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01/04/2021

La situation des finances publique en 2020

François ECALLE

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L’Insee vient de publier une version provisoire et pas encore complète des comptes de 2020 des administrations publiques. Les ratios de finances publiques en pourcentage du PIB sont estimés par l’Insee en retenant le PIB de 2020 résultant des comptes nationaux trimestriels, qui sont particulièrement fragiles en raison des difficultés rencontrées par le système statistique pendant la crise sanitaire. Ces ratios pourraient donc être modifiés lors de la publication des comptes nationaux provisoires fin mai et jusqu’aux comptes définitifs dans deux ans. Les données publiées par l’Insee n’étant pas encore complètes, cette analyse des finances publiques en 2020 devra être approfondie plus tard.

Le déficit public s’est élevé à 211,5 Md€ en 2020, soit 9,2 % du PIB après 3,1 % en 2019. Hors impact temporaire du remplacement du CICE par un allégement de cotisations sociales, il était toutefois de 2,2 % du PIB en 2019 et il s’est donc creusé de 7,0 points. Le déficit public se trouve depuis 60 ans sur une pente nettement ascendante, tout comme le déficit primaire (7,9 % du PIB en 2020).

Les dépenses publiques ont augmenté de 5,5 % en valeur en 2020 (7,1 % hors crédits d’impôts). Cette augmentation et la baisse du PIB en valeur expliquent, à peu près pour moitié chacune, la hausse du ratio dépenses / PIB, qui est passé de 55,4 % du PIB en 2019 à 62,1 % en 2020. En volume, les dépenses ont progressé de 5,0 %.

La charge d’intérêt de la dette publique a continué à diminuer pour revenir à 1,3 % du PIB et les dépenses primaires (hors intérêts) ont progressé de 6,0 % en 2020. Les prestations sociales et les subventions ont fortement augmenté (8,0 % et 12,2 %) du fait des allocations d’activité partielle et des aides du fonds de solidarité. L’investissement public a diminué de 3,3 %, ce qui n’est pas inédit une année d’élections municipales.

Le produit des prélèvements obligatoires (PO) a diminué de 4,1 % alors que le PIB en valeur a baissé de 6,1 %. Le taux des PO est ainsi remonté de 43,8 % en 2019 à 44,7 % en 2020. L’impact budgétaire global des modifications de la législation fiscale et sociale ayant été quasi-nul, le produit des PO a également diminué de 4,1 % à législation constante. Les recettes publiques autres que les PO ont baissé de 5,0 %.

La dette publique a atteint 2 650 Md€, soit 115,7 % du PIB, à la fin de 2020 après 2 380 Md€ et 97,6 % du PIB à la fin de 2019. Cette hausse du ratio dette / PIB résulte plus de l’augmentation de la dette en euros que de la baisse de la valeur du PIB. La hausse de 270 Md€ de la dette publique est supérieure au déficit de 2020 car elle a aussi permis d’accroître les actifs financiers des administrations publiques (leur trésorerie a augmenté de 76 Md€). La dette publique à fin 2020 était détenue à hauteur de presque 23 % par la Banque de France dans le cadre de la politique monétaire européenne.

A) Le déficit public

Le déficit public s’est élevé à 211,5 Md€ en 2020, après 74,7 Md€ en 2019. Il est ainsi passé de 3,1 % du PIB en 2019 à 9,2 % en 2020. En 2019, il a toutefois été majoré de 0,9 point par une opération exceptionnelle et temporaire, le remplacement du CICE par un allégement de cotisations sociales patronales. Hors impact de cette mesure, le déficit public s’est creusé de 7,0 points de PIB entre 2019 et 2020.

Le déficit primaire (hors charge d’intérêts) est passé de 1,7 % du PIB en 2019 à 7,9 % du PIB en 2020. Hors impact du remplacement du CICE, il a augmenté de 7,1 points de PIB.

Comme le montre le graphique suivant, la tendance du solde des APU au cours des 60 dernières années est nettement décroissante. Il est devenu de plus en plus déficitaire en période de crise économique ou de fort ralentissement de l’activité et il est ensuite revenu très difficilement vers son niveau antérieur à cette crise ou à ce ralentissement. L’évolution du solde primaire est très semblable : la pente est un peu moins forte mais elle est nettement décroissante.

