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FIPECO le 06.09.2018                                                             

Les fiches de l’encyclopédie                                                          I) Les comptes publics

1)Les administrations publiques de la comptabilité nationale

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Les expressions « déficit public » et « dette publique » désignent généralement, et c’est toujours le cas sur ce site, le déficit et la dette des « administrations publiques » au sens de la comptabilité nationale[1].

Selon un protocole annexé au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, il faut en effet entendre par « public », à l’article 126 du traité qui interdit les « déficits publics excessifs », ce qui est relatif aux administrations publiques telles que définies dans le système européen de comptes (SEC) nationaux. Le système européen de comptes nationaux en vigueur est celui de 2010 (SEC 2010). Il a été établi par un règlement du 21 mai 2013. Il est conforme au système de comptabilité nationale adopté par l’Organisation des Nations Unies en 2008 qui fixe les principes et les principales règles de la comptabilité nationale au niveau mondial.

La comptabilité nationale répartit les agents économiques résidents en cinq « secteurs » : les ménages, les institutions privées sans but lucratif au service des ménages, les sociétés non financières, les sociétés financières et les administrations publiques. Un sixième secteur, le « reste du monde », permet de décrire les relations entre les agents économiques résidents et non-résidents.

Cette fiche présente la définition des administrations publiques, les questions que pose la fixation de la frontière entre celles-ci et les autres secteurs de l’économie ainsi que les principales catégories d’administrations publiques. Elle montre également quelle est l’utilité des comptes nationaux pour apprécier la situation des finances publiques. Les définitions et les méthodes d’estimation des dépenses, des recettes, du déficit et de la dette des administrations publiques sont présentées dans les fiches qui leur sont consacrées.

A)La définition des administrations publiques

1)Les critères de délimitation du périmètre des administrations publiques

Les administrations publiques (APU) comprennent l’Etat et les collectivités territoriales ainsi que les organismes disposant d’une comptabilité et d’une gestion autonomes et satisfaisant les deux critères suivants :

  • être contrôlés, directement ou indirectement, soit par l’Etat, soit par une ou plusieurs collectivités territoriales ;
  • avoir pour activité principale soit la production de biens ou services non marchands, soit la redistribution de revenus et patrimoines (ce qui conduit à intégrer les administrations de sécurité sociale).

Plusieurs critères sont pris en considération pour déterminer si une entité est sous contrôle de l’Etat ou de collectivités territoriales : détention de la majorité de son capital, pouvoir de nomination de ses dirigeants, agrément des principales décisions relatives à ses ressources et dépenses, dépendance financière vis-à-vis de l’Etat ou de collectivités territoriales… Des organismes de droit privé, comme l’Unédic, sont ainsi considérés comme contrôlés par l’Etat.

Les biens et services sont non marchands s’ils sont fournis à un prix économiquement non significatif, c’est-à-dire un prix qui ne couvre pas le coût de leur production. Les comptables nationaux retiennent généralement qu’un prix n’est pas économiquement significatif s’il représente moins de 50 % de ce coût.

2)Des exemples d’application de ces critères

Les organismes de sécurité sociale font partie des APU. Ils sont contrôlés par l’Etat et ont principalement une activité de redistribution, par exemple entre malades et bien portants (assurance maladie), entre ménages avec ou sans enfant (allocations familiales), entre retraités d’espérance de vie différentes et entre actifs et retraités dans un régime par répartition (assurance retraite).

Les organismes qui gèrent les régimes complémentaires de retraite en France sont également des APU car, d’une part, ils ont une fonction de redistribution (entre actifs et retraités et entre retraités d’espérances de vie différentes) et, d’autre part, les cotisations qu’ils perçoivent sont agréées et rendues obligatoires par l’Etat, qui contrôle donc leurs ressources. En revanche, ceux qui fournissent des assurances santé complémentaires ne sont pas des APU parce que les cotisations qu’ils perçoivent ne sont pas fixées ou agréées par l’Etat et varient d’un organisme à l’autre en fonction notamment de l’étendue des garanties offertes.

EDF n’est pas une administration publique, ses tarifs couvrant ses coûts, mais la plupart des musées sont des APU, leurs recettes commerciales ne couvrant pas la moitié de leurs coûts.

