FIPECO le 10.12.2019
Les notes d’analyse IX) Les autres politiques publiques
2)Quelles réformes de la politique du logement sont-elles encore nécessaires ?
François ECALLE
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Comme le montre la fiche de l’encyclopédie qui leur est consacrée les dépenses publiques relatives à la politique du logement sont plus élevées en France que dans la plupart des autres pays. En outre, des impôts spécifiques sont prélevés sur ce secteur pour des montants importants et certains agents économiques bénéficient de substantielles dépenses fiscales. Enfin, ce secteur est particulièrement réglementé.
La politique du logement relève de multiples acteurs (Etat, collectivités locales, gestionnaires de logements sociaux…) dont les objectifs sont nombreux et parfois contradictoires : augmenter la construction de logements neufs en luttant à la fois contre la surdensité et l’étalement urbain ; protéger les locataires et inciter les ménages à investir dans le secteur locatif ; accueillir les ménages en difficulté dans les logements sociaux tout en y favorisant la « mixité sociale » et en équilibrant les comptes des gestionnaires de ces logements…
La fiche de l’encyclopédie montre que le nombre et la qualité des logements ont fortement augmenté en France depuis 20 ans, mais aussi que les possibilités de logement restent trop limitées pour les ménages les plus modestes dans les « zones tendues » où les prix sont élevés.
Cette note traite plus particulièrement les questions portant sur l’offre de logements, les aides à la pierre et à la personne et le logement social. La note relative aux impôts locaux suggère d’ajuster progressivement la valeur castrale sur la valeur de marché pour asseoir les taxes foncières et d’habitation et de remplacer les droits de mutation à titre onéreux par une taxation plus forte des plus-values immobilières. La note sur la réforme des prélèvements obligatoires met en avant l’inefficacité des taux réduits de TVA, pour redistribuer les revenus ou créer des emplois, ce qui concerne le taux réduit appliqué aux travaux d’entretien du logement.
A)L’offre de logements est trop fortement limitée par des contraintes réglementaires
Les gouvernements qui se sont succédés en France ont souvent visé un objectif de construction de 500 000 logements par an, alors que seulement 350 000 à 450 000 ont été mis en chantier chaque année depuis 2007. Toutefois, cet objectif de 500 000 logements repose sur des analyses anciennes et fragiles d’un « besoin en logements » multiforme et difficile à appréhender. La construction neuve ne peut d’ailleurs être que le solde entre une offre et une demande de logements qui portent principalement sur les logements déjà construits (l’ordre de grandeur des déménagements dans l’ancien est cinq fois plus élevé que dans le neuf).
Il reste néanmoins, comme le met en évidence une note du conseil d’analyse économique (CAE) de février 2013, que la rareté et la mauvaise gestion de l’offre constituent des causes importantes de la hausse des prix de l’immobilier. Comme l’a rappelé le centre d’analyse stratégique (CAS) en 2012, de nombreux travaux montrent que les mesures de soutien de la demande, notamment les aides personnelles, ont surtout pour effet d’augmenter les prix de l’immobilier et les loyers en raison des contraintes pesant sur l’offre.
Selon une étude de l’OCDE portant sur « l’élasticité prix de l’offre de logements » (la réactivité de l’offre à une variation des prix), la France est un des pays de l’organisation où elle est la plus faible. L’offre est donc trop contrainte pour être suffisamment stimulée par la hausse des prix et l’amélioration de sa rentabilité financière. Cette étude rappelle que la réactivité de l’offre dépend fortement des règles d’urbanisme et d’usage des sols.
Pour comprendre comment s’ajustent l’offre et la demande de logements, neufs ou anciens, il faut distinguer trois « marchés » différents : le marché foncier au sens strict, plus précisément celui des terrains constructibles ; le marché de la construction de logements neufs et de l’amélioration des logements anciens sur lequel sont offerts des logements à occuper soi-même ou à louer ; le marché de la location qui met en relation bailleurs et locataires. Les contraintes réglementaires limitent fortement l’offre sur ces trois marchés.
