Fipeco

Partager Partage sur Twitter Partage sur Facebook Partage sur Linkedin


06/01/2022

Le coût de la SNCF pour les contribuables en 2020

François ECALLE

PDF à lire et imprimer

Ce billet présente le coût de la SNCF et du régime spécial de sécurité sociale des cheminots en 2020 pour l’Etat et les autorités régionales, donc pour les contribuables (ménages et entreprises), sans chercher à en apprécier les justifications.

Les régions et Ile-de-France Mobilités ont versé 6,7 Md€ à la SNCF en 2020 pour exploiter les transports ferroviaires de proximité. L’Etat a subventionné le fonctionnement de la SNCF à hauteur de 2,3 Md€. Par l’intermédiaire de l’Etat et des autorités régionales, les contribuables ont donc payé 9,0 Md€ à la SNCF, soit 40 % de ses coûts de fonctionnement.

En outre, l’Etat et les autorités régionales ont subventionné les investissements de la SNCF à hauteur de 50 %, soit 4,5 Md€, en 2020. Le coût de la SNCF pour les contribuables, hors protection sociale des cheminots, était donc de 13,5 Md€ en 2020.

L’Etat a doté la SNCF de 4,1 Md€ en capital en 2020 mais cet apport sera en fait étalé sur plusieurs années à partir de 2021, de même que son coût pour les contribuables.

L’Etat verse enfin une subvention d’équilibre au régime spécial de retraite des cheminots dont le coût budgétaire est de 3,2 Md€. Elle couvre à la fois le déséquilibre démographique du régime spécial de la SNCF et les droits spécifiques des cheminots. Le coût de ces derniers était estimé à 1,0 Md€ en 2017 par la Cour des comptes.

Au total, le coût de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) s’est élevé à 16,7 Md€ en 2020 (13,7 Md€ en 2016 selon le rapport de 2018 de J.C. Spinetta). Cette charge s’est ajoutée au prix payé par les voyageurs pour acheter des billets de train.

Malgré ces subventions, le résultat net de la SNCF était déficitaire en 2020 (- 3,0 Md€) et il est probable que les emprunts contractés pour financer ce déficit seront un jour repris par l’Etat. Celui-ci a déjà repris 25 Md€ de dettes du groupe SNCF à son compte au début de 2020 et l’endettement net du groupe était néanmoins encore de 38 Md€ à la fin de 2020. Il a été prévu en 2018 qu’une nouvelle reprise de dette de 10 Md€ aurait lieu en 2022, mais elle a été avancée au 31 décembre 2021 et ce n’est sans doute pas la dernière.  

A) Le coût de la SNCF hors régime spécial de sécurité sociale

De 2015 à 2019, le « groupe SNCF » comprenait trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), un EPIC tête de groupe et les EPIC SNCF Réseau (les infrastructures ferroviaires, pour simplifier) et SNCF Mobilité (les trains, pour simplifier), ainsi que leurs filiales. En application de la loi du 27 juin 2018, ces trois EPIC ont été remplacés le 1er janvier 2020 par une société nationale à capitaux entièrement publics, SNCF, détenant deux sociétés, SNCF Réseau et SNCF Mobilités.

Ce billet s’appuie sur les montants des dépenses de l’Etat (ou de l’AFITF[1]) et des régions (ou d’Ile-de-France Mobilités[2]) en faveur de la SNCF en 2020 qui figurent dans le bilan annuel des transports publié par le service des données et études statistiques du ministère de la transition écologique ainsi que dans le rapport financier du groupe SNCF. Les méthodes comptables appliquées dans ces documents n’étant pas les mêmes, ces montants diffèrent parfois. Les chiffres du bilan annuel des transports ont été privilégiés pour leur cohérence avec les comptes nationaux.

1) Les coûts de fonctionnement

La principale contribution des contribuables aux coûts de fonctionnement de la SNCF (6,7 Md€ en 2020) est « la vente de prestations de services ferroviaires » par SNCF Mobilités aux « autorités organisatrices » des transports régionaux, à savoir les régions (3,6 Md€) et Ile-de-France Mobilités (3,0 Md€). Ces ventes de services apparaissent dans le rapport financier de la SNCF sous la dénomination « commandes publiques de prestations de services » et sont considérées par elle comme une composante de son chiffre d’affaires.

Elles ont cependant une nature très particulière qui les éloigne fortement d’opérations commerciales : en attendant leur prochaine ouverture à la concurrence, les autorités organisatrices avaient en 2020 l’obligation d’acheter à la SNCF, qui était en situation de monopole, les services rendus par les trains express régionaux (TER) et le Transilien. Elles pouvaient seulement modifier à la marge la nature des services proposées aux voyageurs et créer des tarifs sociaux, à leur charge. Que l’on considère ce montant comme un achat de services ou une subvention, il est en tout état de cause payé par les autorités publiques régionales et donc par les contribuables (surtout les entreprises à travers le versement transports).

