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23/06/2022

La programmation pluriannuelle des finances publiques

François ECALLE

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Dans ses dernières « perspectives économiques », l’OCDE a écrit à propos de la France : « Il est essentiel de mettre en place une stratégie crédible d’assainissement budgétaire à moyen terme, qui fixe des priorités claires, pour garantir la viabilité des finances publiques et l’efficience de la dépense publique dans un contexte de hausse du service de la dette ». Le Gouvernement doit faire voter par le Parlement une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques avant la fin de l’année, ce qui satisfera cette recommandation.

Les lois de programmation comprennent obligatoirement des dispositions prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour satisfaire notamment l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques inscrit dans la Constitution et l’objectif d’équilibre structurel de ces comptes imposé par un traité européen.

Les règles budgétaires européennes n’ayant pas été changées, la réforme de 2021 de la loi organique ne pouvait pas simplifier la programmation des finances publiques et a surtout ajouté un objectif supplémentaire d’évolution des dépenses publiques. L’hétérogénéité des systèmes comptables du secteur public accroît la complexité de la programmation.

Les lois de finances annuelles doivent comprendre un article liminaire présentant un tableau qui rappelle les objectifs de la loi de programmation et décrit les résultats et les prévisions pour les années passée, en cours et prochaine. Si une nouvelle loi de programmation n’était pas votée l’automne prochain, la loi de finances pour 2023 ne comprendrait pas cet article liminaire et sa constitutionnalité pourrait être questionnée.

Certaines administrations publiques, notamment les collectivités locales ou les régimes complémentaires de retraite, disposent d’une autonomie qui leur permet de prendre des mesures éventuellement contraires à la programmation des finances publiques. L’Etat ne peut les contraindre à la respecter qu’en modulant les ressources qu’il leur apporte (collectivités locales) ou en refusant d’agréer leurs décisions (régimes sociaux).

Les lois de programmation des finances publiques n’ont pas une autorité juridique supérieure à celle des lois de finances annuelles, qui peuvent donc toujours comprendre des dispositions contraires à la programmation pluriannuelle. En l’état actuel de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne censurera probablement pas une loi de finances contraire à la loi de programmation ou aux règles budgétaires européennes.

Il est parfois proposé de réviser la Constitution pour rendre les lois de programmation contraignante, mais la rédaction d’une disposition constitutionnelle à la fois simple et pertinente est difficile, notamment parce qu’il faudrait aussi prévoir qu’elles ne soient pas applicables dans certaines circonstances exceptionnelles.

Même si elles ne sont pas contraignantes, les lois de programmation sont tout de même utiles et nécessaires pour donner un minimum de visibilité aux décideurs publics et pour obliger les gouvernements à s’expliquer quand elles ne sont pas respectées.

A) Les dispositions des lois de programmation

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inscrit dans la Constitution que « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». La première loi de programmation est datée du 9 février 2009 et porte sur les années 2009-2012. La loi actuelle est datée du 22 janvier 2018 et porte sur les années 2018 à 2022.

L’équilibre « structurel » des comptes publics a fait par ailleurs l’objet d’une règle budgétaire, parfois appelée en France « règle d’or », instaurée par le traité de 2012 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire.

La loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a inscrit dans le droit français cette obligation née du TSCG et précisé les dispositions de la Constitution relatives aux lois de programmation. Elle a institué également un Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui fait l’objet d’une fiche spécifique.

Enfin, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a modifié celle de 2012 et l’a insérée dans la loi organique du 1er août 2001 sur les lois de finances (LOLF). Les nouvelles dispositions qui résultent de la loi organique de décembre 2021 sont pour la plupart applicables à partir du dépôt du projet de loi de finances pour 2023. Cette fiche présente les lois de programmation telles qu’elles résultent de ces nouvelles dispositions.

Les lois de programmation couvrent une période d’au moins trois ans.