1)Les terrains constructibles
a)Les contraintes
L’offre de terrains à bâtir est essentiellement fixée par les 35 000 maires de France, qui disposent à cette fin de nombreux instruments : le « plan local d’urbanisme » (PLU) qui détermine les zones constructibles et la densité de l’habitat, le droit de préemption, l’expropriation pour cause d’utilité publique, la création d’établissements publics fonciers locaux et, surtout, la délivrance des permis de construire.
Or les habitants d’une commune ne souhaitent généralement pas de nouvelles constructions à côté de chez eux, tout au moins en dehors des zones déjà très urbanisées. La France comptant près de 40 % des communes de l’Union européenne, elle est le seul pays à donner ce pouvoir de définition de l’offre de terrains constructibles à des élus aussi proches des habitants et donc soumis à une forte pression pour s’opposer aux nouvelles constructions.
En outre, les communes françaises sont généralement trop petites pour exercer efficacement leurs compétences en matière d’urbanisme. Le législateur a certes essayé de confier progressivement les outils de planification, comme les « schémas de cohérence territoriale », à l’échelon intercommunal, en les rendant de plus en plus prescriptifs, et la loi ELAN adoptée en septembre 2018 poursuit cette tendance, mais le pouvoir des maires reste prédominant.
Comme le recommande l’Institut Montaigne « pour lutter contre le malthusianisme foncier », il faudrait systématiser les PLU intercommunaux et transférer la délivrance des permis de construire aux intercommunalités. Le « schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires » devrait être plus contraignant en Ile-de-France.
De plus, les administrations et les entreprises publiques sont les principaux propriétaires fonciers de France et, si l’Etat annonce périodiquement qu’elles cèderont des terrains à bâtir, le rythme des cessions a toujours été très lent.
b)Les mesures inscrites dans la loi de finances pour 2018
La loi de finances pour 2018 prévoit un abattement temporaire sur les plus-values réalisées à l’occasion de la vente de terrains à bâtir, ou de terrains bâtis avec obligation de les densifier, dans les zones tendues à condition que cette vente permette la construction de logements neufs, le taux de l’abattement variant selon la nature de ces logements (social, intermédiaire…). Cet avantage fiscal sera donc attribué aux vendeurs tout en étant soumis à des conditions, de construction de logements neufs, qui relèveront de la responsabilité des acheteurs et ne pourront être constatées que longtemps après la transaction.
Le régime fiscal des plus-values immobilières a été souvent modifié dans la période récente, y compris pour introduire des abattements temporaires exceptionnels comme ce fut le cas dans la loi de finances pour 2015. L’impact de ces incitations fiscales n’a jamais été évalué, mais on peut supposer qu’il est très limité compte-tenu des contraintes décrites ci-dessus.
2)La construction et l’amélioration des logements
Comme le note également le rapport de l’Institut Montaigne, on recense 1000 articles de loi réglementant la construction, répartis dans 11 codes différents auxquels s’ajoutent une quinzaine de lois et décrets non codifiés. Entre 2002 et 2012, le code de l’urbanisme est passé de 1 584 à 3 266 pages. Ces normes sont souvent nécessaires pour garantir la qualité et la sécurité des constructions et elles sont parfois aussi nombreuses dans les autres pays, mais elles paraissent plus prescriptives en France.
La note précitée du CAE de 2013 montre que le coût relatif de la construction, par rapport à l’évolution des prix à la consommation, a plus fortement augmenté en France qu’en Allemagne et dans les pays du Benelux. Or le coût du travail dans la construction n’explique pas cette dérive, qui tient probablement pour une grande partie à la prolifération des normes.
Celles-ci augmentent le coût de la construction et peuvent en limiter le volume, y compris lorsqu’elles sont absurdes. Le rapport des sénateurs J.C. Boulard et A. Lambert de 2013 sur la « lutte contre l’inflation normative » en donne comme exemple l’application des normes antisismiques dans les villes où il n’y pas le moindre risque de tremblement de terre.
