22/01/2025
Le patrimoine des administrations publiques locales fin 2023
François ECALLE
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Les administrations publiques locales (APUL), dont le champ est un peu plus étendu que celui des collectivités locales, sont endettées mais elles détiennent, en contrepartie de leurs dettes, des actifs financiers et, surtout, non financiers très importants qui doivent être pris en compte pour analyser leur situation financière. L’endettement public est en effet parfois justifié quand il permet d’accroître les actifs publics. Les comptes de patrimoine tirées de la comptabilité nationale et publiés par l’Insee permettent d’établir le bilan des APUL à la fin de 2023.
Les actifs et passifs des administrations publiques dans ces comptes ne sont pas consolidés[1] et sont exprimés en valeur de marché[2] alors que la dette publique au sens du traité de Maastricht est consolidée, est exprimée en valeur faciale et correspond à seulement une partie des passifs (les charges à payer en sont par exemple exclues). Les fiches de l’encyclopédie de FIPECO sur la dette publique et les actifs des administrations publiques présentent plus précisément leur définition et les méthodes utilisées pour les estimer.
Si la dette des APUL au sens du traité de Maastricht était de 250 Md€ fin 2023, leur passif en comptabilité nationale était de 308 Md€, en hausse de 10 Md€ depuis fin 2022. Il était constitué d’emprunts bancaires pour 64 % et d’obligations pour 16 %.
La valeur des actifs financiers des APUL était de 243 Md€ fin 2023, le même montant que fin 2022. Leur trésorerie est restée à un niveau très élevé (85 Md€) en 2023, ce qui a pu leur permettre de financer une partie de leurs dépenses en 2024.
Les actifs non financiers des APUL étaient estimés à 1 833 Md€ fin 2023. Ils étaient notamment constitués de terrains, pour 42 %, et d’ouvrages de génie civil, pour 38 %. Leur valeur a diminué de 74 Md€ en 2023 du fait de la baisse du prix des terrains.
La valeur du patrimoine net des APUL (actifs – passifs) s’est élevée à 1 769 Md€ (63 % du PIB) à la fin de 2023, en baisse de 83 Md€ par rapport à fin 2022.
De 1998 à 2013, la valeur nette du patrimoine des APUL est passée de 32 à 61 % du PIB. Cette hausse s’explique pour les deux tiers par celle de la valeur des terrains et pour un tiers par celle des autres actifs non financiers. Cette valeur nette n’a que très légèrement augmenté de 2013 à 2023.
Il faut enfin noter que la valorisation des actifs non financiers des APUL à des prix de marché est assez théorique dans la mesure où ils ne sont pas destinés à être cédés et sont d’ailleurs juridiquement inaliénables sauf à engager une procédure de déclassement.
A) Le compte des administrations publiques locales
Les administrations publiques locales (APUL) forment l’une des catégories des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale. Elles comprennent les collectivités territoriales, les groupements de communes à fiscalité propre et les « organismes divers d’administration locale » (ODAL). Ces derniers sont constitués des établissements publics locaux tels que les centres communaux d’action sociale, les services départementaux d’incendie et de secours, les collèges et les lycées, ainsi que de certains établissements publics nationaux dont l’activité s’exerce sur une partie du territoire (chambres consulaires, agences de l’eau, Société du Grand Paris etc.).
Le compte des administrations publiques locales en comptabilité nationale est établi par la direction générale des finances publiques, sous l’autorité de l’Insee, pour l’essentiel en agrégeant et en retraitant les comptes des collectivités locales et de leurs groupements, établis selon leurs règles comptables. Ces retraitements ont pour objet d’appliquer les règles de la comptabilité nationale à ces comptes agrégés.
L’Insee ne distingue pas les collectivités territoriales et les ODAL dans les comptes de patrimoine mis en ligne.
B) Les passifs
Si la dette des administrations publiques locales (APUL) au sens du traité de Maastricht s’élevait à 250 Md€, soit 8,9 % du PIB, à la fin de 2023, le total de leurs passifs au sens de la comptabilité nationale était égal à 308 Md€, soit 10,9 % du PIB.
Ces passifs étaient constitués d’emprunts bancaires (64 % du total), d’obligations (16 %) et de charges à payer aux fournisseurs ou aux bénéficiaires de prestations sociales (19 %).
Ils ont augmenté de 10 Md€ par rapport à fin 2022 et sont passés de 11,2 % du PIB fin 2022 à 10,9 % fin 2023. L’encours d’obligations s’est en particulier accru de 7 Md€.
La dette des APUL au sens du traité de Maastricht n’a augmenté que de 6 Md€ entre fin 2022 et fin 2023.
C) Les actifs financiers
Les actifs financiers des APUL étaient estimés à 243 Md€ à la fin de 2023, soit 8,6 % du PIB. Ils étaient composés notamment d’actions et titres de participations à hauteur de 28 %, de liquidités pour 35 % et de produits à recevoir pour 28 %.