3)Le lien entre administrations publiques et prélèvements obligatoires

Les biens et services non marchands ainsi que les activités de redistribution des administrations publiques sont financés principalement par des « prélèvements obligatoires » ou par des transferts en provenance d’autres administrations publiques.

Les prélèvements obligatoires ont pour caractéristique d’être payés par les ménages et entreprises sans qu’ils puissent en refuser le paiement ou en moduler le montant et sans qu’ils reçoivent directement et immédiatement un service en contrepartie. Ils sont constitués d’impôts et de cotisations sociales.

Il y a des liens étroits entre les notions d’administration publique et de prélèvement obligatoire : les administrations publiques sont financées principalement, mais pas exclusivement, par des prélèvements obligatoires ; un prélèvement obligatoire ne peut être affecté qu’à une administration publique (ou à l’Union européenne).

4)Le cas particulier des établissements financiers

Les entités qui ont l’intermédiation financière pour fonction principale sont presque toujours classées parmi les sociétés financières, même si elles sont contrôlées, directement ou indirectement, par des administrations publiques et même si elles ont une activité non marchande[2]. La banque postale n’est pas une administration publique. La Banque de France n’en est pas une, et ne l’était pas non plus lorsqu’elle était contrôlée par l’Etat, de même que la Caisse des dépôts et consignations.

B)La frontière entre les administrations publiques et les autres secteurs

1)Les problèmes de délimitation du secteur des administrations publiques

Eurostat est un service de la Commission européenne qui est chargé de valider et publier les statistiques européennes, notamment les statistiques de finances publiques, après avoir vérifié et éventuellement corrigé les données transmises par les Etats membres. Pour la France, le compte des administrations publiques en comptabilité nationale est produit par l’Insee qui le transmet à Eurostat pour validation.

Dans l’Union européenne, les règles inscrites dans le SEC 2010 sont complétées par un manuel méthodologique sur le déficit et la dette publics, des notes d’orientation et des décisions relatives à des sujets particuliers qui sont établies et arrêtées par Eurostat après avoir reçu l’avis d’un « comité des statistiques monétaires, financières et de balance des paiements » (CMFB) rassemblant les représentants des instituts statistiques nationaux et des banques centrales.

Comme ceux de tout système comptable, les normes et concepts de la comptabilité nationale ainsi complétés par Eurostat ne peuvent pas être assez précis pour traiter tous les cas particuliers, notamment pour pouvoir classer sans ambiguïté tous les organismes à l’intérieur ou à l’extérieur du champ des administrations publiques.

En conséquence, la frontière entre les administrations publiques et les autres secteurs de la comptabilité nationale est parfois discutable.

Par exemple, jusqu’à un changement méthodologique intervenu en 2018, les entreprises publiques françaises de l’audiovisuel n’étaient pas des APU car la redevance était considérée en comptabilité nationale comme le prix des services rendus par ces entreprises, économiquement significatif puisqu’il couvrait plus de la moitié de leurs coûts et librement consenti puisque personne n’était obligé d’avoir une télévision. Cette interprétation des principes de la comptabilité nationale était discutable dans la mesure où la redevance est aussi due par les personnes qui regardent seulement les chaînes privées et pour lesquelles ce n’est pas le prix d’un service rendu.

Les organismes privés qui collectent la participation des employeurs à l’effort de construction (le « 1 % logement ») ne sont pas des APU car ils sont supposés indépendants de l’Etat. Celui-ci détermine pourtant le montant de leurs ressources à travers l’assiette et le taux de cette participation. En outre, celle-ci n’est pas considérée comme un prélèvement obligatoire mais comme le prix économiquement significatif de services de logement rendus aux entreprises alors qu’une grande partie d’entre elles ne reçoit aucun service en contrepartie de leurs versements.

Depuis que les déficits et les dettes des administrations publiques sont limités par les règles du traité de Maastricht dans l’Union européenne, les administrations des Etats membres, autres que les instituts statistiques, élaborent parfois des montages financiers discutables permettant de classer certains organismes en dehors du périmètre des administrations publiques.

Les cas litigieux, relevés par Eurostat ou soumis par les Etats membres, sont tranchés par Eurostat après consultation du comité des statistiques monétaires, financières et de balance des paiements.