Le Gouvernement s’est engagé, comme ses prédécesseurs, à lutter contre cette inflation normative et des mesures de bon aloi comme l’encadrement des recours contentieux ou la dématérialisation des procédures ont été inscrites dans la loi ELAN. Le résultat n’est pas acquis définitivement car ces normes répondent le plus souvent à des « besoins sociaux » (accessibilité, information des acheteurs, protection de l’environnement etc.) qu’il faut avoir le courage de remettre en cause.
3)La location de logements
L’investissement dans le logement locatif a pour objectif d’en tirer des revenus plus élevés que ceux de placements financiers sans risque car il présente d’importants risques spécifiques, notamment de ne pas pouvoir recouvrer le loyer convenu et de récupérer un bien dégradé sans pouvoir en obtenir réparation. Or la réglementation réduit les revenus fonciers, à travers le contrôle des loyers sous ses différentes formes (sur les baux en cours, leur renouvellement ou les nouvelles locations), et accroît les risques d’impayés en protégeant les locataires.
Une autre note du CAE, d’octobre 2013, observe que le contrôle des loyers tend à réduire la qualité du parc immobilier. Une étude publiée en 2019 par l’American economic review montre que le contrôle des loyers instauré à San Francisco a eu un impact fortement négatif sur l’offre de logements à louer. On peut ajouter que le contrôle administratif des prix ne les a jamais empêchés d’augmenter sur le long terme. En France, l’inflation a été définitivement vaincue dans les années 1980 lorsque le contrôle des prix a été abandonné pour faire place à la politique de la concurrence.
La protection des locataires contre les ruptures ou les non renouvellements abusifs de baux est nécessaire mais ne doit pas conduire à accroître excessivement les risques d’impayés. Ceux-ci peuvent certes être atténués par des cautions ou des assurances. Toutefois, les cautions ne peuvent pas couvrir tous les risques, sauf à être impossibles à présenter par les locataires dont la situation est la plus précaire. Les primes d’assurance ont un coût et, par le jeu du marché, tendent à être plus élevées lorsque les locataires paraissent en difficulté financière. De plus, pour éviter les phénomènes de type « aléa moral », les compagnies d’assurance laissent une partie du coût des impayés aux propriétaires, sous forme de « franchises ».
Les gouvernements successifs ont essayé de résoudre ces problèmes en étendant les cautions financées par des organismes publics, Etat et Action Logement, mais elles ne peuvent pas être sensiblement étendues sans faire courir des risques excessifs aux finances publiques. Il serait préférable de remettre en cause la contrainte la plus récente sur l’offre locative, l’encadrement des loyers dans les zones tendues, mais la loi ELAN laisse aux collectivités locales la faculté de le mettre en œuvre dans les grandes agglomérations.
Comme le note le rapport précité de l’Institut Montaigne, il est intéressant de constater que les investisseurs institutionnels se sont retirés du marché du logement locatif. De 1992 à 2010, le parc locatif détenu en France par les compagnies d’assurance a été divisé par plus de trois.
B)Les aides à la pierre constituent, pour beaucoup d’entre elles, une mauvaise réponse aux contraintes pesant sur l’offre
Les aides à la pierre ont pour objet de réduire les coûts de construction ou les coûts de financement de la construction et prennent des formes diverses : des subventions, en faveur du logement social, de l’amélioration de l’habitat etc. (3,3 Md€ en 2016) ; des bonifications de taux sur les prêts des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations aux organismes du logement social, les prêts accordés au titre du « 1 % logement », les « prêts à taux zéro » des banques aux ménages etc. (2,3 Md€) ; des avantages fiscaux tels que les taux réduits de TVA sur les travaux d’entretien (3,4 Md€) ou sur les investissements dans le logement social (2,3 Md€), les diverses réductions d’impôts en faveur de l’investissement locatif (1,7 Md€) et le crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique (1,7 Md€).
