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19/05/2021

Les (vrais) barèmes des impôts sur les revenus de 2020

François ECALLE

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Les projets fiscaux du nouveau président des Etats-Unis ont relancé les débats sur l’imposition des hauts revenus en France. Ce billet a pour objet de clarifier un point particulier : quels sont les taux d’imposition des revenus de 2020, notamment des plus élevés, en France ? En effet, il existe plusieurs impôts sur les revenus, parfois spécifiques à des catégories particulières de revenus, et leur barème réel n’est pas toujours celui qui est affiché.

Le barème apparent de l’impôt sur le revenu (IR) laisse penser que, pour un célibataire sans enfant, l’impôt est dû à partir d’un revenu annuel de 10 000 € à un taux marginal de 11 %. En réalité, le seuil d’imposition est à 15 000 € et le premier taux marginal est 16 %.

Selon le barème apparent, les revenus annuels supérieurs à 158 000 € sont soumis au taux marginal le plus élevé, qui serait de 45 %. En réalité, du fait d’une contribution exceptionnelle instaurée en 2012 jusqu’à ce que les comptes publics soient à l’équilibre, les revenus supérieurs à 500 000 € (pour les célibataires) sont soumis à un taux marginal d’imposition de 49 %.

L’ajout de la CSG, dont une partie est déductible de l’IR, et de la CRDS conduit à un taux marginal d’imposition des salaires bruts et des revenus des indépendants qui atteint 55,4 % au-dessus de 500 000 €, ce qui le situe à la troisième place de l’OCDE (cette comparaison des taux d’imposition devrait être complétée par celle des seuils au-delà desquels ils s’appliquent). Les revenus fonciers font en outre l’objet de prélèvements sociaux supplémentaires qui portent leur taux marginal supérieur d’imposition à 62,9 %.

S’agissant des revenus financiers, l’IR et les prélèvements sociaux ont été remplacés par un prélèvement forfaitaire unique de 30 %, ce qui conduit à un taux marginal supérieur de 34 % avec la contribution exceptionnelle. Les dividendes ont toutefois été préalablement soumis à l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) si bien que le taux marginal supérieur d’imposition des dividendes distribués par les sociétés est de 53,1 %.

Enfin, le total de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et des impôts sur le revenu (y compris les prélèvements sociaux) est plafonné à 75 % de l’ensemble des revenus. Pour les contribuables qui atteignent ce plafond, un revenu supplémentaire de 100 € entraîne une hausse de 75 € des impôts prélevés. Le taux marginal le plus élevé d’imposition des revenus en France est donc de 75 %.

A) L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu est calculé, en principe, en appliquant un même barème à l’ensemble des revenus annuels imposables de chaque ménage (après déduction des frais réels ou abattements forfaitaires). Le barème affiché dans la documentation fiscale est en 2021 (sur les revenus de 2020) celui qui figure dans le tableau suivant pour un célibataire sans enfant. Le « taux marginal » indiqué, variable selon les tranches de revenus, s’applique à chaque euro supplémentaire de revenu.

Le barème apparent de l’IR pour un célibataire sans enfant en 2021

Tranche de revenu annuel (revenu de 2020)

Taux marginal

0 à 10 084 €

0

De 10 085 à 25 710 €

11 %

De 25 711 à 73 516 €

30 %

De 73 517 à 158 122 €

41 %

Au-delà de 158 122 €

45 %

Source : loi de finances pour 2021 ; FIPECO.

Un célibataire sans enfant qui gagne 40 000 € a un taux marginal d’imposition de 30 % et paye un impôt de 6 006 €[1]. Son « taux moyen d’imposition », rapport entre le montant de l’impôt et le revenu, est de 15,0 %. Ce taux moyen d’imposition croît avec le revenu, ce qui confère à l’impôt un caractère « progressif », et tend vers 45 % pour des revenus très élevés.

