04/03/2021
Les dépenses par politique publique en France et dans la zone euro de 2001 à 2019
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Eurostat vient de publier la ventilation des dépenses publiques par « fonction » en 2019. Les « fonctions » de cette nomenclature correspondent pour la plupart à des politiques publiques. Cette répartition des dépenses par politique permet d’abord de voir à quoi l’argent public a servi en France et dans la moyenne de la zone euro en 2019.
Les variations de cette répartition entre 2001 (première année pour laquelle cette décomposition est disponible à un niveau suffisamment fin) et 2019 (dernière année avant la crise) permettent ensuite de voir comment les choix budgétaires ont évolué en France et dans la zone euro sur cette période.
Les dépenses publiques de la France représentaient 55,6 % du PIB en 2019 contre une moyenne de 47,0 % dans la zone euro, soit un écart de 8,6 points.
L’écart entre la France et la zone euro est le plus important pour les dépenses de retraite (2,2 points de PIB). Les dépenses affectées à la santé, aux familles, aux chômeurs, au logement et à la lutte contre l’exclusion sociale sont également plus élevées en France. L’écart est de 4,9 points pour l’ensemble des dépenses de protection sociale.
L’écart est de 1,7 point s’agissant des aides et subventions à finalité économique aux ménages et entreprises, dont 1,0 point pour le CICE qui disparaît à partir de 2020.
Les dépenses d’enseignement, militaires, culturelles, sportives et de protection de l’environnement sont plus élevées en France. Le coût des « services généraux » (fonctions supports des administrations publiques) est le même que dans la moyenne de la zone euro. La charge d’intérêt de la dette et les dépenses affectées à la justice et à la sécurité intérieure sont les seules à être plus faibles en France (très légèrement).
De 2001 à 2019 en pourcentage du PIB, les dépenses publiques ont augmenté de 4 points en France alors qu’elles n’ont pas varié en moyenne dans la zone euro.
Les dépenses de protection sociale ont augmenté de 4,5 points de PIB en France contre 2,9 points en moyenne dans la zone euro, ce qui tient surtout aux retraites. La hausse des dépenses de santé et des dépenses associées au chômage a également été particulièrement forte en France. Le coût de la politique du logement est resté le même en France alors qu’il a baissé dans les autres pays de la zone. Le poids de la politique familiale a en revanche diminué en France alors qu’il a augmenté dans les autres pays.
Les dépenses affectées à la protection de l’environnement, aux sports et à la culture ainsi que les aides et subventions à finalité économique ont nettement plus augmenté en France que dans la zone euro.
Les dépenses militaires et les dépenses d’enseignement ont en revanche diminué un peu plus en France que dans la zone euro.
Le poids des intérêts de la dette publique a diminué en France et dans la zone euro, mais un peu moins en France.
Un fait marquant est enfin la forte diminution du coût des « services généraux » en France alors qu’il a légèrement augmenté en moyenne dans la zone euro.
A) Les dépenses par politique publique en 2019
Les dépenses publiques de la France représentent 55,6 % du PIB en 2019 contre une moyenne de 47,0 % du PIB dans la zone euro, soit un écart de 8,6 points. Le PIB est une mesure approximative de l’assiette des prélèvements obligatoires et rapporter les dépenses publiques au PIB permet de tenir compte de la capacité de chaque pays à les financer.
Les dépenses publiques par fonction en % du PIB en 2019
% du PIB
|
France
|
Zone euro
|
Protection sociale
Dont : retraites
Santé et invalidité
Famille
Chômage
Exclusion sociale
Aides personnelles au logement
|
31,9
14,6
10,9
2,3
1,9
1,3
0,8
|
27,0
12,4
10,0
1,6
1,4
0,9
0,4
|
Aides à la pierre et équipements collectifs
|
1,1
|
0,6
|
Enseignement
|
5,3
|
4,6
|
Loisirs, culture et culte
|
1,4
|
1,1
|
Protection de l’environnement
|
1,0
|
0,8
|
Affaires économiques
Dont transports
|
6,0
2,0
|
4,3
1,9
|
Sécurité intérieure et justice
|
1,6
|
1,7
|
Défense
|
1,7
|
1,2
|
Services généraux
|
4,1
|
4,1
|
Intérêts de la dette publique
|
1,6
|
1,7
|
Total des dépenses publiques
|
55,6
|
47,0
|
SourceSource : Eurostat ; FIPECO
Les dépenses publiques consacrées à la protection sociale s’élèvent à 31,9 points de PIB en France en 2019, contre 27,0 points dans la zone euro[1].