Le montant en euros de ces actifs financiers était quasiment le même à la fin de 2022 et à la fin de 2023. Les liquidités ont diminué de 5 Md€ et la valeur des actions a augmenté de 3 Md€. Ces liquidités avaient fortement augmenté de fin 2019 (60 Md€) à fin 2022 (90 Md€), probablement parce que les APUL avaient emprunté plus que nécessaire pour profiter de taux d’intérêt faibles et placé le produit de ces emprunts sur leurs comptes de dépôt au Trésor. Elles étaient encore très importantes fin 2023 (85 Md€).
D) Les actifs non financiers
Les actifs non financiers des administrations publiques locales étaient estimés à 1 833 Md€ à la fin de 2023, soit 65 % du PIB. Ils représentaient 66 % de ceux de l’ensemble des administrations publiques.
Ils étaient principalement composés de terrains (42 % de la valeur totale), généralement bâtis (les espaces naturels sont valorisés à un prix égal à zéro), d’ouvrages de génie civil comme les routes (38 %) et de bâtiments non résidentiels (bureaux notamment ; 15 %). Certains de ces actifs sont immatériels, mais les droits de propriété intellectuelle (logiciels, œuvres artistiques…) n’en constituent que 1 %. L’estimation de ces actifs présente souvent d’importantes difficultés en pratique comme une autre fiche de ce site le montre. Le patrimoine historique est ainsi souvent enregistré pour une valeur conventionnellement nulle.

Source : Insee ; FIPECO.
Ces actifs non financiers ont diminué de 74 Md€ par rapport à fin 2022 et sont passés de 72 % du PIB fin 2022 à 66 % fin 2023.
La variation de la valeur des actifs non financiers du début à la fin d’un exercice résulte notamment des investissements réalisés au cours de cet exercice, dont il faut déduire la dépréciation de ces actifs (la « consommation de capital fixe » en comptabilité nationale, qui correspond aux dotations aux amortissements de la comptabilité d’entreprise), des acquisitions et cessions d’actifs[3], enfin de l’évolution des prix de ces actifs.
En 2023, les investissements dans des actifs « produits »[4] (ouvrages de génie civil et bâtiments notamment) se sont élevés à 64 Md€ mais le stock de ces actifs a été déprécié de 53 Md€ du fait de leur usure notamment. Leurs prix ayant été revalorisés de 21 Md€, la valeur des actifs produits a ainsi augmenté de 32 Md€.
La valeur des terrains a de son côté diminué de 107 Md€, ce qui résulte presque totalement de la baisse de leur prix.
E) La valeur du patrimoine net
1) Le patrimoine net à la fin de 2023
Le patrimoine net des administrations publiques locale, différence entre le total des actifs et le total des passifs, s’élevait à 1 769 Md€, soit 63 % du PIB, à la fin de 2023, alors que celui des administrations publiques centrales (l’Etat et les organismes qu’il contrôle et qui sont financés principalement par des subventions ou des impôts affectés) était très négatif (- 1 161 Md€).
Le patrimoine net des APUL a diminué de 83 Md€ entre fin 2022 et fin 2023, la baisse des prix des terrains n’ayant pas été compensée par les investissements nets de la dépréciation et de la revalorisation des actifs produits.
Ce patrimoine net des APUL est passé de 70 % du PIB à la fin de 2022 à 63 % à la fin de 2023.
2) L’évolution du patrimoine net
De 1998 à 2023, les passifs des administrations publiques locales (APUL) sont restés compris entre 9 et 11 % du PIB et leurs actifs financiers sont restés compris entre 6 et 9 % du PIB.
Le patrimoine des administrations publiques locales en % du PIB
|
1998
|
2003
|
2008
|
2013
|
2018
|
2023
|
Terrains
|
6
|
16
|
25
|
27
|
27
|
27
|
Autres actifs non financiers
|
30
|
31
|
34
|
38
|
36
|
38
|
Actifs financiers
|
7
|
6
|
7
|
7
|
8
|
9
|
Passifs
|
11
|
9
|
9
|
11
|
11
|
11
|
Valeur nette
|
32
|
45
|
56
|
61
|
60
|
63
|
Source : Insee ; FIPECO.
La valeur des terrains a fortement augmenté de 1998 (6 % du PIB) à 2013 (27 % du PIB) puis s’est stabilisée. La valeur des autres actifs non financiers a elle aussi augmentée de 1998 à 2013 mais plus modérément (de 30 à 38 % du PIB) pour se stabiliser ensuite. La valeur nette du patrimoine des APUL a suivi quasiment la même évolution, passant de 32 % du PIB en 1998 à 61 % en 2013 pour quasiment ensuite se stabiliser à ce niveau si on s’en tient à ces périodes quinquennales. Sur les cinq dernières années, elle s’est toutefois nettement accrue de 2018 à 2022 (70 % du PIB) pour baisser de presque autant en 2023.
Cette note a été mentionnée dans les médias suivants :
La Gazette des communes
[1] La consolidation consiste à éliminer les créances et dettes réciproques entre administrations publiques.
[2] La valeur à laquelle les titres sont échangés sur le marché et non le montant qui sera remboursé (valeur faciale).
[3] L’observatoire des finances et de la gestion publiques locales a récemment publié une étude des cessions d’actifs des collectivités locales.
[4] Ceux qui ont été construits et ne sont pas naturels comme les terrains.