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27/01/2022

Les principales réformes fiscales du quinquennat

François ECALLE

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Partant des annonces faites au cours de la campagne présidentielle de 2017, ce billet présente les principales mesures fiscales décidées au cours de l’actuel quinquennat, leur impact budgétaires et leurs effets économiques et sociaux. Ceux-ci font seulement ici l’objet d’une appréciation qualitative et il ne s’agit pas de dresser un bilan économique et social de l’ensemble de ces réformes.

On notera seulement que le coût budgétaire de l’ensemble des mesures fiscales décidées au cours de ce quinquennat (pas seulement celles présentées ici) est d’environ 44 Md€ en 2022 et qu’il n’a pas été compensé par des économies équivalentes sur les dépenses publiques. Selon le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2022, le déficit public structurel (corrigé de l’impact des fluctuations du PIB ainsi que des mesures temporaires et exceptionnelles, notamment celles du plan d’urgence pour faire face à la crise) passerait en effet de 2,4 % du PIB en 2017 à 4,7 % en 2022.

La retenue à la source des acomptes relatifs à l’impôt sur le revenu n’est pas présentée car elle ne modifie pas les conditions de déclaration et de calcul de cet impôt.

Ce billet reprend en grande partie une note écrite pour l’institut Montaigne et publiée par celui-ci en juillet 2021.

A) La baisse du taux de l’impôt sur les sociétés

Le programme d’En Marche pendant la campagne présidentielle prévoyait une baisse du taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS) de 33,3 % (en 2017) à 25,0 %.

Cette mesure a été inscrite dans la loi de finances initiale pour 2018 avec un calendrier de réduction progressive de ce taux jusqu’à 25,0 % en 2022. Ce calendrier a été modifié, notamment pour financer une partie des mesures sociales de décembre 2018, mais le taux de 25 % sur les bénéfices de 2022 a été maintenu.

Le coût budgétaire de cette mesure est de 11 Md€ en 2022 selon le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2022.

Les comparaisons internationales montrent que le taux de l’IS, qu’il s’agisse du taux légal ou du « taux effectif moyen » tenant compte des différences d’assiette, restait en France en 2020 parmi les plus élevés de l’OCDE. Or, l’IS est l’objet d’une intense concurrence entre les pays qui conduit les entreprises à localiser leurs activités, ou leurs résultats fiscaux, dans ceux qui ont les taux les plus bas. L’accord obtenu sous l’égide de l’OCDE en 2021 limitera cette concurrence fiscale, mais le taux minimal de 15 % retenu est bien inférieur au taux français et la définition de l’assiette sur laquelle il sera appliquée risque de poser de difficiles problèmes d’interprétation et d’application. La baisse du taux de l’IS en France devrait donc contribuer à y augmenter les investissements des entreprises et les bénéfices imposés.

Si cette hausse de l’investissement favorise la croissance de l’activité économique et profite ainsi à tous les Français, l’effet direct d’une baisse de l’IS est de permettre aux sociétés de distribuer plus de dividendes à leurs actionnaires ou de permettre à ceux-ci de dégager des plus-values plus importantes. Cet effet direct est donc anti-redistributif car les actions sont surtout détenues par les ménages les plus aisés.

B) La transformation du CICE en allègements de cotisations patronales

Le programme d’En Marche prévoyait la transformation du CICE en « allégements de charges pérennes ». Il ajoutait que cette réforme permettrait de réduire le coût du travail pour les entreprises.

La loi de finances initiale pour 2018 a prévu la suppression du CICE sur les salaires versés à partir du 1er janvier 2019 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu à compter de la même date : une baisse de 6 points des cotisations sociales patronales à l’assurance maladie jusqu’à un salaire de 2,5 SMIC ; un allègement supplémentaire de 4 points au niveau du SMIC, diminuant progressivement jusqu’à 1,6 SMIC, portant sur les cotisations à l’assurance chômage et aux régimes de retraite complémentaire.

En 2019, les entreprises ont bénéficié à la fois du remboursement du CICE sur les salaires de 2018 (et d’années antérieures) et des allégements de charges sur les salaires de 2019. Le déficit public a ainsi été ponctuellement majoré d’environ 20 Md€. En régime permanent, il ne reste que le surcoût des allégements de cotisations par rapport au CICE, soit environ 3 Md€.