En outre, l’Etat verse lui-même à SNCF Réseau les redevances d’accès au réseau dues par les TER et le Transilien (1,9 Md€ selon le rapport financier de la SNCF ou 2,0 Md€ selon le projet de loi de règlement du budget de l’Etat pour 2020).

L’Etat verse enfin des subventions à SNCF Mobilité (0,3 Md€) au titre du transport des militaires et des trains d’équilibre du territoire (Intercités).

Les coûts de fonctionnement de la SNCF supportés par les contribuables s’élèvent donc au total à 9,0 Md€ en 2020, principalement pour les TER et le Transilien.

Le chiffre d’affaires consolidé du groupe SNCF est de 30 Md€ en 2020, dont environ un tiers à l’international et deux tiers (soit 20 Md€) sur le marché national. Son compte de résultat dégage un déficit de 3,0 Md€ malgré les achats et subventions de l’Etat et des autorités régionales. Si on suppose que ce déficit est imputable pour un tiers au marché international et deux tiers au marché domestique, les coûts de fonctionnement de la SNCF sur le marché domestique sont d’environ 22 Md€ et sont supportés par les contribuables à hauteur de 40 %.

2) Le coût des investissements

Les subventions d’investissements reçus par la SNCF s’élèvent en 2020 à 2,0 Md€ pour SNCF Mobilités (surtout des subventions des autorités organisatrices régionales pour acheter des matériels roulants) et à 2,5 Md€ pour SNCF Réseau (dont 0,8 Md€ de l’Etat ou de l’AFITF et 1,7 Md€ des collectivités locales ou d’Ile-de-France Mobilités), soit un total de 4,5 Md€.

Comme le rapport financier du groupe SNCF fait état de 8,9 Md€ d’investissements en 2020, ceux-ci sont subventionnés par les contribuables à hauteur de 50 %.

3) Le coût total en 2020

Le coût total de la SNCF, hors protection sociale des cheminots, pour les contribuables est ainsi estimé à 13,5 Md€ en 2020 (selon le rapport financier de la SNCF, le total des achats de services aux administrations publiques et des subventions et concours publics reçus de l’Etat et des collectivités locales s’est élevé à 14,3 Md€ en 2020). Cette charge s’ajoute au prix payé par les voyageurs pour acheter des billets de train.

4) La dotation en capital

L’Etat a apporté 4,1 Md€ en capital à la SNCF en 2020 dans le cadre du plan de relance, ce qui permet au Gouvernement de dire que l’exécution de ce plan est rapide, mais la SNCF a aussitôt reversé le même montant, sous la forme d’un dividende exceptionnel, sur un fonds de concours de l’Etat qui versera des subventions d’investissement à SNCF Réseau étalées sur plusieurs années à partir de 2021, au fur et à mesure des besoins de financement des travaux de maintenance des infrastructures. Cette dotation en capital n’a donc rien coûté en 2020 à l’Etat, ou aux contribuables, et son coût sera en fait étalé sur plusieurs années à partir de 2021.

B) Le coût du régime spécial de sécurité sociale

Les développements suivants proviennent du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de septembre 2021.

Les agents de la SNCF ont un régime spécial de sécurité sociale qui a été réformé en 2008 pour l’aligner, partiellement, sur celui des fonctionnaires. Si le mode de calcul des pensions est le même que pour ces derniers (75 % du salaire hors primes des six derniers mois[3] pour une durée de cotisation presque équivalente à celle requise dans le secteur privé pour obtenir le « taux plein »), l’âge minimal de départ en retraite est calé sur celui des catégories dites « actives » et « super actives » de la fonction publique, soit respectivement 55 ans (tous les agents hors les conducteurs à la SNCF) et 50 ans (les agents de conduite). Cet âge minimal est relevé de deux ans comme pour le secteur privé (de 60 à 62 ans) et pour les catégories actives et super actives, mais avec un décalage de plusieurs générations. En matière d’assurance maladie, les agents de la SNCF bénéficient d’un service médical gratuit sans avance de frais.

Depuis 2007, ce régime spécial est géré par une caisse autonome de sécurité sociale, la « caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ».

Sa branche maladie n’est plus distinguée dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Les prestations et cotisations de droit commun sont intégrées à celles de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et il apparaît seulement que les prestations spécifiques de la SNCF (0,2 Md€) font l’objet d’une subvention d’équilibre de 0,1 Md€ du régime général de sécurité sociale.

Pour la branche retraite, le taux de cotisation salariale est de 9,3 % en 2020 et le taux à la charge de l’employeur (37,6 %) est, selon le rapport de la CCSS, la somme de deux composantes : la première est « déterminé afin de couvrir, déduction faite du produit des cotisations salariales, le montant qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaires obligatoires ; la deuxième est destinée à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial ». Le premier taux est de 23,6 % et le deuxième de 14,0 %.

Malgré cette contribution « forfaitaire » de la SNCF aux « droits spécifiques » de ses agents, l’Etat attribue au régime une subvention d’équilibre qui était de 3,4 Md€ en 2020 et représentait 65 % des pensions versées (5,2 Md€).

