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30/11/2023

Le coût de la SNCF pour les contribuables en 2022

François ECALLE

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Cette note présente le montant des achats de services et des subventions qui ont été payés par l’État et les autorités régionales à la SNCF et au régime spécial de sécurité sociale des cheminots en 2022. Ces dépenses publiques sont financées par des impôts et leur total correspond au coût de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises). Cette note ne cherche pas à évaluer l’efficience de ces dépenses mais seulement à en déterminer le montant total et la décomposition par grandes catégories, ce qui devrait être la première étape de leur évaluation.

Les régions et Ile-de-France Mobilités ont financé à hauteur de 6,8 Md€ en 2022 les dépenses de fonctionnement des TER et du Transilien. L’État a financé à hauteur de 3,3 Md€ les coûts d’exploitation du réseau de proximité ainsi que les coûts de fonctionnement des trains Intercités et des transports de fret. Par l’intermédiaire de l’État et des autorités régionales, les contribuables ont donc payé 10,1 Md€ à la SNCF pour couvrir une partie de ses dépenses de fonctionnement.

L’Etat et les autorités régionales ont en outre subventionné les investissements de la SNCF à hauteur de 6,2 Md€ en 2022.  

La charge des intérêts des dettes de la SNCF reprises par l’État s’est établie à 0,8 Md€ en 2022.

Le coût de la SNCF pour les contribuables, hors protection sociale des cheminots et après déduction des dividendes versés à l’État (0,4 Md€), était ainsi de 16,8 Md€ en 2022 (15,2 Md€ en 2021). La contribution de l’État a été de 6,7 Md€.

L’État verse enfin une subvention d’équilibre au régime spécial de retraite des cheminots dont le coût budgétaire était de 3,2 Md€ en 2022.

Le coût total de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) était donc de 20,0 Md€ en 2022 (18,5 Md€ en 2021). Cette charge s’ajoute au prix payé par les usagers pour acheter des billets de train et elle est en partie financée par des ménages et entreprises qui n’utilisent pas les services ferroviaires.

Selon Les Echos, la direction du groupe SNCF « conteste vivement cette vision des choses » parce que « en rapprochant les coûts financés par la puissance publique pour le fonctionnement, l’investissement et la protection sociale, FIPECO ne fait qu’additionner des choux et des carottes ». La direction de la SNCF ignore apparemment que, dans le budget de l’Etat, les recettes fiscales équilibrent (en principe) les dépenses budgétaires et que celles-ci sont constituées indistinctement de salaires, d’investissements, de subventions, de prestations sociales… autant de « choux et de carottes » parmi lesquels figurent la subvention d’équilibre au régime de retraite des cheminots, la prise en charge d’une partie du coût d’exploitation du réseau ferroviaire ou des subventions d’investissement à la SNCF. Ils ignorent également que le résultat opérationnel d’une entreprise, comme la leur, est obtenu en déduisant du chiffre d’affaire des « choux et carottes » tels que les achats et charges externes, les charges de personnel, les impôts et taxes, les dotations aux amortissements des immobilisations ou aux provisions. Cette ignorance de la part de la direction d’un groupe qui coûte 20 Md€ par an aux contribuables est stupéfiante. Les directeurs de la SNCF n’ont sans doute jamais besoin d’additionner le coût en euros des choux et carottes qu’ils achètent au marché pour savoir ce qui est sorti de leur porte-monnaie.

A) Le coût de la SNCF hors régime spécial de sécurité sociale

De 2015 à 2019, le « groupe SNCF » comprenait trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), un EPIC tête de groupe et les EPIC SNCF Réseau (les infrastructures ferroviaires, pour simplifier) et SNCF Mobilité (les trains, pour simplifier), ainsi que leurs filiales. En application de la loi du 27 juin 2018, ces trois EPIC ont été remplacés le 1er janvier 2020 par une société nationale à capitaux entièrement publics, SNCF, qui détient notamment deux sociétés, SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.

Ce billet présente les montants des dépenses de l’Etat (ou de l’AFITF[1]) et des régions (ou d’Ile-de-France Mobilités[2]) en faveur de la SNCF en 2022 qui figurent dans le bilan annuel des transports publié par le service des données et études statistiques du ministère de la transition écologique, dans le rapport financier du groupe SNCF et dans le projet de loi de règlement du budget de 2022. Les méthodes comptables appliquées dans ces documents n’étant pas les mêmes, ces montants diffèrent parfois de l’un à l’autre. Les chiffres du bilan annuel des transports ont été privilégiés pour leur cohérence avec les comptes nationaux et donc avec les concepts de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires.