Par exemple, en France, le souci de cantonner les dettes du secteur ferroviaire hors du champ des administrations publiques a conduit en 1997 à une organisation du système ferroviaire, avec notamment la création de Réseau Ferré de France (RFF) pour gérer l’infrastructure et porter la dette, qui a entraîné de « sérieux dysfonctionnements » selon un rapport la Cour des comptes[3]. Cet objectif de cantonnement de la dette ferroviaire hors des APU est resté déterminant dans toutes les réformes qui ont suivi. L’Insee a néanmoins décidé en 2014, sous le contrôle d’Eurostat, d’imputer une partie de la dette de RFF à l’Etat, le rapport précité de la Cour ayant montré que seul celui-ci pouvait la rembourser[4]. L’Insee a finalement classé SNCF Réseau dans les administrations publiques en septembre 2018.

Les partenariats publics privés en sont un autre exemple. Ils peuvent avoir pour objet de confier des investissements décidés par des administrations publiques à des sociétés privées placées hors du champ des APU et dont l’endettement n’accroît donc pas la dette publique, alors que les organismes publics concernés devront payer pendant très longtemps des loyers à leurs partenaires privés. Les normes établies depuis quelques années par Eurostat imposent toutefois désormais d’inclure les emprunts de ces sociétés dans la dette des administrations publiques concernées lorsque celles-ci prennent à leur charge une part significative des risques associés à leur remboursement et/ou reçoivent une part significative des revenus de l’investissement réalisé.

2)Les différences de périmètre des administrations publiques selon les pays

Le montant des dépenses des administrations publiques, rapporté au PIB, est très différent d’un pays à l’autre alors que les besoins sont assez largement les mêmes (sécurité, éducation, infrastructures, retraites, assurances contre les risques de maladie ou de chômage…). Si la frontière tracée dans certains pays entre les administrations publiques et les autres secteurs peut parfois être discutable, ces écarts entre les niveaux des « dépenses publiques » ont deux autres causes beaucoup plus importantes : l’ampleur et l’efficience relatives des moyens consacrés dans chaque pays à la satisfaction de ces besoins ; les conditions institutionnelles dans lesquelles ils sont satisfaits et qui conduisent à considérer qu’ils le sont soit par des administrations publiques soit par d’autres secteurs de l’économie, conformément à la définition des APU.  

En particulier, si les assurances sociales sont fournies facultativement par des entreprises privées concurrentielles en contrepartie de primes couvrant leurs coûts, comme souvent aux Etats-Unis, ces entreprises sont considérées comme des sociétés financières (assurances), donc classées hors des APU, et les montants versés à leurs assurés ne sont pas des dépenses publiques. Si elles sont fournies obligatoirement par des organismes contrôlés par l’Etat et financés par des prélèvements obligatoires, comme souvent en Europe et notamment en France, elles sont classées dans les APU et leurs prestations sont des dépenses publiques.

C)Les principales catégories d’administrations publiques

Les administrations publiques sont classées en trois catégories ou « sous-secteurs » :

  • les « administrations publiques centrales » (APUC) comprennent l’Etat et les « organismes divers d’administrations centrales » (ODAC). Ces derniers regroupent en France environ 700 organismes contrôlés par l’Etat et de statuts variés, souvent des établissements publics administratifs ;

 

  • les « administrations publiques locales » (APUL) comprennent les collectivités territoriales, les groupements de communes à fiscalité propre et les « organismes divers d’administration locale » (ODAL). Ces derniers sont constitués des établissements publics locaux tels que les centres communaux d’action sociale, les services départementaux d’incendie et de secours, les collèges et les lycées, ainsi que de certains établissements publics nationaux dont l’activité s’exerce sur une partie du territoire (parcs nationaux, chambres consulaires, agences de l’eau, etc.) ;

 

  • les « administrations de sécurité sociale » (ASSO) comprennent : les régimes d’assurance sociale qui regroupent les régimes obligatoires de sécurité sociale, de base et complémentaires, l’assurance chômage, la CADES et le Fond de réserve des retraites ; les « organismes dépendant des assurances sociales » (ODASS), qui incluent les hôpitaux et les œuvres sociales dotées d’une comptabilité séparée.

Les pays organisés sur un mode fédéral distinguent un quatrième sous-secteur constitué des Etats fédérés.