Source : Insee ; FIPECO.

Les évolutions du solde des administrations publiques (APU) sont très proches de celles des administrations publiques centrales (APUC). Celles-ci ont enregistré un déficit de 158,9 Md€ (soit 6,9 % du PIB) en 2020.

Le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) était proche de l’équilibre ou excédentaire jusqu’à la fin des années 1980. Ensuite, il a été le plus souvent déficitaire et ce déficit a atteint 48,3 Md€ (2,1 % du PIB) en 2020.

Les administrations publiques locales (APUL) étaient nettement déficitaires jusqu’au milieu des années 1990. Leur situation s’est ensuite progressivement améliorée et elles ont dégagé de légers excédents au tournant des années 2000. À partir de 2004, elles ont renoué avec les déficits, pour des montants relativement limités par rapport à l’Etat. Elles sont proches de l’équilibre depuis 2015 et leur déficit a été limité à 4,2 Md€ (0,2 % du PIB) en 2020.

Source : Insee ; FIPECO.

B) Les dépenses publiques

Les dépenses publiques, crédits d’impôt inclus, ont augmenté de 5,5 % en 2020 en valeur, mais la disparition du CICE a ralenti cette progression. Hors crédits d’impôts, la croissance des dépenses a été de 7,1 %. Déflatée par l’indice des prix à la consommation (tabac inclus), leur croissance en volume a été de 5,0 % (crédits d’impôts inclus) ou 6,6 % (hors crédits d’impôts). En 2009, en réponse à la crise financière, les dépenses avaient aussi été majorées par des mesures exceptionnelles mais leur croissance en volume n’avait été que de 4,1 % (crédits d’impôts inclus).

L’augmentation des dépenses et la diminution du PIB en valeur se sont conjuguées pour faire monter le ratio dépenses / PIB jusqu’à 62,1 % en 2020 (55,4 % en 2019). La hausse de 12 % de ce ratio résulte à peu près pour moitiés de son numérateur et de son dénominateur.

La charge d’intérêts de la dette publique a diminué de plus de 5 Md€ pour revenir à moins de 30,0 Md€ (y compris commissions bancaires), soit 1,3 % du PIB, malgré l’augmentation de l’encours de la dette et en raison de la baisse des taux d’intérêt et de la faiblesse de l’inflation sur laquelle une partie des obligations du trésor est indexée (la faiblesse de l’inflation a contribué à réduire la charge d’intérêt de 2,6 Md€ par rapport à 2019).

Le taux apparent de la dette publique (rapport entre cette charge d’intérêts et le montant de la dette à la fin de l’année précédente) est néanmoins encore de 1,3 %. En effet, ce taux ne baisse que progressivement, en fonction notamment du remplacement des anciens emprunts à taux élevé par de nouveaux emprunts à taux faible ou négatif. Les dépenses primaires (hors charge d’intérêts) ont augmenté de 6,0 % en valeur et 5,5 % en volume.

Source : Insee ; FIPECO ; crédits d’impôts inclus.

Les dépenses de personnel et les achats courants de biens et services (consommations intermédiaires en comptabilité nationale) ont augmenté de 2,3 % en valeur en 2020. Les prestations sociales se sont accrues de 8,0 %, surtout du fait des allocations d’activité partielle (27 Md€). Les autres transferts et les subventions ont augmenté de 12,2 %, surtout du fait des aides apportées par le fonds de solidarité aux entreprises (16,3 Md€) et malgré l’extinction des dépenses de CICE.

Les investissements publics (la FBCF des comptes nationaux) ont diminué de 3,3 %, mais une telle baisse n’est pas inédite une année d’élections municipales. En effet, l’investissement des communes représente 45 % de celui des administrations publiques et diminue généralement les années électorales parce que les nouveaux conseils municipaux n’ont pas encore eu le temps d’arrêter les nouveaux projets et de passer les marchés nécessaires. En 2020, les investissements des communes ont diminué de 4,6 Md€.