En 2022, la part de marché de la SNCF était encore de 100 % sur les lignes de proximité (TER et Transilien), les premiers appels d’offres remportés par ses concurrents n’ayant pas encore donné lieu à ouverture de services. Sa part de marché sur les liaisons à longue distance, y compris internationales, était de 99 % selon l’autorité de régulation des transports. Selon celle-ci également, elle était d’environ 50 % sur le transport de fret, mais les subventions de fonctionnement attribué à celui-ci sont de seulement 0,2 Md€ et les aides à l’investissement sont sans doute très faibles dans la mesure où les infrastructures dédiées au fret sont limitées[3]. Si les coûts présentés dans cette note peuvent parfois concerner des concurrents de la SNCF, c’est donc dans une proportion probablement très faible.

1) Les coûts de fonctionnement

La principale contribution des contribuables aux coûts de fonctionnement de la SNCF (6,8 Md€ en 2022) est constituée par les « subventions d’exploitation » (ainsi qualifiées dans le bilan annuel des transports publié par le ministère en charge des transports) versées à SNCF Voyageurs par les « autorités organisatrices » des transports régionaux, à savoir les régions (3,5 Md€) et Ile-de-France Mobilités (3,3 Md€). Ces subventions apparaissent dans le rapport financier de la SNCF sous la dénomination « commandes publiques de prestations de services » et sont considérées par elle comme une composante de son chiffre d’affaires.

Elles sont complétées par des subventions de l’Etat à hauteur de 0,4 Md€ (trains d’équilibre du territoire, ou Intercités, notamment).

En outre, l’Etat paye lui-même à SNCF Réseau les redevances d’accès au réseau dues par les TER et le Transilien et pour partie par les transports de fret. Le coût total est de 2,0 Md€ selon le rapport financier de la SNCF ou 2,9 Md€ selon le projet de loi de règlement du budget de l’Etat pour 2022, montant ici retenu. Le transport de fret n’est concerné que pour 0,2 Md€.

Les coûts de fonctionnement de la SNCF supportés par les contribuables s’élèvent donc au total à 10,1 Md€ en 2022 (9,6 Md€ dans le rapport financier de la SNCF), principalement pour les TER et le Transilien.

Le chiffre d’affaires consolidé du groupe SNCF est de 41,4 Md€ en 2022 dont 49 % pour les activités ferroviaires, soit 20,3 Md€, selon son rapport financier. Une partie est toutefois réalisée à l’international, à travers par exemple Keolis, et la partie réalisée en France est sans doute un peu inférieure à 20 Md€. Les versements des administrations publiques en représentent donc à peu près la moitié.

2) Le coût des investissements

Les subventions d’investissements reçus par la SNCF s’élèvent en 2022 à 1,9 Md€ pour SNCF Voyageurs (surtout des subventions des autorités organisatrices régionales pour acheter des matériels roulants[4]) et à 2,2 Md€ pour SNCF Réseau (dont 0,9 Md€ de l’Etat ou de l’AFITF et 1,3 Md€ des collectivités locales ou d’Ile-de-France Mobilités) selon le bilan annuel des transports.

Il faut y ajouter 2,1 Md€ de subventions de l’Etat en faveur de la régénération du réseau dans le cadre du plan de relance selon le projet de loi de règlement du budget de 2022 (l’Etat a apporté à la SNCF une dotation en capital de 4,1 Md€ en 2020 et la SNCF en a aussitôt reversé le montant à l’Etat sur un fonds de concours qui finance la SNCF au fur et à mesure de l’avancement des travaux).

Au total, la SNCF a bénéficié de 6,2 Md€ de subventions d’investissement. Le rapport financier de la SNCF compte 4,5 Md€ de subventions d’investissement et y ajoute 1,7 Md€ de subventions reçues dans le cadre de concessions ferroviaires.

3) Les intérêts des dettes de la SNCF

Bien que l’Etat ait déjà repris 8 Md€ de dettes de la SNCF en 2007, l’endettement net du groupe atteignait 60,3 Md€ à la fin de 2019 du fait de l’accumulation de résultats déficitaires et d’investissements financés par emprunt. L’Etat a repris 25 Md€ de dettes à son compte le 1er janvier 2020. En raison notamment du déficit de 2020 (-2,8 Md€), l’endettement net du groupe était néanmoins encore de 38,1 Md€ à la fin de 2020 et 36,3 Md€ à la fin de 2021. Une nouvelle reprise de dette de 10 Md€ a eu lieu le 1er janvier 2022.