Les crédits d’impôts étant des dépenses publiques pour les comptables nationaux, alors que les allégements de cotisations sociales réduisent les prélèvements obligatoires, cette réforme se traduit par une diminution de 0,9 point de PIB du ratio dépenses publiques / PIB et du taux des prélèvements obligatoires de la France dans les statistiques internationales.

Le CICE était critiqué en raison de sa complexité et de son effet décalé sur la trésorerie des entreprises (pour les plus grandes, il pouvait n’être remboursé qu’au bout de trois ans). Les allégements de charges qui le remplacent sont plus simples et leur effet sur la trésorerie des entreprises est immédiat.

Le salaire maximal ouvrant droit au CICE (2,5 SMIC) était trop élevé pour avoir un impact maximal sur l’emploi, ce qui supposerait de viser les salaires proches du SMIC, et trop bas pour améliorer significativement la compétitivité des entreprises soumises à la concurrence internationale, notamment dans les branches industrielles où les rémunérations sont nettement supérieures à la moyenne. Les travaux publiés par le comité d’évaluation du CICE et par France Stratégie ont néanmoins montré qu’il a eu un impact positif sur l’emploi, même si son ampleur reste débattue.

La réforme de 2019 n’a contribué que très légèrement à réduire le coût moyen du travail : il a été nettement réduit à proximité du SMIC mais il a été accru pour les salaires supérieurs à 1,6 SMIC. Les allégements de cotisations qui ont remplacé le CICE à partir de 2019 sont donc un peu plus ciblés sur les bas salaires et sont donc plus favorables à une augmentation de l’emploi.

Ces créations d’emplois concernant plutôt des postes moins qualifiés, cette réforme est plutôt favorable aux ménages les moins aisés.

Les pertes de recettes de l’Unédic et des régimes complémentaires de retraite sont compensées, en principe à l’euro près, par l’ACOSS, qui reçoit une fraction de la TVA pour financer cette compensation. Cette réforme s’inscrit ainsi dans un mouvement plus général conduisant à financer ces régimes conventionnels d’assurances sociales plus largement par l’impôt, en substitution de cotisations sociales. Cette évolution pourrait conduire à poser la question de la légitimité des partenaires sociaux pour diriger ces régimes et de l’intégration de leurs recettes et dépenses dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. 

C) La baisse des impôts sur la production

La baisse des impôts de production n’était pas prévue pendant la campagne présidentielle mais elle a été inscrite dans la loi de finances pour 2021 dans le cadre du plan de relance.

Les impôts sur la production constituent un ensemble hétéroclite de prélèvements sur la masse salariale, sur le foncier et sur diverses autres assiettes comme la valeur ajoutée. Ceux qui sont payés par les sociétés représentaient 3,7 % du PIB en France en 2020 alors que leur poids était en moyenne de 1,5 % du PIB dans la zone euro et 1,7 % dans l’Union européenne.

La loi de finances pour 2021 a supprimé la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui était affectée aux régions (deux autres parts sont affectées aux départements et au secteur communal).

La CVAE est un impôt assis sur la valeur ajoutée (VA) et dont le taux dépend du chiffre d’affaires (CA). Ce taux est nul pour un CA inférieur à 0,5 M€ et de 1,5 % pour un CA supérieur à 50 M€ (avant réforme). Certaines activités en sont exonérées. Le total de la CVAE et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) est plafonné en pourcentage de la VA. La CVAE, la CFE et les autres impôts fonciers sont des impôts sur la production en comptabilité nationale.

La loi de finances pour 2021 a divisé par deux les taux de la CVAE, abaissé le plafond commun à la CVAE et à la CFE de 3 à 2 % de la valeur ajoutée et réduit de moitié les impôts fonciers des établissements industriels (taxes foncières et CFE).

Les pertes de recettes des collectivités locales sont compensées, en leur affectant une fraction de la TVA, par l’Etat qui supporte le coût de cette mesure : 10,6 Md€ en 2022 dont 7 Md€ pour la part régionale de la CVAE.

Si la CVAE pèse sur les coûts des entreprises, ce n’est pas une charge fixe, contrairement à la plupart des autres impôts sur la production, car il faut vendre pour avoir une valeur ajoutée. En outre, taxer la valeur ajoutée est neutre au regard du choix des facteurs de production (travail et capital). Les impôts fonciers pourraient être de bons impôts locaux si les valeurs cadastrales retenues pour les liquider n’étaient pas déconnectées des valeurs de marché. Il n’est donc pas sûr que la baisse de la CVAE et des impôts fonciers ait été prioritaire. Les études économiques mettaient plutôt en avant l’intérêt d’une suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, qui est assise sur leur chiffre d’affaires.