Ce barème apparent laisse penser que l’IR est payé à partir d’un revenu de 10 085 €, pour un célibataire sans enfant, mais un mécanisme de réduction de l’impôt dû par les ménages modestes, appelé la « décote », repousse en réalité le seuil d’imposition à l’IR.

L’impôt dû après décote I est égal à (1,4525 x IB – 779) où IB est l’impôt résultant du barème, sous les contraintes suivantes : I ne peut pas être négatif et I ne peut pas être supérieur à IB.

Le véritable seuil d’imposition est défini par I = 0 soit IB = 536 €, ce qui correspond d’après le barème apparent à un revenu net (après abattements) de 14 961 €[2]

Au-delà de ce seuil, chaque euro supplémentaire de revenu est imposé à un taux marginal de 1,4525 x 11 % soit 16,0 % jusqu’à ce que I = IB soit IB = 1 722 € ce qui correspond d’après le barème apparent à un revenu net (après abattements) de 25 710 €, ce qui correspond au seuil d’entrée dans la tranche à 30 %. Au-delà de ce revenu, les contribuables sont imposés en appliquant le barème apparent.

Pour les ménages aux revenus les plus élevés, s’ajoute depuis 2012, et « jusqu’à l’année au titre de laquelle le déficit public est nul », une « contribution exceptionnelle sur les hauts revenus » qui est égale, pour les célibataires, à 3 % de la fraction du revenu fiscal de référence comprise entre 250 000 et 500 000 € et à 4 % de la fraction supérieure à 500 000 €. Il s’agit de taux marginaux et cela signifie que le taux marginal d’imposition pour des revenus supérieurs à 500 000 € est de 49 % et que le taux moyen tend vers 49 % pour des revenus très élevés[3].

Le véritable barème de l’impôt sur le revenu est donc le suivant.

Le barème apparent et le vrai barème de l’impôt sur les revenus de 2020

Barème apparent

Vrai barème

Tranche de revenu annuel (après abattement)

Taux marginal

Tranche de revenu annuel (après abattement)

Taux marginal

0 à 10 084 €

0

0 à 14 961 €

0

De 10 085 à 25 710 €

11 %

De 14 961 à 25 710 €

16 %

De 25 711 à 73 516 €

30 %

De 25 711 à 73 516 €

30 %

De 73 517 à 158 122 €

41 %

De 73 517 à 158 122 €

41 %

Au-delà de 158 122 €

45 %

De 158 122 € à 250 000 €

45 %

De 250 000 € à 500 000 €

48 %

Au-dessus de 500 000 €

49 %

Source : loi de finances pour 2021 ; FIPECO. Cas du célibataire sans enfant.

Avant la réforme votée en 2019, qui s’applique pour la première fois sur les revenus de 2020, le premier taux marginal apparent était de 14 % et le véritable barème résultait non seulement du barème apparent et de la décote mais aussi d’une réduction de 20 % de l’impôt après décote. La réforme de 2019 a simplifié la législation en supprimant cette réduction. Elle aurait pu la simplifier encore plus en supprimant la décote et en affichant le vrai barème mais le premier taux marginal serait alors passé, en apparence, de 14 à 16 %, ce qui aurait posé un problème de communication. En réalité le vrai premier taux marginal est passé de 19,6 % à 16 % (cf. note sur cette réforme pour une analyse plus approfondie), mais c’est difficile à expliquer…

Dans un ménage comportant plusieurs personnes, le barème est appliqué au total des revenus de tous ses membres, divisé par un « nombre de parts » qui correspond à sa taille (deux parts pour un couple sans enfant et 2,5 parts pour un couple avec un enfant, par exemple). Le résultat est ensuite multiplié par le nombre de parts. L’avantage financier qui résulte de ce mécanisme (appelé « quotient familial »), et qui tient à l’application d’un taux moyen plus faible que s’il n’existait pas, est plafonné à 1 570 € par demi-part s’ajoutant à la première part (célibataire) ou aux deux premières parts (couple).

Un document de travail publié par l’Insee en 2018 montre que beaucoup de contribuables ont une perception erronée du barème de l’impôt sur le revenu et adaptent leur comportement au barème apparent et non au vrai barème.