1) Les dispositions qui résultent du TSCG

Les obligations qui résultent du TSCG pour la France, notamment la règle d’équilibre structurel des comptes publics et le « mécanisme de correction », sont précisées dans une fiche distincte. Elles sont mises en œuvre de la manière suivante dans les lois de programmation.

La loi de programmation fixe « l’objectif à moyen terme » (OMT) des finances publiques tel que défini par le TSCG et dont le respect constitue la « règle d’or » : un déficit structurel proche de zéro (0,4 % du PIB dans la loi de programmation pour 2018-2022).

Elle détermine, sur la période de programmation, la chronique des soldes effectifs et structurels annuels, décomposés par catégorie d’administrations, permettant d’atteindre cet objectif, ainsi que les « efforts structurels » associés. L’effort structurel correspond à la différence entre la croissance potentielle et l’évolution des « dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes » qui est mentionnée dans le TSCG.

Le Haut Conseil des finances publiques est chargé d’identifier d’éventuels « écarts importants », au sens de la règlementation européenne (0,5 % du PIB sur un an ou 0,25 % en moyenne annuelle sur deux ans), entre le solde structurel constaté pour une année donnée et celui prévu par la loi de programmation pour cette même année.

Le Gouvernement doit alors exposer les raisons de cet écart et « en tenir compte » dans le prochain projet de loi de finances « en vue de retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation ». Ces écarts peuvent provenir de « circonstances exceptionnelles », ce qui exonère alors le Gouvernement de mettre en place des mesures de redressement.

La loi de programmation pour 2018-2022 précise que ces mesures de correction permettent de revenir dans un délai maximal de deux ans à la trajectoire de solde structurel qu’elle fixe. Toutefois, la loi organique prévoit que le Gouvernement peut, dans un rapport annexé au projet de loi de finances, justifier, le cas échéant, « les différences apparaissant, dans l’ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation ». Le HCFP exprime un avis sur ces mesures de corrections et, le cas échéant, sur ces « différences ». La crise de 2020 a justifié des écarts considérables par rapport à la loi de programmation pour 2018-2022.

2) Les autres dispositions

La loi organique de 2021 avait pour objectif de centrer la programmation pluriannuelle des finances publiques sur un objectif de croissance des dépenses publiques. Celui-ci est inscrit désormais, comme les objectifs précédents résultant du TSCG (soldes effectif et structurel, effort structurel), dans l’article 1A de la LOLF, sous la forme suivante :

« La loi de programmation des finances publiques détermine, au titre de chacun des exercices de la période de programmation, un objectif, exprimé en volume, d'évolution des dépenses des administrations publiques présentées selon les conventions de la comptabilité nationale et une prévision, exprimée en milliards d'euros courants, de ces dépenses en valeur.
La loi de programmation des finances publiques détermine, pour l'ensemble de la période de programmation, une prévision d'évolution exprimée en volume ainsi qu'une prévision exprimée en milliards d'euros courants du montant des dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d'investissement ». La cohérence entre les objectifs en volume et en euros courants est assurée par la prévision d’inflation qui figure dans le rapport annexé au projet de loi de programmation.

L’article 1B de la LOLF prévoit que les lois de programmation comprennent également : une déclinaison par catégorie d’administrations de l’objectif en volume et de la prévision en euros courants des dépenses ; le montant maximal des crédits du budget général de l’Etat, des prélèvements sur recettes et des nouvelles affectations de taxes à des organismes autres que les collectivités locales et organismes de sécurité sociale ; le plafond des crédits des missions du budget général ; un objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi que l’ONDAM ; l’impact budgétaire minimal des mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires (y compris les dépenses fiscales).