Cette réforme n’apporte aucune simplification puisque ces impôts subsistent. Les entreprises devront donc toujours les déclarer de la même façon.

La baisse de la CVAE ne profite pas aux plus petites entreprises, qui en sont exonérées, et pas spécialement aux entreprises industrielles. Ces deux catégories d’entreprises bénéficient toutefois plus particulièrement de la baisse du plafond commun à la CVAE et à la CFE et de la réduction des impôts fonciers dus par les établissements industriels.

Le poids des impôts sur la production en France restera supérieur à la moyenne européenne après cette réforme, comme pour l’ensemble des prélèvements obligatoires.

D) Le remplacement de l’ISF par l’IFI

Le programme d’En Marche prévoyait le remplacement de l’ISF par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour soutenir l’investissement privé non immobilier.

La loi de finances initiale pour 2018 a supprimé l’ISF et a créé l’IFI dont les caractéristiques sont les mêmes que celles de l’ISF (même barème en particulier) à une exception majeure près : son assiette est limitée aux biens immobiliers non professionnels.

L’ISF a été payé par 358 000 foyers fiscaux et a rapporté 5,1 Md€ en 2017. L’IFI a été payé par 139 000 foyers et a rapporté 2,1 Md€ en 2019. Le coût de la réforme est d’environ 3 Md€.

Des travaux de l’OCDE cités par le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, dans son rapport d’octobre 2020, montrent que les taux d’imposition des placements financiers des ménages étaient en France nettement au-dessus de la moyenne internationale, voire au premier rang, en 2017. Cette réforme les a seulement rapprochés de la moyenne.

Si la transformation de l’ISF en IFI ne modifie pas significativement le volume global du financement de l’économie, elle a sans doute entraîné le remplacement d’investissements immobiliers par des investissements non immobiliers.

L’impact de l’ISF sur l’expatriation des ménages les plus fortunés est difficile à mesurer. En effet, les motifs des départs à l’étranger sont nombreux, souvent de nature professionnelle, et la fiscalité est rarement spontanément avancée par les partants pour les expliquer. Le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital observe néanmoins que le passage de l’ISF à l’IFI s’est accompagné d’une diminution du nombre d’expatriations fiscales et d’une augmentation du nombre de retours de contribuables en France.

Une réduction de la taxation du patrimoine ne peut toutefois entraîner des comportements plus favorables à la croissance qu’à long terme. Il faut en effet d’abord convaincre les personnes concernées qu’elle n’est pas seulement temporaire. La crise sociale de 2018 et la crise sanitaire et économique de 2020 ayant été accompagnées par de nombreux appels à une restauration de l’ISF, il n’est pas certain que les comportements des détenteurs de capitaux changent rapidement.

La concentration du patrimoine des ménages est forte en France (10 % d’entre eux en possèdent environ la moitié), comme dans beaucoup d’autres pays, et la baisse d’un impôt progressif sur ce patrimoine ne peut qu’accroître ces inégalités. Cette réforme aurait pu être partiellement gagée par une hausse des droits sur les plus grosses successions. Il est en effet préférable de taxer le patrimoine hérité plutôt que le patrimoine acquis grâce à l’épargne ou à la prise de risques au cours de la vie.

E) La création du prélèvement forfaitaire unique

Le programme d’Emmanuel Macron en 2017 prévoyait la création d’un « prélèvement unique sur les revenus du capital d’environ 30% ».

En 2017, les revenus financiers étaient soumis au barème de l’impôt sur le revenu, mais après un abattement de 40% s’agissant des dividendes. Cet abattement permettait de tenir compte de l’imposition préalable des dividendes à l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS).

En application de la loi de finances initiale pour 2018, les revenus financiers font désormais l’objet d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% qui recouvre les prélèvements sociaux au taux de 17,2% et une imposition forfaitaire de 12,8% au titre de l’impôt sur le revenu (les ménages peuvent choisir l’imposition au barème si elle est plus avantageuse). Pour les célibataires dont le revenu fiscal de référence dépasse 250 000 ou 500 000 €, il s’y ajoute la contribution exceptionnelle de 3 ou 4% sur les hauts revenus qui a été créée en 2012. Les plus-values financières sont soumises au PFU, mais les revenus fonciers et les plus-values immobilières restent soumis au barème pour les premiers et à un prélèvement spécifique pour les deuxièmes.