Les aides à la pierre compensent, partiellement, les effets négatifs des contraintes qui pèsent sur l’offre de logements en augmentant les dépenses publiques, ou les dépenses fiscales, et en obligeant l’Etat à lever d’autres prélèvements obligatoires, pour certains sur l’immobilier, avec des effets négatifs sur l’activité et l’emploi.
Si la principale contrainte tient au manque de terrains constructibles, elles ont pour seul effet d’améliorer les marges des constructeurs et les profits des investisseurs. Comme cette contrainte est probablement très forte, du moins dans les zones tendues que certaines aides à la pierre essayent de viser, leur efficience est très limitée.
La réduction d’impôt pour investissement dans le logement locatif est emblématique de cette inefficience. Depuis la « réduction d’impôt Quilès » de 1984, qui visait un soutien temporaire à la construction, sept dispositifs se sont succédés, la plupart ayant été révisés chaque année (le « dispositif Scellier » a été amendé chacune des quatre années où il a été en vigueur). A chaque fois les règles relatives au calcul de la réduction d’impôt, aux zones géographies éligibles ou au plafonnement des ressources des locataires ou des loyers ont été modifiées sans que jamais ne soit trouvée la bonne formule, qui n’existe pas.
Le comité d’évaluation des dépenses fiscales et niches sociales a procédé en 2011 à un examen approfondi de ces dispositifs. Sur une échelle allant de 0 (mesure inefficiente) à 3 (mesure très efficiente), ils ont été notés 1 (mesure peu efficiente). Il apparaît également que les bénéficiaires de ces réductions d’impôt ont un revenu fiscal médian quatre fois plus élevé que celui des ménages imposés à l’impôt sur le revenu. Une étude universitaire citée dans la note de février 2013 du conseil d’analyse économique, confirme l’impact inflationniste de ces dispositifs sur les prix des logements au mètre carré. Une nouvelle étude publiée en 2019 montre que le dispositif Scellier a eu un fort effet inflationniste sur les prix des terrains à bâtir, notamment dans les zones les plus tendues.
L’efficacité du prêt à taux zéro n’est pas mieux démontrée et les raisons pour lesquelles il faudrait favoriser la propriété de la résidence principale, plutôt que sa location, ne sont pas évidentes pour les économistes. Un rapport de l’inspection générale des finances d’octobre 2019 recommande d’ailleurs de ne pas le prolonger au-delà de 2021.
Dans un rapport de mars 2019, la Cour des comptes a fortement critiqué l’ensemble des dépenses fiscales attachées à la politique du logement pour leur faible efficacité et leur grande complexité.
C)Les aides à la personne devraient être fusionnées avec les minima sociaux
Comme le rappelle une étude du centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP) de 2015, de nombreuses analyses empiriques montrent que les aides personnelles au logement (18,1 Md€ en 2016) sont « capturées » par les bailleurs sous forme de loyers plus élevés, en France comme dans les autres pays. Du fait de leur affectation à la consommation d’un bien précis, elles entraînent une augmentation de la demande qui, dans la mesure où l’offre est contrainte, pousse les loyers à la hausse. Cette capture des aides est renforcée en France par le caractère aisément identifiable de leurs bénéficiaires et par le fait que les bailleurs peuvent recevoir directement le montant de l’allocation.
En outre, la mauvaise articulation des barèmes des aides au logement et du revenu de solidarité active (RSA) et de la prime pour l’emploi (PPE, qui a précédé la prime d’activité) contribue à pénaliser la reprise d’une activité, notamment à temps partiel, par les personnes de condition modeste, ce qui caractérise les mécanismes de « trappe à chômage ».
