02/11/2023
Cinquante ans de dépenses publiques en France (1972-2022)
François ECALLE
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Cette note présente l’évolution des dépenses publiques de 1972 à 2022. Les dépenses exceptionnelles et temporaires des années 2020 à 2022 en ont été systématiquement soustraites.
De 1972 à 2022, le rapport des dépenses publiques au PIB a augmenté de 17,2 points. Sa hausse a été particulièrement forte (10,8 points) pendant les dix premières années. Depuis 1982, il est sur une tendance plus modérément croissante (6,4 points).
Cette augmentation de 17,2 points de PIB est due aux prestations sociales pour 10,4 points, aux subventions et autres transferts pour 4,0 points, à la masse salariale des administrations publiques pour 2,0 points, celle-ci étant toutefois en légère baisse depuis 1982. Le poids des achats courants de biens et services n’a quasiment pas varié. Celui des investissements a baissé de 0,8 point.
La charge des intérêts de la dette publique a d’abord augmenté, de 0,6 % du PIB en 1972 à 3,5 % en 1997 ; la baisse des taux d’intérêt l’a ensuite fait décroître, malgré la hausse de la dette, jusqu’à 1,3 % du PIB en 2020. Elle est depuis remontée jusqu’à 1,9 % du PIB en 2022.
Les dépenses par catégorie d’administrations publiques ne sont disponibles que de 1978 à 2022. Sur cette période les dépenses des administrations sociales se sont accrues de 7,4 points de PIB. Celles des administrations locales ont augmenté de 3,4 points, en partie du fait de transferts de compétences de l’Etat. Le poids des administrations centrales n’a quasiment pas varié.
Les dépenses publiques par fonction ne sont disponibles que de 1995 à 2021. Sur cette période, le total des dépenses publiques primaires (hors intérêts de la dette) a augmenté de 4,0 points de PIB.
Les retraites y ont contribué pour 2,6 points et les dépenses de santé pour 1,3 point. Les dépenses affectées à la sécurité intérieure (justice et forces de l’ordre), au logement (hors prestations sociales), à la politique de l’emploi, à la protection de l’environnement, à la lutte contre l’exclusion et à la culture et aux loisirs ont toutes augmenté, ce qui a conduit à une hausse de 2,3 points de PIB au total. Le coût des « services généraux » a diminué de 0,4 point et les dépenses militaires de 0,8 point. Les « affaires économiques » constituent un ensemble hétérogène de dépenses affectées notamment à des secteurs comme les transports, l’énergie ou l’agriculture qui ont baissé de 0,2 point. Les dépenses en faveur des familles ont baissé de 0,4 point. Enfin, les dépenses d’enseignement ont décru de 0,5 point.
A) Les dépenses exceptionnelles et temporaires des années 2020 à 2022
Les mesures de soutien d’urgence qui ont contribué à augmenter exceptionnellement et temporairement les dépenses publiques dans les années 2020 à 2022 ont été soustraites. Il s’agit plus précisément du coût des mesures suivantes tel qu’il figure dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 : activité partielle (34 Md€ sur les trois années), fonds de solidarité (41 Md€), dépenses de santé (44 Md€) et autres mesures de soutien spécifique. Une partie des dépenses de santé ainsi déduites est probablement pérenne mais il n’a pas été possible de l’identifier. Ces dépenses exceptionnelles ont été ventilées entre : administrations centrales et sociales ; subventions et transferts, prestations sociales et achats courants de biens et services ; les fonctions santé, affaires économiques (aides et subventions aux entreprises et ménages) et protection sociale hors santé.
Les mesures du plan de relance n’ont pas été soustraites. En effet, il s’agit surtout, d’une part, d’une baisse pérenne des impôts de production et, d’autre part, d’investissements qui s’inscrivent dans la lignée des programmes d’investissements d’avenir successifs et dont il est très difficile d’isoler la composante vraiment exceptionnelle et temporaire.