C) Les recettes publiques

Les recettes publiques sont constituées par les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales), pour 84 %, et par d’autres recettes (revenus de la propriété, redevances, ventes de biens et services…). Ces dernières ont diminué de 5,0 % en 2020, surtout du fait de la diminution des dividendes versés à l’Etat par les sociétés où il détient une participation et des paiements des ménages aux collectivités locales pour participation au financement des services culturels, sportifs…

Les prélèvements obligatoires (PO) sont revenus de 1 064 Md€ en 2019 à 1 020 Md€ en 2020, soit une baisse de 4,1 %, mais le taux des prélèvements obligatoires, qui les rapporte au PIB, est passé de 43,8 % en 2019 à 44,7 % en 2020 du fait de la diminution de son dénominateur.

D’après le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021, les mesures nouvelles relatives aux impôts et cotisations sociales ont eu un impact à peu près nul sur leur produit en 2020. Les principales mesures sont, d’un côté, la disparition du CICE qui a majoré les PO de 15 Md€ et, d’un autre côté la réforme du barème de l’impôt sur le revenu (- 5,0 Md€) et la nouvelle étape de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (- 3,8 Md€).

Les impôts et cotisations dus en 2020 mais dont le paiement a été reporté au-delà du 31 décembre ont été enregistrés comme des recettes de 2020 (la comptabilité nationale est une comptabilité en droits constatés). Les montants susceptibles de ne pas être encaissés en ont toutefois été déduits et représentaient 12,6 Md€ en 2020 contre 4,8 Md€ en 2019.

Si on s’en tient à l’estimation des mesures nouvelles du projet de loi de finances, le produit des PO a diminué de 4,1 % à législation constante alors que le PIB en valeur a baissé de 6,1 %. L’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB aurait donc été de 0,7 en 2020. Cette « résistance » du produit des PO a ramené leur taux au même niveau qu’en 2018 (44,7 % du PIB).

Une partie de la baisse de l’activité de 2020 n’impactera cependant les prélèvements obligatoires qu’en 2021. En particulier, la diminution des résultats des PME et des entrepreneurs individuels n’aura un plein effet sur l’impôt sur les sociétés, l’imposition des revenus des indépendants et la cotisation sur la valeur ajoutée qu’en 2021. En outre, les déficits fiscaux enregistrés pour l’exercice 2020 pourront être reportés sur les bénéfices des années ultérieures.

Source : Insee ; FIPECO.

D) La dette publique

La dette publique a atteint 2 650 Md€, soit 115,7 % du PIB, à la fin de 2020 après 2 380 Md€ et 97,6 % du PIB à la fin de 2019. Cette hausse de 18,5 % du ratio dette / PIB résulte plus de l’augmentation de la dette en euros (+ 11,4 %) que de la baisse du PIB (- 6,1 % en valeur).

La hausse de 270 Md€ de la dette publique est supérieure au déficit public de 2020 (211 Md€) car elle a aussi servi à financer une augmentation de la trésorerie des administrations publiques (+76 Md€) ainsi que des prêts (+ 4 Md€, surtout à Air France)[1]. La dette nette des actifs financiers exigibles (liquidités, crédits et titres de créances négociables) des administrations publiques n’a augmenté que de 195 Md€.

La hausse de 270 Md€ de la dette brute s’est surtout traduite par des émissions de titres, à long terme (+ 134 Md€) mais aussi à court terme (+ 137 Md€).

La dette publique brute est portée principalement par les administrations publiques centrales (2 152 Md€ fin 2020) et secondairement par les administrations de sécurité sociale (268 Md€) et les administrations publiques locales (230 Md€).

Le rapport annuel de la Banque de France montre qu’elle détenait 602 Md€ de titres publics à la fin de 2020 dans le cadre des « public sector purchase programme » et « pandemic emergency purchase programme », soit presque 23 % de la dette publique[2].

Source : Insee ; FIPECO

 

[1] Il s’agit des prêts accordés par l’Etat lui-même alors que les prêts garantis par l’Etat ne sont pas inscrits à son bilan mais à celui des banques.

[2] Sous réserve de modes de comptabilisation différents et qu’il peut s’agir de titres émis par des organisations internationales comme le mécanisme européen de stabilité.

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