Cette subvention d’équilibre compense d’une part le déséquilibre démographique de la SNCF (1,9 retraités pour 1 cotisant) et d’autre part les droits spécifiques des cheminots (départs précoces notamment).

Dans le régime général, les retraites des branches en déclin démographique comme la sidérurgie sont subventionnées par les cotisations des branches démographiquement dynamiques comme l’informatique mais cette subvention n’est pas visible. Dans les régimes spéciaux cette subvention doit être apparente mais elle n’est pas forcément anormale.

Selon un rapport de 2019 de la Cour des comptes, le coût des droits spécifiques s’élevait à 1,0 Md€ en 2017.

En application de la loi de 2018, les recrutements de cheminots au statut ont cessé le 1er janvier 2020 pour faire place à des embauches sous contrat de droit privé dans le cadre d’une convention collective de la branche ferroviaire qui reste à établir par les partenaires sociaux.

L’arrêt du recrutement de cheminots au statut réduit progressivement les cotisations sociales versées au régime spécial de retraite à partir de 2020, ce qui oblige l’Etat à augmenter sa subvention d’équilibre (elle est passée de 3,2 Md€ en 2019 à 3,4 Md€ en 2020). Les nouveaux agents sont toutefois affiliés au régime général dont les cotisations sociales augmentent de ce fait. Le coût pour les contribuables, entendus comme les redevables d’impôts et de cotisations sociales, ne devrait donc pas être significativement modifié à court terme par cette réforme. On considère dans cette note que ce coût correspond à la subvention d’équilibre de 2019, soit 3,2 Md€.

C) Le coût total en 2020 pour les contribuables

Le coût de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) s’est élevé à 16,7 Md€ au total en 2020. Cette charge s’est ajoutée au prix payé par les voyageurs pour acheter des billets.

Dans une note publiée en juin 2016 sur ce site, j’avais présenté la première estimation publique de ce coût (14 Md€ en 2015). Le rapport de J.C. Spinetta de février 2018, établi à la demande du Gouvernement, l’a ensuite évalué à 13,7 Md€ en 2016.

Le coût total de la SNCF pour les contribuables en 2016 et 2020 (Md€)

2016

2020

Services achetés par les autorités régionales

5,5

6,7

Subventions d’exploitation de l’Etat

2,0

2,3

Subventions d’investissement (Etat et régions)

3,0

4,5

Subvention d’équilibre du régime spécial de retraite

3,2

3,2

Total

13,7

16,7

SourceSources : Rapport de J.C. Spinetta (coût en 2016) et FIPECO (coût en 2020).s : Rapport de J.C. Spinetta (coût en 2016) et FIPECO (coût en 2020).

D) Les coûts passés et futurs : reprises de dette et déficit

Malgré ces subventions, le résultat de la SNCF a été fortement déficitaire en 2020 (- 3,0 Md€ pour le résultat net part du groupe), surtout du fait de la crise. Il est fort probable que les dettes contractées par la SNCF pour financer ce déficit soient un jour reprises par l’Etat ou l’obligent à lui apporter de nouveaux fonds propres, comme le montre l’expérience du passé.

Bien que l’Etat ait déjà repris 8 Md€ de dettes de la SNCF en 2007, l’endettement net du groupe atteignait 60,3 Md€ à la fin de 2019 du fait de l’accumulation de résultats déficitaires et d’investissements financés par emprunt. L’Etat a repris 25 Md€ de dettes à son compte le 1er janvier 2020. En raison notamment du déficit de 2020, l’endettement net du groupe était néanmoins encore de 38,1 Md€ à la fin de 2020. Une nouvelle reprise de dette de 10 Md€ était prévue en 2022 par la loi de 2018 mais elle a été avancée au 31 décembre 2021.

Ces 35 Md€ de dettes reprises par l’Etat sur la période 2020-2022 seront remboursées, comme ses propres dettes, en réempruntant les mêmes montants, du moins tant que la Banque Centrale Européenne le permettra et que les créanciers de l’Etat considéreront son endettement comme soutenable. S’ils venaient à perdre confiance, il n’est pas exclu que les contribuables soient mis à contribution.

Cet article a été mentionné dans les médias suivants :

Les Echos

Le Point

Sud-Ouest

RMC

BFM Business

Valeurs actuelles

Capital

LCI

L'Humanité

Le nouvel économiste

Challenges

La vie du rail

[1] Agence de financement des infrastructures de transports de France, qui finance ces infrastructures pour le compte de l’Etat.

[2] Cet établissement public, qui a remplacé le syndicat des transports en Ile-de-France (STIF), finance les transports collectifs transiliens par un impôt sur les salaires (le versement transports), le produit des amendes liées à la circulation et des subventions des collectivités locales.

[3] Mais les fonctionnaires n’ont pas de retraite complémentaire. Ce taux se compare donc à un taux de remplacement dans le secteur privé qui est aussi de l’ordre de 75 % en moyenne avec les retraites complémentaires.

Revenir en haut de page