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18/10/2023

Le patrimoine des administrations publiques locales fin 2022

François ECALLE

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Les administrations publiques locales (APUL), dont le champ est un peu plus étendu que celui des collectivités locales, sont endettées mais elles détiennent, en contrepartie de leurs dettes, des actifs financiers et surtout non financiers très importants qui doivent être pris en compte pour analyser leur situation financière. L’endettement public est en effet parfois justifié quand il permet d’accroître les actifs publics. Les comptes de patrimoine publiés par l’Insee permettent d’établir le bilan des APUL à la fin de 2022.

Les actifs et passifs des administrations publiques en comptabilité nationale ne sont pas consolidés[1] et sont exprimés en valeur de marché[2] alors que la dette publique au sens du traité de Maastricht est consolidée, est exprimée en valeur faciale et correspond à seulement une partie des passifs (les charges à payer en sont par exemple exclues). Les fiches de l’encyclopédie de FIPECO sur la dette publique et les actifs des administrations publiques présentent plus précisément leur définition et les méthodes utilisées pour les estimer.

Si la dette des APUL au sens du traité de Maastricht était de 245 Md€ fin 2022, leur passif en comptabilité nationale s’élevait à 298 Md€, en baisse de 9 Md€ par rapport à fin 2021. Il était constitué pour 65 % par des emprunts bancaires et pour 14 % par des obligations dont la valeur de marché a diminué de 15 Md€ du fait de la hausse des taux d’intérêt.

La valeur des actifs financiers des APUL était de 246 Md€ fin 2022. Elle a augmenté de 8 Md€ par rapport à fin 2021, principalement du fait des produits à recevoir. La trésorerie des APUL est restée à un niveau très élevé (90 Md€), ce qui devrait leur permettre de moins emprunter en 2023 et au-delà.

Les actifs non financiers des APUL étaient estimés à 1 948 Md€ fin 2022, soit 74 % du PIB. Ils étaient notamment constitués de terrains, pour 45 %, et d’ouvrages de génie civil, pour 35 %. Leur valeur a augmenté de 118 Md€ en 2022, surtout du fait de la hausse des prix des bâtiments hors logements et des ouvrages de génie civil mais bien moins du fait des investissements si on en déduit l’amortissement de ces immobilisations.

La valeur du patrimoine net des APUL (actifs – passifs) s’est élevée à 1 896 Md€ (72 % du PIB) à la fin de 2022, en hausse de 135 Md€ par rapport à fin 2021. Cette bonne situation financière des APUL tient pour partie, en 2022 comme les années antérieures, aux importants transferts financiers de l’Etat.

De 1995 à 2022, la valeur nette du patrimoine des APUL a augmenté d’un peu plus de 40 points de PIB, presque entièrement du fait de leurs actifs non financiers (+ 28 points pour les terrains et + 9 points pour les autres actifs non financiers).

La valorisation des actifs des APUL à des prix de marché est toutefois souvent théorique dans la mesure où ils ne sont pas destinés à être cédés et sont juridiquement inaliénables.

A) Le compte des administrations publiques locales

Les administrations publiques locales (APUL) forment l’une des catégories des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale. Elles comprennent les collectivités territoriales, les groupements de communes à fiscalité propre et les « organismes divers d’administration locale » (ODAL). Ces derniers sont constitués des établissements publics locaux tels que les centres communaux d’action sociale, les services départementaux d’incendie et de secours, les collèges et les lycées, ainsi que de certains établissements publics nationaux dont l’activité s’exerce sur une partie du territoire (chambres consulaires, agences de l’eau, Société du Grand Paris etc.).

Le compte des administrations publiques locales en comptabilité nationale est établi par la direction générale des finances publiques, sous l’autorité de l’Insee, pour l’essentiel en agrégeant et en retraitant les comptes des collectivités locales et de leurs groupements, établis selon leurs règles comptables. Ces retraitements ont pour objet d’appliquer les règles de la comptabilité nationale à ces comptes agrégés.

L’Insee ne distingue pas les collectivités territoriales et les ODAL dans les comptes de patrimoine mis en ligne mais donne des indications sur la répartition entre eux de la dette au sens du traité de Maastricht.

B) Les passifs

Si la dette des administrations publiques locales (APUL) au sens du traité de Maastricht s’élevait à 245 Md€, soit 9,3 % du PIB, à la fin de 2022, le total de leurs passifs était égal à 298 Md€, soit 11,3 % du PIB.

Ces passifs étaient constitués d’emprunts bancaires (65 % du total), d’obligations (14 %) et de charges à payer aux fournisseurs ou aux bénéficiaires de prestations sociales (20 %).

Ils ont diminué de 9 Md€ par rapport à fin 2021 et sont passés de 12,2 % du PIB fin 2021 à 11,3 % fin 2022, surtout du fait de la hausse du PIB. Les charges à payer ont augmenté de 7 Md€ et les emprunts bancaires de 1 Md€ mais l’encours d’obligations a diminué de 17 Md€.

Cette diminution des passifs des APUL en comptabilité nationale contraste avec la stabilité de la dette au sens du traité de Maastricht entre 2021 et 2022. La principale raison en est que ces passifs sont exprimés en valeur de marché et que la hausse des taux d’intérêt à réduit la valeur de marché des obligations déjà émises de 15 Md€ (la dette maastrichtienne est exprimé en valeur faciale ce qui signifie qu’une obligation de 100 € reste comptabilisée à 100 € quelle que soit l’évolution des taux d’intérêt).

C) Les actifs financiers

Les actifs financiers des APUL étaient estimés à 246 Md€ à la fin de 2022. Ils étaient composés notamment d’actions et titres de participations à hauteur de 24 %, de liquidités pour 37 % et de produits à recevoir pour 30 %.