Le coût budgétaire de cette réforme a été estimé à environ 1,5 Md€ dans le projet de loi de finances pour 2018. Il a été réestimé à 1,8 Md€ dans le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2022.

Le comité d’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital a présenté, dans son rapport d’octobre 2020, une analyse de la mesure symétrique prise en 2012 : passage d’un prélèvement forfaitaire libératoire à une imposition des dividendes au barème de l’impôt sur le revenu. Cette réforme a entraîné une forte baisse des dividendes versés par les sociétés aux ménages si bien que les recettes fiscales ont probablement diminué alors qu’une hausse était attendue. Il n'apparaît pas clairement d’effet sur les investissements des entreprises.

Une forte hausse des dividendes reçus par les ménages a été observée en 2018 (23 Mds€ après 14 Mds€ en 2017), d’ampleur comparable à la baisse de 2013, qui semble liée à la création du PFU pour le comité même si d’autres mesures ont pu y contribuer également.

Compte-tenu de cette augmentation des dividendes, le coût budgétaire ex post de la création du PFU a probablement été nul (les chiffrages du ministère des finances sont toujours effectués à comportements inchangés).

Comme en 2013, aucun effet significatif sur l’investissement des entreprises n’a été observé.

Les deux tiers des dividendes reçus par les ménages en 2018 l’ont été par 0,1% des foyers fiscaux. Cette réforme est donc favorable aux ménages les plus aisés.

F) La substitution de la CSG à des cotisations sociales salariales

Le programme d’En Marche annonçait une « amélioration du pouvoir d’achat de tous les travailleurs » grâce à une réduction des cotisations sociales payées par les salariés, les fonctionnaires et les indépendants. Cette mesure devait être financée par une hausse du taux de la CSG mais le gain de pouvoir d’achat des salariés était estimé à 1,9 % du salaire net.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu une réduction des cotisations salariales en deux étapes : suppression des cotisations à l’assurance maladie qui subsistaient, au taux de 0,75 %, et d’une partie des cotisations à l’assurance chômage (1,45 point) le 1er janvier 2018 ; suppression du reste des cotisations d’assurance chômage (0,95 point) le 1er octobre 2018. A partir de cette date, la réduction des cotisations salariales a donc été de 3,15 points.

Pour financer cette mesure, le taux de la CSG a été majoré de 1,7 point le 1er janvier 2018 sur l’ensemble des revenus, à l’exception des indemnités de chômage et des pensions de retraite soumises au taux minoré de CSG.

Le gain de pouvoir d’achat pour les salariés a donc été de 1,45 % du salaire brut, soit 1,8 % du salaire net. Pour les fonctionnaires et les indépendants, dont les cotisations sociales avaient des taux différents, les mesures prises ont eu un impact à peu près neutre sur leur pouvoir d’achat en moyenne mais positif pour les plus modestes. En revanche, les revenus du capital et les pensions de retraite ont été réduits du fait de la hausse de la CSG (sauf pour les retraités les plus modestes). Cette réforme a contribué au total à diminuer les inégalités de revenus.

Du fait de la baisse en deux étapes des cotisations salariales et de la hausse de la CSG, elle a réduit le déficit public en 2018. A partir de 2019, elle devait être budgétairement neutre selon les prévisions du gouvernement.

Comme la première étape de la réforme n’entraînait qu’un léger gain de pouvoir d’achat pour les salariés, ceux-ci n’ont pas eu le sentiment d’en être bénéficiaires. En revanche, beaucoup de retraités se sont opposés à la hausse de la CSG et le Gouvernement a finalement accepté en 2019 un retour à l’ancien taux de CSG pour une partie de ceux qui avaient supporté la hausse de 2018 (en fonction de leurs revenus). La réforme a donc eu finalement un coût budgétaire (1,6 Md€ selon le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2022).

Les cotisations sociales salariales ont été remplacées par l’affectation d’une fraction d’un impôt (la CSG) au sein des ressources de l’Unédic.  Une indemnité de chômage a été créée en même temps en faveur de certains travailleurs indépendants et ces évolutions se sont accompagnées d’un renforcement du rôle de l’Etat dans le pilotage de l’assurance chômage.