L’article 1D prévoit que la loi de programmation des finances publiques peut comporter des règles relatives à la gestion des finances publiques ne relevant pas du domaine exclusif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ainsi qu'à l'information et au contrôle du Parlement sur cette gestion. Ces règles peuvent en particulier avoir pour objet d'encadrer les dépenses, les recettes et le solde ou le recours à l'endettement de tout ou partie des administrations publiques

Un rapport annexé au projet de loi doit notamment présenter : les prévisions économiques sur lesquelles s’appuie la trajectoire des finances publiques ; une décomposition des dépenses d’investissement ; les perspectives de dépenses, recettes, solde et endettement des administrations publiques dans leur ensemble et par catégories ; les perspectives de recettes, dépenses et solde des régimes de retraite complémentaire et de l’assurance chômage.

L’article 1G précise que la loi de programmation « présente de façon sincère » les perspectives d’évolution des finances publiques et que « sa sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ».

3) Le suivi de la programmation dans les lois financières annuelles

La LOLF stipule désormais que les lois de finances, initiales ou rectificatives, et les lois de financement de la sécurité sociale comprennent un article liminaire présentant un tableau qui rappelle les objectifs de la loi de programmation et décrit les résultats et les prévisions pour l’année passée, l’année en cours et l’année prochaine : soldes effectifs et structurels, dépenses publiques totales et dépenses d’investissement, prélèvements obligatoires.

La loi de programmation actuelle porte jusqu’à 2022. Si une nouvelle loi de programmation pour les années 2023 et suivantes ne pouvait pas être votée, le Gouvernement ne trouvant pas la majorité nécessaire, avant la loi de finances initiale pour 2023, celle-ci ne comprendrait pas cet article liminaire. Elle pourrait alors être jugée par le conseil constitutionnel contraire aux dispositions de la Constitution selon lesquelles « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». En pratique, il n’est pas sûr que le Conseil censure une loi de finances pour un tel motif (cf. ci-dessous).

B) Les limites des lois de programmation

1) La complexité des dispositions

 La proposition de loi organique de 2021 avait pour but de simplifier la programmation pluriannuelle des finances publiques en la recentrant sur un objectif d’évolution des dépenses publiques. Or, l’article 1A de la LOLF comporte toujours de multiples objectifs (soldes effectif et structurel…) et n’a pas été vraiment simplifié puisqu’on y a surtout ajouté cet objectif d’évolution des dépenses et un objectif particulier d’évolution des dépenses d’investissement.

Ce souci de simplification anticipait la réforme des règles budgétaires européennes. Le recentrage de ces règles sur un objectif de croissance des dépenses publiques adapté à la situation de chaque pays et à la soutenabilité de son endettement est en effet souvent avancé dans les débats au niveau européen. Cette réforme est toutefois encore loin d’être adoptée et, en attendant, les règles budgétaires inscrites dans le pacte de stabilité et de croissance ainsi que dans le TSCG existent toujours et doivent être reprises dans la loi organique. Tant que les règles budgétaires européennes ne sont pas simplifiées, les lois de programmation nationales ne peuvent pas l’être vraiment elles-mêmes.

2) L’hétérogénéité des systèmes comptables

Les montants des déficits, dettes, dépenses et recettes des administrations publiques et de leurs sous-secteurs (administrations publiques centrales, locales et sociales) qui sont fixés dans les lois de programmation correspondent à l’application des normes de la comptabilité nationale pour enregistrer les opérations de ces organismes. En revanche, les règles budgétaires de dépenses de l’Etat, l’ONDAM, les objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont exprimés en appliquant les normes comptables spécifiques de ces organismes publics.

Or ces normes ne sont pas unifiées et diffèrent souvent de celles des comptes nationaux. La comptabilité budgétaire de l’Etat enregistre les encaissements et décaissements alors que la plupart des autres organismes ont une comptabilité en droits constatés. L’INSEE publie des « clés de passage » entre les soldes de la comptabilité nationale et les résultats des systèmes comptables spécifiques de certains organismes publics, notamment l’Etat. Cependant, les clés publiées agrègent beaucoup de retraitements et leurs évolutions d’une année à l’autre sont difficiles à prévoir. Il peut donc arriver que les objectifs de dépenses, de recettes et de déficit d’un organisme public soient respectés dans son système comptable propre mais pas en comptabilité nationale et que la programmation des finances publiques soit alors fragilisée.