B) Les impôts sociaux sur le revenu

La CSG est prélevée sur une assiette plus large que celle de l’IR. Par exemple, certains revenus de placement (plans d’épargne logement…) sont soumis à la CSG et non à l’IR. En outre, la CSG s’applique à des revenus bruts alors que l’IR s’applique à des revenus nets des cotisations sociales (salaires…) ou après des abattements spécifiques (retraites…). La CSG est elle-même déduite de l’assiette de l’impôt sur le revenu à hauteur de 6,8 points. L’assiette de la CRDS est un peu plus large que celle de la CSG (par exemple, les allocations familiales y sont incluses).

La CSG n’est pas prélevée sur l’ensemble des revenus du ménage en appliquant un barème commun mais sur les revenus de chaque personne en appliquant, dès le premier euro, un taux qui dépend de la nature de ce revenu. La CRDS s’y ajoute avec un taux de 0,5 %.

Les taux de CSG-CRDS en 2020

Catégorie de revenus

Taux (%)

Salaires et revenus professionnels

9,7

Retraites (taux normal)

8,8

Revenus du capital

9,7

Allocations de chômage (taux normal)

6,7

Source : service-public.fr ; FIPECO.

La fraction de salaire brut qui dépasse huit fois le plafond de la sécurité sociale (329 000 € annuels) ne donne pas lieu à cotisations salariales en faveur des régimes de retraite complémentaire (et ne donne donc pas non plus droit à une pension de retraite complémentaire). Elle est soumise à une CSG-CRDS de 9,7 %, dont 6,8 points sont déductibles de l’impôt sur le revenu, et à un impôt sur le revenu au taux marginal de 44,7 % (soit : 48 x 0,932) ou 45,7 % (soit : 49 x 0,932). Au total, le taux marginal supérieur d’imposition des salaires bruts (et des revenus professionnels des indépendants) est de 55,4 % (soit : 45,7 + 9,7).

Ce taux marginal supérieur des impôts sur les revenus de 55,4 % en France n’est dépassé qu’au Japon et au Danemark (55,9 %) au sein des pays de l’OCDE. Les taux américain (43,7 %) et britannique (45,0 %) sont encore loin derrière. La comparaison des taux marginaux d’imposition devrait toutefois être complétée par celle des seuils au-delà desquels ils s’appliquent, qui peuvent dépendre de la configuration familiale, mais l’analyse de ces seuils serait longue et dépasse le cadre de cette note.

Les taux marginaux supérieurs des impôts sur le revenu en 2020

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Espagne

Pays-Bas

55,4

47,5

45,0

47,2

43,5

49,5

Danemark

Belgique

Suède

Canada

Japon

Etats-Unis

55,9

52,9

52,3

53,5

55,9

43,7

SSource : OCDE ; FIPECO.ource : OCDE ; FIPECO.

Le taux de CSG appliqué aux pensions de retraite dépend du revenu fiscal de référence du ménage (exception au caractère individuel de la CSG). Pour un célibataire sans enfant, il est nul (exonération) en 2021 si ce revenu est inférieur à 11 409 € ; il est de 3,8 % si ce revenu est compris entre 11 409 € et 14 915 € ; il est de 6,6 % si ce revenu est compris entre 14 915 € et 23 147 € et le taux normal de 8,3 % est appliqué au-delà de cette limite (8,8 % avec la CRDS). Un taux réduit de 3,8 % s’applique aux allocations de chômage si le revenu fiscal de référence du ménage est compris entre 11 409 € et 14 914€. Ces allocations sont exonérées de CSG si ce revenu est inférieur à 11 408 €.

C) Les impôts sur les revenus du capital

Les revenus fonciers sont soumis au barème de l’impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, à la CSG (9,2 %), à la CRDS et à divers autres prélèvements sociaux, qui ne sont pas des cotisations et n’ouvrent pas droit à prestations. Le taux global des prélèvements sociaux atteint 17,2 % dont 6,8 points déductibles de l’impôt sur le revenu. Le taux marginal supérieur d’imposition des revenus fonciers est donc de 62,9 % (soit : 45,7 + 17,2).