Les dépenses de retraite sont celles pour lesquelles l’écart entre la France et la zone euro est le plus important (2,2 points de PIB). Il résulte pour partie du caractère obligatoire et monopolistique des régimes complémentaires en répartition, AGIRC-ARRCO pour les salariés du secteur privé, qui sont classés parmi les administrations publiques en raison de ces caractéristiques. Dans les autres pays, ces régimes complémentaires sont souvent des fonds de pension et font souvent l’objet d’un choix, au niveau de la branche ou de l’entreprise, et ils sont donc classés en dehors du champ des administrations publiques. Cet écart résulte également du niveau des retraites au regard des revenus des actifs et du nombre relativement important de retraités en raison d’un âge précoce de départ en retraite et d’une espérance de vie élevée à cet âge en France[2].
Les dépenses publiques de santé en France sont supérieures de 0,9 point de PIB à celles de la zone euro[3]. Les dépenses affectées aux familles, aux chômeurs et à la lutte contre l’exclusion sociale sont également plus élevées en France.
En additionnant les aides personnelles au logement, les aides à la pierre et les équipements collectifs associés, le coût de la politique du logement est deux fois plus élevé en France (1,9 % du PIB) que dans la zone euro (1,0 % du PIB).
L’écart entre les dépenses publiques en France et dans la zone euro est particulièrement important pour ce qui concerne les « affaires économiques » (1,7 point de PIB). Ce poste est très hétérogène et recouvre notamment les dépenses liées aux transports (construction et entretien des routes…) ainsi que les aides aux ménages et subventions aux entreprises relevant de politiques publiques très diverses à finalité économique (aides à l’agriculture, aides à l’innovation, crédit d’impôt pour l’emploi de salariés à domicile…). L’écart entre la France et la zone euro tient pour 1,0 point de PIB au CICE[4] et devrait donc diminuer d’autant à partir de 2020 avec la disparition de ce dispositif.
Les dépenses militaires de la France sont supérieures de 0,5 point de PIB à celle de la zone euro, ce qui s’explique par ses responsabilités particulières en ce domaine (présence permanente au Conseil de sécurité de l’ONU, dissuasion nucléaire, opérations extérieures).
Enfin, la France dépense plus que les autres pays de la zone euro pour l’enseignement[5]. L’écart de 0,7 point de PIB tient pour 0,5 point à l’enseignement secondaire alors que le poids de l’enseignement supérieur est inférieur de 0,1 point en France. La France dépense un peu plus pour les loisirs, la culture et les cultes (0,3 point) ainsi que pour la protection de l’environnement (0,2 point).
Le coût des « services généraux » est identique en France et dans la zone euro (4,1 % du PIB). Ces derniers recouvrent notamment les « fonctions supports » telles que la fonction « d’état-major » (Présidence, assemblées et services du Premier ministre), la fonction financière (ministère des finances), la fonction ressources humaines (ministère de la fonction publique), la fonction de représentation (ministère des affaires étrangères)… de l’Etat et des collectivités locales. Les « frais généraux de la maison France » paraissent donc plutôt bien tenus.
Les dépenses publiques de la France ne sont inférieures ou égales à celles de la zone euro que pour deux fonctions : l’ordre et la sécurité publics (justice, police et prisons), ce qui tient surtout aux services judiciaires, et le service de la dette publique (grâce à des taux d’intérêt plus faibles que la moyenne de la zone euro).
B) L’évolution des dépenses par politique publique de 2001 à 2019
Les dépenses publiques de la France sont passées de 51,7 % du PIB en 2001 à 55,6 % en 2019, soit + 3,9 points, alors que la moyenne de la zone euro n’a quasiment pas varié (46,9 % du PIB en 2001 et 47,0 % en 2019, soit + 0,1 point). L’écart s’est donc creusé de 3,8 points.