Ces actifs financiers se sont accrus de 8 Md€ par rapport à fin 2021, principalement du fait des produits à recevoir. Le montant des liquidités détenues par les APUL avait fortement augmenté de fin 2019 (60 Md€) à fin 2021 (90 Md€), probablement parce qu’elles ont emprunté plus que nécessaire pour profiter de taux d’intérêt faibles et placé le produit de ces emprunts sur leurs comptes de dépôt au Trésor, et il est resté à ce niveau fin 2022. Cette trésorerie de 90 Md€ devrait leur permettre de moins emprunter en 2023 et au-delà.

D) Les actifs non financiers

Les actifs non financiers des administrations publiques étaient estimés à 1 948 Md€ à la fin de 2022, soit 74 % du PIB. Ils représentaient 72 % de ceux de l’ensemble des administrations publiques.

Ils étaient principalement composés de terrains (45 % de la valeur totale), généralement bâtis (les espaces naturels sont valorisés à un prix égal à zéro), d’ouvrages de génie civil comme les routes (35 %) et de bâtiments non résidentiels (bureaux notamment ; 15 %). Certains de ces actifs sont immatériels, mais les droits de propriété intellectuelle (logiciels, œuvres artistiques…) n’en constituent que 1 %. L’estimation de ces actifs présente souvent d’importantes difficultés en pratique comme une autre fiche de ce site le montre. Le patrimoine historique est ainsi souvent enregistré pour une valeur conventionnellement nulle.

Ces actifs non financiers ont augmenté de 118 Md€ par rapport à fin 2021 et sont passés seulement de 73 % du PIB fin 2021 à 74 % fin 2021 du fait de l’augmentation du PIB.

La variation de la valeur des actifs non financiers du début à la fin d’un exercice résulte notamment des investissements réalisés au cours de cet exercice, dont il faut déduire la dépréciation de ces actifs (la « consommation de capital fixe » en comptabilité nationale, qui correspond aux dotations aux amortissements de la comptabilité d’entreprise), des acquisitions et cessions d’actifs, enfin de l’évolution des prix de ces actifs.

En 2022, les investissements dans des actifs « produits »[3] (ouvrages de génie civil et bâtiments notamment) se sont élevés à 57 Md€ mais ces actifs ont été dépréciés de 50 Md€ du fait de leur usure notamment, ce qui conduit à une contribution nette de seulement 7 Md€ à la hausse de la valeur des actifs non financiers des APUL.

Celle-ci résulte surtout de la hausse des prix des bâtiments hors logements (22 Md€) et des ouvrages de génie civil (73 Md€). Ces actifs non financiers sont en effet valorisés en comptabilité nationale à des « prix de marché » qui correspondent à ceux des biens de même nature vendus dans le secteur privé et évoluent comme eux. Cette valorisation est toutefois assez souvent théorique dans la mesure où ces biens appartenant au domaine public sont inaliénables.

Source : Insee ; FIPECO.

E) La valeur du patrimoine net

1) Le patrimoine net à la fin de 2022

Le patrimoine net des administrations publiques locale, différence entre le total des actifs et le total des passifs, s’élevait à 1 896 Md€, soit 72 % du PIB, à la fin de 2022, alors que celui des administrations publiques centrales (L’Etat et les organismes publics non marchands qu’il contrôle) était fortement négatif (- 1 233 Md€).

Il faut toutefois noter que les collectivités locales reçoivent des transferts financiers de l’Etat qui représentaient en 2022 de 52 Md€ (concours financiers au sens strict) à 107 Md€ par an (en y ajoutant les dégrèvements d’impôts locaux pris en charges par l’Etat et les impôts d’Etat transférés comme une partie de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques).

Le patrimoine net des APUL a augmenté de 135 Md€ entre fin 2021 et fin 2022, ce qui résulte quasi-totalement de la revalorisation, c’est-à-dire de la hausse des prix, des constructions. Du fait de la hausse du PIB, il est néanmoins passé seulement de 70 à 72 % du PIB.

2) Le patrimoine net de 1995 à 2022

De 1995 à 2022, les passifs des administrations publiques locales (APUL) sont restés compris entre 9 et 13 % du PIB et leurs actifs financiers sont restés compris entre 6 et 10 % du PIB.

La valeur des actifs non financiers est passée d’environ 36 % du PIB dans la deuxième moitié des années 1990 à environ 65 % du PIB dans les années 2005 à 2019 puis à 73 % en 2020-2022. La valeur nette du patrimoine des APUL a suivi quasiment la même évolution.

Source : Insee ; FIPECO

Les actifs produits des APUL sont passés d’environ 30 % du PIB dans les années 1995 à 2003 à une valeur comprise entre 38 et 40 % du PIB dans les années 2020 à 2022.

La valeur des terrains a connu une très forte hausse dans les années 1998 (6 % du PIB) à 2006 (28 % du PIB) puis est restée comprise entre 25 et 30 % du PIB de 2007 à 2019 avant de croître de nouveau pour atteindre environ 35 % du PIB dans les années 2020-2022. Cet accroissement est surtout dû à l’augmentation des prix de ces actifs.

Source : Insee, FIPECO

Au total, de 1995 à 2022, la valeur nette du patrimoine des APUL a augmenté d’un peu plus de 40 points de PIB dont la presque totalité est imputable à leurs actifs non financiers (28 points pour les terrains et 9 points pour les autres actifs non financiers).

 

[1] La consolidation consiste à éliminer les créances et dettes réciproques entre administrations publiques.

[2] La valeur à laquelle les titres sont échangés sur le marché et non le montant qui sera remboursé (valeur faciale).

[3] Ceux qui ont été construits et ne sont pas naturels comme les terrains.

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