Les auteurs de cette étude proposent de fusionner les trois allocations de logement, dont on ne voit d’ailleurs plus pourquoi elles sont trois, avec le RSA et la PPE. La nouvelle prestation serait indépendante du loyer versé. Il s’agit de simplifier les canaux de la redistribution des revenus et d’en accroître l’ampleur, d’éviter l’impact inflationniste des aides au logement sur les loyers, plus généralement des aides fléchées vers des biens et services particuliers, et de réduire les effets de trappe à chômage.
Les simulations réalisées par les auteurs de cette étude sur un échantillon de ménages devraient être refaites pour intégrer le barème de la prime d’activité mais il est probable que les résultats en seraient semblables.
Les auteurs considèrent que la nouvelle allocation devrait être versée aux propriétaires comme aux locataires, mais que les ressources prises en compte devraient intégrer l’avantage constitué par le fait d’occuper leur logement pour les propriétaires, de manière à établir une plus grande égalité de traitement entre ces deux catégories de ménages.
La population âgée de plus de 65 ans a été retirée de l’échantillon utilisé pour simuler la mesure, car il conviendrait dans son cas de fusionner les aides au logement avec les minima sociaux qui lui sont propres (l’ancien « minimum vieillesse »). Les jeunes de moins de 25 ans inactifs (au sens statistique) ne bénéficieraient pas de cette prestation. Ils sont en effet souvent étudiants et peuvent recevoir des bourses ou être rattachés au foyer fiscal de leurs parents, ce qui ouvre à ceux-ci le droit à des demi-parts supplémentaires de quotient familial.
Dans sa présentation du plan pauvreté, le Président de la république a annoncé la création d’un « revenu universel d’activité fusionnant le plus grand nombre de prestations sociales, du RSA aux APL ». Cette annonce peut donc être saluée.
D)Une réduction justifiée des aides au logement social mais qui aurait pu prendre une forme plus simple et devrait accompagner une réforme plus profonde des conditions d’éligibilité
La loi de finances (PLF) pour 2018 prévoit une réduction des loyers perçus par les organismes gestionnaires de HLM, encadrée par la loi et dépendant des ressources des locataires, qui sera accompagnée d’une baisse des aides personnalisées (APL) au logement des ménages logés par ces organismes. La baisse des APL, une hausse de la TVA sur la construction de logements sociaux et un relèvement du prix des garanties apportées par l’Etat aux HLM entraîneront un gain budgétaire de 1,5 Md€ pour l’Etat en 2018 et 2019. En 2020, seule subsistera la baisse des APL, mais pour un montant de 1,5 Md€.
Ces mesures reviennent donc à prélever 1,5 Md€ par an sur le secteur HLM, ce qui est justifié par l’ampleur de ses bénéfices annuels (3,3 Md€ selon un référé de 2017 de la Cour des comptes) et de ses fonds propres (161 Md€). Les organismes HLM devraient en conséquence être incités à se regrouper, ce qui est souhaitable car ils sont plus de 700 et souvent trop petits.
La Cour recommandait toutefois de supprimer l’exonération d’impôt sur les sociétés dont il bénéficie, pour un coût budgétaire de 1,0 Md€, et de revoir l’exonération de taxe foncière sur les immeubles à caractère social (0,7 Md€). Ces mesures fiscales auraient été plus simples à mettre en œuvre que la réduction simultanée des loyers et des allocations personnalisées décidée par le Gouvernement. La réduction des loyers des HLM est en effet difficile à imposer, et la loi ne fait d’ailleurs que l’encadrer, car ces loyers sont fixés par les gestionnaires, même s’ils sont réglementés. La lecture de l’exposé des motifs de l’article 52 du PLF peut convaincre de la complexité du dispositif.
En outre, le Gouvernement s’est donné, comme tous ses prédécesseurs, des objectifs ambitieux de construction de logements sociaux, qui pourrait entraîner de nouvelles dépenses publiques. Or, s’il faut un parc social suffisant pour accueillir les ménages qui n’ont pas les moyens de se loger dans le secteur locatif privé, il n’est pas pour autant nécessaire de rendre 81 % des ménages éligibles à un logement social (ou « intermédiaire »), comme c’est le cas en France compte-tenu de plafonds de revenus très élevés (cf. rapport de la Cour des comptes de février 2017). En pratique, 16 % des ménages disposent d’un logement social, plus que dans les autres pays, mais pas toujours les plus pauvres.