3) L’autonomie de certaines administrations publiques

 Les objectifs inscrits dans les lois de programmation des finances publiques concernent l’ensemble des administrations publiques.

Or les principes constitutionnels de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales leur donnent une grande liberté pour déterminer leurs recettes et leurs dépenses, certes dans les conditions prévues par la loi. L’Etat ne contrôle que les dotations qu’il leur verse et les impôts qu’il leur affecte, soit un peu moins de la moitié de leurs ressources. En outre, la règle d’or spécifique aux collectivités locales est compatible avec un déficit important en comptabilité nationale. Elles peuvent donc mener des politiques incohérentes avec les objectifs de la loi de programmation.

Les lois de programmation prévoyaient jusqu’en 2022 un « objectif d’évolution de la dépense publique locale » qui avait permis de fixer des objectifs de dépenses relativement contraignants aux collectivités locales avec une menace de réduction des dotations de l’Etat en cas de dépassement, mais cet objectif d’évolution de la dépense locale ne figure pas dans la loi organique. Cet objectif concernait essentiellement les dépenses de fonctionnement. Un tel dispositif pourrait être réintroduit en application de l’article 1D.

L’Unedic et les régimes complémentaires de retraite, gérés par les partenaires sociaux, disposent aussi d’une assez grande autonomie par rapport à l’Etat pour déterminer leurs cotisations et prestations. Leurs décisions doivent certes être agréées par l’Etat pour être étendues à toutes les entreprises, mais il est difficile pour un Gouvernement de refuser d’étendre les dispositions des accords interprofessionnels signés par les partenaires sociaux. Les lois de programmation ne comportent que des perspectives d’évolution pour leurs recettes, dépenses et soldes qui n’ont pas de caractère obligatoire.

Les dépenses des hôpitaux et des opérateurs de l’Etat, donc leur déficit et leur endettement, peuvent aussi connaître des évolutions incompatibles avec la programmation pluriannuelle des finances publiques, mais dans une moindre mesure car le contrôle exercé sur eux par l’Etat est plus strict.

4) L’autorité supérieure des lois de finances annuelles

Le TSCG prévoit que la règle d’or et le mécanisme de correction « prennent effet dans le droit national des parties contractantes au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ». En réalité, l’inscription de cette trajectoire d’évolution du solde structurel dans une loi de programmation n’en garantit pas « le plein respect et la stricte observance ».

En effet, le vote annuel du budget est une des principales prérogatives constitutionnelles du Parlement (« principe d’annualité budgétaire ») et les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ne peuvent pas imposer des plafonds de dépenses annuels au législateur[1].

Dans une décision du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a néanmoins jugé que la ratification du TSCG implique le respect de la règle d’or et du mécanisme de correction par la France sans pour autant imposer une modification de la Constitution. En effet, leur « plein respect et pleine observance » tout au long du processus budgétaire national peut, selon lui, être garanti en s’appuyant sur les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Le Conseil constitutionnel a en effet rappelé que l’article 55 de la Constitution confère aux traités ratifiés une portée supérieure à celle des lois, y compris les lois de finances, que cette supériorité s’impose aux organes de l’Etat, y compris au Parlement, et qu’il incombe aux juridictions, notamment à lui-même, de la faire respecter.

Deux interprétations de cette décisions, dont les conséquences sur la portée des lois de programmation sont très différentes, sont possibles : selon la première, défendue par le Gouvernement auprès du Parlement en 2012, le principe d’annualité budgétaire ayant une valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel ne censurera jamais une loi de finances au motif qu’elle ne respecte pas la loi de programmation ; selon la deuxième, bien moins crédible mais parfois défendue par le Gouvernement français auprès des autorités européennes, le Conseil constitutionnel peut censurer une loi de finances au motif qu’elle ne respecte pas la loi de programmation et donc les obligations du TSCG, notamment si le HCFP exprime un avis en ce sens. Il ne l’a jamais fait, parfois malgré un avis très négatif du HCFP comme sur la loi de finances pour 2017.