Les mesures de soutien des ménages et entreprises prises en réaction à la hausse de l’inflation et ayant contribué à augmenter exceptionnellement et temporairement les dépenses publiques dans les années 2021 et 2022 ont été soustraites. Il s’agit plus précisément du coût des mesures suivantes tel qu’il figure dans le RESF annexé au PLF pour 2024 : dépenses associées aux « boucliers gaz et électricité » (18 Md€ en 2022), indemnité inflation (4 Md€ en 2021), remise sur les prix des carburants (8 Md€ en 2022), aide exceptionnelle de rentrée, aide au paiement des factures d’électricité pour les entreprises, aides sectorielles, chèques de soutien aux ménages modestes. Ces dépenses exceptionnelles ont été imputées presque totalement aux administrations centrales en subventions et transferts et à la fonction affaires économiques.
Les dépenses ainsi soustraites s’élèvent au total à 61,7 Md€ en 2020, à 56,9 Md€ en 2021 et à 42,6 Md€ en 2022, soit respectivement 2,7 %, 2,3 % et 1,6 % du PIB.
Les dépenses exceptionnelles des années antérieures à 2020, notamment celles qui ont été décidées pendant la crise de 2009, n’ont pas été soustraites car il est difficile de trouver l’information nécessaire pour les ventiler par nature, fonction et catégorie d’administration. Cela peut affecter légèrement certains points des graphiques de cette note mais n’affecte pas les variations sur longue période (1972 à 2022, 1982 à 2022 etc.).
B) Le total des dépenses publiques hors dépenses exceptionnelles
Le rapport des dépenses publiques au PIB a d’abord augmenté de 10,8 points entre 1972 et 1982, passant de 39,4 % du PIB en 1972 à 50,2 % en 1982. La croissance des dépenses ne s’est en effet adaptée que très progressivement à un régime de croissance de l’activité économique beaucoup plus faible à la suite du premier choc pétrolier.
Source : Insee ; FIPECO
De 1982 à 2022, le rapport des dépenses publiques au PIB est resté sur une tendance croissante, mais bien plus modérée que dans la période précédente, ce qui l’a conduit jusqu’à 56,7 % du PIB en 2022, soit une hausse de 6,4 points sur 40 ans. Ses fluctuations tiennent pour beaucoup à celles de son dénominateur, l’activité économique mesurée par le PIB : reprise d’une forte croissance à la fin des années 1980 ; récession du début des années 1990 ; forte reprise de la croissance à la fin de cette décennie ; crise de 2008-2009 ; rebond en 2010-2011 et faible croissance des années 2012 à 2016 ; reprise de la croissance en 2017 ; récession de 2020 et rebond de l’activité en 2021-2022.
C) Les dépenses par nature
Sur les 17,2 points de hausse des dépenses publiques en pourcentage du PIB entre 1972 et 2022, les prestations sociales en expliquent 10,4. Elles sont en effet passées de 14,9 % du PIB en 1972 à 25,3 % en 2022. L’évolution de leur rapport au PIB est très proche de celle du rapport des dépenses publiques totales au PIB : forte augmentation sur les 10 premières années ; tendance haussière plus modérée au cours des dix suivantes avec des fluctuations largement liées à celles de la croissance économique.
La masse salariale des administrations publiques (cotisations des employeurs incluses) est passée de 10,3 % du PIB en 1972 à 13,2 % en 1982. Ensuite, elle s’est inscrite sur une tendance légèrement décroissante jusqu’à 12,4 % en 2022 avec des fluctuations d’ampleur limitée.
Les subventions et autres transferts (aux entreprises, aux ménages et aux organisations internationales comme l’Union européenne pour l’essentiel) sont sur une tendance croissante, passant de 3,5 % du PIB en 1972 à 7,5 % en 2022, soit une contribution de 4,0 points à la progression globale des dépenses publiques. Leur hausse a été plus forte sur les 15 dernières années.
Source : Insee ; FIPECO
Les achats courants de biens et services (consommations intermédiaires en comptabilité nationale) ont peu varié au cours de ces 50 années (environ 5,0 % du PIB en 2022 comme en 1972).
Les investissements des administrations publiques se situent sur une tendance légèrement décroissante qui les a fait passer de 4,5 % du PIB en 1972 à 3,7 % en 2022.