G) La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales

Le programme d’En Marche prévoyait la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des Français dès 2020 et le remboursement par l’Etat aux communes de leurs pertes de recettes, sur la base des taux de 2016.

La loi de finances initiale pour 2018 a prévu que les ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 27 000 € (célibataires) ou 43 000 € (couple), soit 80 % des foyers fiscaux, ne paient plus de TH sur leur résidence principale en 2020. En 2018 et en 2019, ils ont payé 70 % puis 35 % de la TH votée par les collectivités (sous réserve de ce qui est dit ci-dessous).

Cette réduction de la TH a pris la forme d’un dégrèvement à la charge de l’Etat, ce qui signifie que celui-ci s’est substitué aux ménages pour verser la TH aux communes ou à leurs groupements. Mais les dégrèvements à la charge de l’Etat incitent les collectivités à augmenter les taux des impôts locaux à son détriment. Pour éviter cet effet, les dégrèvements de 30 et 65 % en 2018 et 2019 ont été appliqués à la TH due aux collectivités en retenant les taux votés en 2017. Si les taux ont ensuite augmenté, la réduction d’impôt dont les ménages ont bénéficié en 2018 et 2019 était en fait un peu inférieure à 30 et 65 % de la TH due aux collectivités.

La perte de recettes pour les administrations publiques résultant de ces dispositions était estimée à 10 Md€ par an à partir de 2020. Elle a été entièrement supportée par l’Etat.

Le mécanisme de dégrèvement sur la base des taux de 2017 risquait de laisser une taxe à payer aux ménages en principe exonérés au-delà de 2020 en cas de hausse des taux depuis 2017. Le maintien de la TH au-dessus d’un certain revenu créait en outre un fort effet de seuil même s’il était en partie lissé. Enfin, le Conseil constitutionnel a laissé entendre qu’il contesterait le maintien d’un impôt local pour seulement 20 % des contribuables pendant une durée indéfinie.

Pour ces diverses raisons notamment, la loi de finances initiale pour 2020 a supprimé la TH (et le mécanisme de dégrèvement) sur toutes les résidences principales en 2023, après deux étapes intermédiaires en 2021 et 2022 pour les 20 % de ménages les plus aisés.

En compensation de la perte de la TH, les communes reçoivent la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties et une fraction de la TVA est affectée par l’Etat aux intercommunalités et aux départements pour compenser leurs pertes. Au total, l’Etat supporte seul le coût de cette réforme qui a été porté à 18,5 Md€ (dont 2,8 Md€ en 2023).

La TH était payée par presque tous les habitants de chaque commune et permettait de les sensibiliser au coût des services publics locaux, ce qui pouvait limiter les demandes d’extension et d’amélioration de ces services et donc l’augmentation des dépenses publiques. En outre, les impôts fonciers peuvent être de bons impôts locaux, mais la TH reposait sur des valeurs administratives totalement déconnectées des valeurs de marché des logements. Il était donc préférable de réformer l’assiette de la TH plutôt que de la supprimer.

La TH était d’abord progressive avec le revenu, du fait de dispositifs d’exonération et de plafonnement de son montant en fonction du revenu pour les ménages modestes, puis dégressive. Sa suppression a donc plutôt favorisé les classes moyennes, pour lesquelles son montant était le plus élevé en pourcentage du revenu.

L’autonomie fiscale des départements a été réduite car ils ne pourront pas modifier le montant de la TVA reçue, contrairement à la taxe foncière qu’ils ont perdue et dont ils pouvaient fixer le taux, et elle est désormais très faible.

H) La réforme du barème de l’impôt sur le revenu

A la suite du mouvement des gilets jaunes, une réforme du barème de l’impôt sur le revenu a été inscrite dans la loi de finances pour 2020, dont le coût est de 5,4 Md€.

L’ancien barème de l’IR n’était qu’apparent car, en fait, des dispositifs complexes (décote et réduction d’impôt de 20 %) en modifiaient profondément l’impact pour les contribuables modestes. La décote conduisait à repousser le véritable seuil d’imposition à 15 000 € après abattement (au lieu de 10 000 € selon le barème apparent) et, conjuguée à la réduction de 20 %, conduisait ensuite à appliquer des taux marginaux d’imposition plus élevés que le taux apparent de 14 % et pouvant aller jusqu’à 39 %.

