalité propre « est parfois si faible que la première des compétences de l’EPCI paraît être la redistribution de ressources financières à ses communes membres ».

En effet, si la loi reconnait de larges domaines de compétences aux EPCI, celles qui leur sont réellement transférées n’en couvrent qu’une partie. Un EPCI ne peut exercer de nouvelles compétences que si son organe délibérant reconnait leur « intérêt communautaire » à une majorité des deux tiers. En pratique, cet intérêt communautaire est rarement reconnu pour un domaine d’intervention, comme les activités sportives, mais pour une liste précise de services ou d’équipements (une liste de centres sportifs par exemple), qui ne peut être modifiée qu’en suivant la même procédure. Il en résulte un enchevêtrement des compétences des communes et des EPCI.

2) La mutualisation des moyens

Lorsque les communes transfèrent des compétences à un EPCI, elles lui transfèrent en principe également les services chargés de leur mise en œuvre et les ressources financières nécessaires. Le transfert des services concernés n’est cependant pas obligatoire si le transfert des compétences est seulement partiel, ce qui est généralement le cas. Les communes et les EPCI disposent ainsi chacun de services ayant les mêmes missions, mais ils ont la possibilité de les mutualiser. Cette « mutualisation » peut être « ascendante » (les communes mettent des moyens à la disposition de l’EPCI) ou « descendante » (l’EPCI met des moyens à leur disposition). Depuis 2010, les EPCI et leurs communes membres peuvent en outre créer des « services communs » indépendamment de tout transfert de compétences, par exemple pour gérer leurs systèmes informatiques ou grouper leurs achats.

L’ampleur de cette mutualisation des moyens est encore très limitée : les flux financiers étaient de l’ordre de 0,3 Md€ pour sa composante ascendante et 0,6 Md€ pour sa composante descendante selon le rapport précité de 2014 de la Cour des comptes. Les EPCI mutualisent surtout leurs moyens avec les villes-centres de leur zone de compétence et, selon un rapport de l’inspection générale des finances de 2015 le manque de consensus politique et la crainte de l’hégémonie de la ville-centre sont les principaux obstacles à la mutualisation des moyens mis en avant par les élus locaux.

Une loi de 2014 a prévu que la répartition de la dotation globale de fonctionnement dépendrait désormais, entre autres critères, d’un « coefficient de mutualisation » des moyens entre l’EPCI et les communes.

Enfin, comme le note un autre rapport de l’inspection générale des finances, de 2016 sur le patrimoine des collectivités territoriales, les équipements transférés aux EPCI sont le plus souvent mis à disposition et non cédés en pleine propriété, ce qui constitue une contrainte pour une gestion dynamique de ces équipements.

3) Le cas des métropoles

La Cour des comptes a rendu en décembre 2020 un rapport sur la création des métropoles, hors Paris, dont elle dresse un bilan provisoire « peu convaincant » bien que les métropoles soient « l’expression la plus aboutie du mouvement d’affirmation de l’intercommunalité des années 2010 » et même si la forte disparité entre ces établissements publics rend les conclusions générales difficiles.

Elle observe notamment que la mutualisation des services n’a pas progressé significativement avec le statut métropolitain au-delà de ce qui existait auparavant. Les transferts de compétences nouvelles ont été en fait limités et le périmètre d’intervention des métropoles demeure flou. Leur mise en place s’est accompagnée paradoxalement de la réaffirmation du rôle central des communes dans le paysage local et de celui des maires dans la définition des politiques publiques.

 

[1] Cela tient aussi à une disposition de la loi de 2015 qui exonérait pendant trois ans les communes qui se regroupaient de la baisse des dotations de l’Etat.

[2] La contribution sur la valeur ajoutée et la cotisation foncière des entreprises en particulier. Les EPCI à fiscalité professionnelle unique prélèvent également une fraction des impôts locaux sur les ménages.

[3] Ce seuil était fixé à 5 000 habitants par une loi de 2010 et la loi de 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de la République l’a relevé à 15 000.

[4] Le principe d’une élection au suffrage universel direct distincte des élections municipales avait été inscrit par l’Assemblée nationale dans la loi NOTRE mais en a été retiré pour surmonter l’opposition du Sénat.

Revenir en haut de page