D)L’utilité du compte des administrations publiques

Les frontières des administrations publiques sont parfois incertaines et, plus généralement, les règles de la comptabilité nationale sont discutables et discutées depuis son origine. Cependant, les pouvoirs d’Eurostat ont été fortement renforcés ces dernières années (cf. fiche sur la production et le contrôle des comptes publics), ce qui lui permet de faire mieux appliquer des règles de plus en plus étroitement harmonisées. En outre, malgré leurs faiblesses, seuls les comptes des administrations publiques établis selon les règles de la comptabilité nationale donnent une image des finances publiques complète, comparable d’un pays à l’autre et relativement fiable.

Il existe certes d’autres normes comptables internationales applicables aux organismes publics, dites IPSAS[5], mais leur contenu et leurs conditions d’élaboration sont critiquables[6] et elles sont rarement appliquées. En France, comme dans la plupart des autres pays, les différentes administrations publiques (Etat, collectivités locales, hôpitaux…) ne suivent pas les mêmes règles comptables et leurs comptes ne sont donc pas comparables entre eux, a fortiori à ceux des administrations publiques étrangères.

En outre, seule la comptabilité nationale donne une vision consolidée des administrations publiques sur un périmètre suffisamment vaste, ce qui est un atout essentiel. En effet, l’Etat peut réduire ses dépenses en comptabilité budgétaire en faisant payer certaines d’entre elles par des établissements publics sous son contrôle auxquels il affecte de nouvelles taxes. Economiquement, cette débudgétisation ne réduit en rien les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires, ce que le compte des administrations publiques en comptabilité nationale permet de constater en consolidant les recettes et dépenses de l’Etat et des établissements publics sous son contrôle.

Enfin, les statisticiens publics publient des comptes nationaux sur des périodes très longues, à périmètre constant et en appliquant les mêmes règles. Si ces dernières changent et si le périmètre des administrations publiques est modifié, les séries relatives à leurs recettes, dépenses, soldes et dettes sont réestimées en retenant le nouveau périmètre et la nouvelle méthode (les statisticiens parlent de « rétropolation »). Les séries de finances publiques publiées par l’Insee remontent ainsi, pour certaines, à 1959.

Il n’y a donc aucune alternative pour analyser les finances publiques, notamment dans une perspective macro-économique et internationale[7]. Les données produites par les comptables nationaux sont toutefois très agrégées et ne permettent pas des analyses précises des dépenses et recettes publiques[8]. Leur utilisation doit donc être complétée par celle des données issues des systèmes d’information spécifiques à chaque organisme public (Etat, caisses de sécurité sociale…).

 

[1] En France, ces expressions sont parfois utilisées, mais de moins en moins souvent, pour désigner le déficit « budgétaire » et la dette de l’Etat seul. Dans les publications internationales, l’expression « solde budgétaire (ou financier) des administrations publiques » désigne le solde (excédent ou déficit) des administrations publiques telles que définies ici. « General government » est le terme anglais pour « administrations publiques ».

[2] Certaines entités financières, comme les structure de défaisance contrôlées par l’État de banques en restructuration, peuvent constituer des exceptions.

[4] En 2003, Eurostat et l’Insee avaient déjà dû requalifier les « dotations en capital » versées par l’Etat à RFF, sans impact sur le déficit des administrations publiques, en subventions budgétaires, venant en augmentation du déficit public.

[5] International Public Sector Accounting Standards.

[6] Selon la Cour des comptes (rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2012), ces normes sont incomplètes et trop souvent calquées sur celles applicables au secteur privé sans prise en considération suffisante des spécificités du secteur public. En outre, elles varient très fréquemment. Enfin, la gouvernance de l’organisme qui définit ces règles fait une place excessive aux entreprises privées du secteur de la comptabilité (experts-comptables, auditeurs…) et pas assez aux Etats ou aux entités chargées d’établir les normes comptables publiques ou de les contrôler.

[7] Eurostat a lancé un projet dit EPSAS, European Public Sector Accounting Standards, qui aurait comme objectif d’harmoniser les normes comptables publiques au niveau micro-économique. Ce projet, encore dans ses limbes, ne constitue pas à ce jour une alternative crédible.

[8] La comptabilité nationale publie toutefois une décomposition des dépenses des APU « par nature et par fonction », basé sur le croisement de la classification des dépenses par nature de la comptabilité nationale en 9 positions et de la classification internationale « COFOG », en 69 fonctions (cf. fiche sur les dépenses publiques).

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