La réforme réalisée a simplifié le calcul de l’impôt en supprimant la réduction de 20 % mais le maintien d’une décote limite cette simplification. Le vrai seuil d’imposition reste à 15 000 € après abattement (au lieu de 10 000 € selon le nouveau barème apparent). Ensuite, le vrai taux marginal est de 16 % (au lieu de 11 % selon le nouveau barème apparent) jusqu’à la sortie de la décote qui se situe vers 26 000 €, ce qui correspond au nouveau seuil d’entrée dans la tranche à 30 %. Les seuils d’entrée dans les tranches à 30 et 41 % sont un peu plus bas qu’avant la réforme.

Le gain pour un célibataire sans enfant augmente pour les revenus allant de 15 000 € à 22 000 € (après abattement), revenu pour lequel il atteint un maximum de 550 €, puis il diminue jusqu’à un revenu de 28 000 € où il est de 127 €. Son montant reste ensuite le même jusqu’à un revenu d’environ 74 000 € pour lequel il devient nul. Au-delà, la réforme ne change rien au montant de l’impôt.

Cette combinaison compliquée d’un barème apparent et d’une décote pourrait être remplacée, sans aucun impact pour les contribuables, par un « vrai barème » comprenant un seuil d’imposition à 15 000 €, une tranche à 16 % entre 15 000 et 26 000 €, les mêmes tranches à 30 et 41 % que dans le barème apparent. Afficher ce vrai barème aurait l’avantage de la transparence et de la simplicité.

  1. La hausse de la taxe carbone

Depuis 2014, la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) comprend une « composante carbone » (ou « taxe carbone ») exprimée en euros par tonne de CO² émise du fait de la combustion de ces combustibles. Elle s’élevait à 30,50 € en 2017 et le programme d’En Marche prévoyait de la faire monter pour atteindre 100 € par tonne de CO² en 2030.

La loi de finances pour 2018 a programmé une augmentation progressive de cette composante carbone, année par année, jusqu’à un niveau de 86,20 € par tonne de CO² en 2022, ce qui aurait conduit la TICPE à 78,23 centimes par litre de gazole et 77,80 centimes par litre d’essence.

Le rendement budgétaire de cette mesure devait être de 14 Md€ à partir de 2022.

La hausse prévue en 2018 a eu lieu mais, cette augmentation de la fiscalité des carburants (pour 2,4 Md€) ayant été une des principales causes de la crise sociale de l’automne 2018, la loi de finances pour 2019 a annulé les hausses programmées pour les années 2019 à 2022.

La taxation du carbone et les marchés de quotas sont pourtant les meilleurs instruments pour réduire les émissions de CO² car ils permettent de répartir efficacement les efforts de réduction de ces émissions. L’abandon de la hausse prévue de la taxe carbone rend donc plus difficile le respect des objectifs de lutte contre le changement climatique de la France.

Le rapport du montant des taxes sur les produits énergétiques au revenu des ménages est décroissant en fonction du revenu, ce qui leur confère un caractère dégressif. La TICPE pèse ainsi plus fortement sur les ménages modestes. Son impact dépend aussi beaucoup des conditions de logement (mode de chauffage) et de transport entre le domicile et le lieu de travail.

Le produit de la taxe carbone pourrait toutefois être utilisé pour réduire d’autres prélèvements obligatoires, ou financer des dépenses, de sorte d’atténuer les effets de cette hausse des coûts pour les ménages. Une étude du conseil d’analyse économique a ainsi montré que des transferts aux ménages en fonction de leur revenu ou de leur zone d’habitation permettrait de largement atténuer l’impact de son relèvement. Une telle compensation n’avait pas été prévue en 2017.

L’impact budgétaire en 2022 des principales mesures fiscales du quinquennat

Mesures

Impact en Md€

Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés

- 11,1

Transformation du CICE en allègement de cotisations patronales

- 3,0

Baisse des impôts sur la production

- 10,6

Remplacement de l’ISF par l’IFI

- 3,2

Création du prélèvement forfaitaire unique

- 1,8

Substitution de la CSG à des cotisations salariales

- 1,6

Suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales

- 15,7

Réforme du barème de l’impôt sur le revenu

- 5,4

Hausse de la fiscalité énergétique

+ 2,4

SoSource : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2022 ; FIPECO.

urce : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2022 ; FIPECO.

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