La charge des intérêts de la dette publique a d’abord augmenté pendant 25 ans, de 0,6 % du PIB en 1972 jusqu’à 3,5 % en 1997 ; la baisse des taux d’intérêt liée à la création de l’euro l’a ensuite fait décroître malgré la hausse de la dette, jusqu’à 1,3 % du PIB en 2020. Elle est de nouveau croissante (1,9 % du PIB en 2022).
Source : Insee ; FIPECO
D) Les dépenses par catégories d’administrations publiques
Les dépenses publiques sont ventilées par catégories d’administrations publiques depuis seulement 1978, année où leur total atteignait 45,2 % du PIB. Il a augmenté de 11,5 points de PIB de 1978 à 2022.
Les dépenses de l’Etat comprennent des dotations aux administrations publiques locales et, plus marginalement, sociales. Le total des dépenses des administrations centrales (Etat et organismes publics non marchands sous son contrôle), locales et sociales (60,5 % du PIB en 2022) est ainsi supérieur au total des dépenses publiques (56,7 % en 2022), qui est estimé en consolidant les transferts entre les diverses administrations publiques.
Sous cette réserve, la hausse du total des dépenses publiques sur ces 44 années provient principalement, à hauteur de 7,4 points, des administrations sociales, dont les dépenses sont passées de 18,8 % du PIB en 1978 à 26,2 % en 2022.
Les administrations publiques locales y ont contribué pour 3,4 points, leurs dépenses passant de 7,8 % du PIB en 1978 à 11,2 % en 2022. Toutefois, cette augmentation résulte pour partie des transferts de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales. Leurs dépenses ont légèrement diminué sur les dix dernières années en pourcentage du PIB.
Source : Insee ; FIPECO
Les dépenses des administrations centrales sont à peu près au même niveau en 2022 (23,1 % du PIB) qu’en 1978 (23,0 %) après avoir connu au cours de cette période d’importantes fluctuations liées à la conjoncture économique mais aussi aux transferts de compétences et aux variations des dotations aux autres administrations publiques.
E) Les dépenses par fonction
La répartition des dépenses publiques par fonctions (retraites, santé, éducation, défense etc.) est seulement disponible de 1995 à 2021. Sur cette période, le total des dépenses publiques a augmenté de 2,0 points de PIB et les dépenses primaires (hors charges d’intérêts de la dette) se sont accrues de 4,0 points.
Les dépenses publiques de retraite ont augmenté de 2,6 points de PIB et les dépenses publiques de santé de 1,3 point.
Le poids de la fonction « services généraux » (Premier ministre et assemblées, services fiscaux et comptables, diplomatie, fonctions supports des collectivités locales…)[1] a diminué de 0,4 point. Les dépenses d’enseignement ont décru de 0,5 point. Les « affaires économiques » constituent un ensemble hétérogène de dépenses affectées notamment à des secteurs comme les transports, l’énergie ou l’agriculture qui ont baissé de 0,2 point.
Source : Insee ; FIPECO
Les dépenses militaires ont fortement diminué (de 0,8 point de PIB). Celles qui sont consacrées à la famille ont baissé de 0,4 point de PIB. Celles qui sont affectées à la sécurité intérieure (justice et forces de l’ordre) et au logement (hors prestations sociales) ont augmenté de respectivement 0,2 et 0,4 point de PIB.
Source : Insee ; FIPECO
Les dépenses publiques affectées à la politique de l’emploi, à la protection de l’environnement, à la lutte contre l’exclusion[2] et à la culture et aux loisirs ont augmenté de 0,3 à 0,5 point de PIB, pour chacune de ces catégories, ce qui représente une assez forte augmentation par rapport à leur situation initiale.
Source : Insee ; FIPECO
Les médias suivants ont mentionné cette note :
Le Figaro
Variances
Le Nouvel Economiste
[1] En excluant la charge d’intérêts de la dette (incluse dans ces services généraux dans la nomenclature de l’Insee).
[2] La série relative aux dépenses affectées à la lutte contre l’exclusion présente apparemment une rupture en 2004 dont l’origine n’a pas pu être déterminée.