En pratique, le Conseil constitutionnel ne censurera probablement jamais une loi de finances parce qu’elle ne respecte pas la loi de programmation pluriannuelle et ne censurera pas non plus une loi de programmation parce qu’elle ne respecte pas les règles budgétaires européennes. Les lois de programmation sont indicatives et non contraignantes.

C) Les conditions et l’utilité d’une programmation contraignante

A défaut d’une réforme constitutionnelle précisant qu’elles ont une autorité supérieure à celle des lois financières annuelles, les lois de programmation ne sont donc pas contraignantes. Elles ont ainsi très rarement été respectées au-delà de la première année. Or la soutenabilité des finances publiques s’apprécie à un horizon de plusieurs années et requiert une stratégie à moyen terme et une programmation efficace comme le recommandent l’OCDE et d’autres institutions internationales.

C’est pourquoi, de nombreuses propositions ont été faites au cours des 15 dernières années pour réviser la Constitution et rendre les lois de programmation contraignantes. Un projet de loi constitutionnelle déposé en mai 2011 a même été voté par les deux assemblées mais il n’a été soumis ni au Parlement convoqué en Congrès ni à un référendum.

La rédaction d’une disposition constitutionnelle à la fois simple et pertinente est toutefois difficile.

En effet, il faudrait, par exemple, prévoir les situations exceptionnelles dans lesquelles la programmation peut ne pas être respectée, comme la crise de 2020, mais il est impossible d’anticiper tous les événements exceptionnels. Il faudrait donc donner à un organisme comme le Haut Conseil des finances publiques le pouvoir de suspendre l’application de la loi de programmation en toute indépendance s’il juge qu’une situation exceptionnelle le justifie.

Le Parlement pourrait toujours voter une nouvelle loi de programmation pour ne pas appliquer celle en vigueur, ce qu’il a fait en 2014 alors même qu’il n’y était pas obligé puisque la loi de programmation n’était pas réellement contraignante. Il faudrait donc que la Constitution encadre ce pouvoir du Parlement, par exemple pour qu’il l’exerce seulement dans des circonstances exceptionnelles reconnues par le Haut Conseil des finances publiques.

La libre administration des collectivités territoriales est reconnue par la Constitution et celle-ci devrait sans doute aussi prévoir que les lois de programmation peuvent limiter cette libre administration.

Enfin, il faudrait que le Conseil constitutionnel ait la volonté de censurer une loi de finances au motif qu’elle serait contraire à la loi de programmation, ce qui est douteux au vu de ces décisions passées et compte-tenu des conséquences politiques et sociales d’une telle décision. Une seule loi de finances a été censurée en totalité par le Conseil, celle pour l’exercice 1980, mais pour une question de procédure et une nouvelle loi identique a pu être votée quelques jours après cette censure.

Même si le Parlement ne les rend pas juridiquement contraignantes, les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques sont tout de même utiles et nécessaires pour fixer des orientations ayant un minimum de crédibilité et coordonner les décisions des responsables budgétaires des administrations publiques. Ces derniers ont besoin d’une bonne visibilité sur les moyens dont ils pourront disposer à un horizon de quelques années, même si ces moyens peuvent ensuite être adaptés en fonction des circonstances.

Si les limites fixées par les règles budgétaires peuvent être dépassées sans réelles sanctions, elles donnent des repères et obligent au moins les décideurs à expliquer pourquoi elles ont été dépassées, ce que les anglo-saxons désignent par « comply or explain », quand des institutions budgétaires indépendantes, comme la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques, le font savoir.

Les médias suivants ont mentionné cette note :

La gazette des communes

 

[1] Cf. notamment un avis du Conseil d’Etat du 27 mars 2008 cité dans le commentaire publié par le Conseil constitutionnel sur sa décision du 9 août 2012.

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