Hors résidence principale (exonérée), les plus-values immobilières sont soumises à l’impôt sur le revenu à un taux spécifique qui varie de 19 à 25 % en fonction de leur montant si le bien est détenu depuis moins de six ans (ce taux diminue ensuite avec la durée de détention). Il s’y ajoute la contribution exceptionnelle et les mêmes prélèvements sociaux que pour les revenus fonciers (17,2 %), ce qui conduit à un taux marginal supérieur d’imposition de 46,2 %.

Avant la réforme de 2017, les revenus financiers étaient soumis au barème de l’impôt sur le revenu, mais après un abattement de 40 % s’agissant des dividendes. Cet abattement permettait de tenir compte de l’imposition préalable des dividendes au titre de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS).

Les revenus financiers font désormais l’objet d’un prélèvement forfaitaire unique de 30 % qui recouvre les prélèvements sociaux au taux de 17,2 % et une imposition forfaitaire de 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu[4]. Pour les célibataires dont le revenu fiscal de référence dépasse 250 000 ou 500 000 €, il s’y ajoute la contribution exceptionnelle de 3 ou 4 %.

Pour les revenus financiers hors dividendes, le taux marginal supérieur d’imposition est donc de 34 %.

Les dividendes sont d’abord soumis à un impôt sur les bénéfices des sociétés au taux de 28,9 % (avec la contribution sociale de 3,3 % assise sur le montant de l’IS, dont le taux normal est de 28 %). Les dividendes distribués (71,1 % du bénéfice avant IS) sont ensuite soumis au prélèvement forfaitaire unique et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Au total, le taux marginal supérieur d’imposition des dividendes distribués par les sociétés est de 53,1 % (soit : 28,9 + 34 x 0,711).

Les plus-values sur la vente d’actions sont soumises au prélèvement forfaitaire unique et à la contribution exceptionnelle. Le prélèvement opéré préalablement au titre de l’impôt sur les sociétés est plus difficile à estimer car les plus-values ne résultent pas toujours du réinvestissement de bénéfices soumis à l’IS.

D) Le taux d’imposition marginal de 75 %

Si un actif rapportait un revenu de 3 % par an lorsque l’ISF existait encore, l’Etat pouvait en prélever plus de la moitié au titre des impôts sur le revenu (IR, CSG et prélèvements sociaux) et près de la moitié au titre de l’ISF, son taux marginal supérieur étant de 1,5 %, ce qui pouvait conduire à un prélèvement total « confiscatoire » de plus de 100 %. Pour cette raison et depuis la création de l’impôt sur les grandes fortunes (IGF devenu ISF), le total de cet impôt et de divers autres impôts, en général les impôts sur le revenu, a été plafonné en fonction du revenu. 

Aujourd’hui, le total de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), dont le taux marginal supérieur est de 1,5 %, et des impôts sur le revenu (y compris les prélèvements sociaux) est plafonné à 75 % de l’ensemble des revenus (y compris ceux qui sont exonérés d’impôt sur le revenu ou soumis à des prélèvements libératoires).

Pour les contribuables qui atteignent ce plafond, un revenu supplémentaire de 100 € entraîne une hausse de 75 € des impôts prélevés. Le véritable taux marginal supérieur d’imposition des revenus en France est donc de 75 %.

 

[1] Soit (25 710 – 10 084) x 0,11 + (40 000 – 25 710) x 0,30 = 6 006 €

[2] Plus exactement 15 515 € compte tenu du seuil minimal de recouvrement de 61 €.

[3] En supposant, pour simplifier, que le revenu fiscal de référence est égal au revenu net imposable auquel s’applique le barème apparent.

[4] Les ménages peuvent choisir l’imposition au barème si elle est plus avantageuse.

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