Le projet de loi de règlement du budget de l’Etat pour 2022 permet d’identifier les charges d’intérêts qui résultent pour l’Etat de ces reprises de dette. Elles s’élèvent à 0,8 Md€ en 2022.

4) Le coût total net en 2022

Le coût total de la SNCF, hors protection sociale des cheminots, pour les contribuables est ainsi estimé à 17,2 Md€ en 2022 dont il faut déduire 0,4 Md€ de dividendes versés à l’Etat (selon le bilan annuel des transports) et qui ont été utilisés par celui-ci pour financer un montant équivalent de subventions en faveur de la régénération du réseau, soit finalement 16,8 Md€ (contre 15,2 Md€ en 2021, soit une hausse de 9,9 %).

B) Le coût du régime spécial de sécurité sociale

Les développements suivants proviennent du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de septembre 2023.

Les agents de la SNCF ont un régime spécial de sécurité sociale qui est géré par une caisse autonome de sécurité sociale, la « caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ». Ce régime a été réformé en 2008 pour l’aligner, partiellement, sur celui des fonctionnaires et il a été mis en extinction en 2020. La loi de 2018 a en effet prévu que les recrutements de cheminots au statut cessent le 1er janvier 2020 pour faire place à des embauches sous contrat de droit privé dans le cadre d’une convention collective de la branche ferroviaire. L’arrêt du recrutement de cheminots au statut réduit progressivement les cotisations sociales versées au régime spécial de retraite à partir de 2020, ce qui est compensé par des transferts de la caisse nationale d’assurance vieillesse et de l’Agirc-Arrco en sa faveur.

Malgré ces transferts, l’Etat attribue au régime une subvention d’équilibre qui était de 3,2 Md€ en 2022 et représentait 60 % des pensions versées (5,3 Md€).

C) Le coût total en 2022 pour les contribuables

Le coût total de la SNCF (tableau suivant) pour les contribuables (ménages et entreprises) s’est élevé à 20,0 Md€ en 2022 (contre 18,5 Md€ en 2021, soit une augmentation de 8,1 %). Cette charge s’est ajoutée au prix payé par les voyageurs pour acheter des billets (ou par les entreprises pour transporter leur fret) et elle est en partie financée par des ménages et entreprises qui n’utilisent jamais le train.

La première estimation publique de ce coût avait été présenté sur ce site dans une note publiée en juin 2016 (14 Md€ en 2015). Le rapport de J.C. Spinetta de février 2018, établi à la demande du Gouvernement, l’a ensuite évalué à 13,7 Md€ en 2016.

Un rapport d’information du Sénat de mars 2022 estimait le coût total à 17,3 Md€ en 2020 (contre 16,7 Md€ dans la note publiée le 6 janvier 2022 sur le site de FIPECO).

Le coût de la SNCF pour les contribuables en 2016, 2021 et 2022 (Md€)

2016

2021

2022

Services achetés par les autorités régionales

5,5

6,8

6,8

Prise en charge des coûts de fonctionnement par l’Etat

2,0

2,6

3,3

Subventions d’investissement (Etat et régions)

3,0

5,1

6,2

Charge d’intérêts de la dette reprise par l’Etat

0,7

0,8

Dividendes versés à l’Etat

0

0

- 0,4

Total hors régime spécial de retraite

10,5

15,2

16,8

Subvention d’équilibre au régime spécial de retraite

3,2

3,3

3,2

Total

13,7

18,5

20,0

Sources : Rapport de J.C. Spinetta (coût en 2016) et FIPECO (coût en 2021 et 2022).

Les médias suivants ont mentionné cette note :

Les Echos

Capital 

Atlantico 

Nouvel Economiste 

 

[1] Agence de financement des infrastructures de transports de France, qui finance ces infrastructures pour le compte de l’Etat.

[2] Cet établissement public, qui a remplacé le syndicat des transports en Ile-de-France (STIF), finance les transports collectifs transiliens.

[3] Le dossier de presse de mai 2023 du ministère chargé des transports fait état de 175 M€ d’aides au fonctionnement et de 125 M€ d’aides à l’investissement pour le transport de fret dans le cadre du plan de relance en 2022.

[4] Ces matériels pourront être mis à la disposition des autres opérateurs s’ils gagnent les appels d’offre lancés par les autorités régionales pour assurer les transports ferroviaires de proximité.

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