Ils bénéficient d’un avantage de loyers, par rapport à un logement de mêmes caractéristiques dans le secteur privé, estimé par l’Insee à 46 % de la valeur locative du logement. Il n’est donc pas surprenant que la distribution des logements sociaux soit un enjeu pour les acteurs publics locaux et que la mobilité des locataires soit très faible, au détriment de leur insertion sur le marché du travail.
Alors que 3 % de ses locataires ont des revenus qui dépassent de 20 % les plafonds, pourtant très élevés, et payent un « surloyer » de montant limité, le parc social ne loge que la moitié des ménages situés sous le seuil de pauvreté. Il faudrait donc durcir les critères d’éligibilité au logement social et appliquer des surloyers plus contraignants. A cet égard, le Gouvernement a exprimé son souhait de revoir périodiquement la situation des locataires du secteur social et d’appliquer plus souvent des surloyers, mais de tels objectifs ont déjà été affichés dans le passé sans résultats probants et il n’est pas sûr qu’ils soient désormais mieux atteints.
Le principal argument avancé par le secteur HLM pour justifier le statu quo, et qui a jusque-là toujours conduit à l’échec de ces projets de réformes, est le besoin d’une « mixité sociale » entre des ménages de niveaux de vie différents. En pratique, ils n’habitent cependant pas souvent les mêmes immeubles et il serait préférable de viser une meilleure répartition spatiale des logements sociaux, ceux-ci étant réellement réservés aux ménages les plus modestes, comme le recommande une note du Conseil d’analyse économique (CAE) d’octobre 2013.
Les gestionnaires du parc social préfèrent louer à des ménages plus aisés parce qu’ils ont alors plus d’assurance de rentabiliser leurs investissements, mais leur raison d’être est de loger les plus pauvres et leurs comptes sont très excédentaires.
Les aides à la pierre doivent donc être maintenues pour le parc social, mais mieux ciblées. Le CAE notait que les taux de vacance des logements sociaux dépassent 5 % dans certaines régions alors que les files d’attente sont considérables ailleurs. Les organismes de gestion des HLM ont été créés sur des bases locales et la répartition actuelle des financements contribue à pérenniser la répartition spatiale du parc alors qu’un rééquilibrage national serait nécessaire.
E)Conclusion
Les difficultés de logement tiennent à une offre insuffisante, surtout de terrains constructibles, dans certaines régions. Tant que cette contrainte ne sera pas levée, probablement tant que les pouvoirs des maires ne seront pas transférés aux intercommunalités, les aides au logement seront très peu efficientes.
Les aides à la pierre au secteur privé ne font qu’atténuer, pour un coût élevé, les contraintes réglementaires et fiscales sur les coûts de construction et les revenus des bailleurs. Un autre équilibre devrait être recherché, avec moins de contraintes réglementaires et moins de dépenses publiques ou de dépenses fiscales.
Les aides personnelles au logement devraient être fusionnées avec les minima sociaux et la nouvelle prime d’activité pour former une prestation unique indépendante des loyers, dans le cadre de la réforme présentée dans la note d’analyse de la redistribution. Le discours du Président Macron sur le plan pauvreté laisse envisager une telle évolution.
Les logements sociaux sont nécessaires mais devraient être réservés à ceux qui en ont besoin, la mixité sociale pouvant être atteinte en les répartissant mieux sur le territoire.
Le Gouvernement semble partager assez largement ce diagnostic et les lois de finances pour 2018 et ELAN vont dans le sens des recommandations de cette note. Il reste néanmoins beaucoup à faire stimuler l’offre de logements.