L’évolution des dépenses publiques par fonction en points de PIB de 2001 à 2019
Variation de 2001 à 2019 en points de PIB
|
France
|
Zone euro
|
Protection sociale
Dont : retraites
Santé et invalidité
Famille
Chômage
Exclusion sociale
Aides personnelles au logement
|
+ 4,5
+ 2,8
+ 1,6
- 0,1
+ 0,2
+ 0,2
- 0,1
|
+ 2,9
+ 1,5
+ 1,3
+ 0,1
- 0,2
+ 0,3
+ 0,1
|
Aides à la pierre et équipements collectifs
|
+ 0,1
|
- 0,3
|
Enseignement
|
- 0,3
|
- 0,1
|
Loisirs, culture et culte
|
+ 0,2
|
0
|
Protection de l’environnement
|
+ 0,3
|
0
|
Affaires économiques
Dont transports
|
+ 1,6
+ 0,2
|
- 0,3
0
|
Sécurité intérieure et justice
|
+ 0,2
|
+ 0,1
|
Défense
|
- 0,3
|
- 0,1
|
Services généraux
|
- 0,8
|
+ 0,1
|
Intérêts de la dette publique
|
- 1,5
|
- 2,1
|
Total des dépenses publiques
|
+ 3,9
|
+ 0,1
|
SourceSource : Eurostat ; FIPECO
Les dépenses de protection sociale ont augmenté de 4,5 points en France contre 2,9 points en moyenne dans la zone euro, ce qui tient surtout aux retraites (+ 2,8 points en France contre + 1,5 point dans la zone euro). On observe également une hausse plus particulièrement forte en France des dépenses de santé et des dépenses associées au chômage (celles-ci ont augmenté en France et diminué dans la zone euro). En revanche, le coût de la politique familiale a un peu diminué en France alors qu’il a un peu augmenté dans les autres pays de la zone euro.
En additionnant les aides personnelles au logement, les aides à la pierre et les équipements collectifs associés, le coût de la politique du logement est resté le même en France alors qu’il a baissé dans les autres pays de la zone.
Les dépenses militaires et les dépenses d’enseignement ont diminué en France un peu plus que dans la zone euro. S’agissant de l’enseignement, les dépenses affecté à l’enseignement supérieur et au primaire n’ont varié ni en France ni dans la zone euro sur cette période. Les dépenses dans le secondaire ont diminué de la même façon. Ce sont les « dépenses non définies par niveau d’enseignement » qui ont un plus baissé en France.
Les dépenses affectées à la protection de l’environnement, aux sports et à la culture ainsi que les aides et subventions à finalité économique, même en retirant le CICE, ont nettement plus augmenté en France que dans la zone euro.
Le coût des « services généraux » a fortement baissé en France (- 0,8 point de PIB) alors qu’il a légèrement augmenté dans la moyenne de la zone euro. Si le coût des fonctions support était particulièrement élevé en France en 2001, d’importantes économies ont été réalisées et il est désormais en ligne avec celui de ces fonctions dans les autres pays. Rapporté au total des dépenses publiques, il est désormais parmi les plus faibles de la zone euro.
Enfin, la charge d’intérêts de la dette publique a nettement diminué en France et dans la zone euro, mais un peu moins en France. Dans les autres pays, cette baisse de la charge d’intérêts a permis d’augmenter les dépenses affectées à d’autres fonctions mais sans aller au-delà. En France, la baisse de la charge d’intérêts a été très inférieure à la hausse du coût des autres fonctions.
Les dépenses affectées aux politiques publiques peuvent avoir changé au cours de cette période parce que les priorités ont évolué ou parce que, à politique inchangée, la progression des coûts a différé selon les politiques. Le présent billet ne distingue pas ces deux facteurs. Il ne se prononce pas non plus sur l’efficacité de ces politiques.
[1] Dans les publications d’Eurostat, seule une partie des dépenses de santé est incluse dans la fonction « protection sociale » (surtout les prestations en espèces), les autres étant regroupées dans une fonction spécifique « santé ». Dans cette note, toutes les dépenses liées à la santé et l’invalidité sont comprises dans la fonction protection sociale, ce qui conduit à un pourcentage du PIB plus élevé.
[2] Une comparaison des régimes de retraite en France et dans dix grands pays de l’OCDE montre que l’écart entre la France et la moyenne de ces dix pays passe de 4,5 à 2,1 points de PIB quand on ajoute les pensions versées par les régimes privés et facultatifs.
[3] La France n’est dépassée que par l’Allemagne pour le total des dépenses de santé (publiques et privées).
[4] Les crédits d’impôt sont des dépenses publiques en comptabilité nationale.
[5] Ses dépenses totales (publiques et privées) d’enseignement sont également supérieures à la moyenne de l’Union européenne.